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Le cas particulier des sœurs domestiques

2. Le recrutement des Visitandines de Condrieu aux XVIIe et XVIIIe siècles

2.2. Les origines géographiques des Visitandines de Condrieu aux XVIIe et XVIIIe siècles

2.2.2. Le cas particulier des sœurs domestiques

Le petit nombre de sœurs domestiques, 18 sur la totalité de la période couverte par l'étude, empêche de dresser des courbes spécifiques de recrutement comme celles des religieuses de voile noir. L'état de nos sources nous permet de connaître 17 de ces 18 convers et de savoir l'année de leur profession. Cependant, nous n'avons l'origine géographique que pour 7 d'entre elles, soit dans une proportion de 47%. Il est toutefois possible de ressortir quelques caractéristiques et de dire un mot sur ces sœurs de voile blanc.

Tableau 12

Caractéristiques des converses du monastère de la Visitation de Condrieu au XVIIIe siècle

no Nom de la converse Prise d’habit Lieu de

résidence Âge Occupation du père Montant de la dot en livres

1. Françoise Blandine

Guimet 8 novembre 1630 500

2. Marie Louise Culot 1632 Villevocance 200

3 Marie Agathe du

Mesne 13 novembre 1664 60

4 Françoise Bouchet Mai 1677 600

5 Antoinette Marie

Colombet Mai 1681 200

6 Jeanne Marie Vandon 25 juillet 1684 700

7 Jeanne Thérèse Richard 13 juin 1694 800 8 Marie Geneviève Enginol 1695 650 9 Agathe Durant 1714 100 10 Françoise Catherine Cousin 24 avril1732 1000 11 Marie Joseph

Merlanchon 6 juin 1740 Condrieu 27 ans Marinier 150

12 Margueritte Agnès

Chalamel 14 juillet 1754 Saint-Vérand 25 ans Boulanger 200 13 Margueritte Alexis

Dervieu 14 juillet 1754 Saint-Michel 25 ans Charpentier 73 14 Marianne Élisabeth

Duranthon 24 avril 1755

Villevocance 26 ans Marchand de bétail

15 Jeanne-Marie-Anne

David 15 juillet 1759 Condrieu 16 Marie-Louise Goutarel 1er octobre

1783 Condrieu 42 ans Laboureur 17 Marie-Anne Dard 10 juillet 1785 Pélussin 45 ans Laboureur

Le tableau 12 montre l'année de réception pour l'ensemble des 17 sœurs domestiques. Leur âge et l'occupation de leur père nous sont connus pour seulement six d’entre elles. Cependant, nous connaissons le montant de la dot dans treize cas. Lorsqu'il est connu, il est possible de remarquer que l'âge d'entrée est plus tardif que chez les sœurs choristes et associées. Les six converses dont nous connaissons l'âge entrent toutes à l’âge de 25 ans et plus. Elles s'engagent plus tardivement que les sœurs choristes. Pour ces dernières, l'âge moyen d'entrée en religion au XVIIIe siècle se situe entre 20 et 24 ans. Les études ayant abordé les sœurs domestiques concluent toutes que l'entrée tardive dont elles font preuve contribue à leur longévité entre les murs. Estelle Maridet conclut même que très peu de ces religieuses décèdent avant l'âge de 40 ans391. Malheureusement, les sources nous empêchent de vérifier ces données pour les religieuses de Condrieu. À Sainte-Marie des Chaînes, à Lyon, sur les 14 sœurs domestiques entrées au couvent entre 1641 et 1753, il y a seulement trois décès avant l'âge de 59 ans392. Les sœurs domestiques sont sélectionnées en vertu de leur robustesse physique. En effet, il est important d'avoir des femmes fortes et en bonne santé afin de résister à la fatigue occasionnée par les tâches ménagères. Les Constitutions prévoient que « la Supérieure prendra garde que celles qu'elle prendra sovent de bon cors et de bon cœur, de bonne complexion et de bon naturel393». En contrepartie, l'entrée tardive en religion ne permet pas à cette catégorie de religieuses d'atteindre une longue durée de vie religieuse. Les sœurs choristes entrent, en général, plus précocement. Si elles résistent aux maladies, il leur est plus facile d'atteindre une longue carrière religieuse. Claude-Marie de Villars, à son décès à l'âge de 79 ans en 1703, cumule 63 ans de vie religieuse. Même chose pour Jeanne Cécile Durand, qui meurt à l'âge de 81 ans après avoir passé 64 ans chez les Visitandines.

