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L'oeuvre d'art au coeur des lieux de mémoire comme métaphore des identités

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Academic year: 2021

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L'œuvre d'art au cœur des lieux de mémoire comme

métaphore des identités

Mémoire

Myriam Lambert

Maîtrise en arts visuels

Maître ès arts (M.A.)

Québec, Canada

(2)

L'œuvre d'art au cœur des lieux de mémoire comme

métaphore des identités

Mémoire

Myriam Lambert

Sous la direction de :

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RÉSUMÉ

L’œuvre d’art au cœur des lieux de mémoire explore 3 types de liens entre la mémoire et les lieux par des explorations artistiques. Dans un premier temps, je cherche à constituer un lieu mnémonique par le biais de l’œuvre Noroît dans l’hippocampe. En second temps, je cherche à cristalliser un évènement singulier de l’histoire collective dans un lieu donné et la troisième exploration est de faire l’expérience d’un clivage culturel radical afin d’analyser la liberté que cette confrontation peut offrir. Un regard théorique sur les identités, les lieux, la mémoire, les lieux de mémoire, l’histoire et l’archive est effectué afin de développer en profondeur la question principale qui est : Comment une œuvre d’art peut s’inscrire dans un lieu de mémoire? L’œuvre finale est constituée de tout le corpus d’interventions créées durant mes quatre années au deuxième cycle.

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TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ ... III TABLE DES MATIÈRES ... IV LISTE DES FIGURES ... VI DÉDICACE ... X REMERCIEMENTS ... XI INTRODUCTION ... 1 MÉTHODOLOGIE ... 2 LIEU DE MÉMOIRE ET IDENTITÉS ... 4 IDENTITÉ ... 6 1. EXPLORATION 1 – NOROÎT DANS L’HIPPOCAMPE ... 8 1.1 MÉTAPHORE DE LA MÉMOIRE QUÉBÉCOISE ... 8

1.2 DISPOSITIF DANS L’ÉGLISE ST‐DOMINIQUE ... 9

1.2.1 LA RESSEMBLANCE/SE RECONNAÎTRE PAR L’INTIME ... 13

1.3 À L’ESPACE 400E ... 16

1.3.1 L’œuvre dans le lieu ... 16

1.4 NOROÎT DANS L’HIPPOCAMPE SANS LES ÉOLIENNES À L’ÉGLISE ST ‐ DOMINIQUE ... 19

1.5 L’ACTION ... 22 2. EXPLORATION 2 – LES SPOTTERS OU CONCERT DE BOTTES MILITAIRES SUR UN CERCUEIL ... 24 2.1 CRISTALLISER UN ÉVÈNEMENT SINGULIER DE L’HISTOIRE COLLECTIVE DANS UN LIEU DONNÉ ... 24 2.1.1 Événement/histoire/identité ... 27 2.1.2 Monument ... 29 3. EXPLORATION 3 – LE CHEMIN ... 31 3.1 CHEMIN DES DISPARUS ... 34 ESPACE PUBLIC ... 36 3.1.1 L’(in)encenser – Córdoba ... 38 3.1.2 Marche en liberté ... 41 3.1.3 Chacaritas ... 43 3.1.4 Nombre inconnu + 1 ... 45 3.1.5 Ode à la solitude ... 48

3.2 DIFERENCIAS/SIMILITUDES – LA ISLA SAN LUCAS ... 49

3.3 FAIRE ÉTAT D’UN CHEMIN ... 54 3.3.1 Chemin des disparus – LIVRE ... 54 3.3.2 Diferencias/Similitudes – Exposition à l’ex‐pénitencier de San José – Nécessité de la documentation lors des chemins ... 60 3.3.3 Chemin des disparus – Exposition à la Maison Hamel Bruneau ... 63 3.3.4 Conclusion – Faire état d’un chemin ... 68 CONCLUSION ... 69 BIBLIOGRAPHIE ... 71 Catalogues d’exposition ... 71 Livres d’artistes ... 71 Livres ... 71

(5)

Documentations audiovisuelles ... 72

Périodiques ... 73 ANNEXE ... 76

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LISTE DES FIGURES

FIGURE 1 ‐ DÉTAIL DE L’ŒUVRE NOROÎT DANS L'HIPPOCAMPE. MATÉRIAUX : LIEU, ÉOLIENNES (ALUMINIUM, MOTEURS), PROJECTIONS D’IMAGES D’ARCHIVES, SON D’ARCHIVES. LIEU : ÉGLISE ST‐DOMINIQUE, QUÉBEC. (2010) ... 10 FIGURE 2 ‐ DÉTAIL DE L’ŒUVRE NOROÎT DANS L'HIPPOCAMPE. MATÉRIAUX : LIEU, ÉOLIENNES (ALUMINIUM, MOTEURS),

PROJECTIONS D’IMAGES D’ARCHIVES, SON D’ARCHIVES. LIEU : ÉGLISE ST‐DOMINIQUE, QUÉBEC. (2010) ... 11

FIGURE 3 ‐ DÉTAIL DE L’ŒUVRE NOROÎT DANS L'HIPPOCAMPE. MATÉRIAUX : LIEU, ÉOLIENNES (ALUMINIUM, MOTEURS), PROJECTIONS D’IMAGES D’ARCHIVES, SON D’ARCHIVES. LIEU : ÉGLISE ST‐DOMINIQUE, QUÉBEC. (2010) ... 11

FIGURE 4 ‐ DÉTAIL DE L’ŒUVRE NOROÎT DANS L'HIPPOCAMPE. MATÉRIAUX : LIEU, ÉOLIENNES (ALUMINIUM, MOTEURS), PROJECTIONS D’IMAGES D’ARCHIVES, SON D’ARCHIVES. LIEU : ÉGLISE ST‐DOMINIQUE, QUÉBEC. (2010) ... 12

FIGURE 5 ‐ DÉTAIL DE L’ŒUVRE NOROÎT DANS L'HIPPOCAMPE. MATÉRIAUX : LIEU, ÉOLIENNES (ALUMINIUM, MOTEURS), PROJECTIONS D’IMAGES D’ARCHIVES, SON D’ARCHIVES. LIEU : ÉGLISE ST‐DOMINIQUE, QUÉBEC. (2010) ... 12

FIGURE 6 ‐ DÉTAIL DE L’ŒUVRE NOROÎT DANS L'HIPPOCAMPE. MATÉRIAUX : LIEU, ÉOLIENNES (ALUMINIUM, MOTEURS), PROJECTIONS D’IMAGES D’ARCHIVES, SON D’ARCHIVES. LIEU : ÉGLISE ST‐DOMINIQUE, QUÉBEC. (2010) ... 13

FIGURE 7 ‐ DÉTAIL DE L’ŒUVRE NOROÎT DANS L'HIPPOCAMPE. MATÉRIAUX : ÉOLIENNES (ALUMINIUM, MOTEURS), PROJECTIONS D’IMAGES D’ARCHIVES, SONS D’ARCHIVES, BANC D’ÉGLISE EN BOIS. LIEU : ESPACE 400E, QUÉBEC.

(2010) CRÉDIT PHOTOGRAPHIQUE : STÉPHANE BOURGEOIS... 17

FIGURE 8 ‐ DÉTAIL DE L’ŒUVRE NOROÎT DANS L'HIPPOCAMPE. MATÉRIAUX : ÉOLIENNES (ALUMINIUM, MOTEURS), PROJECTIONS D’IMAGES D’ARCHIVES, SONS D’ARCHIVES, BANC D’ÉGLISE EN BOIS. LIEU : ESPACE 400E, QUÉBEC.

(2010) CRÉDIT PHOTOGRAPHIQUE : STÉPHANE BOURGEOIS... 18

FIGURE 9 ‐ DÉTAIL DE L’ŒUVRE NOROÎT DANS L'HIPPOCAMPE. MATÉRIAUX : ÉOLIENNES (ALUMINIUM, MOTEURS), PROJECTIONS D’IMAGES D’ARCHIVES, SONS D’ARCHIVES, BANC D’ÉGLISE EN BOIS. LIEU : ESPACE 400E, QUÉBEC.

(2010) CRÉDIT PHOTOGRAPHIQUE : STÉPHANE BOURGEOIS... 18

FIGURE 10 ‐ DÉTAIL DE L’ŒUVRE NOROÎT DANS L'HIPPOCAMPE VERSION II (SANS LES ÉOLIENNES). MATÉRIAUX : LIEU, PROJECTIONS D’IMAGES D’ARCHIVES, SONS. LIEU : ÉGLISE ST‐DOMINIQUE, QUÉBEC. (2010) ... 20

FIGURE 11 ‐ DÉTAIL DE L’ŒUVRE NOROÎT DANS L'HIPPOCAMPE VERSION II (SANS LES ÉOLIENNES). MATÉRIAUX : LIEU, PROJECTIONS D’IMAGES D’ARCHIVES, SONS. LIEU : ÉGLISE ST‐DOMINIQUE, QUÉBEC. (2010) ... 20

FIGURE 12 – DÉTAIL DE L’ŒUVRE NOROÎT DANS L'HIPPOCAMPE VERSION II (SANS LES ÉOLIENNES). MATÉRIAUX : LIEU, PROJECTIONS D’IMAGES D’ARCHIVES, SONS. LIEU : ÉGLISE ST‐DOMINIQUE, QUÉBEC. (2010) ... 21

FIGURE 13 – DÉTAIL DE L’ŒUVRE LES SPOTTERS OU CONCERT DE BOTTES MILITAIRE SUR UN CERCUEIL. MATÉRIAUX :

LIEU, BOIS, BOTTES, MOTEUR, SON, SQUELETTE DE BICYCLETTE. LIEU : PARVIS DE L’ÉGLISE ST‐ROCH, QUÉBEC.

