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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Une expérience de sensibilisation à l'environnement dans l'enseignement secondaire agricole en Belgique francophone

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Academic year: 2021

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A L'ENVIRONNEMENT DANS L'ENSEIGNEMENT

SECONDAIRE AGRICOLE EN BELGIQUE

FRANCOPHONE.

Catherine MOUGENOT

Fondation Universitaire Luxembourgeoise (Arlon, Belgique)

MOTS CLES : ENSEIGNEMENT SECONDAIRE - AGRICULTURE - CHAMP DE PRODUCTION ET DE DIFFUSION DES SAVOIRS.

RESUME:Lesexpériences de sensibilisationàl'environnement dans l'enseignement secondaire (sections agricoles) sont essentiellesàmener dans la mesure où elles concernent les jeunes et donc les agriculteurs de demain. Il serait naïf pourtant de les voir exclusivement comme des actions produites par la bonne volonté des personnes. Pour en comprendre mieux la portée, et aussi les rendre plus efficaces, il faut les resituer dans le champ des relations complexes qui présidentàla production età la diffusion des savoirs.

SUMMARY : Experiences of environmental education in the secondary schools (agricultural) look to be a substantial aim as far as young people and tomorrow's farmers are concerned. However it would be naïve to consider that such initiatives could simply be built on individual goodwill. To a better understanding and efficience, the environmental education of future farmers has to be placed in relationtothe vast complex of relationships which are patterning the production and spreading of knowledge.

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1. PRESENTATION DE LA RECHERCHE - ACTION: SENSIBILISATION A L'ENVIRONNEMENT DANS LES ECOLES SECONDAIRES FRANCOPHONES EN BELGIQUE.

Le point d'appui de cette réflexion repose sur une recherche-action qui consisteàpromouvoir, sous diverses formes, une sensibilisation à l'environnement dans le cadre de l'enseignement secondaire et des sections agricoles de cet enseignement secondaire.

Cette action est récente, elle a débuté au mois de septembre, et elle est appuyée financièrement par la Fondation Roi Baudouin. Brièvement, il s'agit d'une fondation nationale, crééeàl'occasion des 20 ans de règne du Souverain et qui a pour but de soutenir des projets qui ont traitàla qualité de la vie, que ce soit du point de vue social, urbanistique, ou encore qu'il s'agisse de la promotion de l'environnement. Le mode d'intervention de la Fondation Roi Baudouin est le suivant; les actions qu'elle soutient ont pour but d'accentuer le caractère exemplatif des projets, c'est-à-dire de souligner les conditions nécessaires à leur reproduction. La fondation n'intervient que ponctuellement puisqu'il s'agit surtout de donner une impulsion initiale, c'est-à-dire de permettre que se mettent éventuellement en place des relais qui instaurent cetyped'action dans une plus grande durabilité.

Nous travaillons donc depuis le début de cette année scolaire avec des enseignants, volontaires, qui proviennent de 4 écoles d'agriculture du secondaire. Les projets qui sont portés par ce groupe commencent à prendre une forme concrète et on peut dire brièvement qu'ils s'esquissent dans trois directions plus ou moins complémentaires:

- Il s'agit d'une part de travailler directement avec les élèves; d'en faire les acteurs de leur projet, c'est-à-dire d'en faire des acteurs de leur propre questionnement sur l'avenir de l'agriculture et sur les possibilités d'incorporer à l'activité agricole des pratiques plus respectueuses de l'environnement.

Concrètement, un groupe d'élèves, avec l'aide de leurs enseignants, va élaborer un questionnaire s'interrogeant plus en profondeur sur la façon dont ils perçoivent cet avenir (et aussi ses problèmes). Par la suite, ils ont l'intention de diffuser ce questionnaire àl'ensemble des écoles comprenant une section agricole, pour tenter de généraliser leurs réflexions, et d'en faire une synthèse.

