• Aucun résultat trouvé

La mentalisation à l'adolescence et les traits de personnalité limite et narcissique

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "La mentalisation à l'adolescence et les traits de personnalité limite et narcissique"

Copied!
199
0
0

Texte intégral

(1)

La mentalisation à l’adolescence et les traits de

personnalité limite et narcissique

Thèse

Josée Duval

Doctorat en psychologie – recherche et intervention (orientation clinique)

Philosophiae Doctor (Ph. D.)

Québec, Canada

© Josée Duval, 2017

(2)

La mentalisation à l’adolescence et les traits de

personnalité limite et narcissique

Thèse

Josée Duval

Sous la direction de :

(3)

iii Résumé

De par ses apports au niveau de la compréhension de la psychopathologie et du traitement psychologique des enfants, des adolescents et des adultes, la mentalisation est un construit pour lequel un intérêt grandissant est observé dans la littérature. Selon la théorie de la mentalisation, les expériences traumatiques à l’enfance, en venant fragiliser le développement des capacités de mentalisation, pourraient mener plus tard à des difficultés au niveau de la personnalité. Toutefois, ce modèle n’a pas encore été testé auprès d’une population adolescente. De plus, à ce moment-ci, la recherche dans le domaine demeure limitée en raison du peu d’outils disponibles afin d’évaluer spécifiquement le fonctionnement réflexif (FR) à l’adolescence.

Afin de combler ces lacunes, la présente thèse a pour objectif de documenter davantage la mentalisation à l’adolescence et ses liens avec la psychopathologie, plus particulièrement avec les traits de personnalité à l’adolescence. Cette thèse comprend deux articles empiriques. La première étude a pour objectif principal d’examiner les qualités psychométriques et la validité de la version francophone d’une récente mesure auto-rapportée du FR auprès d’un échantillon d’adolescents et de jeunes adultes de la communauté âgés de 12 à 21 ans. Les résultats appuient la validité du questionnaire et font ressortir, suite à des analyses factorielles exploratoires, la présence de trois facteurs représentant respectivement trois types distincts de mentalisation qui semblent associés de façon divergente à la psychopathologie. La deuxième étude, effectuée auprès du même échantillon, a pour objectif d’évaluer le rôle de médiation du FR dans la relation entre les expériences traumatiques à l’enfance (maltraitance émotionnelle, agression sexuelle/ violence physique et inversion des rôles) et le développement de traits de personnalité limite et narcissique à l’adolescence. Les résultats révèlent que la maltraitrance émotionnelle, par son impact négatif sur le FR de l’adolescent, serait associée aux traits de personnalité limite et au narcissisme pathologique. L’inversion des rôles dans la relation parent-enfant, par son impact négatif sur le FR de l’adolescent, serait spécifiquement associée au narcissisme grandiose. Les résultats de la présente thèse mettent de l’avant l’importance de considérer les difficultés de mentalisation, les expériences traumatiques à l’enfance et les traits de personnalité afin d’optimiser les interventions avec cette clientèle.

(4)

iv Table des matières

Résumé ... iii

Table des matières ... iv

Liste des figures ... viii

Liste des tableaux ... ix

Liste des abréviations ... xi

Liste des annexes ... xii

Remerciements ... xiii

Avant-propos ... xiv

Chapitre 1 : Mentalisation et fonctionnement réflexif ... 1

1.1 Définition de la mentalisation ... 1

1.2 Développement de la mentalisation au sein de la famille ... 1

1.3 La maltraitance et le développement de la mentalisation ... 5

1.4 Les quatre dimensions de la mentalisation selon Fonagy ... 7

1.4.1 Mentalisation implicite vs explicite. ... 7

1.4.2 Mentalisation de soi et d’autrui. ... 8

1.4.3 Mentalisation des aspects cognitifs et affectifs. ... 8

1.4.4 Mentalisation des caractéristiques internes et externes. ... 9

1.5 Instruments de mesure de la mentalisation ... 9

1.6 Développement et rôles de la mentalisation à l’adolescence ... 14

Chapitre 2 : La mentalisation dans une perspective de psychopathologie développementale ... 18

2.1 Comportements externalisés ... 18

2.1.1 Fonctionnement réflexif. ... 19

2.1.2 Théorie du traitement de l’information sociale de Dodge. ... 21

2.1.3 Estimation de l’acceptation par les pairs. ... 22

2.1.4 Théorie de l’esprit et empathie. ... 23

2.1.5 Reconnaissance des émotions et alexithymie. ... 24

2.2 Comportements internalisés ... 25

(5)