(2011) ... 25 FIGURE 14 ‐ DÉTAIL DE L’ŒUVRE LES SPOTTERS OU CONCERT DE BOTTES MILITAIRE SUR UN CERCUEIL. MATÉRIAUX : LIEU,

BOIS, BOTTES, MOTEUR, SON, SQUELETTE DE BICYCLETTE. LIEU : PARVIS DE L’ÉGLISE ST‐ROCH, QUÉBEC. (2011)

... 26 FIGURE 15 – DÉTAIL DE L’INTERVENTION L’(IN)ENCENCER. MATÉRIAUX : LIEU, ENCENSOIR BÉNIT, MILLIER DE NOMS DE

DISPARUS, PAPIER. LIEU : FACE AU CAMP DE CONCENTRATION D2 ET À LA CATHÉDRALE DE CÓDOBA, DANS LA

PLAZA SAN MARTIN, ARGENTINE. (2011) ... 39 FIGURE 16 ‐ DÉTAIL DE L’INTERVENTION MARCHE EN LIBERTÉ. MATÉRIAUX : LIEU, PHOTOGRAPHIES DE ANCIENS

RESPONSABLES DE LA DICTATURE, SABLE. DIMENSIONS : 2 MÈTRES X 2 MÈTRES. LIEU : FACE À LA MER ET À L’ANCIEN CAMP DE CONCENTRATION DE MAR DEL PLATA, MAR DEL PLATA, ARGENTINE. (2011) ... 41

FIGURE 17 ‐ DÉTAIL DE L’INTERVENTION MARCHE EN LIBERTÉ. MATÉRIAUX : LIEU, PHOTOGRAPHIES DE ANCIENS RESPONSABLES DE LA DICTATURE, SABLE. DIMENSIONS : 2 MÈTRES X 2 MÈTRES. LIEU : FACE À LA MER ET À L’ANCIEN CAMP DE CONCENTRATION DE MAR DEL PLATA, MAR DEL PLATA, ARGENTINE. (2011) ... 42

FIGURE 18 – DÉTAIL DE L’INTERVENTION MARCHE EN LIBERTÉ. MATÉRIAUX : LIEU, PHOTOGRAPHIES DE ANCIENS RESPONSABLES DE LA DICTATURE, SABLE. DIMENSIONS : 2 MÈTRES X 2 MÈTRES. LIEU : FACE À LA MER ET À L’ANCIEN CAMP DE CONCENTRATION DE MAR DEL PLATA, MAR DEL PLATA, ARGENTINE. (2011) ... 42

FIGURE 19 ‐ DÉTAIL DE L’INTERVENTION CHACARITAS. MATÉRIAUX : LIEUX, 81 FLEURS, 81 NOMS DE DISPARUS.

DIMENSIONS : 15 MÈTRES DE DIAMÈTRE. LIEU : DANS LE CIMETIÈRE POPULAIRE CHACARITAS, BUENOS AIRES

ARGENTINE. (2011) ... 43

FIGURE 20 ‐ DÉTAIL DE L’INTERVENTION CHACARITAS. MATÉRIAUX : LIEUX, 81 FLEURS, 81 NOMS DE DISPARUS.

DIMENSIONS : 15 MÈTRES DE DIAMÈTRE. LIEU : DANS LE CIMETIÈRE POPULAIRE CHACARITAS, BUENOS AIRES

(7)

FIGURE 21 ‐ DÉTAIL DE L’INTERVENTION NOMBRE INCONNU + 1, MATÉRIAUX : LIEU, TISSUS BLANC, NOMS DE DISPARUS +

1, FONTAINE DE LA PLACE PUBLIQUE. DIMENSIONS : 4 MÈTRES DE DIAMÈTRE. LIEU : FACE AU PARLEMENT ET DE LA CATHÉDRALE DE LA CAPITALE, LA PLATA, ARGENTINE. (2011) ... 45

FIGURE 22 ‐ DÉTAIL DE L’INTERVENTION NOMBRE INCONNU + 1, MATÉRIAUX : LIEU, TISSUS BLANC, NOMS DE DISPARUS +

1, FONTAINE DE LA PLACE PUBLIQUE. DIMENSIONS : 4 MÈTRES DE DIAMÈTRE. LIEU : FACE AU PARLEMENT ET DE LA CATHÉDRALE DE LA CAPITALE, LA PLATA, ARGENTINE. (2011) ... 46

FIGURE 23 ‐ DÉTAIL DE L’INTERVENTION NOMBRE INCONNU + 1, MATÉRIAUX : LIEU, TISSUS BLANC, NOMS DE DISPARUS +

1, FONTAINE DE LA PLACE PUBLIQUE. DIMENSIONS : 4 MÈTRES DE DIAMÈTRE. LIEU : FACE AU PARLEMENT ET DE LA CATHÉDRALE DE LA CAPITALE, LA PLATA, ARGENTINE. (2011) ... 47

FIGURE 24 ‐ DÉTAIL DE L’INTERVENTION ODE À LA SOLITUDE. MATÉRIAUX : LIEU, BOITE DE BOIS, CHAUDIÈRE DE PLASTIQUE. DIMENSIONS : LA COURS DE L’ANCIEN CAMP DE CONCENTRATION. LIEU : ANCIEN CAMP DE

CONCENTRATION, TUCÚMAN, ARGENTINE. (2011) ... 48

FIGURE 25 ‐ DÉTAIL DE L’INTERVENTION DIFERENCIAS/SIMILITUDES. MATÉRIAUX : LIEU, TAPIS ROUGE. LIEU :

PÉNITENCIER LE L’ÎLE SAN LUCAS, PUNTARENAS, COSTA RICA. (2012) ... 51

FIGURE 26 ‐ DÉTAIL DE L’INTERVENTION DIFERENCIAS/SIMILITUDES. MATÉRIAUX : LIEU, TAPIS ROUGE. LIEU :

PÉNITENCIER LE L’ÎLE SAN LUCAS, PUNTARENAS, COSTA RICA. (2012) ... 51

FIGURE 27 ‐ DÉTAIL DE L’INTERVENTION DIFERENCIAS/SIMILITUDES. MATÉRIAUX : LIEU, TAPIS ROUGE. LIEU :

PÉNITENCIER LE L’ÎLE SAN LUCAS, PUNTARENAS, COSTA RICA. (2012) ... 52

FIGURE 28 ‐ DÉTAIL DE L’INTERVENTION DIFERENCIAS/SIMILITUDES. MATÉRIAUX : LIEU, TAPIS ROUGE. LIEU :

PÉNITENCIER LE L’ÎLE SAN LUCAS, PUNTARENAS, COSTA RICA. (2012) ... 53

FIGURE 29 – IMAGE DU LIVRE D’ARTISTE CHEMIN DES DISPARUS. ARCHIVE. : CORPS D’IVAN HRYHORYSHUK, TUÉ EN TENTANT DE S’ÉCHAPPER DU CAMP D’INTERNEMENT SPIRIT LAKE, ABITIBI, QUÉBEC, 1915. PHOTO DE LA

COLLECTION « IN MY CHARGE » DE SERGEANT WILLIAM BUCK. ... 58

FIGURE 30 ‐ IMAGE DU LIVRE D’ARTISTE CHEMIN DES DISPARUS. BIBLIOTHÈQUE ET ARCHIVES CANADA :. OUVRIERS CHINOIS AU CAMP PETAWAWA, ONTARIO, 1917. C‐0688863 ... 58

FIGURE 31 – IMAGE DU LIVRE D’ARTISTE CHEMIN DES DISPARUS. BIBLIOTHÈQUE ET ARCHIVES CANADA : QUAI AU CAMP D’INTERNEMENT SPIRIT LAKE, ABITIBI, QUÉBEC, 1915. PA‐181336. ... 59 FIGURE 32 – IMAGE DU LIVRE D’ARTISTE CHEMIN DES DISPARUS. BIBLIOTHÈQUE ET ARCHIVES CANADA : EFFET DE LA

DÉFORESTATION AUTOUR DU CAMP D’INTERNEMENT SPIRIT LAKE, ABITIBI, QUÉBEC, 1914‐1920. PA‐170570.

... 59 FIGURE 33 ‐ DÉTAIL DE L’INTERVENTION DIFERENCIAS/SIMILITUDES. MATÉRIAUX : LIEU, TAPIS ROUGE, PHOTOGRAPHIE.

LIEU : ANCIEN PÉNITENCIER DE SAN JOSÉ/MUSEO DE LOS NIÑOS, GALERIA NACIONAL DEL COSTA RICA, SAN JOSÉ,

COSTA RICA. (2012) ... 62

FIGURE 34 ‐ DÉTAIL DE L’INTERVENTION DIFERENCIAS/SIMILITUDES. MATÉRIAUX : LIEU, TAPIS ROUGE, PHOTOGRAPHIE.

LIEU : ANCIEN PÉNITENCIER DE SAN JOSÉ/MUSEO DE LOS NIÑOS, GALERIA NACIONAL DEL COSTA RICA, SAN JOSÉ,

COSTA RICA. (2012) ... 62

FIGURE 35 ‐ DÉTAIL DE L’INTERVENTION CHEMIN DES DISPARUS. MATÉRIAUX : CLOCHES, NOMS DES DISPARUS, SONS D’ARCHIVE. LIEU : MAISON HAMEL‐BRUNEAU. (2014) ... 65

FIGURE 36 ‐ DÉTAIL DE L’INTERVENTION CHEMIN DES DISPARUS. MATÉRIAUX : CLOCHES, NOMS DES DISPARUS, SONS D’ARCHIVE. LIEU : MAISON HAMEL‐BRUNEAU. (2014) ... 65

FIGURE 37 ‐ DÉTAIL DE L’INTERVENTION CHEMIN DES DISPARUS. MATÉRIAUX : CLOCHES, NOMS DES DISPARUS, SONS D’ARCHIVE. LIEU : MAISON HAMEL‐BRUNEAU. (2014) ... 66

FIGURE 38 ‐ DÉTAIL DE L’INTERVENTION CHEMIN DES DISPARUS. MATÉRIAUX : CLOCHES, NOMS DES DISPARUS, SONS D’ARCHIVE. LIEU : MAISON HAMEL‐BRUNEAU. (2014) ... 66 FIGURE 39 ‐ DÉTAIL DE L’INTERVENTION CHEMIN DES DISPARUS. MATÉRIAUX : CLOCHES, NOMS DES DISPARUS, SONS