Le second projet se centre plus spécifiquement sur l'aspect pédagogique des questions environnementales en matière d'agriculture. Plus concrètement, il s'agit d'amener les élèves à s'interroger sur le rôle des pesticides mais aussi sur les solutions alternatives à ces utilisations, solutions qui peuvent être intégrées à l'environnement. En bref, il s'agira là de confectionner des nichoirs, lesquels devraient favoriser la reproduction des prédateurs naturels pour enfin observer et montrer leur rôle dans la lutte contre les insectes.

Dans ce groupe de travail, on insiste surtout sur le fait de réaliser une sensibilisation complète, c'est-à-dire montrer un problème global qui se pose dans l'agriculture: le recours aux pesticides, voir ensuite quelles peuvent être des solutions de remplacement à ce type de pratique, passer enfin à une observation età une réalisation concrète (Il s'agit ici d'un groupe d'élèves plus jeunes).

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- Le troisième projet met l'accent sur la nécessité de sensibiliser plus largement les enseignants aux questions posées par le respect de l'environnement. En fait, les personnes faisant partie du groupe de travail panent de la constatation que dans une classe, si l'enseignant n'est pas lui même conscient de la nécessité d'introduire cette problématique,illeur paraît clair que les élèves seront généralement encore moins enclins à poser ce type de problème.

Concrètement, ce projet va déboucher sur la mise en place d'une session de recyclage destinée à des enseignants d'agronomie dans l'enseignement secondaire. Ces journées ont pour but de cemer différentes dimensions du problème, mais aussi d'amener les participants à découvrir des expériences alternatives ou à faire des rencontres qui peuvent les éclairer plus loin sur ces différents sujets que sont: les impacts de l'agriculture sur le patrimoine naturel, la possibilité (et la nécessité) de procéderà des analyses de la terre et de l'eau, la question posée par l'utilisation des pesticides, le nouveau contexte des règlements en matière de pratiques agricoles ...

Ces trois types d'action vont démarrer concrètement ce second semestre. Notre rôle, en tant que chercheurs et plus précisément en tant que sociologues, consiste à aider matériellement ces groupes d'enseignants (soutien matériel et financier). Mais aussi plus fondamentalement nous nous sommes donnés pour but de mettre en évidence pour eux et surtout avec eux les conditions qui rendent possible mais aussi qui limitent ce type d'expérience.

Ceci nous amène à élargir un peu la réflexion au delà du débat et des questions proprement pédagogiques. Plus largement en effet, il nous semble qu'il s'agit là d'un réflexe de 'bon sens' que de partir de la formation initiale, et en particulier, de la formationàdonner aux jeunes, pour penser le problème agricole dans un plus grand respect de l'environnement: c'est certainement là une façon dynamique qui permet d'envisager l'avenir et non pas seulement le présent, qui permet de se mettre dans une perspective d'héritage (au sens large) et de panimoine, perspective qui est si nécessaire en matière d'environnement.

Mais plus précisément ceci nous amène à situer l'enseignement agricole dans ce grand marché de la ou des formations. Ceci nous conduit aussi à un faisceau de questions qui concernent à la fois les sections d'enseignement agricole mais aussi les enseignants et les élèves qui s'y retrouvent.

2. HYPOTHESE GENERALE L'ENVIRONNEMENT.

LE STATUT DE LA PROBLEMATIQUE DE

Mais auparavant il faut préciser ici une hypothèse qui est généraleàtoute la problématique de l'environnement: la défmition des questions environnement suppose de fait une certaine proximité et une certaine familiarité avec la science: non seulement parce qu'elles sont abordées le plus souvent par des scientifiques mais aussi parce qu'elles supposent une réflexion systématique (au sens de système de relations) qui est véritablement le propre d'une démarche scientifique. Toute simplification ou toute parcellisation de la problématique de l'environnement aboutit en quelque sorteàla dénaturer.

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Autrement dit, il faut bien voir que si le rapport de nos sociétésàl'environnement a été jusqu'ici largement vécu comme un rapportàla nature, aujourd'huiilse construit d'abord et le plus largement àtravers la production de connaissances scientifiques et techniques (1).

Il est essentiel de situer plus précisément ce statut et cette place de toute problématique d'environnement: c'est une position qui n'est pas neutre dans le champ de production et de diffusion des savoirs.

