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Le portrait socio-économique de Condrieu aux XVIIe et XVIIIe siècles

1. Les Visitandines de Condrieu : l’établissement et l’organisation interne du couvent (1630-1792)

1.1.2. Le portrait socio-économique de Condrieu aux XVIIe et XVIIIe siècles

La situation particulière de Condrieu, au bord du Rhône, fait du fleuve un paysage, une voie de communication, un obstacle naturel et une frontière administrative132. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, le Rhône « [...]est impétueux, avec de forts courants, des bras multiples et, à la faveur de crues, ravage régulièrement les rives133». Vauban le qualifie d'ailleurs de fleuve rebelle et indomptable, voire de fleuve ennemi de par sa difficulté à franchir et à naviguer134. Les bateliers, nombreux à Condrieu, sont donc très recherchés, dès lors que le Rhône est un obstacle qu'il faut passer. Leurs compétences sont telles qu'à son retour de Montpellier en 1622135, Louis XIII s’arrête à Condrieu afin de « recruter des mariniers

128 Timoty Tackett, « La Grande Peur et le complot aristocratique sous la Révolution », Annales historiques de la Révolution

française, no. 335 (2004), p. 14-15.

129 Arlette Brosselin, Andrée Corvol et François Vion-Delphin, « Les doléances contre l'industrie », Denis Woronoff (dir.),

Forges et forêts. Recherches sur la consommation proto-industrielle du bois, Paris, EHESS, 1990, pp 11-28

130 Luc Rojas, Histoire de révolution technologique : de l'exploitation artisanale à la grande industrie houillère de la Loire,

Paris, L'Harmattan, 2008, p. 9.

131 Luc Rojas, Histoire de révolution technologique : de l'exploitation artisanale à la grande industrie houillère de la Loire,

Paris, L'Harmattan, 2008, p. 9, Luc Rojas, « « Les forgeurs et les limeurs » face à la machine : la destruction de l'atelier de Jacques Sauvade (1er et 2 septembre 1789 », Annales historiques de la Révolution française, no. 376 (2014), p. 36.

132 Michel Ollion, « Épisodes de justice à Condrieu… », p. 40.

133 Michel Guironnet, L'Ancien Régime en Viennois : 1650-1789. Le roi, l'église, le seigneur, la vie au quotidien. Saint-Clair-

du-Rhône, Éditeurs réunis, 1984, p. 192.

134 Jacques Béthemont, Le thème de l'eau dans la vallée du Rhône : essai sur la genèse d'un espace hydraulique, Saint-

Étienne, Publications de l'Université de Saint-Étienne, 1998 (1972), p. 123. Vincent Adoumié (dir), Géographie de la

France, Paris, Hachette, 2013, p. 34. Philippe Leveau, « L'hydrologie du Rhône, l’aménagement du chenal et la gestion

territoriale de ses plaines en aval d'Orange ». Galllia. Tome 56 (1999), p. 108.

135 Sébastien Charléty, « Le voyage de Louis XIII à Lyon en 1622. Étude sur les relations de Lyon et du pouvoir central au

et [...] trouver des bateaux capables de transporter la Cour et les troupes sur le Rhône136». La ville possède cinq ports contigus le long du fleuve : le Sablier, le Grand port, le Petit port, le Rafour et la Maladière. La majorité de la population condriote se rassemble autour de ces ports, qui sont aussi le carrefour économique de la ville. C'est là que se concentre la majorité des activités commerciales de la municipalité : les grains céréaliers, le charbon et le vin137. De plus, un petit commerce de voitures d'eau138 se fait à partir des chantiers de Condrieu. Limitée à l'axe rhodanien, la construction navale condriote possède toute de même une forte clientèle locale et jouit d'une bonne réputation tout au long de l'Ancien Régime139. Les maîtres charpentiers construisent barques et allèges, avec le bois provenant du mont Pilat, qui, pour la plupart, sont mises en état de naviguer à la mer à Arles140. D'ailleurs, la petite ville se situe sur la route navigable entre Arles et Lyon, ce qui fait de Condrieu un important lieu de passage. Outre les mariniers, la ville fournit, pour les bateaux, le bois pour différents usages, dont les réparations. De nombreuses plaintes sont faites concernant des vols de rames et de bateaux, de même que des attaques de bateaux141. Le développement de la batellerie, qui bénéficie, au XVIIIe siècle, de l'essor général des échanges, crée une multitude d'emplois diversifiés. Ainsi, maréchaux-ferrants pour les chevaux des attelages de halage, tonnelier pour le transport par eau des vendanges, cordiers pour le halage, cordonniers, corroyeurs, boulangers, bouchers, tailleurs d'habits, maîtres chapeliers, maçons, charpentiers, tisserands et drapiers participent tous, avec les mariniers, à la vie des ports de Condrieu142.