v

2.2.2 Dépression. ... 26

Chapitre 3 : Les troubles de personnalité à l’adolescence ... 29

3.1 Validité du diagnostic des troubles de personnalité à l’adolescence ... 29

3.2 Le trouble de personnalité limite ... 31

3.2.1 Théorie de la mentalisation et trouble de personnalité limite. ... 32

3.2.2 Théorie de l’hypermentalisation et appuis empiriques. ... 34

3.2.3 Expériences traumatiques et le trouble de personnalité limite. ... 38

3.3 Narcissisme pathologique à l’adolescence ... 43

3.3.1 Narcissisme normal à l’adolescence. ... 44

3.3.2 Étiologie du narcissisme pathologique. ... 46

3.3.3 Narcissisme pathologique et mentalisation. ... 48

3.4 Trouble de personnalité limite vs narcissisme vulnérable ... 50

Chapitre 4 : Résumé de la problématique et présentation des deux études ... 52

Chapitre 5 : Fonctionnement réflexif et psychopathologie auprès d’un échantillon d’adolescents dans la communauté ... 55

Résumé ... 55

Introduction ... 56

Définition et développement du fonctionnement réflexif ... 56

Fonctionnement réflexif et psychopathologie ... 57

Instruments de mesure du fonctionnement réflexif ... 60

La mesure auto-rapportée du FR ... 60 La présente étude ... 62 Méthode... 64 Participants ... 64 Instruments ... 64 Procédure ... 68 Analyses statistiques ... 68 Résultats ... 69

Analyse factorielle du RFQ-Y ... 69

Analyse corrélationnelle ... 71

Analyses de régression ... 72

(6)

vi

Conclusion... 79

Références ... 80

Chapitre 6 : Le fonctionnement réflexif comme médiateur de la relation entre les expériences traumatiques à l’enfance et les traits de personnalité limite et narcissique à l’adolescence ... 96

Résumé ... 96

Introduction ... 97

Trouble de personnalité limite et expériences traumatiques ... 97

Narcissisme pathologique et expériences traumatiques ... 99

Expériences traumatiques et mentalisation ... 102

Traits limites et narcissiques et mentalisation ... 103

La présente étude ... 105 Méthode... 106 Participants ... 106 Instruments ... 106 Procédure ... 109 Analyses statistiques ... 109 Résultats ... 110 Analyses préliminaires ... 110

Relations entre les variables ... 111

Analyse acheminatoire ... 112

Discussion ... 114

Traits de personnalité limite ... 115

Narcissisme vulnérable ... 115

Narcissisme grandiose ... 117

Limites de l’étude ... 118

Conclusion... 119

Références ... 120

Chapitre 7 : Conclusion générale ... 140

7.1 La mesure auto-rapportée du FR ... 141

7.2 Les expériences traumatiques comme facteur de risque des troubles de personnalité à l’adolescence ... 143

(7)

vii

7.3 Le rôle de médiation de la mentalisation... 144

7.4 Forces et limites des études ... 145

7.5 Pistes pour les études futures ... 147

7.6 Conclusion ... 147

Bibliographie ... 148

(8)

viii Liste des figures

Figure 1

Analyse acheminatoire des associations significatives entre les expériences traumatiques à l’enfance, le FR, les traits de personnalité limite et le narcissisme pathologique auprès de 263 dolescents………,..………..139

(9)

ix Liste des tableaux

Chapitre 5 : Fonctionnement réflexif et psychopathologie auprès d’un échantillon d’adolescents dans la communauté (étude 1).

Tableau 1

Statistiques descriptives de l’échantillon...90 Tableau 2

Matrice de saturation du RFQ-Y après rotation………...91 Tableau 3

Corrélations entre les échelles du MASC et les facteurs du RFQ-Y25 (N=150)…………..93 Tableau 4

Corrélations entre les trois facteurs du RFQ-Y25 et la psychopathologie et entre les

échelles du MASC et la psychopathologie………94 Tableau 5

Résultats des analyses de régression multiple afin d’identifier la contribution des échelles du RFQ-Y et du MASC pour expliquer la variance des comportements externalisés, des comportements internalisés, des traits de personnalité limite et du narcissisme

pathologique auprès d’adolescents dans la communauté...95

Chapitre 6 : Le fonctionnement réflexif comme médiateur de la relation entre

expériences traumatiques à l’enfance et les traits de personnalité limite et narcissique à l’adolescence (étude 2).

Tableau 1

Statistiques descriptives des 263 adolescents……….135 Tableau 2

Comparaison de groupes (présence d’agressions sexuelles/violence physique versus absence d’agressions sexuelles/violence physique) quant à l’âge, le FR, les traits de

(10)

x Tableau 3

Corrélations entre le FR, les différents types d’expériences traumatiques, les traits

personnalité limite et le narcissisme pathologique……….137 Tableau 4.