D’ARCHIVE. LIEU : MAISON HAMEL‐BRUNEAU. (2014) ... 67

FIGURE 40 ‐ DÉTAIL DE L’ŒUVRE LA DÉRIVE DE L’AFFECT. MATÉRIAUX : ARCHIVES VIDÉOGRAPHIQUES,

PHOTOGRAPHIQUES ET SONORES, TEXTES. LIEU DE MÉMOIRE : INTERNET. (2011) ... 77

FIGURE 41 ‐ DÉTAIL DE L’ŒUVRE LA DÉRIVE DE L’AFFECT. MATÉRIAUX : ARCHIVES VIDÉOGRAPHIQUES,

PHOTOGRAPHIQUES ET SONORES, TEXTES. LIEU DE MÉMOIRE : INTERNET. (2011) ... 77

FIGURE 42 ‐ DÉTAIL DE L’ŒUVRE LA DÉRIVE DE L’AFFECT. MATÉRIAUX : ARCHIVES VIDÉOGRAPHIQUES,

PHOTOGRAPHIQUES ET SONORES, TEXTES. LIEU DE MÉMOIRE : INTERNET. (2011) ... 78

FIGURE 43 ‐ DÉTAIL DE L’ŒUVRE LA DÉRIVE DE L’AFFECT. MATÉRIAUX : ARCHIVES VIDÉOGRAPHIQUES,

(8)

FIGURE 44 ‐ DÉTAIL DE L’ŒUVRE LA DÉRIVE DE L’AFFECT. MATÉRIAUX : ARCHIVES VIDÉOGRAPHIQUES,

PHOTOGRAPHIQUES ET SONORES, TEXTES. LIEU DE MÉMOIRE : INTERNET. (2011) ... 79

FIGURE 45 ‐ DIFERENCIAS. MATÉRIAUX : LIEU, INTERVENTION PERFORMATIVE PHOTOGRAPHIQUE. LIEU DE MÉMOIRE :

SOURCE D’EAU OÙ IL Y AVAIT LE SACRIFICES HUMAINS, CHITCHEN ITZA, MEXIQUE. (2012) ... 80

FIGURE 46 ‐ DIFERENCIAS. MATÉRIAUX : LIEU, INTERVENTION PERFORMATIVE PHOTOGRAPHIQUE. LIEU DE MÉMOIRE :

SOURCE D’EAU OÙ IL Y AVAIT LE SACRIFICES HUMAINS, CHITCHEN ITZA, MEXIQUE. (2012) ... 81

FIGURE 47 ‐ DIFERENCIAS. MATÉRIAUX : LIEU, INTERVENTION PERFORMATIVE PHOTOGRAPHIQUE. LIEU DE MÉMOIRE :

SOURCE D’EAU OÙ IL Y AVAIT LE SACRIFICES HUMAINS, CHITCHEN ITZA, MEXIQUE. (2012) ... 82

FIGURE 48 ‐ DIFERENCIAS. MATÉRIAUX : LIEU, INTERVENTION PERFORMATIVE PHOTOGRAPHIQUE. LIEU DE MÉMOIRE :

SOURCE D’EAU OÙ IL Y AVAIT LE SACRIFICES HUMAINS, CHITCHEN ITZA, MEXIQUE. (2012) ... 83 FIGURE 49 ‐ DIFERENCIAS. MATÉRIAUX : LIEU, INTERVENTION PERFORMATIVE PHOTOGRAPHIQUE, TISSU ROUGE. LIEU DE

MÉMOIRE : BUREAU DE VOTE D’AKUMAL, AKUMAL, MEXIQUE. (2012) ... 84

FIGURE 50 ‐ DIFERENCIAS. MATÉRIAUX : LIEU, INTERVENTION PERFORMATIVE PHOTOGRAPHIQUE, TISSU ROUGE. LIEU DE MÉMOIRE : BUREAU DE VOTE D’AKUMAL, AKUMAL, MEXIQUE. (2012) ... 84

FIGURE 51 – NOUS, MOUTON COMME LES PIGEONS. MATÉRIAUX : LIEU, INTERVENTION PERFORMATIVE, GRAINES. LIEU DE MÉMOIRE : PLACE PUBLIQUE FACE D’UNE ÉGLISE POPULAIRE, QUITO, ÉQUATEUR. (2014) ... 85

FIGURE 52 ‐ NOUS, MOUTON COMME LES PIGEONS. MATÉRIAUX : LIEU, INTERVENTION PERFORMATIVE, GRAINES. LIEU DE MÉMOIRE : PLACE PUBLIQUE FACE D’UNE ÉGLISE POPULAIRE, QUITO, ÉQUATEUR. (2014) ... 86

FIGURE 53 ‐ NOUS, MOUTON COMME LES PIGEONS. MATÉRIAUX : LIEU, INTERVENTION PERFORMATIVE, GRAINES. LIEU DE MÉMOIRE : PLACE PUBLIQUE FACE D’UNE ÉGLISE POPULAIRE, QUITO, ÉQUATEUR. (2014) ... 86

FIGURE 54 – L’AUTRE. MATÉRIAUX : LIEU, INTERVENTION PERFORMATIVE, TAPIS ROUGE. LIEU DE MÉMOIRE : PLACE PUBLIQUE FACE D’UNE ÉGLISE POPULAIRE, QUITO, ÉQUATEUR. EN COLLABORATION AVEC ANIBAL SANDOVAL.

(2014) ... 87 FIGURE 55 ‐ L’AUTRE. MATÉRIAUX : LIEU, INTERVENTION PERFORMATIVE, TAPIS ROUGE. LIEU DE MÉMOIRE : PLACE

PUBLIQUE FACE D’UNE ÉGLISE POPULAIRE, QUITO, ÉQUATEUR. EN COLLABORATION AVEC ANIBAL SANDOVAL.

(2014) ... 88 FIGURE 56 ‐ L’AUTRE. MATÉRIAUX : LIEU, INTERVENTION PERFORMATIVE, TAPIS ROUGE. LIEU DE MÉMOIRE : PLACE

PUBLIQUE FACE D’UNE ÉGLISE POPULAIRE, QUITO, ÉQUATEUR. EN COLLABORATION AVEC ANIBAL SANDOVAL.

(2014) ... 89 FIGURE 57 ‐ L’AUTRE. MATÉRIAUX : LIEU, INTERVENTION PERFORMATIVE, TAPIS ROUGE. LIEU DE MÉMOIRE : PLACE

PUBLIQUE FACE D’UNE ÉGLISE POPULAIRE, QUITO, ÉQUATEUR. EN COLLABORATION AVEC ANIBAL SANDOVAL.

(2014) ... 89 FIGURE 58 – L’AUTRE. MATÉRIAUX : LIEU, INTERVENTION PERFORMATIVE, TAPIS ROUGE. LIEU DE MÉMOIRE : PLACE

PUBLIQUE FACE D’UNE ÉGLISE POPULAIRE, QUITO, ÉQUATEUR. EN COLLABORATION AVEC ANIBAL SANDOVAL.

(2014) ... 90 FIGURE 59 – DÉTAIL DE L’INTERVENTION TENTATIVE DE LA CHUTE DES EXÉCUTIONS. MATÉRIAUX : LIEU, INTERVENTION

PERFORMATIVE, PUBLIC. LIEU DE MÉMOIRE : MUR OÙ S’EFFECTUAIENT LES EXÉCUTIONS QUITÉNIENNES, QUITO,

ÉQUATEUR. (2014) ... 90

FIGURE 60 ‐ DÉTAIL DE L’INTERVENTION TENTATIVE DE LA CHUTE DES EXÉCUTIONS. MATÉRIAUX : LIEU, INTERVENTION PERFORMATIVE, PUBLIC. LIEU DE MÉMOIRE : MUR OÙ S’EFFECTUAIENT LES EXÉCUTIONS QUITÉNIENNES, QUITO,

ÉQUATEUR. (2014) ... 91

FIGURE 61 ‐ DÉTAIL DE L’INTERVENTION TENTATIVE DE LA CHUTE DES EXÉCUTIONS. MATÉRIAUX : LIEU, INTERVENTION PERFORMATIVE, PUBLIC. LIEU DE MÉMOIRE : MUR OÙ S’EFFECTUAIENT LES EXÉCUTIONS QUITÉNIENNES, QUITO,

ÉQUATEUR. (2014) ... 91 FIGURE 62 ‐ DÉTAIL DE L’INTERVENTION TENTATIVE DE LA CHUTE DES EXÉCUTIONS. MATÉRIAUX : LIEU, INTERVENTION

PERFORMATIVE, PUBLIC. LIEU DE MÉMOIRE : MUR OÙ S’EFFECTUAIENT LES EXÉCUTIONS QUITÉNIENNES, QUITO,

ÉQUATEUR. (2014) ... 92

FIGURE 63 ‐ DÉTAIL DE L’INTERVENTION CHŒUR D’AFFLUENCE IDENTITAIRE. MATÉRIAUX : LIEU, INTERVENTION PERFORMATIVE, ARTISTES EN RÉSIDENCE DE TOUTES LES AMÉRIQUES, MURMURE DE CHANSONS IDENTITAIRES DE CHACUN DES PAYS. LIEU DE MÉMOIRE : JUNGLE ÉQUATORIENNE, LA TERRE, BOSQUE SECO DE JERUSALEM,

ÉQUATEUR. (2014) ... 92 FIGURE 64 ‐ DÉTAIL DE L’INTERVENTION CHŒUR D’AFFLUENCE IDENTITAIRE. MATÉRIAUX : LIEU, INTERVENTION

PERFORMATIVE, ARTISTES EN RÉSIDENCE DE TOUTES LES AMÉRIQUES, MURMURE DE CHANSONS IDENTITAIRES DE CHACUN DES PAYS. LIEU DE MÉMOIRE : JUNGLE ÉQUATORIENNE, LA TERRE, BOSQUE SECO DE JERUSALEM,

(9)

FIGURE 65 ‐ DÉTAIL DE L’INTERVENTION CHŒUR D’AFFLUENCE IDENTITAIRE. MATÉRIAUX : LIEU, INTERVENTION PERFORMATIVE, ARTISTES EN RÉSIDENCE DE TOUTES LES AMÉRIQUES, MURMURE DE CHANSONS IDENTITAIRES DE CHACUN DES PAYS. LIEU DE MÉMOIRE : JUNGLE ÉQUATORIENNE, LA TERRE, BOSQUE SECO DE JERUSALEM,

ÉQUATEUR. (2014) ... 93

(10)

DÉDICACE

Entre 0 et 9 ans, ma grand-mère m'emmenait toutes les semaines voir mon arrière-grand-mère au sanatorium. Celle-ci était atteinte d'Alzheimer. Toutes les 10 minutes, Alma me demandait « t'es une petite qui, toi? ». Ça exaspérait grand-mère Madeleine. À son tour, ma grand-grand-mère a développé cette maladie. Après six ou sept ans de perte de mémoire, Madeleine ne me reconnaissait plus, elle ne reconnaissait plus ses enfants et ne savait plus qui elle était. Dans ce cas, je me demande, quelle était son identité? Est-ce son histoire, son passé, la mémoire que nous avons d'elle lorsqu'elle avait toute sa tête? Comment définir ses identités personnelle et collective? Qui le fait? Moi, nous ou elle?