Au niveau de l'origine géographique, trois des huit religieuses proviennent de la ville de Condrieu. Le recrutement s'effectue principalement dans les paroisses en périphérie de la ville à savoir Saint-Michel, Saint-Véland, Pélussin et Villevocance. Bien que notre série ne permette pas d'en témoigner, il semble que le recrutement des sœurs domestiques est caractérisé par une stabilité

391 E. Maridet, « Les Visitandines et la mort... », p. 308-309.

392 A.D.R., 34H166 – Registres de professions, de confirmations de vœux et de sépultures, 1641-1769. 393 F. De Sales, Oeuvres,t. XXV, p. 109.

pendant l'Ancien Régime. Et ce, pour tous les ordres religieux féminins394. Les professions sont régulées par les places disponibles à l'intérieur du couvent. Ainsi, une fois toutes les places comblées, une pause, plus ou moins longue, est faite dans les entrées en religion. Dans le cas des sœurs domestiques, la longévité des religieuses est le moteur du recrutement. À Condrieu, il est possible de le percevoir avec seulement 18 entrées en 162 ans d'existence. Plus spécifiquement, la série que nous avons permet de voir qu'une pause de 32 ans se fait entre les entrées de Marie Louise Culot en 1632 et celle de Marie Agathe du Mesne en 1664. De même, 19 ans séparent la réception de Marie Geneviève Enginol en 1695, de celle d’Agathe Durant en 1714. Plus tard, 14 ans passent entre l'entrée de Marie Joseph Merlanchon, en 1740, et les entrées de Margueritte Angès Chalamel et Margueritte Alexis Dervieu en 1754. C'est probablement par nécessité que les Visitandines de Condrieu accueillent deux sœurs domestiques la même année. Au total, au XVIIIe siècle, ce sont neuf professes de voile blanc qui entrent au couvent.

Au vu des données dont nous disposons, il est aussi possible de mentionner que le recrutement se fait majoritairement en milieu rural et en périphérie de la ville d'implantation du couvent. Les trois sœurs domestiques, dont nous savons qu'elles viennent d’un milieu urbain, sont natives de Condrieu. Les cinq autres proviennent toutes de paroisses rurales. Les paroisses lyonnaises sont bien représentées avec Saint-Vérand, Saint-Michel-sur-Rhône et Pélussin.

À l'aide des informations reliées à la profession du père, ainsi que le montant de la dot, il est possible de faire une première tentative d'analyse de l'origine socioprofessionnelle des religieuses de voile blanc. L'origine socioprofessionnelle des sœurs de chœur et associées est développée dans la partie suivante. Nous connaissons le métier du père dans 35,2% des cas, tous sont roturiers. De fait, la plupart des sœurs domestiques viennent d'un milieu modeste. Marie Joseph Merlanchon est la fille de Mathieu Merlanchon, qui est marinier au port de Condrieu395. Le père de Marie Anne Duranthon, Jean, est marchand de bétail dans le bourg de Villevocance, en Vivarais. Pour les pères dont nous ne connaissons pas l’activité, nous avons des données au sujet des dots. De ce fait, nous possédons 76,5% des dots données par les sœurs domestiques à leur entrée au couvent. Il est possible de voir qu’elles sont modestes, exception faite des 1000 livres de Françoise Catherine Cousin, en 1732. Ainsi,

394 D. Dinet, Vocation et fidélité..., p. 128.

de par leur métier ou le montant de leur dot, il est possible de constater que les pères des sœurs domestiques proviennent du milieu roturier. En terminant, le recrutement des sœurs domestiques semble avoir été facile à effectuer, les prétendantes étant généralement beaucoup plus nombreuses que les places disponibles396.

2.3. Les origines sociales et familiales des religieuses de la Visitation de Condrieu aux XVIIe et XVIIIe