Estimation des paramètres des associations entre les expériences traumatiques, le FR et la personnalité à l’adolescence chez 263 adolescents………138

(11)

xi Liste des abréviations

AAI……….Adult Attachement Interview ARFS ………...Adult Reflective Functioning Scale CAI ………..Child Attachment Interview CET………..Children Eye Test CRFS ………....Child Reflective Functioning Scale FR ………..…Fonctionnement réflexif MASC………....Movie for the assessment of social cognition PDI ………..……Parent Development Interview RFQ-Y………...…Reflective Function Questionnaire for Youth RMET………...………Reading the mind in the eyes test TPL………...Trouble de personnalité limite

(12)

xii Liste des annexes

Annexe A

(13)

xiii Remerciements

Je voudrais d’abord remercier les membres de mon comité de thèse qui m’ont accompagné tout au long des différentes étapes de l’élaboration et de la réalisation de mon projet, soit Madame Karin Ensink, directrice de thèse, madame Lina Normandin et Monsieur Stéphane Sabourin. Un merci spécial à ma directrice de thèse pour sa confiance et sa disponibilité tout au long de mon doctorat. J’ai eu la chance de travailler sur un projet qui m’a stimulé tout au long de mon parcours et qui m’a permis de me dépasser à plusieurs niveaux. Merci également à mesdames Catherine Bégin et Natacha Godbout pour la rigueur avec laquelle vous avez lu et commenté ma thèse. Vos commentaires m’ont permis d’approfondir mes réflexions et d’améliorer la qualité de mon document. Un merci également à tous mes collègues de laboratoire sans qui la réalisation de ce projet n’aurait pas été possible, pour votre implication aux plans de l’élaboration du protocole d’évaluation, de la traduction des questionnaires, du recrutement, de l’élaboration de la banque données et de la saisie des données. Sans vous, l’ampleur du travail m’aurait sûrement fait plus peur et j’aurais eu beaucoup moins de plaisir. Finalement, un merci sincère à ma famille et mes amis qui m’ont toujours encouragé et qui m’ont aidé à persévrer lorsque je rencontrais des obstacles. Votre présence à mes côtés a été précieuse et m’a permis de mener à terme de ce projet qui me tenait à cœur.

(14)

xiv Avant-propos

Cet ouvrage se présente comme une thèse par articles organisées en sept chapitres. Les trois premiers chapitres font une revue de la littérature sur la mentalisation et les troubles de personnalité à l’adolescence. Le quatrième chapitre résume la problématique et présente les objectifs et les hypothèses des deux articles (soit les chapitres 5 et 6). Finalement, au chapitre 7, une discussion générale et une conclusion viennent clore cette thèse. Le questionnaire RFQ pour adolescents est également inclus en Annexe A.

Les deux articles ont été réalisés dans le cadre de mon doctorat en psychologie, sous la direction de Madame Karin Ensink, Ph.D. Ma thèse s’inscrit dans un programme de recherche clinique de plus grande envergure qui a pour but l’élaboration et la validation d'un protocole d'intervention auprès d'adolescents présentant un trouble de la personnalité. Dans ce contexte, j’ai participé, en collaboration avec mes collègues de l’Unité de recherche et d’intervention auprès de l’enfant et l’adolescent de l’Université Laval, à l’élaboration du protocole de recherche et à la cueillette des données utilisées dans la présente thèse. Je suis toutefois l’unique auteure des deux articles; j’ai effectué l’ensemble des analyses statistiques et rédiger les différentes sections des articles. Suite au dépôt initial, les articles ont été traduits en anglais afin d’être soumis pour publication.

(15)

1

Chapitre 1 : Mentalisation et fonctionnement réflexif

1.1 Définition de la mentalisation

Fonagy et Target (1997) définissent la mentalisation comme le processus développemental par lequel l’individu apprend à développer la capacité à interpréter, implicitement et explicitement, les comportements des autres ainsi que ses propres comportements en termes d’états mentaux (c.-à-d. besoins, désirs, sentiments, croyances, buts et raisons; Fonagy, 2008; Fonagy, Gergely, Turist & Target, 2002; Fonagy & Target, 1997). Le terme fonctionnement réflexif (FR) est l’opérationnalisation des processus psychologiques sous-jacents à la capacité de mentaliser dans un contexte spécifique, soit celui d’une relation d’attachement (Fonagy et al., 2002). En attribuant des états mentaux aux autres, l’enfant parvient à attribuer un sens aux comportements d’autrui qui deviennent par le fait même plus facilement prévisibles (Fonagy et al., 2002). De plus, en tentant d’identifier le sens des comportements d’autrui, il en vient également à développer une capacité à nommer et à faire ressortir du sens de ses propres expériences psychologiques. Pour une situation sociale donnée, l’individu ayant de bonnes capacités de mentalisation sera ainsi capable d’activer la représentation de soi ou de l’autre qui s’avère la plus adaptée (Fonagy et al., 2002; Fonagy & Target, 1997). La mentalisation est considérée comme une aptitude essentielle à l’adaptation de l’individu à son environnement social de même qu’à l’établissement de relations interpersonnelles souvent complexes et constamment en changement tels que la famille, l’amitié, l’amour, la coopération, le jeu et la communauté (Sharp, Fonagy & Goodyer, 2008).