Durant ma dérive au Costa Rica, qui était réalisée dans le cadre de mes études de deuxième cycle, ma grand-mère est décédée. Puisqu’elle et sa mère ont contribué à mes questionnements sur la mémoire, je souhaite dédier ces écrits à ces deux femmes extraordinaires qui ont, à leur manière, façonné mes identités. Ce mémoire a, en quelque sorte, été écrit en hommage d’Alma et Madeleine.

(11)

REMERCIEMENTS

Mes remerciements s’adressent tout d’abord à mon directeur de maîtrise et ami Jocelyn Robert pour son oreille attentive, sa générosité et son aide continuelle tant dans la rédaction de ce mémoire, dans le cheminement de mes dérives que pour la confiance qu’il m’a allouée pendant ces quatre dernières années. Je tiens aussi à remercier Gabriela Golder, professeure de l’Université Tres Febrero, de m’avoir accueilli en Argentine, de m’avoir aidé dans toutes les situations possibles et inimaginables du contexte de travail. Je ne pourrais passer à côté de remerciements chaleureux à l’égard de Caroline Gagné et Catherine Plourde qui ont été de bon conseil artistique pendant toutes mes études de 2e cycle.

Mes remerciements vont également à l’équipe de VU Photo et des Éditions J’ai VU

soit, Pascale Bureau, Valérie Litalien, Denis Thibeault, Florence Le Blanc et

Alexis Desgagnés. Je souhaite également témoigner mon impérissable gratitude à mes parents et à toute ma famille d’avoir cru en moi et de m’avoir supporté dans chacune des étapes de mes études. Un merci particulier va aussi à mes amis, dont Caroline Fillion, Philippe Morand, Jean-François Charest, Simon Marcouiller, Isabelle Dionne, Pablo Gonzalez, Juan Marco Candeloro, Gustavo Saldaña, Neri Balderas et les mères de la Plaza de Mayo pour leur attention particulière, leurs judicieux conseils et leurs suggestions.

Surtout, je tiens à remercier tous ces gens d'être ce qu’ils sont, en toute solidarité, avec une générosité infatigable.

Je tiens également à remercier Conseil de Recherche en Sciences Humaines pour leur appui financier.

(12)

INTRODUCTION

C’est au travers de l’architecture des lieux et des affects qui y sont inscrits que je m’efforce de me connaître davantage chaque jour. Je tente également de comprendre l’autre par des échanges, des relations. Le tout est réalisé dans l’objectif de grandir avec et par l’autre, par ce qu’il bâtit. Je crois qu’une grande partie de chaque être humain est constituée d’autres individus. Plusieurs repères se fondent par soi-même, mais beaucoup par l’autre. Je pense que pour bien se connaître, il faut d’abord connaître nos semblables. Tous les jours, je souhaite mieux comprendre ce que sont les choses, ce qu’est l’être humain, quels sont les points communs entre eux. Je tente de découvrir qui je suis à travers la société, la collectivité et ses identités. Je m’intéresse à la notion d’identité en tant que caractère de deux choses qui se ressemblent, de même nature. J’ai comme objectif de recherche de comprendre comment une œuvre d’art peut s’inscrire dans un lieu de mémoire. Pour ce faire, j’ai réalisé cinq interventions artistiques et leurs dérivées dans des lieux importants pour l’identité collective de différents peuples. Celles-ci ont toujours été créées en corrélation avec l’architecture de l’endroit. J’approfondis dans ce mémoire mes notions d’identification par la ressemblance, la Mémoire et l’Histoire, et ce, toujours en parallèle avec les lieux de mémoire, les lieux d’appartenance. Les cinq interventions et quelques-unes de leurs dérivées vous seront ici résumées. Une présentation du contexte dans lequel elles ont été créées vous sera exposée ainsi que la raison du choix du lieu d’action et une description de chacune d’elles. Je définirai différents concepts, notamment les notions de lieu, de mémoire, d’identité individuelle et collective, d’identification au lieu, au territoire, à la mémoire, à l’histoire et à l’œuvre. Également, j’élaborerai sur l’impact de l’œuvre dans le lieu de mémoire et sur l’importance de l’événement historique sur nos identités. Ensuite, j’examinerai brièvement la notion de monument. L’idée de la dérive situationniste sera confrontée à mes chemins et les manières de faire état de ces derniers seront explicitées. Tous ces sujets vous seront exposés dans le développement de chacune des interventions artistiques réalisées durant ma maîtrise.

(13)

MÉTHODOLOGIE

Pour la réalisation de mon corpus, j’ai élaboré une méthodologie afin de comprendre comment une œuvre d’art peut s’inscrire dans un lieu de mémoire. D’un territoire à l’autre, les lieux de mémoire se ressemblent et diffèrent. Je vois un point qui unit les lieux que j’ai sélectionnés avec les habitants. Que ce soit au Québec, en Argentine, au Costa Rica, au Mexique ou en Équateur, ces lieux font inévitablement référence à des événements relatifs aux droits de la personne. Ces droits fondamentaux sont sociaux et politiques.

Considérant que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde.

Considérant que la méconnaissance et le mépris des droits de l'homme ont conduit à des actes de barbarie qui révoltent la conscience de l'humanité et que l'avènement d'un monde où les êtres humains seront libres de parler et de croire, libérés de la terreur et de la misère, a été proclamé comme la plus haute aspiration de l'homme.

[…]

L'Assemblée Générale proclame la présente Déclaration universelle des droits de l'homme comme l'idéal commun à atteindre par tous les peuples et toutes les nations afin que tous les individus et tous les organes de la société, ayant cette Déclaration constamment à l'esprit, s'efforcent, par l'enseignement et l'éducation, de développer le respect de ces droits et libertés et d'en assurer, par des mesures progressives d'ordre national et international, la reconnaissance et l'application universelles et effectives, tant parmi les populations des Etats Membres

eux-mêmes que parmi celles des territoires placés sous leur juridiction.1

Ces énoncés de la « Déclaration universelle des droits de la personne » des Nations Unies reflètent une partie de mes recherches, soit une certaine revendication des droits de l’Homme et de la Femme. Par contre, dans ma pratique artistique, il ne s’agit pas tant d’une revendication, mais plutôt une suggestion d’interrogation sur les droits de l’Homme et de la Femme par la création d’œuvres in situ diffusées à même les lieux importants pour l’identité de

1 Musée Canadien des droits de la Personne, « La Déclaration universelle des droits de la personne » Adoptée par l'Assemblée générale de l'ONU,

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chacun des peuples rencontrés. Pour ce faire, à chaque exploration, j’ai d’abord cherché à trouver les lieux de mémoire importants pour l’identité collective des peuples étudiés. La découverte de ces lieux s’est effectuée différemment pour chaque endroit. Lorsqu’il s’agissait de mon pays, j’ai débuté par me questionner sur ma propre part de mémoire collective et interroger quelques personnes par conversations fortuites. Plusieurs investigations dans des centres d’archives ont été effectuées et un grand nombre de rencontres ont eu lieu auprès de différentes communautés et de personnes de tous âges. C’est après la création de deux explorations sur la mémoire collective du Québec qu’avec mon directeur de recherches, l’idée de partir à la découverte de pays qui me sont complètement inconnus est venue. Ailleurs, c’est par des conversations dans les rues, les parcs ou en tentant de communiquer avec des étudiants dans des classes universitaires, des passants sur des parvis d’églises ou des places publiques que j’ai réussi à explorer les lieux de mémoire. Une fois sélectionné, je me rendais dans cet espace afin de connaître son histoire, de m’imprégner de son architecture, des affects qu’il contient, de ses archives et de son langage. Je tentais également de trouver des éléments/objets typiques de ces lieux ou du quotidien des habitants. C’est à partir de ces informations que j’ai effectué mes interventions qui se concrétisent via l’installation, l’art audio en passant par la vidéo, la photographie, l’action, l’écriture, l’installaction, la manœuvre et la performance. Peu importe le moyen utilisé, l’idée est d’effectuer une intervention qui est propre au lieu de diffusion, lieu de mémoire, lieu identitaire. Ce processus de création s’est effectué dans un laps de temps variable pour chacune des interventions, soit d’un mois à un an. C’est ainsi que dès le début de ma maîtrise, mes explorations se sont précisées peu à peu sur le terrain, par la création sous l’influence des lieux.

Puisque ma pratique est influencée par les lieux de mémoire, il m’apparaît très pertinent, voire inévitable, d’utiliser ces mêmes lieux en tant que matériau et de diffuser mon travail à même le lieu exploré, souvent en espace public, où se déroulent les événements charnières qui marquent les identités.

