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L’organisation conventuelle : les catégories de religieuses

1. Les Visitandines de Condrieu : l’établissement et l’organisation interne du couvent (1630-1792)

1.3. Entre les murs de la Visitation; l’organisation interne, l’entrée en religion et les charges

1.3.1. L’organisation conventuelle : les catégories de religieuses

L'organisation conventuelle se compose de trois catégories de religieuses : les choristes, les associées et les domestiques. Les choristes et les associées forment le groupe de religieuses de voile noir et se différencient uniquement par la participation des choristes à la chorale. Au sein du monastère, plusieurs charges existent pour assurer le bon fonctionnement de la communauté. Ainsi, il est possible de retrouver les postes de cordonnière, de portière, de maitresse du pensionnat et de directrice des novices. Cette dernière montre aux prétendantes les rouages et les règles du couvent, tout en les formant à devenir religieuses236. L'économe tient les inventaires et les comptes, qu'elle doit mettre de manière systématique par écrit, et dresse, avec la dépensière, la liste des besoins de la communauté237.

235 Lettres ou Mémoires nécrologiques sur les religieuses de la Visitation de différentes maisons, 1746-1766. Aix, Augustin

Adibert imprimeur, 1764. p. 302.

236 Règle de St Augustin et constitution et directoire pour les sœurs religieuses de la Visitation, Paris, Langlois, 1700, p.9. 237 Juliette Pinçon, Quand les Visitandines prennent la plume. Écrit et écritures au sein de la Visitation sous l'Ancien

Chaque monastère a une sœur archiviste, dont le rôle est de s'assurer du bon ordre des papiers du couvent pour que la communauté les trouve facilement en cas de besoin, de la gestion des papiers qui sortent en dehors du monastère et de la tenue du livre du couvent238. La supérieure nomme quatre coadjutrices qui l'épaulent et la conseillent face aux divers problèmes que rencontre la communauté. Parmi celles-ci se trouvent deux surveillantes qui veillent à l'observance dans le couvent et une assistante qui, en tant que lieutenant de la supérieure, doit travailler de concert avec elle au bon ordre et à l'avancement des sœurs vers la perfection. Le poste d'assistante est le seul que les sœurs associées ne peuvent occuper. En effet, l'assistante doit surveiller le chant de l'office et les sœurs associées en sont dispensées en raison d'une règle adoucie. Le poste de supérieure, le plus élevé de la hiérarchie au sein de la communauté, doit être occupé par une sœur qui a fait beaucoup d'autres charges. Le concile de Trente mentionne que la supérieure doit être âgée d'au moins quarante ans et avoir, au minimum, huit années de profession.

Les sœurs domestiques font, comme les choristes et les associées, une profession religieuse, mais portent un voile blanc au lieu du voile noir. Elles ne sont pas destinées aux offices du couvent et aux ordres sacrés. Ce sont elles qui s'occupent des tâches ménagères à l'intérieur du monastère. Il est prévu que « les sœurs domestiques [soient] employées à faire tous les services de mesnage, comme de faire la lescive, petrir le pain, ader au jardin, apprester à manger, laver la vaisselle, et autres services extérieurs de la maison239» Elles sont, bien souvent, issues de milieux sociaux plus modestes que les sœurs de voile noir. Les Constitutions limitent à quatre le nombre de sœurs domestiques pouvant composer la communauté240. Au total, entre 1630 et 1792, les Visitandines de Condrieu acceptent dix-huit sœurs domestiques. Parmi les critères de sélection, celui de la pauvreté et la naissance roturière sont les plus importants. Ainsi, lorsque Marie-Catherine de Villars demande qu'on lui fasse la grâce de la recevoir en tant que sœur domestique, on la lui refuse et lui donne le voile noir lors de sa profession. Elle vient d'une famille noble de Condrieu et est la cousine du fondateur du couvent241. Une fois acceptée entre les murs du couvent, une sœur domestique doit faire preuve

238 Fabienne Henryot, « Croire, savoir, se souvenir : Typologie des gestes de l'écrit dans l'univers régulier à l'époque

moderne», Claire Clivaz, Jérôme Meizoz et François Vallotton (dir.), Lire demain : Des manuscrits anciens à l'ère digital.

Reading Tomorroy : From Ancient Manuscripts to the Digital Area. Actes du colloque international de Lausanne, 23-25 août 2011. Lausanne, PPUR, 2012. p. 552.

239 F. de Sales, Coustumier et directoire..., p. 168-169. 240 F. de Sales, Oeuvres, t. XXV, p. 65.

d'obéissance, d'une certaine forme de servilité et d'une grande ardeur au travail242. Malgré cette position subalterne, elles ne doivent cependant pas être traitées différemment en ce qui concerne la nourriture, les soins de santé et l'avancement spirituel. François de Sales précise qu'elles doivent être « traittees cherement et cordialement par la Superieure et par toutes les autres Seurs, puisqu'en cette Congregation doit vivre sans murmuration ni mespris, ains avec esgale dilection, Marthe et Magdeleine, en vrayes seurs et bienaymees de Nostre Seigneur243».

Il convient de glisser un mot sur les sœurs tourières, qui ne sont pas comptabilisées dans les rangs des religieuses. Ces sœurs ne font pas de profession, mais reçoivent une oblation par laquelle elles s'offrent au monastère et promettent de respecter les règles des Visitandines. Elles sont le lien avec l'extérieur et s'occupent des courses dont les chargent l'économe et la dépensière. Entre 1630 et 1792, les Visitandines de Condrieu reçoivent six sœurs tourières.

Le recrutement d'une nouvelle religieuse l'amène donc à entrer dans une micro-société à part entière, où chaque élément a un rôle à jouer pour le maintien de l'ordre et de l'observance. Tout comme dans le monde civil, la naissance joue un rôle lors de la profession. Ainsi, une fille de noble ne peut occuper un rang destiné à une fille de roturier. L'appartenance à l'une des trois catégories de religieuses se fait directement lors de l'entrée en religion.