1.2 Développement de la mentalisation au sein de la famille

Le développement de la mentalisation s’inscrit dans le contexte social de la famille. En effet, son acquisition serait influencée par la qualité des interactions entre le jeune enfant et son parent, particulièrement lors du reflet d’états mentaux (mirroring) entre la mère et son enfant (Fonagy & Target, 1997). Quand la mère reflète les états émotionnels de son enfant, ce dernier voit dans le visage de sa mère une représentation de ce qu’il sent à

(16)

2

l’intérieur de lui, ce qui l’aide à reconnaître ses propres états émotionnels. Cet échange entre la mère et l’enfant permet à l’enfant d’établir une conscience primitive de lui-même et une compréhension de base de ses états émotionnels. En procurant à son enfant une rétroaction adéquate, non exagérée, de l’émotion qu’il a pu ressentir, la figure parentale sert de modèle adapté de régulation émotionnelle tout en aidant son enfant à contenir son état affectif inconfortable (Fonagy & Target, 1997). En agissant ainsi, le parent favorise le développement de la conscience et de la régulation des affects chez l’enfant, dont les mécanismes attentionnels et le contrôle exigeant (effortful control), et facilite son exploration du monde mental et émotionnel des autres. En d’autres mots, la capacité de l’individu à comprendre les comportements d’autrui en termes d’états mentaux est dépendante de la compréhension qu’il aura lui-même reçue de ses propres parents alors qu’il était enfant (Fonagy & Target, 1997). Cette capacité n’est donc pas constitutionnelle, mais plutôt perçue comme une réussite développementale de l’individu (Fonagy & Luyten, 2009).

Fonagy (2008) explique que, chez l’enfant en bas âge, le contexte d’une relation d’attachement sécure s’avère un environnement optimal pour le développement de la mentalisation. En appui à cette hypothèse, Steele, Steele et Croft (2008) rapportent en effet que la sécurité d’attachement en bas âge est associée à une meilleure compréhension émotionnelle à 6 et 11 ans. Humfress, O’Connor, Slaughter, Target et Fonagy (2002) observent que l’attachement, mesuré à l’aide du « Child Attachement Interview » (CAI; Shmueli-Goetz, Target, Fonagy & Datta, 2008; Target, Fonagy, Shmueli-Goetz, Schneider & Datta, 2000), est également modérément associé à la performance d’adolescents à une tâche de théorie de l’esprit. Fonagy (2008) explique cette association entre la sécurité d’attachement et la mentalisation par le fait que, dans un contexte de sécurité d’attachement, l’enfant se sent plus libre d’explorer les états mentaux de son parent comme il ne craint pas d’y repérer des intentions hostiles à son égard contrairement à une relation traumatique où la figure parentale est souvent à la fois la source de peur et de réconfort. Dans ce dernier cas, la proximité avec la figure maternelle est ainsi maintenue au détriment du FR de l’enfant (Fonagy et al., 2002). Les enfants et les adultes qui ont grandi dans un contexte d’adversité seraient donc plus à risque de voir leurs capacités de mentalisation réduites, particulièrement dans des situations où ils sont impliqués émotionnellement.

(17)

3

Plus récemment, Fonagy et Allison (2014) émettent l’hypothèse que les capacités de mentalisation du parent joueraient également un rôle-clé dans le développement de la confiance épistémique chez l’enfant. Les auteurs définissent la confiance épistémique (epistemic trust) comme le mécanisme de protection évolutionniste qui permet à l’individu d’apprendre et d’évoluer. Lorsque la confiance épistémique est présente, l’individu se sentirait suffisamment en sécurité pour s’ouvrir à son environnement et faire des apprentissages. Il est suggéré que la nature de la relation d’attachement entre l’enfant et son parent va influencer la confiance que l’enfant va développer envers l’information qui lui sera transmise, que ce soit par son parent ou par les autres (étrangers). Un attachement sécure entre le parent et l’enfant, et le sentiment d’être entendu et compris qui en découle, vont favoriser chez l’enfant le développement d’une confiance vis-à-vis d’autrui de même qu’une confiance en ses propres croyances et expériences et en son propre jugement. Toutefois, un attachement insécure ou désorganisé peut venir entraver ce processus et ainsi amener chez l’individu une difficulté à faire confiance (Corriveau et al., 2009). Plus spécifiquement, l’enfant qui présente un attachement désorganisé, en raison de sa méfiance vis-à-vis d’autrui, n’arrive pas à confirmer ou invalider sa compréhension de ses expériences ce qui le plonge dans un état d’incertitude et de vigilance épistémique. L’enfant se retrouve ainsi dans une recherche constante de validation associée à un manque chronique de confiance vis-à-vis d’autrui qui l’empêche d’internaliser l’information disponible pour organiser son comportement.