Un bac permet de traverser le Rhône pour aller au hameau des Roches, annexé à Condrieu depuis le XIIIe siècle. L'embarcation, qui traverse le fleuve guidé par une grosse corde tendue entre le port de Condrieu et les Roches, est un monopole qui appartient pendant longtemps à la famille de Villars, noble famille condriote, et, au XVIIIe siècle, aux comtes de Lyon. Ces derniers le donnent en fermage à un particulier qui s'occupe des transports et des paiements, moyennant une redevance. Si

136 Jean Combe, Histoire du Mont Pilat des temps perdus au XVIIe siècle, Paris, Dumas, 1965, p. 261. 137 N.-F. Cochard Condrieu : notice historique..., p. 34-35.

138 La voiture d'eau, aussi appelé le coche d'eau, est un bateau établi pour transporter d'une ville à une autre les voyageurs

et les marchandises.

139 Philippe Maret, « Les bateaux qui se construisent à Condrieu (1622-1830) », Condrieu et sa région : actes des journées

d'étude, 11 et 12 octobre 1997, Condrieu, Union des Sociétés Historiques du Rhône, 1998, p. 67. Jean-Baptiste Galley, L'Élection de Saint-Étienne à la fin de l'Ancien Régime, Saint-Étienne, Ménard, 1903, p. 336.

140 Patricia Payn-Échalier, « Entre Rhône et Méditerranée : la marine d'Arles au service d'un petit cabotage polyvalent

(XVIe-XVIIIe siècles), Rives méditerranéennes, no 13 (2003), p. 65.

141 M. Ollion, « Épisodes de justice... », p. 41.

les habitants des ports de Condrieu et des Roches sont exemptés de ce droit de passage, les autres s'indignent face à ce droit. Ainsi, de nombreuses fraudes, et tout autant de poursuites, sont faites entre des utilisateurs récalcitrants et les titulaires du bail du bac143. En traversant le Rhône, le bac traverse la frontière douanière entre le Lyonnais et le Dauphiné. Le port des Roches est, en effet, situé en Dauphiné. La situation de Condrieu est particulière, même si elle n'est pas exceptionnelle pour l'Ancien Régime. Ainsi, la ville est une obéance du comté de Lyon pour la justice144, fait partie du diocèse de Vienne, dépend du point de vue des impôts directs de l'élection de Saint-Étienne, et est le siège d'un subdélégué, adjoint de l'intendant. De plus, Condrieu est doté d'une Brigade de la Ferme des Douanes, qui s'occupe de contrôler et taxer les marchandises qui circulent. La frontière passant au milieu de la ville, la situation de Condrieu est remarquable. Beaucoup d'habitants cultivent des vignes du côté des Roches, dans la partie dauphinoise de la ville, mais ramènent le produit de leur vendange dans la partie lyonnaise, à Condrieu. Le fait que la frontière passe au milieu de la ville les oblige à payer des taxes de douanes145.

Malgré la pauvreté du sol de la Généralité de Lyon146, l'agriculture occupe une bonne partie de l'activité économique de Condrieu. Des récoltes de blé, chanvre, pommes de terre, et les vins fournissent l'un des cinq ports de la ville en cargaisons, destinées en grande majorité à Lyon147. Le vin blanc de Condrieu est reconnu dans tout le royaume, et même au-delà. Autant en Dauphiné qu'à Lyon, il est offert aux princes et aux nobles illustres de passage148. Il se négocie à un prix élevé à Paris149 pendant l'Ancien Régime et se trouve sur les meilleures tables de Genève150. Le vin est d'ailleurs la seule ressource condriote qui s'exporte. Le cahier de plaintes et de doléances de Condrieu, en 1789, présente la médiocrité des ressources locales :

143 Ibid., p. 40.

144 Le statut d'obéance du comté de Lyon permet à Condrieu d'avoir un lieutenant du juge qui réside et siège sur place,

accompagné d'un procureur fiscal et d'un greffier. Voir : M. Ollion, « Épisodes de justice... », p. 36.

