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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Culture et travail manuel.

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Academic year: 2021

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Culture et Travail manuel

L'enseignement technique est désormais une partie intégrante de l'éducation nationale ; il est entré défi-nitivement dans l'Université.

Ce rattachement f u t d'abord dicté par le souci oppor-tun des économies, qui exige la suppression des dou-bles emplois; par celui d'un meilleur aménagement des tâches administratives, car l'Inspection académique est un organe de centralisation tout désigné; par le désir d'assurer mieux le recrutement des écoles pra-tiques et des cours professionnels, nos écoles primaires étant leur source inépuisable; enfin, par celui de la coordination des divers ordres d'enseignement, ce qui est la forme la plus intelligible et la

plus féconde de l'école unique. « On a donc voulu, proclamait une circulaire ministérielle, resserrer les liens de la grande famille universitaire » en fai-sant du chef départemental du Service de l'Education, le directeur

adminis-t r a adminis-t i f , sinon encore pédagogique, de l'Enseignemenadminis-t technique.

Cette réforme n'a pas exclu certaines précautions, du reste sages et opportunes, car ce rattachement étroit, qui pouvait prendre, pour des témoins mal informés, figure d'assujetissement, a soulevé des inquiétudes, des alarmes même. On avait craint, bien injustement, que le commerce constant et familier avec l'Université et — qui sait ? — avec ses chefs, ne viciât l'esprit de l'Enseignement technique — t a n t il est vrai que les purs universitaires passent pour des assembleurs ingénieux de mots ou d'abstractions, alors qu'au contraire la production nationale a besoin de techniciens et de réalistes — t a n t il est vrai que

notre enseignement traditionnel est accusé de con-fondre les orateurs avec les hommes d'action, et de préparer les hommes du Forum plus que les hommes de l'usine.

Danger heureusement fictif ! La jeune Université croit de moins en moins à la vertu de l'enseignement livresque et s'imprègne toujours plus des méthodes expérimentales. Le temps est presque passé des phi-losophes et des historiens-orateurs à l'usage des cours

publics ; nous avons la prétention de pourvoir de compétences les lieux. où l'on produit, aussi bien que

les salons où l'on cause et que les salles où l'on dis-cute et pérore, les laboratoires comme les tribunes, les ateliers comme les chaires. Nous ne nourrissons pas, sans doute, le noir dessein de « tordre à l'éloquent son cou » — ce serait en France un sacrilège — mais

nous voulons d'un monde où l'action sera la sœur du rêve, et le verbe moins l'annonciateur éclatant que

l'enregistreur fidèle des gestes féconds et décisifs. M:*

L'idée qui a présidé à l'organisation pédagogique et administrative de l'Enseignement Technique à tous ses degrés f u t de marquer la solidarité étroite entre l'enseignement profession-nel et l'enseignement général.

On a reproché, en effet, souvent à l'Enseignement Technique de ne penser qu'à former le producteur, l'artisan, de le soumettre ainsi à la machine ou à l'outil, sans chercher à cultiver en lui le citoyen et l'homme, de le priver, enfin, de cette culture qui nous élève et nous libère de toutes les servitudes, des natu-relles et des sociales. Or, c'est précisément le grand

mérite de l'Enseignement Technique de vouloir conci-lier les nécessités professionnelles avec l'éducation po-pulaire, de faire effort pour rendre possible le progrès indéfini de l'ouvrier dans l'échelle des professions. Il

veut que les meilleurs puissent s'élever de la situation d'artisan à celle d'ingénieur. Mais, pour que la culture de l'ouvrier soit possible, elle doit être incorporée dans le métier, de sorte que le métier fournisse la ma-tière de ses réflexions et, pour ainsi dire, de sa philo-sophie de l'univers et de la vie. On peut concevoir et même espérer un régime où les loisirs de l'ouvrier se-raient tels qu'il pût se cultiver dans cette oisiveté stu-dieuse que connaissent quelques heureux de ce monde. Mais, en a t t e n d a n t l'avènement de cette ère nouvelle qui suppose un prodigieux essor des sciences appli-quées, il convient d'instituer un régime où la culture trouvera sa matière dans la profession même, dans les idées et les connaissances qu'elle suppose.

C'est ce qu'a compris l'Enseignement Technique. Pour que le travailleur s'acquitte de sa tâche avec joie et amour (et, a-t-on dit, « ne fît-on que des épingles,

O . A U R I A C

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il f a u t être enthousiaste pour les bien faire »), il f a u t qu'il en approfondisse les principes, qu'il aperçoive la place qu'il occupe dans le système des professions et le rôle qu'il joue dans l'effort grandiose par lequel l'in-dustrie f a i t la conquête de la nature.

Mais cette culture générale nécessaire à tous les membres d'une démocratie, en t a n t que producteurs et en t a n t que citoyens, pour la rendre désirable et accessible à tous, il f a u t l'approprier à chacun. L'en-seignement primaire élémentaire constitue l'enseigne-ment général fondal'enseigne-mental indispensable à tout artisan, même au plus humble manœuvre. Les cours profes-sionnels sont une tentative pour conférer un rudiment d'enseignement général plus caractérisé aux différentes catégories de producteurs. Dans les collèges modernes tendent à se former des humanités originales, fondées sur la synthèse des aptitudes intellectuelles et des apti-tudes manuelles à l'usage des cadres des professions industrielles et commerciales. Enfin, il y a une culture générale, dite secondaire, qui est une préparation lon-gue et lointaine à certaines professions libérales et à des fonctions de commandement et de direction.