Les premiers travaux empiriques sur la mentalisation du parent ont porté sur l’association entre l’orientation mentale maternelle, c’est-à-dire la capacité de la mère à commenter de façon appropriée les états mentaux de son bébé durant une séance de jeu libre, et l’attachement de l’enfant (Meins, Fernyhough, Fradley & Tuckey, 2001). Suite aux travaux de Meins et collègues, Slade, Grienenberger, Bernbach, Levy et Locker (2005) se sont intéressés, pour leur part, au FR parental en lien avec l’attachement de l’enfant. En comparaison à l’orientation mentale, qui évalue principalement la capacité du parent à identifier les états mentaux de son enfant, le FR parental s’attarde à la capacité de la mère à reconnaître les relations dynamiques entre les états mentaux et le comportement ou entre les états mentaux et d’autres états mentaux (Slade, 2005). Les travaux sur le FR font ressortir que les mères qui ont de meilleures capacités de mentalisation, qu’elles soient

(18)

4

mesurées pendant la grossesse ou après la naissance de l’enfant, ont plus souvent un enfant qui présente un attachement sécure et organisé (Ensink, Normandin, Plamondon, Berthelot & Fonagy, 2016; Grienenberger, Kelly & Slade, 2005; Slade et al., 2005). Rutherford, Goldberg, Luyten, Bridgett et Mayes (2013), qui se sont également attardés au FR maternel, mais de façon auto-rapportée (à l’aide du Reflective Function Questionnaire for Parent (RFQP); Luyten, Mayes, Nijssens & Fonagy, 2017), observent que les mères qui présentent un plus grand intérêt et une plus grande curiosité par rapport aux états mentaux sont davantage en mesure de tolérer la détresse générée par la simulation d’un enfant en pleurs, et donc possiblement plus en mesure de réguler leurs propres réactions émotionnelles afin de répondre aux besoins de leur enfant.

Alors qu’un lien assez important semble se dessiner entre le FR maternel et la sécurité d’attachement de l’enfant en bas âge, les capacités de mentalisation du parent semblent également avoir des répercussions plus tard dans le développement de l’enfant. En effet, l’orientation mentale maternelle prédirait la performance de l’enfant à des tâches de théorie de l’esprit à l’âge de 24 et 45 mois (Laranjo, Bernier, Meins & Carlson, 2010; Meins et al., 2002) et ce, indépendamment de la sécurité d’attachement entre la mère et son enfant (Meins et al., 2002). De plus, le FR maternel, mesuré durant la grossesse, prédirait aussi la performance de l’enfant à des tâches de théorie de l’esprit à 5 ans de même que son estime de soi à 11 ans (Steele & Steele, 2008). Le FR parental prédirait également la capacité de l’enfant à jouer et à symboliser (Fonagy & Target, 1996), une capacité qui a récemment été identifiée comme un précurseur du FR chez l’enfant (Tessier, Normandin, Ensink & Fonagy, 2016). Des études plus récentes révèlent que le FR parental est également associé au FR de l’enfant (Ensink et al., 2015; Ensink, Bégin, Normandin & Fonagy, 2016) et au FR de l’adolescent (Benbessat & Priel, 2012). Ces différentes observations viennent appuyer les hypothèses théoriques de Fonagy selon lesquelles la sécurité d’attachement de l’enfant et la mentalisation du parent pourraient expliquer, du moins en partie, le développement de la mentalisation et de la psychopathologie chez l’enfant.

(19)

5

1.3 La maltraitance et le développement de la mentalisation

Afin de favoriser un développement optimal de la mentalisation, il est postulé que l’enfant doit évoluer dans un environnement sécuritaire où il peut établir et maintenir des relations interpersonnelles saines. À l’opposé, un contexte d’adversité ou de maltraitance peut venir perturber le développement de la mentalisation chez l’enfant. Fonagy et Bateman (2007) postule que ce n’est pas la maltraitance en soi qui nuit à la mentalisation, mais plutôt un contexte familial qui décourage un discours cohérent par rapport aux états mentaux. En d’autres mots, c’est par l’incapacité de prendre en considération la perspective de l’enfant que la négligence, le rejet, le contrôle excessif et le manque de support des parents vont nuire au développement de la mentalisation chez l’enfant. Si, de surplus, de l’agressivité et de la cruauté sont dirigés vers l’enfant, ce dernier peut en venir à inhiber le processus développemental normal de la mentalisation afin de préserver l’image de la figure d’attachement. En effet, devant la présence d’une menace ou d’un danger, le système d’attachement de l’enfant est automatiquement activé; l’enfant va donc se tourner vers son parent afin de se protéger et de se sentir en sécurité. Or, dans les contextes où le parent est la source de violence et/ou de négligence, cette recherche de proximité auprès du parent maintient l’enfant dans un environnement potentiellement menaçant causant ainsi une activation prolongée du système d’attachement et par conséquent une inhibition de la mentalisation. Quoiqu’adapté à court terme comme stratégie de régulation, l’inhibition de la mentalisation est néfaste à moyen et long terme comme elle prive l’enfant d’un outil essentiel afin d’intégrer les expériences traumatiques vécues (Fonagy, 1999). De plus, en l’absence d’une capacité à représenter les idées comme des idées et non comme la réalité, on peut penser que l’enfant se retrouve contraint d’accepter l’idée que son parent le rejette à cause de lui, l’amenant ainsi à développer une représentation négative de lui-même (Fonagy, 1999), ce qui le met à risque de développer plus tard des problèmes de santé mentale.