145 Ibid., p. 41.

146 Marie Clotilde Meillerand, Lyon et son territoire des origines à nos jours, Lyon, LAHRA, Fiches de travail, 2006, p. 14. 147 Anne Montenach, « Le commerce alimentaire Lyonnais au XVIIe siècle : une économie de la frontière ? », Cahiers de

la Méditerranée, no 73 (2006), p. 224

148 René Favier et Alain Belmont, Terres et hommes du Sud-Est sous l'Ancien Régime : Mélanges à Bernard Bonnin,

Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 1996, p. 119.

149 Rolande Gadille, « L'héritage d'une viticulture antique, vignes et vins de Côte-Rôtie et Condrieu », Revue géographique

de Lyon, vol. 53, no. 1 (1978), p. 7.

150 Anne-Marie Piuz et Liliane Mottu-Weber, L'économie genevoise de la Réforme èa la fin de l'Ancien Régime, XVIe-

[...][L]a plaine fluviale [est] « confinée par le […] Rhône ». Elle contient « environ 300 bicherées [de terres, qui représentent 1 055 m2] où l'on ne sème que du seigle, du chanvre et très peu de froment ». La jachère empêche toute culture céréalière une année sur trois. Les fréquentes inondations entravent les récoltes. « La montagne » n'est guère fertile. Elle est « de petite production dans tous les genres ». [...][L]a mauvaise qualité du sol empêche la croissance d'espèce [de bois] nobles pouvant être utilisée par la marine comme bois de charpente151».

Les foires et les marchés qui se tiennent à Condrieu depuis le Moyen Âge se développent aux XVIIe et XVIIIe siècles et rythment la vie marchande de la ville. La majorité des transactions commerciales s'effectue lors de ces moments. À l'instar de nombreuses villes dans lesquelles les foires et les marchés sont le centre de l'économie, comme Lyon152, Condrieu, qui possède un marché hebdomadaire pour les villages des alentours et cinq foires annuelles, accueille de nombreux travailleurs qui s'installent de manière temporaire ou permanente153. Les auberges accueillent ces travailleurs, de même que les voyageurs et les nombreux équipages de passage. Anna Francesca Cradock, noble anglaise qui parcourt la France entre 1783 et 1786, dresse un portrait sévère de ces auberges. La malpropreté est telle que sa servante est incapable de la rendre plus accueillante, malgré un ménage rapide. De plus, le lit est si inconfortable qu'elle passe, avec son mari, une nuit horrible154. Bien qu'elle ait des critères élevés en matière de confort, comme beaucoup d’aristocrates, il n’en reste pas moins qu’une grande partie des auberges françaises des XVIIe et XVIIIe siècles restent insalubres. Néanmoins, les auberges de Condrieu sont réputées pour bien accueillir les mariniers, surtout celle des Roches-de-Condrieu, qui est la meilleure pour la restauration155. Enfin, après des années de prospérité, Condrieu est touchée par la crise économique et financière, qui sévit dans le royaume et qui conditionne les revendications du printemps 1789. « Le mauvais été 1788, très orageux, nuit aux vignobles. Les moissons sont médiocres et l'hiver très rigoureux. Les moulins ne fonctionnent plus sur le Rhône gelé et le pain manque en décembre 1788156 ».

151 T. Giraud, « Le cahier des plaintes... », p. 90.

152 Ariane Godbout, La mémoire rompue : les défis de la coexistence confessionnelle au consulat lyonnais (1563-1567),

Québec, Université Laval, Mémoire de maîtrise, 2017, p. 23.

153 N.-F. Cochard, Condrieu : notice historique..., p. 52

154 Guillaume Garnier, « Le voyage de Madame Cradock en France (1783-1786) : salubrité et conditions de sommeil »,

Annales de Bretagne et des Pays de l'Ouest, 121-3 (2014), p. 36.

155 Louis Menitrieux, La vie marinière du Rhône, Annonay, Hervé Frères, 1909, p. 54. 156 T. Giraud, « Le cahier des plaintes... », p. 84.

Lorsque le commerce s'étiole vers la fin du XVIIIe siècle en raison de la montée de villes concurrentes et de taxes qui ralentissent le développement économique157, de nombreux habitants quittent Condrieu pour émigrer à Lyon158. Ainsi, la population varie en fonction de la santé économique de la ville. Si Maurice Garden avance qu'en 1697, Condrieu est pourvu de 634 feux en 1709 et de 640 en 1720, nous retiendrons que les estimations varient, pour la fin du XVIIIe siècle, entre 3864 et 4845 habitants en 1789159 et que la municipalité devient, tel que mentionné précédemment, la seconde ville la plus peuplée du Lyonnais, derrière Lyon. Le tableau 1 montre la répartition des habitants dans les différents quartiers de Condrieu.