3. PRESENTATION SUCCINCTE DES ECOLES FRANCOPHONES D'AGRI-CULTURE EN BELGIQUE FRANCOPHONE.

Pour en revenir aux écoles d'agriculture, une première façon de les situer consisteàélaborer rapidement une géographie du réseau d'enseignement secondaire en Belgique francophone. Ce réseau compte en fait 14 écoles qui ont à leur programme une section d'agriculture ou d'agronomie. Ces sections sont de fait des sections proprement techniques, mais elles font partie de l'ensemble de l'enseignement secondaire dit "rénové"(2). Ce qu'il faut donc bien comprendre dans le système belge, c'est qu'il n'y a pas, formellement en tout cas, de distinction explicite entre une section d'agriculture et une autre section de l'enseignement secondaire quelle qu'elle soit. De mêmeilpeuty avoir, dans certains établissements, un même pouvoir organisateur de qui dépendentàla fois des sections d'enseignement général et des sections d'enseignement de type technique. Toutes ces sections de l'enseignement secondaire donnent théoriquement droit au même diplôme (sans cet examen très spécifique que constitue en France le bac), même diplôme qui permet l'accès à des études supérieures de tout type.

Il règne donc, depuis cette réforme de l'enseignement rénové, une apparente uniformisation de tout l'enseignement secondaire en Belgique francophone, cette organisation devant permettre une plus grande démocratisation et donc l'accès pour un plus grand nombreàce diplôme d'enseignement secondaire. Par ailleurs, il peut régner aussi dans les écoles une très large variété d'options, dont certaines sont proposées aux élèves presque à la carte.

La réalité est évidemment plus complexe, la démocratisation étant évidemment beaucoup moins réelle. En effet, suite à celle réforme, chaque école s'est plus ou moins spécialisée, sur base des options qu'elle proposait antérieurement, mais aussi en fonction des rapports réels existants entre les écoles proches (géographiquement parlant: pratiquement, une école est obligée de tenir compte des options déjà présentes dans les écoles voisines).

Au delà donc de l'effort d'uniformisation et de démocratisation théorique, concrètement, on peut néanmoins considérer qu'ilya plus ou moins trois types de réseaux plus ou moins informels: un premier réseau est constitué par l'enseignement général et scientifique fort: c'est ce réseau qui antérieurement donnait exclusivement accès à l'université. Un second réseau propose des options exclusivement techniques: c'est le cas de sections telles que celle de l'hôtellerie, de l'habillement, et

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aussi l'agriculture. Un troisième réseau informel propose une formation mixte, c'est-à-dire un enseignement général et scientifique relativement intermédiaire, mais il comprend aussi des aspects plus proprement techniques et professionnels: c'est le cas de sections appelées "sciences sociales", "sciences économiques", "secrétariat", "sciences naturelles", "biotechniques...

Pratiquement aussi, bien que ce ne soit pas une règle formelle, on retrouve souvent dans une même école des options d'enseignement fortes et ce qu'on a appelé ici par commodité, "réseau intermédiaire" (entre le scientifique et le technique).Ouencore ce même "réseau intermédiaire" et des options techniques. Bien qu'il n'y ait aucune réglementation à ce sujet, on retrOuve plus rarement une même école, et donc un même pouvoir organisateur supervisant ces trois types d'options de façon conjointe. Par contre tout se passe comme si une même école devait pouvoir proposer des options plus ou moins voisines, mais néanmoins hiérarchisées l'une par rapport à l'autre. Et plus loin, on pourrait aussi faire l'hypothèse que cette situation doit pouvoir permettre aux élèves des glissements, c'est-à-dire, en cas d'insuccès, la possibilité de pouvoir passer de cours jugés plus forts à d'autres plus faibles.

Tout ceci concerne les 6 années d'enseignement secondaire. Par contre on ne parlera pas ici de l'enseignement professionnel qui est resté tout à fait marginal par rapport à cet enseignement secondaire:ilne délivre évidemment pas de diplôme d'enseignement permettant l'accès à des études supérieures.