En appui à ces hypothèses théoriques, plusieurs études effectuées auprès d’enfants victimes de maltraitance démontrent que ceux-ci présentent des difficultés à reconnaître et identifier les émotions adéquatement (Camras et al., 1988; Camras et al., 1990, Camras, Grow & Ribordy, 1983; During & Mcmahon, 1991; Pears & Fisher, 2005; Pollak, Cichetti, Hornung & Reed, 2000), ont une moins bonne performance à des tâches de théorie de

(20)

6

l’esprit (Cichetti, Rogosch, Maughan, Toth & Bruce, 2003; O’Reilly & Peterson, 2015; Pears & Fisher, 2005) et présentent des déficits au niveau du traitement de l’information sociale (Dodge, Pettit, Bates & Valente, 1995; Weiss, Dodge, Bates & Pettit, 1992). Plus récemment, Ensink et al. (2015) observent que des enfants d’âge scolaire qui ont été agressés sexuellement, comparativement aux enfants du groupe contrôle, présentent un moins bon FR général au Child Reflective Functioning Scale (CRFS; Ensink, Target, Oandasan & Duval, 2015), mais également aux deux sous-échelles du CRFS soit la mentalisation par rapport à autrui et la mentalisation par rapport à soi. De plus, les auteurs rapportent également qu’un contexte d’agression sexuelle intrafamiliale semble plus nuisible au développement de la mentalisation qu’un contexte d’agression sexuelle extrafamiliale. Dans une étude subséquente, Ensink et al. (2016) observent que l’expérience d’agression sexuelle, par son impact négatif sur la mentalisation de l’enfant, serait associée à plus de symptômes dépressifs et à plus de comportements externalisés chez l’enfant.

Quoique les études qui s’attardent à la mentalisation ou à la cognition sociale des adolescents qui ont vécu de la maltraitance soient moins nombreuses, leurs résultats pointent tout de même dans la même direction. Par exemple, au niveau du FR, Borelli, Compare, Snavely et Decio (2014) observent que le fait d’avoir vécu de la négligence durant l’enfance serait associé au développement d’un attachement insécure. Cette relation serait toutefois modérée par le FR puisque les adolescents qui ont vécu de la négligence et qui ont un faible FR ont plus de chances d’avoir un attachement insécure comparativement aux adolescents qui ont également vécu de la négligence, mais qui ont un FR élevé. Ces résultats sont toutefois à interpréter avec prudence comme la majorité des participants ont rapporté un faible niveau de négligence parentale. Les adolescents qui ont vécu de la maltraitance obtiennent également de moins bonnes performances à des tâches complexes de théorie de l’esprit (Kay & Green, 2016; Koizumi & Takagishi, 2014) et présentent des biais au niveau du traitement de l’information sociale. Plus précisément, il ressort que ceux-ci tendent à inférer des intentions hostiles aux autres et à choisir plus souvent une solution passive ou hostile à des scénarios sociaux ambigus (Calvete & Orue, 2011; Kay & Green, 2016). On peut penser que les enfants qui sont victimes de violence ou exposés à de la violence au sein de leur milieu familial peuvent en venir à développer une représentation des autres comme potentiellement menaçants et ainsi leur attribuer des intentions hostiles

(21)

7

(Calvete & Orue, 2011). Finalement, Shenk, Putnam et Noll (2013) observent que les adolescents qui ont vécu de la maltraitance, indépendamment du type de maltraitance vécu, auraient également plus de difficultés à reconnaître les émotions, particulièrement la peur. Toutefois, Leist et Dadds (2009) rapportent plutôt une relation inverse, c’est-à-dire que les adolescents qui ont vécu de la maltraitance reconnaissent plus facilement les expressions faciales de tristesse et de peur.

1.4 Les quatre dimensions de la mentalisation selon Fonagy

Selon Fonagy et Luyten (2009), la mentalisation serait un construit multidimensionnel : la première dimension faisant référence au mode de fonctionnement (c.-à-d. implicite ou explicite), la deuxième à l’objet ciblé (c.-à-d. le soi ou l’autre), la troisième à l’aspect du contenu et du processus de la mentalisation (c.-à-d. affectif ou cognitif) et la dernière s’attardant au type de caractéristiques mentalisées (c.-à-d. interne vs externe). Il nous semble important de bien clarifier ces différentes dimensions comme il est de plus en plus avancé que les individus ne présenteront pas nécessairement un déficit général de mentalisation, mais plutôt des atteintes spécifiques en fonction de leur problématique et de leur histoire développementale.