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Afin d’arriver à répondre à ma question principale – comment une œuvre d’art peut s’inscrire dans un lieu de mémoire – je mets en perspective des expériences communes et les transpose en expérience d’œuvres d’art questionnant les multiples variantes de la mémoire : collective, individuelle, à court et à long terme, auditive, visuelle, gustative, olfactive, tactile, ainsi que l’altération de celle-ci. J’explore toutes sortes d’avenues afin d’offrir une nouvelle expérience des lieux, des affects et de l’histoire qui les marquent.

LIEU DE MÉMOIRE ET IDENTITÉS

Définir ce qu’est un lieu n’est pas très évident. Je peux, entre autres, préciser qu’un lieu est une portion déterminée d’espace. Toutefois, ce principe est flou et est difficilement identifiable. Comme Deleuze et Gattari le mentionnent également,

« nous ne pouvons exister en dehors des lieux. »2 En effet, nous devons

inévitablement être dans un endroit, même mort, même en tant que poussière, notre corps est quelque part. Je le vois un peu comme la maxime d’Antoine

Lavoisier « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme »3. Un lieu peut

aussi être catégorisé par un adjectif comme un lieu de force, paisible, de travail… mais cela reste confus. Comment définir les frontières? Par exemple, lorsque nous allons aux chutes Montmorency, est-ce que le stationnement appartient au lieu des chutes? La forêt qui l’entoure ou même l’autoroute qui passe tout près font-elles partie de ce lieu? Les mêmes questions peuvent se poser pour chaque endroit ; le paysage vu par la fenêtre de la cuisine appartient à quel(s) lieu(x)? Les réponses à ces questions vous viendront selon l’expérience que vous avez de ce lieu, de la mémoire que vous en avez. La notion de lieu comme territoire attire également mon attention, soit un espace déterminé géographiquement, un pays, une province ou un village, les coutumes qui y sont ancrées, les religions, les langues, les valeurs, le climat, l’architecture… et si nous faisions une carte selon les valeurs, les droits humains respectés ou non, la manière de penser ou même la manière de dormir? La notion de territoire serait chamboulée par les limites que nous nous donnons selon ce que nous avons appris. Pourtant, tous ces éléments font partie

2 Deleuze, Gilles, et Felix Guattari. Mille plateau, Paris : Éditions de Minuit, Paris, 1980. Imprimé. 3 Lavoisier, Antoine. Traité élémentaire de chimie, Paris : Éditions Cuchet, 1789. Imprimé.

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des caractéristiques des lieux. En outre, la définition du territoire et d’un lieu est influencée par nos affects, par nos propres critères. C’est d’ailleurs une des raisons de nombreux conflits mondiaux, la volonté de ficher une ou plusieurs caractéristiques à un lieu « déterminé ». C’est, entre autres, à partir des caractéristiques « typiques » des lieux que j’ai réalisé mon corpus d’interventions. « Tout en s’érigeant à côté et contre les lieux visités, ses interventions vont également tenter de pervertir des lieux. De les pervertir en les déconstruisant. Et ce, afin de faire voir la non-neutralité de ces lieux. De faire voir l’idéologie de

pouvoir politique et culturel qui s’y dissimule. » 4

La mémoire pour sa part est un recueil de souvenirs, elle est porteuse d’une grande partie de nos identités, elle est une sorte d’empreinte de notre passé, elle constitue nos connaissances. Ce savoir que la mémoire construit provient certes du passé, mais guide notre présent et érige notre futur. La mémoire forme le territoire de notre pensée, trace nos manières d’agir, bâtit nos identités. La mémoire collective au sens large, soit l’Histoire qui vient de nos familles, de nos ancêtres, des gens qui font partie de l’ensemble d’individus qui partageaient et partagent certaines caractéristiques communes ont laissé des traces dans le temps, des écrits, des architectures, des faits, des lois… soit des Mémoires, qui ont influencé nos identités. Ces traces nous composent par fragmentation. Si l’on pense à ce qu’il s’est passé hier, quelques bribes d’images et de sons nous reviennent. Nous nous souvenons d’éléments clés qui nous ont marqués, mais les instants plus anodins restent au fond de notre mémoire et ils sont souvent oubliés. « Mes espaces sont fragiles : le temps va user, va détruire; rien ne ressemblera plus à ce qui était, mes souvenirs me trahiront, l’oubli s’infiltrera dans ma mémoire, je regarderai sans les reconnaître quelques photos jaunies aux bords tout

cassés. »5 Les souvenirs sont des fragments mnémoniques du passé, ils se

métamorphosent au fil du temps, ils deviennent des séquences floues qui s’estompent peu à peu. Le même phénomène se produit lorsque nous tentons de

4 Hebert, Natasha. « Mémoire politique » Espace no. 62 (2002-2003) 27-30. Imprimé.

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nous souvenir de l’Histoire. La mémoire joue un rôle primordial en ce qui a trait à nos identités, elle les construit par fragmentations.

Ainsi, je tente de vous emmener vers la notion de lieu de mémoire qui, pour moi, regroupe ces deux descriptions, soit celle de la mémoire et celle du lieu. Toutefois, quelques attributs diffèrent. « Un lieu de mémoire dans tous les sens du mot va de l'objet le plus matériel et concret, éventuellement géographiquement situé, à l'objet

le plus abstrait et intellectuellement construit »6. Dans cette citation, Pierre Nora

fait référence au lieu de mémoire comme étant un espace tangible et intangible, un espace mental et physique qui renvoie aux souvenirs. J’ai travaillé selon cette pensée. Selon moi, un lieu de mémoire nʼest jamais le même dʼune journée à lʼautre, dʼun instant à lʼautre. Que la perception que lʼon ait de ce lieu soit influencée par le climat, par les gens qui y sont ou même par nos propres affects, un lieu de mémoire est un lieu qui a existé et qui nʼexiste plus. LʼHumain sʼidentifie non pas à ce lieu, mais bien à la mémoire de ce lieu. Pour la réalisation de mes interventions, j’ai travaillé avec ces lieux de mémoire, avec ses archives, ses affects, son architecture ainsi qu’avec son histoire et son langage. J’ai donc créé des interventions à partir de lieux qui sont importants pour la fondation des identités des peuples qui habitent un « territoire », des lieux d’histoire identitaire, d’histoire collective, des endroits généralement bondés d’affects par leur mémoire et qui parlent d’eux-mêmes.

IDENTITÉ

Le rassemblement des points définis plus haut modèle nos identités. C’est-à-dire que nos identités, tant personnelle que collective, sont façonnées par la mémoire, dont les expériences, les connaissances et l’histoire font partie. Elles sont aussi formées par les lieux où nous avons vécu et qui ont collaboré grandement à la mise en place de nos coutumes, de notre langue, notre mode de vie, notre alimentation, nos rencontres et notre histoire. Ces lieux peuplés de mémoires personnelles et collectives ont forgé en partie notre « moi », soit l’individualité de

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l’être humain, et ce, par l’ensemble de savoirs que nous avons acquis par le biais des souvenirs que nous avons de ces endroits. Pour schématiser, ce qui fabrique nos identités personnelles et collectives sont les connaissances et les expériences acquises, soit la mémoire des lieux où la personne ou le peuple a vécu. Les ressemblances qui nous unissent à l’autre sont également le lieu de fabrication des identités. Il peut s’agir de l’endroit où l’on demeure, de notre histoire, de tout ce qui lie notre mémoire et celle de l’autre. « Vous n’existez que dans la trace de l’“autre”,

mais à son insu, en fait vous suivez votre propre trace, presque à votre insu. »7 Je

m’intéresse à la notion d’identité en tant que caractère de deux choses qui se ressemblent, de même nature. Quels sont les points communs entre les personnes, entre les humains? Ces arguments sur le rapport à l’autre, à la mémoire, au lieu et cette citation de Jean Brouillard sont les prémices de ma notion d’identité.

Dans la partie qui suit, j’approfondis les notions proposées plus haut par la présentation de mes interventions artistiques. L’œuvre finale proposée dans le cadre de cette maîtrise est le corpus entier des interventions créées durant mes études de deuxième cycle. Je ne vois pas ce corpus comme étant des œuvres, mais bien une seule œuvre. Toutes ces interventions semblent se répondre suffisamment pour voir l’œuvre finale ainsi.

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1. EXPLORATION 1 – NOROÎT DANS L’HIPPOCAMPE

1.1 MÉTAPHORE DE LA MÉMOIRE QUÉBÉCOISE

Le projet Noroît dans l’hippocampe cherche à constituer un lieu mnémonique. Cette œuvre place le regardeur dans une situation de réminiscence, elle fait un appel aux souvenirs. Elle suggère le mode de formation de la mémoire, son organisation construite par synapses et sa destruction par effacement. Pour cette exploration, les notions de ressemblance et de la reconnaissance par l’intime sont étudiées. L’œuvre trace ses chemins dans la mémoire de chacun, par une identification aux archives qui atteignent la mémoire personnelle et collective du spectateur. Noroît dans l’hippocampe envahit l’endroit d’images déjà vues, de souvenirs. Trois expériences ont été effectuées afin d’analyser l’apport que le lieu a sur l’œuvre et ce que l’œuvre catalyse au lieu. La première expérimentation fût installative. Un dispositif de projection, des images et des sons d’archives étaient présentés dans le chœur d’une église. Pour la deuxième, seulement les sons et les images d’archives furent diffusés sur les bancs de cette même église, le lieu était ici utilisé comme surface de projection. Pour la troisième, le dispositif de projection, les images ainsi que les sons d’archives étaient diffusés dans un autre lieu. Ces trois explorations ont confirmé que l’espace de diffusion fait intégralement partie de l’œuvre, que la mise en place d’une œuvre d’art dans un lieu précis change fondamentalement l’expérience vécue.

Une quatrième expérience fût réalisée afin d’observer un événement périphérique de l’art. Un repas de nourriture traditionnelle a été servi après le vernissage d’une exposition. Événements faisant entièrement partis de mon processus de création, ces activités rarement pris en compte dans l’art tissent des liens avec les cadres de la diffusion artistique. Cet événement officieux/officiel était un geste qui faisait un appel à la mémoire collective. Il fût la genèse de ma méthodologie pour la mise en place de l’exploration 3.