La brève définition de ce contexte de l'enseignement secondaire est importante à saisir si on veut concrètement se poser la question de savoir dans quels types d'enseignement se retrouvent les futurs agriculteurs et quels types de formation ils reçoivent. Carilfaut dire à ce propos que malgré l'uniformisation apparente de tout l'enseignement secondaire en Belgique francophone, dans les faits les sections d'agriculture et d'agronomie restent des parents pauvres de l'enseignement secondaire général, sections réputées faibles, en raison de leurs programmes scientifiques très fortement allégés, qui regroupent donc non seulement des élèves qui se destinent à l'agriculture, mais aussi ceux qui ne réussissent pas dans une autre section présente au sein de l'école.

On pourra voir ainsi par exemple que les cours d'écologie sont pratiquement totalement exclus de ces sections agricoles jugées trop faibles: ils sont insérés comme des cours utiles et courants dans les sections de "sciences naturelles" et de "biotechnologie", Par ailleurs les différents types d'exercices pratiques qui sont proposés aux élèves apparaissent aussi dans un certain type de classement: par exemple, les élèves d'agriculture ne vont pas en classe verte, alors que ces élèves auraient sans doute particulièrement besoin de pouvoir se déplacer, aller voir d'autres régions, d'autres expériences .., Ils n'ont pas non plus accès au matériel plus sophistiqué de certains laboratoires, qui est réservé aux sections plus fortes ou encore aux sections post-secondaires qui sont parfois présentes dans les mêmes complexes scolaires.

Ce que l'on veut suggérer par ces quelques exemples, c'est que tout se passe comme si, effectivement, les élèves fréquentant les sections d'agriculture étaient mis à distance, intellectuellement, mais même matériellement, de l'accès à ce qui est montré comme étant la science, les disciplines et les pratiques scientifiques. Il y a donc là un premier type de question qui concerne la liaison entre la place de la science et ses rapports avec l'environnement et l'organisation très matérielle

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des écoles, des filières d'enseignement, jusqu'à et y compris la composition des programmes, l'attribution de locaux ...

On fera l'hypothèse que l'ensemble de cette organisation matérielle par les types mêmes de classement concret qu'elle impose, constitue elle-même des filtres d'appréciation de ce qu'est et de ce que doit être la démarche scientifique.Laformation en agriculture qui est dispenséeàl'école se trouve donc prise dans un paradoxe: d'une part elle se trouve fortement miseàdistance d'une qualification ou d'une forme de compétence qui, d'autre part, est montrée comme une valeur devant lui être des plus utiles aujourd'hui, particulièrement pour et dans l'agriculture. Cette situation n'est pas nouvelle: elle est celle de toutes les pratiques agricoles par rapportàla science agronomique etàses experts, mais tout se passe comme si la démarche environnementale, de par le type de savoirs qu'elle produit et qu'elle diffuse, venait renforcer encore les effets de cette situation paradoxale.

4. LES RESEAUX D'ENSEIGNEMENT POINT DE RENCONTRE ENTRE DES ELEVES D'ORIGINE DIFFERENTE.

Par ailleurs, si on regarde les sections d'enseignement en fonction des élèves qui les fréquentent, on doit bien voir aussi qu'un certain nombre de jeunes qui fréquentent ces sections ne se destinent pas véritablement àl'agriculture. Ces élèves auront en fait une compétence technique minimum pour travailler dans un laboratoire de tout type : qu'il s'agisse d'une entreprise agro-alimentaire, d'un hôpital .... Cette situation se renforce encore du fait que l'agriculture occupe une part de plus en plus marginale de l'activité économique et que plusieurs de ces écoles se situent dans un tissu fortement urbanisé et industrialisé.

Par contre on peut aussi penser qu'un certain nombre de familles agricoles, qui en ont les moyens, poussent leurs enfants à fréquenter des sections plus fortes (par exemple des sections plus orientées sur la gestion économique, sections qui ont donc un niveau intermédiaire), dans le but soit de détourner directement leurs enfants de l'agriculture en leur donnant une formation apparemment plus utile sur le marché, soit encore de leur permettre de reprendre l'exploitation avec des compétences plus grandes, lesquelles n'ont pas forcément de rapport avec l'activité agricole elle même.