Il est juste de proclamer que l'Enseignement Tech-nique a vu cette liaison nécessaire de la profession et de la culture et qu'il a conçu a u t a n t d'espèces de cul-ture que de catégories de professions. E t ces culcul-tures diverses, il va les chercher, soit dans les établissements universitaires déjà existants, soit dans des institutions nouvelles (cours professionnels, écoles pratiques, écoles de métiers, etc.), mais, pour autant, il n ' a pas méconnu l'existence de la culture désintéressée, car, au-dessus

ou du moins en dehors du savoir orienté vers la pro-fession, il y a le savoir orienté vers la connaissance pure ; on peut chercher à savoir pour pouvoir, a f i n de

pourvoir, et à savoir pour savoir, car toute la dignité de l'homme est dans la pensée, et au-dessus de tout il y a l'esprit, m a î t r e du monde.

Il y a donc une culture qui a son but en elle-même, et nous espérons bien qu'elle ne sera pas éternellement fermée à l'humble artisa n lui-même, car il ne serait pas juste et, du reste, il n'est p a s vrai qu'il y ait des hommes prédestinés, les u n s à la gloire de l'esprit, les autres à la misère intellectuelle. Un jour viendra où l'intelligence pourra être en chaque homme cultivée de manière que tous participeront à l'effort douloureux et à la joie sublime d'oublier les servitudes et les tristesses de la vie dans la contemplation de ces hautes et sévères vérités, familières aux sages de tous les temps, « qui dominent la mort, empêchent de la crain-dre et la font presque aimer ».

Dans cette union de la profession et de l'enseigne-ment général, si profitable, si nécessaire à la profes-sion, à son tour l'enseignement général a beaucoup à gagner; il est même appelé à être proprement renou-velé par cette association.

Elle nous a u r a appris que le travail manuel peut

servir de base à l'éducation intellectuelle. Comme les

aptitudes manuelles se développent a v a n t les aptitudes intellectuelles, comme il y a des vertus intellectuelles et morales propres au travail manuel et surtout au

travail en commun, c'est par lui qu'il f a u d r a i t com-mencer à l'école primaire; il convient de « f a i r e f a i r e par les enfants, dit Guyau, les choses qu'on se con-tente aujourd'hui de leur montrer », et de « m e t t r e les idées dans leurs d o i g t s » . Pourvu qu'on soit exigeant, qu'on ne se contente pas de l'à-peu-près, qu'on ne ban-nisse pas l'effort, qu'on ne permette pas de tourner la difficulté, qu'on conçoive le travail manuel comme une lutte méthodique avec la matière et avec l'outil, le travail manuel devient une école d'observation, de réflexion, de jugement, de volonté et d'altruisme. C'est le travail manuel qui nous sauvera de toutes les fausses pédagogies, de l'enseignement superficiel et livresque, de la vanité des faux-savants, dont la virtuosité ver-bale cache la médiocrité d'esprit, du préjugé de l'in-telligence purement spéculative qui « emplit les villes d'orgueilleux raisonneurs et de contemplateurs inu-tiles » (Proudhon).

Nous ne ferons ainsi que remonter à la source du développement intellectuel, car les éléments des scien-ces f u r e n t tirés des premiers engins de l'industrie, et la théorie est sortie de la pratique, qui n'est d'ailleurs qu'une science confuse et instinctive. On ne compte pas les progrès scientifiques dus à l'obligation de résou-dre des problèmes posés par les besoins de la vie cou-rante. Pasteu r et Berthelot en témoignent, et c'est même pour résoudre un problème d'artillerie que Gali-lée a déterminé la loi de la chute des corps, c'est-à-dire la première loi de la physique moderne. Toute idée vraie naît de l'action et doit revenir à l'action, et l'homme ne sait absolument, disait le petit pauvre d'Assise, q u ' a u t a n t qu'il agit.

C'est une nécessité de se spécialiser un jour et quel-quefois dans des métiers très humbles. Il ne f a u t pas s'en plaindre, car l'important, dit Gœthe, c'est que « l'homme s'entende à quelque chose d'une manière tout à f a i t définie et qu'il sache la f a i r e d'une manière vraiment r e m a r q u a b l e » . N'ayons pas l'humilité pro-fitable à certains de penser que le travailleur manuel est d'un autre ordre que le travailleur intellectuel. « Qui travaille de ses mains, parle et écrit à la fois », disait Proudhon, ancien petit ouvrier imprimeur et génial autodidacte; et Pascal ne f a i s a i t guère de dif-férence entre un géomètre et un habile artisan. En fin de compte, dans la vie humaine, tout est

appren-tissage, tout est éducation, c'est-à-dire affaire de volonté, et, à la longue, nous deviendrons les maîtres de notre nature. Tous les g r a n d s rationalistes f r a n

-çais, depuis Descartes, ont pensé de même. E n t r e l'homme de génie et l'homme du peuple, disait Prou-dhon, toute la différence est que « l'un a appris plus que l'autre; mais la raison est la même chez tous les deux et c'est pour cela que le législateur, révolution-naire et philosophe tout à la fois, a décidé qu'il ne serait f a i t entre eux aucune acception de personne. P a r le travail, bien plus que par la guerre, l'homme a manifesté sa vaillance; par le travail bien plus que par la piété, marche la justice; et si, quelque jour, notre agissante espèce parvient à la félicité, ce sera encore par le travail. »

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