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1.2 DISPOSITIF DANS L’ÉGLISE ST-DOMINIQUE

Diffusée dans un espace qui a marqué la culture de la province, soit une Église catholique – église St-Dominique – Noroît dans l’hippocampe propose une manière particulière de voir ses souvenirs. Dès son entrée dans l’église où les lumières sont éteintes, le spectateur engage une relation singulière avec le lieu. Des sons échos et des fragments d’images projetées remplissent la nef, cet espace intrigue et, dépendamment du spectateur, un sentiment de bien-être ou de peur est prenant. Plus le récepteur avance vers le transept, plus le son est fort et plus les multiples translations que subissent les fragments d’images sur les murs et les vitraux sont nombreuses. C’est seulement rendu au chœur que le témoin peut voir les éoliennes en mouvement sur lesquelles sont projetées des images d’archives. C’est par la rotation de ces virevents grandeur humaine que les projections effectuent des translations dans chaque espace de la nef. Ces photographies ainsi que ces sons, qui font référence à l’histoire québécoise, mettent en perspective des expériences populaires et tracent en quelque sorte les contours de l'identité de certain québécois. Poétique par ces images, ses sons et son lieu de diffusion, cette œuvre transporte le spectateur dans le temps, ce temps qui est aussi présent.

Ces images d’archives projetées sont abondamment fragmentées par le mouvement des éoliennes. J’ai voulu ici créer une catachrèse de la mémoire, de sa fragmentation, de ses mouvements, de sa vivacité. Je souhaitais travailler cette œuvre sur le principe de la volatilité de notre mémoire, qui se décompose en ne nous laissant que d’infimes parties d’images et de sons en mutation. La mémoire peut-être mise en contexte par divers procédés tels que la photographie, l’enregistrement audio et la vidéo. Toutefois, elle n’en reste pas moins effritable et fragmentaire. Par le biais de ces éoliennes, de ces photographies et ces sons, j’ai voulu créer un champ de souvenirs. « D’abord, une invitation à contempler ses paysages fait de fragments de temps divers. Et puis, la découverte d’un lieu qui, par l’obscurité imposée par le dispositif, devient un espace idéal d’introspection

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personnelle, un lieu où le temps s’arrête »8. Cette observation de sa conscience par le regardeur est aidée par la noirceur, également l’étendue de l’espace de l’église, sa sonorité, son sens dans la culture québécoise.

Figure 1 - Détail de l’œuvre Noroît dans l'hippocampe. Matériaux : Lieu, éoliennes (aluminium, moteurs), projections d’images d’archives, son d’archives. Lieu : Église St-Dominique, Québec. (2010)

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Figure 2 - Détail de l’œuvre Noroît dans l'hippocampe. Matériaux : Lieu, éoliennes (aluminium, moteurs), projections d’images d’archives, son d’archives. Lieu : Église St-Dominique, Québec. (2010)

Figure 3 - Détail de l’œuvre Noroît dans l'hippocampe. Matériaux : Lieu, éoliennes (aluminium, moteurs), projections d’images d’archives, son d’archives. Lieu : Église St-Dominique, Québec. (2010)

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Figure 4 - Détail de l’œuvre Noroît dans l'hippocampe. Matériaux : Lieu, éoliennes (aluminium, moteurs), projections d’images d’archives, son d’archives. Lieu : Église St-Dominique, Québec. (2010)

Figure 5 - Détail de l’œuvre Noroît dans l'hippocampe. Matériaux : Lieu, éoliennes (aluminium, moteurs), projections d’images d’archives, son d’archives. Lieu : Église St-Dominique, Québec. (2010)

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Figure 6 - Détail de l’œuvre Noroît dans l'hippocampe. Matériaux : Lieu, éoliennes (aluminium, moteurs), projections d’images d’archives, son d’archives. Lieu : Église St-Dominique, Québec. (2010)

1.2.1 LA RESSEMBLANCE/SE RECONNAÎTRE PAR L’INTIME

Pour la réalisation de Noroît dans l’hippocampe, j’ai recontextualisé plusieurs documents tirés d’archives. Ceux-ci ont été sélectionnés de sorte qu’une identification soit possible pour un grand nombre de québécois. Par exemple, des photographies typiques de famille, de fêtes culturelles catholiques, des images faisant référence au climat québécois, à des chorales d’églises, de sœurs ou de prêtres faces à l’architecture cléricale, des Amérindiens, des écoles de rang… des discours importants de premiers ministres, des sons de vents, d’oiseaux, de cloches d’église ou l’Ave Maria de Gounod font partie de la culture québécoise. Une identification au bagage culturel collectif est concevable de la part d’un Québécois, par la mémoire de celui-ci, son éducation, sa manière de vivre, et surtout, le lieu où il vit. Ces documents d’archives deviennent lui, moi, nous. Ici, ce « lui » et ce « moi » font référence à l’identité personnelle du spectateur qui passe par les souvenirs individuels. Toutefois, cette œuvre fait beaucoup plus référence au « nous », à la mémoire collective, un passage vers le général. La langue, la

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famille, les relations avec les Amérindiens, les discours politiques, l’économie, etc. Par cette œuvre, j’ai tenté de couvrir une partie des points communs qu’avaient une partie des Québécois, tenté de ressortir un certain « nous » collectif.

Il y a ce besoin-là, de s’appartenir, de nous appartenir, d’être nous autres. “Nous autres”, quel drôle d’expression. […] pas capable de dire “nous” sans dire “autre”. Si ce n’était pas de l’ambivalence, si c’était de la nécessité. Impossible de nous nouer sans nouer les autres. Sans nous nouez aux autres. […] Le nounoiement se nourrit du vouvoiement, le nous du vous, le nous des autres, l’appartenance se nourrit de la différence. Sans cette différence avec les autres, pas d’identité, pas d’appartenance. Sans les autres, nous ne nous appartenons pas. Sans eux autres, nous sommes qui “nous autres”? Et sans nous, ils ne sont rien.9

Cette citation que Camille Bouchard a prononcée lors de l’événement « Nous? » au printemps 2012 fait référence au « nous » inclusif et exclusif, c’est-à-dire, un « nous » qui inclus et exclus le « vous » qui est autre. L’expression québécoise « nous autres » en dit long sur la perception du « nous » québécois. Dans Noroît dans l’hippocampe, je souhaitais mettre ce « nous » de l’avant, ce « nous » qui englobe une communauté qui se distingue par ses différences aux autres et ses appartenances à un peuple, à un « territoire », à une langue, à une culture, etc. J’ai voulu ressortir cette notion d’affiliation, d’allégeance, l’attachement qu’a un Québécois envers son peuple, comme un hommage aux Québécois, ce Québécois collectif, ce « nous ». Ma volonté était de ressortir une portion de l’histoire du Québec dans laquelle plusieurs peuvent se reconnaître par les différences et les ressemblances. S’identifier à ce « nous ».

Le processus d’identification prend place par la présence de similitude entre une personne et une autre, entre celles-ci et des images, des sons ou des lieux – et ce que ceux-ci incluent. Cette ressemblance est un espace de sécurité, un lieu de reconnaissance entre deux choses qui s’effleurent par le souvenir. Ce processus procure à l’humain un sentiment de confiance par la mémoire, par son histoire.

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[…] les repères nous rassurent car toujours apparaîtront des images ou des mots qui se laissent reconnaître, puisque cet univers est peuplé, justement, de reprises. Il est clair aussi que passer par cette trace du déjà-vu et de la reprise est une façon de jouer mon texte sur les cordes du travail de la mémoire et des questions sur la permanence du

souvenir […]10

Ces empreintes du déjà-vu amènent un certain sentiment d’accessibilité et de disponibilité. Des images, des sons et des lieux que l’on côtoie ou que l’on a côtoyés réconfortent l’humain puisqu’il s’identifie à ces éléments. Une seule image, un seul son ou lieu habituels peuvent faire surgir des affects chez le récepteur par le biais de la persistance de la mémoire. Comme le précise Jean-Luc Nancy dans Les Muses, « l’idéalité de l’homme se présente à même sa réalité sensible, celle

de ses œuvres et/ou celle de ses signes »11. Proposer une certaine similitude

mène, de toute évidence, à une identification notable. Aussi, lorsqu’une masse de ces composantes typiques du quotidien ou de l’Histoire sont juxtaposées et/ou superposées, cette accumulation crée également un effet de ressemblance, une densité, un poids; une identification à l’accoutumance. Si nous prenons comme exemple Noroît dans l’hippocampe, une grande quantité d’images et de sons d’archives typiques du Québec y sont proposés. Ces éléments familiers se présentent ici comme étant dans l’univers de l’intime. Comme l’écrit Georges Didi-Huberman dans son texte La minceur de l’image lorsqu’il parle de photos de famille : « C’est que l’intimité n’avait pas besoin de le prononcer : intime, il était déjà là, comme dedans : chacun le portait. […] Madame Regneault […] fait à

l’image, comme à ses enfants, le don d’une ressemblance ».12 Ces lieux, ces

images et ces sons qui remplissent notre quotidien, nos univers, deviennent si habituels que nous nous identifions à eux. C’est cette ressemblance, cette intimité que je souhaite faire apparaître franchement dans mon travail.

« Aux souvenirs personnels se substituent les visages des autres, une histoire qui appartient aux autres. Le sujet ne cesse de se souvenir pour transformer en un

10Paci, Viva. Fonction/Fiction, l’image utilitaire reconfigure. Montréal : Éditions Dazibao, 2008. Imprimé. 11Nancy, Jean-Luc. Les Muses. Paris : Éditions Galilée, 1994. Imprimé.