Ce tableau général de la situation de l'enseignement secondaire reste évidemment sommaire et il demanderaitàêtre confirmé par une étude statistique qui reste à construire entièrement dans la mesure où des relevés précis n'existent pas et devraient donc être constitués par un chercheur qui se poserait finalement la question: mais quel est donc le statut de l'enseignement des sections agricoles et agronomiques dans le contexte plus global de la formation initiale? Et par ailleurs, à quels types d'activités se destinent en fait les élèves qui les fréquentent et enfin, quelle est la formation réellement reçue par des jeunes qui reprennent ou vont reprendre une ferme?

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Par parenthèse il est bon de signaler que ces sections d'agriculture et d'agronomie sont encore presqu'exclusivement fréquentées par des élèves masculins. Par conséquent on peut se demander quel est le type de formation qui est accordée aux filles, et ceci est plus vrai encore lorsqu'on observe les réunions de formation qui sont dispensées par les organisations professionnelles agricoles.Oron sait que dans les exploitations, bon nombre de tâches sont aussi largement remplies par des femmes alors que l'idée que l'on se fait très généralement de la fonction d'agriculteur reste largement conditionnée par une image masculine.

Autrement dit, en se posant ici la question à partir du "public" qui fréquente ces sections, on remet un peu en cause l'idée que dans les sections d'agriculture se retrouvent forcément les futurs agriculteurs. Ceci pose aussi la question de savoir quel type d'intérêt ces élèves peuvent trouver dans une réflexion sur l'environnement.

S. LA POSITION DES ENSEIGNANTS

Un troisième point de vue consiste às'interroger sur le groupe des enseignants. Il semble essentiel que les enseignants qui veulent sensibiliser leurs élèvesà l'environnement soient eux-mêmes enthousiastes pour cette problématique, et c'est ce que n'a pas manqué d'observer notre petit groupe de travail en mettant sur pied une expérience de recyclage pour professeurs d'agronomie. Mais d'une façon peut-être un peu plus scientifique, on voudrait souligner ici que le statut de l'enseignant, mais aussi la perception de sa propre identité, l'idée qu'il se fait de lui-même, de ce qu'il a à faire, bref du rôle qu'il a jouer vis-à-vis de ses élèves, bref l'ensemble de ces perceptions, sont déterminantes de l'action qu'il va pouvoir entreprendre dans sa classe avec ses élèves.

On doit, pour commencer, faire une remarque qui concerne assez globalement tous les enseignants. On peut en effet observer que l'enseignant est un acteur qui, d'une façon générale, se présente comme relativement distant des enjeux économiques, administratifs et juridiques réels. Celte situation tient sans doute d'abord au statut de l'enseignant lui-même. Celui-ci, bien que mal payé, se trouve néanmoins à l'écart des surprises bonnes ou mauvaises, et donc des remous qui agitent le monde économique, celui des affaires, mais aussi celui du changement.

Mais plus fondamentalement, tout se passe comme si la légitimité de l'enseignement et des savoirs, en tant qu'abstraction, tenait dans sa mise à distance par rapport au quotidien et à ses enjeux singuliers et banaux. Autrement dit, le savoir, pour rester indiscuté, devrait resteràl'écart de ces enjeux, mais du même coup, il apparaît que précisémentilen devient discutable. Concrètement cette situation se lit comme un handicap dans le problème qui nous occupe: l'enseignant semble se trouver souvent écarté de l'information et des jeux directement liésàces enjeux du marché économique. Mais aussi la position de l'enseignant semble rejoindre sur ce point celle de l'agriculteur: ils apparaissent dominés par la loi du marché, la loi du rendement économique. Pour des raisons qui sont différentes, on peut observer une sorte de consensus entre les agriculteurs et les enseignants des filières

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agricoles: "il est impossible (ou en tout cas extrêmement difficile) de changer l'agriculture puisqu'on reste soumisàcette loi inexorable du rendement économique (et aussi ceUe des financements, prêts, quotas ...)". Ce type de discours qui est récurrent révèle en fait une domination des agriculteurs mais aussi des enseignants par rapportàl'économique. Mais cette domination va plus loin puisqu'eUe justifie la non compétence ou la non intervention....

