ÉVALUATION DES ACTIVITÉS DU CLUB DE BIOLOGIE
DE L'OASIS DE BÉNI-ABBÈS
Farida KHAMMAR, Thérèse GERNIGON·SPYCHALOWICZ, Hadj BENRAHOU* et Boudjema RADJAA*
Cellule de didactique de la biologie ISN, USTHB, El Alia, Algérie *Salle Pédagogique des zones arides, Béni-Abbès, Algérie
MOTS-CLÉS: ENFANT ENQUÊTEUR - ÉVALUATION - EAU - ZONES ARIDES
RÉSUMÉ: Nous montrerons comment a été réalisée une enquête par les enfants sur l'utilisation de l'eau dans deux oasis du sud-ouest algérien. L'évaluation de cette enquête, sous forme de questions posées aux enfants enquêteurs, montre des répercussions importantes pour eux-mêmesetpour la population.
SUMMARY : Our purpose is to describe how was realised an investigation by children on the water utilisation in two oasis in the west-south algeria. Evaluation of Ihis investigation by investigator children answers dernonstrates imponant repercussions for them and for the population.
1. INTRODUCTION
Le club de biologie de Béni-Abbès est composé d'une trentaine de jeunes de Il à 16 ans, avec parité des sexes. Ce club est animé par deux enseignants de collège en relation avec les chercheurs universitaires travaillant sur les zones arides. L'objectif de ce club est de sensibiliser les enfants à leur environnement aride et de les rendre acteurs dans la protection de cet environnement (Khammar et aL, 1998). Nous présenterons ici les conditions de réalisation d'une enquête sur l'eau par les enfants eux-mêmes et l'évaluation de cette enquête.
2. L'ENQUÊTE SUR L'EAU
2.1 Contenu du questionnaire
Élaboré à la suite d'un travail de sensibilisation aux problèmes de l'eau, il répondait à une attente des enfants qui voulaient en savoir davantage sur l'utilisation de l'eau par les diverses familles.
Lapremière question abordait le problème de l'origine de l'eau potable utilisée par les familles: venait-elle d'un puits, du réseau public ou avait-elle d'autres origines?Laseconde question esayait d'évaluer le gaspillage de cette eau. Le nombre de robinets dans la maison était précisé. Le lieu de rejet des eaux usées (réseau d'égouts, puits perdu, rejet à l'extérieur, utilisation pour l'agriculture ou autres utilisations...) a été demandé. L'existence ou non d'un réservoir d'eau potable et sa capacité permettait de savoir qui pouvait faire face aux coupures quotidiennes de l'eau. Enfin la dernière question portait sur la surface des jardins éventuels et leur source d'irrigation.
2.2 Population concernée par l'enquête
L'oasis de Béni-Abbès (11 000 habitants) et une oasis voisine, El Ouata (7 000 habitants) plus enclavée et bien connue par le club de biologie (car il y a réalisé des diaporamas et une caravane verte) ont été choisies. Les deux oasis sont situées dans la vallée de la Saoura. Cinq cent familles, c'est-à-dire presque la moitié de la population dans chaque oasis, ont été questionnées par les enfants du club accompagnés à El Ouata par les enfants de cette oasis.
2.3 Enfants enquêteurs
Les questionnaires ont été remplis par les enfants eux-mêmes au fur et à mesure de leurs interrogations aux membres des différentes familles. L'opération a duré plusieurs mois et a mobilisé les enfants du club qui ont enquêté par petits groupes.
2.4 Résultats de l'enquête
Dépouillée par les enfants et les enseignants, l'enquête fait apparaitre les points suivants:
- L'oasis de Béni-Abbès est marquée par la prédominance du réseau public (92%) alors qu'à El Ouata, les puits individuels sont encore importants (34%).
- Lenombre de robinets est plus imponant à Béni-Abbès (40% des familles ont 5 robinets) qu'à El Ouata ( 64% des familles ont seulement deux robinets).
- Lerejet des eaux usées s'effectue en majorité vers le réseau public à Béni-Abbès (82%), dans un puits perdu à El Ouata (82%).
- La capacité de stockage de l'eau potable est développée à Béni-Abbès où 69% des familles disposent de citernes de 1 000 m3pour 21 % des familles à El Ouata; dans cette dernière oasis, 68% des familles
n'ont aucune possibilité de stockage pour 12% des familles à Béni-Abbès.
- 41 % des jardins de Béni-Abbès ont 25m2,alors qu'à El Ouata 72% des jardins ont 50m2irrigués.
3. ÉVALUATION DE L'ENQUÊTE 3.1 Méthodologie
Un questionnaire a été proposé aux enfants enquêteurs lors d'une séance du club et chaque enfant a répondu aux trois questions suivantes.
al - Commenttut'évalues en tant qu'enqêteur? As-tu aimé ? Difficultés? b/ - Évaluation de l'enquête: côté personnel et côté général.
c/ - Retombées de cette enquête sur l'oasis.