1.4.1 Mentalisation implicite vs explicite. D’abord, la mentalisation implicite réfère aux opérations inconscientes, automatiques et procédurales que l’individu met en place afin d’explorer les états mentaux d’autrui et ses propres états mentaux (Choi-Kain & Gunderson, 2008). Par exemple, lors d’une discussion où chaque individu est amené à prendre la parole à tour de rôle, ce serait un processus de mentalisation implicite qui serait en opération. Sans y réfléchir trop longuement, les gens parviennent naturellement et instinctivement à garder en tête un sujet de discussion et sont également en mesure d’anticiper le moment où leur partenaire pourrait vouloir intervenir dans la conversation. Ce mode automatique est plus adapté dans des contextes où la sécurité de l’individu est menacée et où conséquemment une réponse rapide est requise (ex. situations de lutte ou de fuite) ou dans les situations où l’individu doit traiter spontanément les processus mentaux des autres comme c’est le cas lors d’une conversation (Allen, 2006; Fonagy & Luyten, 2009). La mentalisation explicite implique, pour sa part, l’utilisation de processus conscients et délibérés. Celle-ci est donc plus adaptée dans des situations qui requièrent de

(22)

8

la réflexion et de l’interprétation (Allen, 2006; Fonagy & Luyten, 2009). La psychothérapie peut être considérée comme un bon exemple de mentalisation explicite (Choi-Kain & Gunderson, 2008). Le thérapeute tente, de façon consciente et délibérée, d’identifier les états mentaux du patient et encourage ce dernier à en faire de même. Même si les modes implicite et explicite représentent deux pôles du processus de mentalisation, ils ne sont pas pour autant mutuellement exclusifs. Les individus peuvent alterner entre ces deux modes de fonctionnement ou les utiliser simultanément. Toutefois, l’anxiété ou tout autre affect enclenchant une activation physiologique active la mentalisation implicite et vient inhiber les systèmes neuronaux qui sont associés à la mentalisation contrôlée (Mayes, 2006). Le niveau d’activation nécessaire pour l’inhibition de la mentalisation explicite dans le but de favoriser une mentalisation plus automatique varierait toutefois d’un individu à l’autre.

1.4.2 Mentalisation de soi et d’autrui. Deux objets seraient principalement ciblés par la mentalisation: le soi et l’autre. Toutefois, ces deux objets seraient fondamentalement et constamment en interaction (Choi-Kain & Gunderson, 2008). La capacité de l’individu à s’attarder à ses propres pensées et sentiments serait donc potentiellement déterminée par sa capacité à s’intéresser au monde interne de l’autre et vice et versa. Choi-Kain et Gunderson (2008) mettent de l’avant un conflit entre amis pour illustrer ce concept. Si un des individus impliqués dans le conflit prend conscience qu’il est fâché contre son ami, il est également en mesure d’envisager que son ami puisse être fâché contre lui. Ce n’est toutefois qu’en discutant et en interagissant ensemble que les deux partis peuvent développer une compréhension plus complexe, plus riche et plus réaliste du contenu respectif de leur monde interne. En résumé, à l’aide de la mentalisation, les deux amis peuvent en venir à mettre des mots sur l’incompréhension qui a mené au désaccord. Comme illustré dans cet exemple, le contenu mental des deux objets est dynamique : les sentiments, les pensées et les intentions sont continuellement influencés par les changements dans l’environnement interpersonnel.

1.4.3 Mentalisation des aspects cognitifs et affectifs. Troisièmement, le contenu et le processus de la mentalisation par rapport à soi ou par rapport aux autres peut cibler soit des aspects affectifs ou des aspects cognitifs et ce, à différents niveaux (Choi-Kain & Gunderson, 2008). En effet, la mentalisation requiert l’utilisation d’une panoplie

(23)

9

d’habiletés cognitives comme la plausibilité, la flexibilité et la complexité. Toutefois, celle-ci agit de façon optimale que lorsqu’elle parvient à intégrer la réflexion et l’introspection aux émotions. La mentalisation implique donc à la fois des aspects cognitifs qui permettent à l’individu d’avoir une introspection psychologique et une considération pour le monde interne d’autrui et une capacité émotionnelle à contenir et réguler ses propres émotions et pensées et celles des autres. Selon cette définition, un individu avec un faible FR aurait donc de la difficulté à prendre du recul par rapport à son expérience immédiate afin de considérer les processus mentaux impliqués (Fonagy et al., 1996).