Au delà de ce concensus, qui semble apparaître de façon fréquente et qui tient à une position plus générale dans le champ économique, les enseignants sont loin de former pour autant un groupe homogène. Il y a d'abord un point essentiel qui les concerne et les différencie tous: c'est le rapport entretenu par chacun avec l'activité agricole eUe-même. Brièvement, il ya des enseignants qui sont issus du milieu agricole et qui gardent une grande proximité et une grande compréhension pour ce milieu. Il y a des enseignants également sortis du milieu agricole mais qui ressentent plus le fait de l'avoir quitté comme une réussite, comme une victoire. Et il Y a enfin les enseignants qui n'ont eu auparavant aucun contact avec ce milieu agricole.

Ces trois types sont ici encore tout à fait caricaturaux. Mais ils n'en sont pas moins essentiels si on cherche à comprendre les limites mais aussi le dynamisme de l'action entreprise avec les élèves. Ces rapports ne concernent pas seulement ce qu'on appeUe généralement les habitudes culturelles des uns et des autres. Mais ils renvoient plus fondamentalement à une vision du monde, à des types privilégiés de classements des personnes, des choses et des événements, en bref c'est tout un 'codage' qui balise le rapport aux connaissances aux savoirs théoriques et pratiques.

Pour poursuivre, il semble bien que l'on puisse considérer (au moins) quatre types de modèles de perception et d'action chez les enseignants. On parlera ici plus particulièrement de ceux qui se sentent concernés par cet enjeu qui leur paraît essentiel, à savoir sensibiliser leurs élèves à l'environnement.

Il y a d'abord le type du "militant écologique" : ce type de personne est absolument convaincu de l'importance qu'il y a à diffuser de nouvelles connaissances et de nouveaux rapports à la nature. Ces personnes peuvent faire partie d'un groupe extérieur, et ont de ce fait des ressources en tennes de compétences, mais aussi de motivations, ressources que n'ont pas forcément les autres enseignants. Par contre l'aspect dogmatique de certaines idées qu'ils partagent, aspect qui est le moteur d'un groupe de militants, peut constituer un obstacle sérieux dans leurs contacts avec leurs élèves.

Il y a aussi ceux que l'on pourrait appeler les "militants pédagogiques". Ce type d'enseignants est, lui, motivé par une chose essentielle: il faut dispenser un savoir qui soitàlaportée des élèves, c'est dire que ce savoir soit adapté à leurs compétences intelIectuelles d'une part, mais aussi qu'il puisse être inséré dans leurs préoccupations concrètes et quotidiennes. Ce type de modèle produit des actions tout à fait efficaces au niveau des contacts avec les élèves et des cours qui leur sont donnés. Par contre ces motivations ne résolvent pas forcément la question des compétences proprement scientifiques: on peut rencontrer des enseignants qui agissent selon ce modèle et qui ont d'énormes problèmes pour mobiliser l'infonnation et finalement les nouveaux savoirs qui sont produits.

Il y a des enseignants que l'on pourrait qualifier du type "scientifique" : ils sont scientifiques dans leur fonnation mais aussi dans la démarche qu'ils veulent entreprendre avec leurs élèves. Par contre il faut constater que ce type de professeurs n'enseigne le plus souvent dans des sections faibles

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que parce qu'il ne leur a pas été possible d'avoir un poste dans une section noble. On trouve plus souvent chez eux une forme de dépit latent en raison du fait qu'ils se trouvent avec des élèves qui ne peuvent pas percevoir toute la légitimité des connaissances qu'ils leur apportent. Et d'ailleurs les enseignants qui se voient eux-mêmes avant tout comme des scientifiques cherchent toujours, avec le temps, à faire mieux correspondre leur carrière, et donc les classes dans lesquelles ils enseignent, à cette image qu'ils se font d'eux-mêmes et de la science.