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sujet collectif, lieu où s’échafaudent des scénarios fictifs, des dispositifs d’emprunt,

des montagnes d’instantanés où chacun peut se reconnaître. »13 Cette citation de

Sami-Ali qui élabore sur le travail de Christian Boltanski rend bien ma vision de la mémoire en rapport à l’autre, du souvenir qui ramène à l’identité, à l’appartenance. J’utilise donc des images et des enregistrements. Des vidéos, des photographies et des sons d’archives ou qui semblent provenir d’archives auxquels le récepteur peut s’identifier sont choisis afin de fouiller dans ma mémoire, dans nos mémoires. Ces éléments visuels ou sonores sont sélectionnés pour leurs bagages familiers, leurs charges de sens stéréotypés et consacrés. « L’image a toujours lieu à la frontière de 2 champs de forces, elle est vouée à témoigner d’une certaine altérité […] Il n’y a image que lorsqu’il y a assez d’“autre” pour qu’un quiproquo soit encore

possible »14 Cette citation de Serge Denay, qui décrit sa propre pratique, présente

bien mes préoccupations au sujet de l’image. Ce quiproquo est incontournable dans mes œuvres, l’autre et l’identification à l’autre sont inexorables. Ce principe de l’image doit être pris au sens large, le son peut également être travaillé de cette manière.

1.3 À L’ESPACE 400E 1.3.1 L’œuvre dans le lieu

Par son bagage historique et son langage, l’église apporte un sens différent à

l’œuvre. En effet, Noroît dans l’hippocampe fut également diffusée à l’Espace 400e

de Québec, soit une salle de diffusion plutôt conventionnelle qui, dans ce cas, proposait différentes œuvres d’artistes de la relève. Dans cet endroit, la réception et le processus d’identification n’étaient pas aussi évidents. Outre les images et les sons, le seul élément religieux environnant l’œuvre était un banc d’église sur lequel

le public pouvait s’asseoir. Le langage du lieu original était manquant ;

l’architecture, les affects que portaient l’église et son histoire, son phénomène de répercussion du son, sa grandeur architecturale, ses fioritures, ses objets sacrés, sa présence hiérarchique et son ambiance de cérémonie. Cette absence de

13 Sami-Ali. Collection Christian Boltanski, Daniel Buren, Gilbert & Georges, Janis Kounellis, Sol LeWitt, Richard Long, Mario Merz. Bordeaux : CAPC

Musée d!art contemporain de Bordeaux, 1990. Imprimé.

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langage faisait en sorte que l’œuvre était incomplète, comme si nous invitions des gens à s’asseoir sans avoir de chaises. Cette expérimentation en dehors du lieu de mémoire confirme que ce lieu fait intégralement partie de l’œuvre. Pour la grande majorité de mes productions, vous pourrez remarquer que le lieu est toujours aussi important. Il est même quelques fois impossible de présenter l’œuvre sans le lieu puisque celui-ci devient en quelque sorte l’œuvre.

Figure 7 - Détail de l’œuvre Noroît dans l'hippocampe. Matériaux : Éoliennes (aluminium, moteurs), projections d’images d’archives, sons d’archives, banc d’église en bois. Lieu : Espace 400e, Québec. (2010) Crédit

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Figure 8 - Détail de l’œuvre Noroît dans l'hippocampe. Matériaux : Éoliennes (aluminium, moteurs), projections d’images d’archives, sons d’archives, banc d’église en bois. Lieu : Espace 400e, Québec. (2010) Crédit

photographique : Stéphane Bourgeois.

Figure 9 - Détail de l’œuvre Noroît dans l'hippocampe. Matériaux : Éoliennes (aluminium, moteurs), projections d’images d’archives, sons d’archives, banc d’église en bois. Lieu : Espace 400e, Québec. (2010) Crédit

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1.4 NOROÎT DANS L’HIPPOCAMPE SANS LES ÉOLIENNES À L’ÉGLISE ST - DOMINIQUE

Lors du montage de Noroît dans l’hippocampe dans l’église, pour des nécessités techniques, j’ai mis de côté un projecteur allumé. Lorsque je me suis levée la tête pour reprendre le projecteur, j’ai vu les images vidéographiques se diffuser sur l’ensemble des bancs de l’église. J’ai réalisé alors que la bande sonore et les images lumineuses projetées en direction de la nef pouvaient vivre seules avec le lieu, sans les éoliennes. Ces projections, imageant régulièrement des visages, des groupes, des mariages, appuient l’absence, comme si je projetais l’histoire d’une église qui fût bondée, il y a bon nombre d’années, et qui est maintenant vide. La présence du lieu était davantage mise en évidence et l’œuvre parlait différemment. Ces sièges paraissaient plus vacants, comme un abandon, un dépeuplement. L’architecture maintenant rendue jacente, sa grandeur imposante, sa sonorité spectaculaire devinrent une révélation. « C’est avec du temps qu’on invente un lieu… En cela, l’artiste qui invente un lieu – c’est-à-dire, étymologiquement, qui vient dans un lieu, entre dans son intimité par une espèce de corps-à-corps – en

même temps déplace toute idée que nous nous en faisons juste avant. »15 Pour la

création d’une œuvre, je me dois de vivre ce lieu, de l’expérimenter pendant une certaine durée afin de l’habiter. La mise en place d’une œuvre dans un lieu vient changer les perceptions que nous avons de ce même lieu. Le fait de créer une œuvre pour un lieu précis renouvelle cet espace, réécrit ce lieu, offre une nouvelle lecture de ce lieu. Bien entendu, dans ce cas, l’œuvre ne peut pas exister sans son lieu.

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Figure 10 - Détail de l’œuvre Noroît dans l'hippocampe version II (sans les éoliennes). Matériaux : Lieu, projections d’images d’archives, sons. Lieu : Église St-Dominique, Québec. (2010)

Figure 11 - Détail de l’œuvre Noroît dans l'hippocampe version II (sans les éoliennes). Matériaux : Lieu, projections d’images d’archives, sons. Lieu : Église St-Dominique, Québec. (2010)

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Figure 12 – Détail de l’œuvre Noroît dans l'hippocampe version II (sans les éoliennes). Matériaux : Lieu, projections d’images d’archives, sons. Lieu : Église St-Dominique, Québec. (2010)

« Elle [architecture] ouvre un lieu – ce qui s’appelle “bâtir” — un lieu dont elle intériorise à soi dans l’édifice, les êtres et les lointains – ce qui s’appelle “habiter”. […] En fait, habiter et bâtir s’opposent et s’appellent comme deux moments

conjugués qu’unit leur rapport à l’existence. »16 Dans la logique d’Henri Maldiney,

par le biais de mes œuvres, j’habite les lieux qui sont bâtis par d’autres. Toutefois, l’autre fait partie de l’« habitation », il fait partie de l’œuvre. Nous sommes unis par ce rapport d’existence.

Les deux propositions, soit les projections sur éoliennes ou sur les bancs, m’intéressent. L’idée d’utiliser le lieu comme surface de projection ou même comme élément intrinsèque à l’œuvre ou carrément comme œuvre me stimule tout particulièrement.

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1.5 L’ACTION

Lors du vernissage de Noroît dans l’hippocampe, un repas était servi au sous-sol de l’église. Comme mentionné plus haut, cette rencontre fût l’occasion d’observer un événement périphérique de l’art. L’art se situe non seulement dans les œuvres mais également dans le processus de création, dans les interstices de la vie. Les abords des activités artistiques font partie de ma démarche artistique, les rencontres avec la communauté nourrissent mes créations. Sans elles, mon art n’aurait pas lieu. L’action de créer une rencontre, un prétexte pour réfléchir sur l’art, sur l’exposition que nous venons de voir, sur son contexte, son concept, sa présence… cette rencontre me semble aussi importante que l’œuvre même. L’art est pour moi une marche, une méthodologie, un lieu de reconnaissance de soi et de l’autre. Cette action était un geste qui faisait un appel à la mémoire collective. Il était un moment de convivialité qui incitait à la conversation, à un état de rencontre, une expérience sociale, une aide à la proximité.

D’abord, il est important de mentionner que ce souper fut organisé sans trop de réflexion. Malgré les grandes difficultés pour sa réalisation, sans savoir pourquoi, je sentais qu’il devait avoir lieu. Le sous-sol d’église est un lieu de réunions communautaires à l’atmosphère paroissiale à la fois accueillante, familière, mais aussi quelque peu rébarbative et où la sonorité laisse souvent à désirer. Ce lieu où se rassemblent plusieurs québécois pour des fêtes familiales, funéraires, de mariage… m’intriguait. Lorsque le spectateur était dans l’église, malgré le grand nombre de personnes non pratiquantes au vernissage, le public chuchotait afin de respecter le silence de l’église, un respect encore présent de la religion, d’une coutume identitaire. Dans le sous-sol, tout le monde parlait à haute voix, mangeait, riait, applaudissait… Gros jambon, rôtis de porc, de bœuf, patates jaunes et pilées, pâtés à l’orignal, pains de viande, salades, bières et jus de pommes… plusieurs ingrédients typiques de l’alimentation et des fêtes québécoises y étaient rassemblés. Une ambiance festive de sous-sol d’église, sans musique, comme si un souper de famille s’était improvisé et avait mélangé deux groupes ; les pratiquants habituels de l’église se confondaient à la communauté artistique de

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Québec. Cet étrange métissage a donné naissance à quelques discussions sur l’identité. Commentaires sur la nourriture, sur la religion, sur l’entraide, les valeurs catholiques et, bien entendue, sur l’œuvre vue dans l’église. Cette soirée fut, pour moi, d’une beauté folle, une communication différente, un partage, un don de soi, des échanges. Cette réunion entre les deux groupes m’a réjouie de manière phénoménale sans savoir pourquoi, comme si c’était une nécessité, peut-être la

même nécessité dont parlait Camille Bouchard 9. C’était comme si cette rencontre

ressuscitait le « nous » un peu enterré dans notre confort. Je ne peux élaborer sur ce sentiment « d’obligation » de regroupement, tant dans ma vie de tous les jours que dans mes créations. Ce qui est certain, c’est qu’une réflexion a été faite sur la mémoire collective, de ma part et par les spectateurs. Instinctivement, j’ai organisé ce repas sans savoir exactement pourquoi. Celui-ci est devenu l’élément clé de ma méthodologie pour l’exploration 3. Ce moment communautaire fut ma première action de rencontre avec l’autre dans le cadre de mon corpus.