Tableau 1

Nombre d’habitants de Condrieu distribué par quartiers ou bourgs160

Quartier ou bourgs Nombre d’habitants

Quartier de la ville 1724

Le Port 1866

La Maladrerie 800

Maisons éparses 455

Total 4845

Il est impossible, en raison des sources disponibles, d'établir un nombre exact d'habitants pour l'ensemble des XVIIe et XVIIIe siècles. Cependant, les registres paroissiaux permettent d'observer, à des périodes données, la démographie condriote en appréciant les naissances et les décès. Dans le cas présent, nous considérons qu'un baptême équivaut à une naissance. En effet, selon François Lebrun et Jean Quiénart, le baptême se fait dans les heures suivant la naissance de l'enfant ou, au

157 Ibid., p. 97.

158 Maurice Garden, « L’attraction de Lyon à la fin de l'Ancien Régime », Annales de démographie historique, 1970, p. 215.

T. Ogier, La France par cantons..., p. 206. N.-F. Cochard Condrieu : notice historique..., p. 38.

159 Les historiens utilisent généralement deux notions pour traiter de démographie : le nombre de feux ou le nombre

d'habitants. De ces deux notions, seul le nombre d'habitants permet de bien appréhender la population. En effet, le dénombrement à partir de feux est pratiquement impossible. Bien qu'à l'origine le feu représente une notion de famille ou de foyer auquel il est possible d'associer un nombre moyen de personne, il perd, avec le temps, sa réalité démographique pour ne devenir qu'une clef de répartition. André Alix, « Note sur la valeur démographique du «feu» dans l'Ancien Dauphiné », Revue de géographie alpine, no. 11, vol 3 (1923), p. 635. Pour le nombre d'habitants de Condrieu voir N.-F. Cochard, Condrieu : notice historique..., p. 35. Pour le nombre de feux voir : M. Garden, Paroisses

et communes..., p. 116. Dans son article sur les Récollets à Condrieu, Frédéric Meyer donne à la ville une population

de 634 habitants en 1697 et non de 634 feux. Dans le même ordre d'idée, Thierry Giraud, quant à lui, mentionne qu'en 1787, la ville compte 600 feux. Frédéric Meyer, « Les franciscains et la petite ville : les récollets à Condrieu aux XVIIe et XVIIIe siècles », Condrieu et sa région : actes des journées d'étude, 11 et 12 octobre 1997, Condrieu, Union des Sociétés Historiques du Rhône, 1998, p. 53. Thierry Giraud, « Le cahier des plaintes... », p. 84.

plus tard, le lendemain161. Les baptêmes tardifs sont quelque chose d'exceptionnel. Il est aussi possible qu'un baptême puisse se faire dans une paroisse autre que Condrieu, mais cette réalité est considérée comme marginale, et seulement dans les corps de métiers qui nécessitent du mouvement, tels que les marchands itinérants ou les travailleurs saisonniers. Enfin, l'absence d’une communauté protestante structurée à Condrieu permet de penser que peu de naissances ne finissent pas par un baptême à l'église, sauf dans le cas des enfants mort-nés162. L'ostracisme qu'amène un décès sans baptême pousse les parents à faire baptiser les nouveau-nés morts ou proche du décès par la pratique de l'ondoiement, ou d'aller dans un sanctuaire à répit163. Ainsi, le cas d'un garçon sans nom, fils de Pierre Bigos et Jeanne Ronnefons, né et mort le 9 mars 1774, ondoyé le jour même par le prêtre de Condrieu164. Les cas d'ondoiement sont comptabilisés par le prêtre dans les décès de son registre. Cependant, il est impossible de comptabiliser les enfants mort-nés dont les parents vont dans un sanctuaire à répit165. Il en existe un dans le diocèse de Vienne, à la cathédrale Saint-Maurice de Vienne.

Dans ces cas, l'enfant « miraculé » est baptisé et inhumé là où il a eu son répit. Ainsi, les enfants mort-nés de Condrieu qui sont portés au sanctuaire, ne devraient pas figurer dans les registres de Condrieu, mais bien dans ceux de Vienne. Une rapide analyse de ces registres ne nous a pas permis de retrouver la trace de répit d'enfants de Condrieu. Bien que la pratique soit condamnée par l'Église et officiellement interdite en 1751 par Benoit XIV, le rituel n'est cependant pas éradiqué166. De ce fait, malgré l'absence de certaines années, il est possible d'entrevoir une courbe du niveau des naissances et des décès à Condrieu aux XVIIe et XVIIIe siècles dans le tableau 2.