Il faut citer un quatrième type de personnes qui nous semblent présentes sur ce terrain de l'action et du changement dans l'enseignement: ce sont des gens que l'on pourrait appeler des "activistes" ou des "gestionnaires" en ce sens qu'il est pour eux indispensable de faire quelque chose, quel qu'en soit l'objet, et d'utiliser pour cela toutes les ressources qui se présentent et aussi toutes les relations qu'ils peuvent mobiliser. Ces personnes voient dans le changement et l'action autant de façons d'accroître leur pouvoir soit dans l'école elle même, mais aussi en dehors. Par contre il est clair que c'est aussi chez elles que l'on trouvera sans doute un plus grand sens de l'organisation, une plus grande capacité àsaisir des occasions nouvelles pouvant apporter des changements ou des améliorations.

Il est clair qu'il s'agit bien là de types abstraits qui, en aucune façon ne renvoient àdes personnes précises, lesquelles d'ailleurs semblent agir le plus souvent selon une combinaison de ces caractéristiques et de ces modèles. Par contre cette typologie permet de mieux comprendre les différents obstacles que vont rencontrer les uns et les autres. Il apparaît que ces types renvoient, au moins indirectement, au type et au degré de formation reçue par chacun des enseignants, mais aussi qu'ils pourront s'expliquer par le milieu d'origine, et on renvoie ici à ce qui a déjà été dit précédemment.

6. LE GRAND MARCHE DE LA FORMATION ...

On pourrait étendre ce type de question à toutes les formations en agriculture qui sont dispensées également en dehors de l'école, par les associations professionnelles par exemple, ou même par certains réseaux de production et de distribution de produits chimiques, d'engrais etc... Tous ces lieux de formation ont un statut qui n'est pas neutre par rapportàl'enjeu plus vaste de la distribution des savoirs. Et dans cet enjeu, on doit réaliser que la production et la diffusion des connaissances en environnement ne sont pas neutres elles non plus.

Ces éléments de réflexion qui viennent d'être évoqués sont loin de constituer des lignes de conclusion sur le sujet. Ils voudraient par contre avoir pour ambition de démystifier ou d'aider un peu à comprendre plus largement le contexte plus général d'un type particulier de formation.

Ainsi par exemple, on a essayé de souligner qu'un groupe d'enseignants ou d'élèves n'est à priori jamais un groupe homogène, et qu'il faut donc essayer de mettre à jour ses différentes

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composantes par rapport à des ensembles plus vastes et qui sont toujours mouvants par le jeu constant de la qualification et de la disqualification.

Autrement dit, l'expérience pédagogique qui est entreprise ici s'accompagne de beaucoup d'enthousiasme, ce qui est par ailleurs indispensable dans ce type d'action. Mais on ne peut pas ne pas voir que cette expérience a lieu dans un réseau d'enseignement qui se trouve être un des plus déshérités, non seulement parce que le métier auquel il conduit se trouve être de plus marginal quantitativement et économiquement parlant, mais aussi parce que ses modèles d'action et d'appréhension du monde se trouvent être parmi ceux qui sont les plus éloignés de la culture légitime. Dans une perspective plus dynamique et plus positive, on peut également voir cette expérience pédagogique comme une transaction où l'activité pédagogique d'une patt et l'activité d'apprentissage d'autre part pourront se rencontrer comme un jeu positif pour chacun des partenaires. Il faut donc pour cela s'interroger sur les conditionsà remplir pour que l'environnement puisse être intégré positivement dans ce jeu. Du côté de l'enseignant,ils'agit que l'expérience pédagogique puisse être valorisée et valorisante dans la perception qu'il se fait de lui-même et de son mode d'intervention. Du côté de l'enseigné, il faudra probablement que les connaissances sur l'environnement puissent avoir des effets de réévaluation de savoirs professionnels ou de savoirs populaires sur la nature(3).

7. BIBLIOGRAPHIE

(1) M.MORMONT et C. MûUGENûT, 1991. -Environnement et maîtrise sociale des savoirs: problématique de recherche,7p., F.U.L. Arlon, Belgique.

(2) Cette appellation est issue d'une opération se restructuration de l'enseignement secondaire qui est intervenue en Belgique francophoneilya une vingtaine d'années.

Références

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