3.2 Impact sur l'enfant enquêteur
Après traduction en français, l'analyse des réponses des enfants permet de dégager les éléments suivants.
Les motivations personnelles sont très importantes: - sentiment du devoir accompli,
- mobilisation et beaucoup d'efforts,
- intérêt très vif : chacun s'est senti personnellement concerné, - joie de communiquer,
- enthousiasme et conviction, - ardeur.
"J'ai mis tous mes efforts" "Cela m'a beaucoup plu"
"J'ai accompli mon devoir avec beaucoup de conscience"
"Cela m'a permis d'apprendre ce que sont nos vrais problèmes et ceux des autres" "C'est une expérience utile, car j'ai a1J1Jris des choses"
Les difficultés rencontrées ont été exprimées:
- difficulté de faire le premier pas pour entrer dans une autre maison que la sienne,
-difficulté de faire comprendre les questions,
- la préparation insuffisante des objectifs a été ressentie,
- quelquefois, l'habitant a refusé de répondre à cenaines questions, - difficulté de s'organiser dans l'espace temps.
Une remise en question a été soulignée; - remise en question du soi,
- remise en question de ses propres connaissances. Les acquis de cette expérience ont été mis en valeur; "Cela me permet de devenir un véritable enquêteur"
"Cette enquête a des retombées très intéressantes: elle oriente les gens et leur fait toucher du doigt des faits importants dans leur vie quotidienne"
"J'ai compris aue faire une enauête c'est très fructueux"
- les questions concrètes déclenchent un véritable intérêt chez l'interlocuteur,
- ilY a eu découverte réelle des exigences du rôle de l'enquêteur (manière de poser les questions, d'entrer dans le vif du sujet, de se componer, de mener la discussion),
- il Ya eu apprentissage du travail avec d'autres, - importance de penser à l'utilité pour tous, - capitalisation des réponses reçues (tri et synthèse), - contrôle de ses propres connaissances.
3.3 Impact sur la population
"Ce type d'enquête a permis aux habitants de voir l'activité duclub"
"Les avis des gens étaient partagés"
"Cette enquête a des retombées intéressantes : elle oriente les gens et leur fait toucher du doigt des faits importants dans leur vie quotidienne"
"Cette enquête a permis de percevoir l'importance qu'accordent les gens à l'eau et d'exprimer les problèmes concrets des habitants"
"Certaines personnes ont proposé des orientations pour la saison estivale"
"Au cours de cette enquête, j'ai remarqué que tous les gens chérissent l'eau qui est une denrée du ciel"
L'impact général montre des réactions variables: certains adultes intenugés ont valorisé l'enquête, d'autres ont donné des réponses superficielles, ou même ont marqué un désintérêt total; c'était le cas en particulier de jeunes ou des hommes. D'autres n'ont pas perçu l'utilité de l'enquête ou ont eu le sentiment d'une ingérence dans leurs affaires personnelles.
L'augmentation de l'information a enrichi la culture générale.
L'impact spécifique à l'enquête démontre la nécessité de traduire en termes simples les questions, la nécessité de savoir susciter l'intérêt dès le début de l'entretien (nj'ai expliqué que l'eau
allait manquer bientôt..."), la nécessité de discuter avec l'ensemble de la famille et non avec la seule mère de famille.
Detrès nombreux débats ont été suscités surtout autour du gaspillage de l'eau ; ils démontrent l'importance de la franchise et de l'autocritique. Le deuxième débat important a été suscité sur le problème des eaux usées: dans les oasis, cette question devient cruciale et les diverses associations se mobilisent mais le point de départ de cet intérêt a été déclenché par l'activité des enfants.
4. CONCLUSION
Menée sous forme ludique, l'enquête a des retombées intéressantes : le message de l'économie indispensable de l'eau a été transmis par les enfants et la sensibilisation des deux oasis est grande. La population a été amenéeàfaire des propositions concrètes et un colloque sur l'eau est programmé pour l'automne 1999. Un feed-back a été établi entre les familles et les enfants dont l'activité aété
valorisée. La nécessité d'une coopération avec tous les partenaires sociaux a été perçue.
BIBLIOGRAPHIE
GIORDAN A., SOUCHON A., Une éducation pour l'environnement, Nice: Z'éditions,1992. KHAMMAR F., GERN1GON T., CLÉMENT P., Éducationà l'environnement des zones arides : enjeux, pratiques et acteurs, in A. Giordan, J.L. Martinand et D. Raichvarg (Eds) Actes des XXes Journées Internationales sur l'Éducation Scientifique, UF de Didactique/Uni. Paris 7, 1998,429-435.