161 François Lebrun, La vie conjugale sous l'Ancien Régime, Paris, Armand Collin, 1985, p. 119, Jean Quéniart, Les

Hommes, l'Église et Dieu dans la France du XVIIIe siècle, Paris, Hachette, 1978 p. 146.

162 Il est utile de mentionner ici que la qualité des registres paroissiaux dépend de l'assiduité du prêtre qui le tient. Il n'est

pas impossible d'avoir des naissances et décès « perdus » c'est-à-dire non comptabilisé dans les registres. S'il est possible de retrouver ces naissances en reconstituant les familles avec les actes de mariages ou de décès. Bien évidemment, ce n'est pas le propos de cette recherche et les données avancées visent à donner un rapide coup d'oeil de la vitalité de la démographie de Condrieu.

163 Stéfan Tzortzis et Isabelle Séguy, « Pratiques funéraires en lien avec les décès des nouveau-nés » Socio-anthropologie,

no 22 (2008), p. 87.

164 A.D.R, 64GG28 – Baptême-Mariage-Sépulture (1774).

165 Les sanctuaires à répit sont églises dans lesquelles on amenait les enfants mort-nés sans baptême dans l'espoir que

Dieu leur rend la vie pendant un bref instant, le répit, afin de pouvoir les baptiser et leur permettre d'accéder au ciel. L'historien Jacques Gélis en a dénombré 277 en France. Jacques Gélis, Les enfants des limbes : mort-nés et parents

dans l'Europe chrétienne, Paris, Audibert, 2006, p. 12.

Tableau 2

Naissances et décès à Condrieu aux XVIIe et XVIIIe siècles167

Années Baptêmes Enterrements

1672 à 1677 728 206168 1680 à 1686 683 691 1705 à 1708 377 274 1710 à 1715 578 411 1718 à 1720 266 51 1723 à 1727 462 355 1729 à 1732 330 241 1735 à 1737 325 219 1738 160 152 1740 134 191 1743 à 1747 692 581 1750 à 1751 261 168 1752 à 1753 163 143 1771-1772 189 200 1774 191 153 1779 200 145

Les données présentes dans le tableau permettent de voir, malgré l'impossibilité de les regrouper en périodes fixes de 5 ou 10 ans, que Condrieu n'est pas touchée, à priori, par ce que les historiens Vincent Milliot et Phillipe Minard appellent des accidents conjoncturels qui amènent une crise démographique marquée, entre autres, par une chute des naissances et une hausse brutale de la mortalité169. De la fin du XVIIe siècle et pendant le XVIIIe siècle, les naissances se maintiennent autant que les décès. Malgré tout, le nombre moyen de personnes par famille diminue. Alors qu'il était de 10 membres (adultes, enfants et bébés) par famille en 1697, il n'est que de 5 aux Roches-de-Condrieu vers 1768170. Bien qu'une épidémie de dysenterie frappe la France en 1779, elle touche inégalement les provinces du royaume. Alors que « les plus touchées, de beaucoup, [sont] les provinces de l'Ouest [qui] correspond[ent] aux intendances de La Rochelle, Poitiers, Rennes et Tours171 », Condrieu semble

167 A.D.R., 64GG7 – Baptêmes, mariage, sépultures (1672-1673) jusqu'à A.D.R., 64GG29 (1779)

168 Ce nombre de décès sur une période de cinq ans nous paraît être bien peu en rapport, notamment, aux 691 décès qui

ont eu lieu en 1680 et 1686. Bien qu'il puisse être fidèle à la réalité, il peut aussi s'agir d'omission de la part du prêtre si celui-ci apporte peu de soins à la tenue du registre.

169 Vincent Milliot et Philippe Minard, La France d'Ancien Régime : pouvoir et société, Paris, Armand Collin, 2018, p. 77. 170 Christianne Lombard Déaux, Seigneurs et seigneuries en Lyonnais et Beaujolais des guerres de religion à la Révolution,

Lyon, Éditions Bellier, 2005, p. 12.

171 François Lebrun, « Une grande épidémie en France au XVIIIe siècle : la dysenterie de 1779 », Annales de démographie

historiques. Hommage à Marcel Reinhard. Sur la population française au XVIIIe et au XIXe siècles, Hors-série (1973),

éviter le pire. Le curé de Condrieu, Pierre Bonnardel, note même à la fin de son registre de baptêmes, de mariages et de sépultures pour l'année 1779, qu’« en comparant les naissances avec les morts […] la population de cette ville a augmenté cette année à peu près d'un sixième172 ».