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2. EXPLORATION 2 – LES SPOTTERS OU CONCERT DE BOTTES

MILITAIRES SUR UN CERCUEIL

Par l’œuvre Les Spotters ou Concert de bottes militaires sur un cercueil, je cherche à cristalliser un évènement singulier de l’histoire collective dans un lieu donné. La mise en place d’une œuvre d’art mettant en contexte une portion de l’histoire dans un lieu précis a pour effet de diriger la mémoire. À coup sûr, il y a ici une instrumentalisation de l’histoire et de la mémoire, celles-ci sont automatiquement refondues et revisitées, une fiction est créée. Ces propos seront courtement développés dans ce chapitre, ce qui mènera ensuite à une réflexion sur la notion de monument historique.

2.1 CRISTALLISER UN ÉVÈNEMENT SINGULIER DE L’HISTOIRE COLLECTIVE DANS UN LIEU DONNÉ

Au printemps 2011, j’ai été approchée pour la réalisation d’une œuvre qui serait diffusée à l’angle des rues St-Joseph et du Parvis dans le cadre du Bivouac urbain à Québec. Je savais qu’en 1918, une manifestation d’envergure contre la conscription a eu lieu sur la rue St-Joseph. Des militaires, sous l’ordre du premier ministre Borden, ont tiré dans la foule. Résultat : 4 morts et plusieurs blessés. Ce lieu de mémoire, d’archives et d’histoire m'a inspirée. Les Spotters ou concert de bottes militaires sur un cercueil fige cet événement dans ce lieu. Pour cette commande d’œuvre, j’ai mis en place un cercueil en position verticale sur lequel des bottes militaires marchent à l’aide d’un pédalier de bicyclette. Ce mécanisme plutôt chaotique donne l’impression que les bottes prennent le pas d’un soldat boiteux. Le son de l’arrivée de la botte sur le cercueil est capté par le biais d’un piézo. Ce son est ensuite retravaillé par ordinateur et rediffusé dans l’espace d’exposition, en l’occurrence sur le parvis de l’église St-Roch. Tantôt le son nous rappelle les pas d’un simple soldat marchant, tantôt le bataillon complet est présent. Ce concert de bottes militaires qui marchent sur un cercueil peut évoquer plusieurs événements et pourrait très bien être diffusé dans d’autres lieux de mémoire.

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Cette histoire, cette manifestation font toujours partie de notre réalité, de notre actualité, de notre mémoire collective. Ces revendications de la part des Canadiens français étaient en partie dues au fait que les hommes francophones de plus de dix-huit ans devaient tous aller à la guerre dans des bataillons anglophones. Il s’agissait non seulement de militer contre le fait d’avoir l’obligation d’aller à la guerre, mais également de revendiquer le droit d’y parler dans sa langue. Encore aujourd’hui, cette dernière revendication est présente au Québec. Cet événement a engendré une solidarité entre les Canadiens français et a contribué, en quelque sorte, à la confraternité de ces derniers.

Figure 13 – Détail de l’œuvre Les Spotters ou Concert de bottes militaire sur un cercueil. Matériaux : Lieu, bois, bottes, moteur, son, squelette de bicyclette. Lieu : Parvis de l’église St-Roch, Québec. (2011)

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Figure 14 - Détail de l’œuvre Les Spotters ou Concert de bottes militaire sur un cercueil. Matériaux : Lieu, bois, bottes, moteur, son, squelette de bicyclette. Lieu : Parvis de l’église St-Roch, Québec. (2011)

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2.1.1 Événement/histoire/identité

Sur le parvis de l’église St-Roch, l’œuvre Les Spotters rappelle l’histoire d’un lieu afin de ressortir une partie de la mémoire collective québécoise pour que nous nous identifions à ce lieu par cet événement. Les Spotters a été réalisée avec l’idée de travailler à partir de ce lieu, de ce qu’est pour moi la mémoire de ce lieu. Je pourrais même ajouter que l’œuvre vient suggérer la mémoire d’un lieu.

Lorsque je pense à l’événement qui s’est produit en ce lieu, il est inévitable que je fasse référence à mon grand-oncle qui s’est marié pour ne pas aller à la guerre. Je pense à ma famille et ensuite, au moment intime que j’ai passé avec eux. Donc, dans ce cas, je passe de la mémoire collective générale, qui est l’Histoire, et la transforme en mémoire individuelle, familiale. L’humain fait toujours référence à ses souvenirs, à ce qu’il connaît, et ce, qu’il regarde une œuvre ou qu’il fasse toute autre chose. Chaque moment de la vie est perçu par ce que l’on a vécu. L’œuvre Les Spotters entremêle le particulier et le général, elle aborde tantôt la mémoire collective, tantôt la mémoire individuelle.

Par ailleurs, cette œuvre prendrait une autre place dans un lieu où l’Histoire est mieux connue. Je pense ici à l’EX ESMA, l’ancien plus grand camp de concentration et de torture de l’Argentine, ou encore, à la prison de l’île San Lucas au Costa Rica. Ces endroits lourds de sens dialogueraient avec l’œuvre et celui-ci s’ajouterait à son contenu, ses considérations, son langage. Nous passerions davantage des affects d’une collectivité à ceux des individus, du général au particulier, et vice-versa. La connaissance et la relation qu’a le public à l’Histoire, à la mémoire de ce lieu, viennent ajouter, viennent se fondre au contexte, se joindre à la conjoncture de la réception de l’œuvre. À mon avis, mon art, et même l’art en général, est très loin d’être autonome. Son contexte, son lieu de diffusion – qui inclut son langage – influencent sa réception et ce qu’il signifie. L’idéologie des récepteurs affecte la réception de l’œuvre, cette dernière bouleverse son contexte et l’idéologie générale. Tout s’entremêle, se recoupe, s’appelle. L’ensemble des éléments présents construit l’œuvre.

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Les Spotters aborde un sujet large auquel tous les peuples peuvent s’identifier : la guerre et la mort font tristement partie de la vie. Un des objectifs que je souhaitais atteindre dans le cadre de cette création était de réaliser une œuvre qui pouvait être diffusée dans divers lieux de mémoire, dans de contextes distincts où la diffusion prend un sens différent à chaque fois. De plus, parvenir à émouvoir tant le général que le particulier était une visée.

Cela me renvoie à Christian Boltanski qui a un rapport particulier avec ses lieux de diffusion. Régulièrement, il sort du cadre muséal pour diffuser son travail dans un lieu de mémoire militaire, où la présentation de l’œuvre implique aussi le contexte. Par exemple, en 1986, il propose l’œuvre Leçon de ténèbres dans la chapelle de l’hôpital de la Salpetrière. Cette œuvre « se loge au cœur de l’intimité de chacun […] il s’agit de faire un art qui parle de l’humanisme d’une religion qui s’est

débarrassée d’un dieu puissant pour donner la place à chaque individu. »17 Cette

œuvre n’aurait pas eu le même impact si elle avait été présentée dans un musée ou dans une galerie. La charge de sens qu’a la chapelle dans l’hôpital, où plusieurs soldats ont été soignés et morts, apporte un autre sens à l’œuvre. Le lieu devient ici un matériau contenant un bagage immense. Pareillement pour son œuvre réalisée avec Kabakov et Kalman, diffusée dans un « ancien établissement

de cure construit à la fin du XIXe siècle pour soigner les malades de la ville [et] fut

par la suite utilisé comme hôpital militaire par l’armée russe, puis abandonné lors du retrait de l’armée. […] Le lieu a de quoi envoûter un public de fantômes venus en masse prendre part à la rouille. […] On ne sait d’ailleurs plus trop, de l’artiste ou de l’histoire, quel est le véritable créateur : l’artiste incarne une idée et la laisse

surgir du lieu où elle languit – telle est sa contribution ».17

À la manière des livres d’histoire, un peu comme Boltanski, lorsque je crée mes œuvres, une fiction ou un récit sont créés involontairement par le rapport à l’histoire. Je raconte une réalité/fiction en créant un double sens. Est-ce l’authenticité de l’histoire – ou de se que l’on se souvient – que l’on doit favoriser

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ou l’artifice et le faux-semblant de la fiction? Cette ambiguïté entre l’histoire réelle et fictionnelle est tout particulièrement embarrassante. Aucun moyen de s’en départir, l’artifice, la fiction, l’erreur font partie de l’histoire, de l’archive et de la mémoire. Des myriades d’interprétations de la mémoire et de l’histoire sont donc possibles et peuvent faire dévier la « vérité », peuvent fausser les faits.

2.1.2 Monument

Ce travail sur les lieux et sa mémoire m’amène à me pencher sur la notion de monument. Est-ce que, par exemple, Noroît dans l’hippocampe ou Les Spotters sont des monuments ? Pour répondre à cette question, je tenterai de définir ce concept.

Le mot monument est emprunté du latin classique « monumentum » qui veut dire « ce qui fait souvenir ». Il y a ici le but de relever la souvenance, de proposer la conservation d’une mémoire. « Le monument a pour fin de faire revivre au présent

un passé englouti dans le temps. »18. Il s’agit donc d’une édification – artistique ou

non – de moyenne ou de grande envergure, qui évoque un souvenir.

Aussi, comme le précise Pierre Nora dans le tome 1 de Les lieux de mémoire : avec le concept de monument vient le questionnement de la pérennité. Toutefois, la préservation a son plafond. « Mérimée, devant cette masse immense de ruines à demi consommées ou imminentes qui demandaient secours, grâce et crédits,

savait bien qu’on ne pouvait pas tout préserver. »6 Il y a donc, dans un monument,

le choix de ce que l’on voudra rappeler et celui de ce qu’on préfèrera laisser dans l’oubli.

Une loi française « entérine la notion de monument comme image idéale qu’une société se fait d’elle-même et du passé auquel elle se rattache. » L’idée est donc que le monument doit être emblématique de la société qui se le donne.

6Nora, Pierre. Les lieux de mémoire, vol. 1. Paris : Quarto-Gallimard, 1997. Imprimé. 18Choay, Françoise. L’allégorie du patrimoine. Paris Seuil. 1992. Imprimé.

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