1.4.4 Mentalisation des caractéristiques internes et externes. Des circuits neurologiques distincts seraient impliqués lorsque l’individu, afin d’inférer les états mentaux d’autrui ou ses propres états mentaux, déploie son attention sur des caractéristiques internes versus des caractéristiques externes (Fonagy & Luyten, 2009). Lorsque l’individu dirige son attention sur des caractéristiques internes, cela signifie qu’il va prendre directement en considération les pensées et les sentiments pour mieux comprendre son expérience ou celle d’autrui. À l’opposé, lorsque l’individu met l’accent sur des caractéristiques externes pour inférer des états mentaux, cela signifie qu’il s’attarde à des caractéristiques physiques ou visibles.

1.5 Instruments de mesure de la mentalisation

Dans le cadre de leurs travaux sur la transmission intergénérationnelle de l’attachement, Fonagy, Steele, Steele et Target (1998) développent l’échelle de cotation « Adult Reflective Functioning Coding Scale » (ARFS) qui leur permet d’évaluer la qualité de la mentalisation dans un contexte d’attachement chez l’adulte. Le FR est coté à partir du verbatim d’entrevue du « Adult Attachement Interview » (AAI; George et al., 1984, 1986, 1996) qui consiste en une entrevue d’environ une heure conçue de façon à évoquer des pensées, des souvenirs ou des émotions en lien avec les relations d’attachement développées durant l’enfance. L’évaluation du FR dans le cadre du AAI a donc pour but d’étudier comment les adultes réussissent ou échouent à utiliser un langage comportant des états mentaux afin de décrire leur histoire développementale. L’échelle du FR s’étend de -1 (un très faible FR où les réponses sont concrètes, totalement absentes de mentalisation ou sont des distorsions des états mentaux) à 9 (un FR exceptionnel où les réponses présentent

(24)

10

un raisonnement exceptionnellement complexe, élaboré et original sur les états mentaux). Cet instrument a comme limite de s’intéresser à la capacité du parent à mentaliser quant à sa propre enfance alors qu’il a été développé d’abord et avant tout afin d’éclaircir la relation entre la sécurité d’attachement de l’enfant et la mentalisation du parent (Fonagy, 2008). La capacité du parent à mentaliser quant à sa propre relation avec son enfant est donc assumée et non directement observée dans le cadre du AAI.

Afin de combler cette lacune, Slade, Bernbach, Grienenberger, Levy et Locker (2005) développent un nouvel instrument afin de permettre la mesure plus directe du FR du parent, c’est-à-dire la capacité du parent à réfléchir à l’expérience que peut vivre son enfant de même qu’à sa propre expérience en tant que parent. La cotation du FR parental est effectué à l’aide des verbatim du « Parent Development Interview » (PDI; Slade, Aber, Berger, Bresgi & Kaplan, 2003), une entrevue de 45 questions qui permet la mesure directe des représentations des parents par rapport à leur enfant, par rapport à leur rôle de parent et par rapport à la relation avec leur enfant. Les auteurs ont adapté chaque item du manuel de l’ARFS de façon à ce qu’il puisse être appliqué au PDI. Des analyses factorielles confirment la présence de deux dimensions associées, mais distinctes au PDI, soit la mentalisation par rapport à soi et la mentalisation par rapport à l’enfant. L’échelle du FR parental est semblable à celle de l’ARFS, c’est-à-dire qu’elle s’étend de -1 à 9. L’étendue allant de -1 à 3 est considéré comme un FR négatif à limité alors que l’étendue allant de 5 à 9 représente un FR élevé. L’étude de Slade et al. (2005) supporte la validité du construit du FR parental mesuré dans le cadre du PDI en observant une association positive entre le FR maternel et l’attachement de la mère ainsi qu’entre le FR maternel et l’attachement de l’enfant.

Alors que les précédents instruments s’intéressent au FR chez l’adulte, Ensink et al. (2013) développent la « Child Reflective Functioning Scale » (CRFS), une adaptation de l’ARFS afin d’évaluer les capacités de mentalisation des enfants âgés de 8 à 12 ans. Le FR chez l’enfant est évalué à partir du verbatim du CAI, une entrevue de 15 questions conçue pour activer le système d’attachement de l’enfant. Le CAI contient à la fois des questions où l’on demande à l’enfant de se décrire et d’autres où on lui demande de décrire sa relation avec ses parents. Les premières servent à évaluer ses capacités de mentalisation par rapport

(25)

11

à lui-même alors que les deuxièmes permettent l’évaluation de ses capacités de mentalisation par rapport aux autres. Le FR est évalué sur une échelle allant de -1 à 9 correspondant respectivement à un FR répudié et à un FR exceptionnel.

La précédente énumération des différents outils disponibles afin de mesurer la mentalisation dans un contexte d’attachement fait ressortir de façon évidente l’absence d’outils développés spécifiquement pour les adolescents, du moins jusqu’à très récemment. En effet, l’échelle de cotation CRFS a récemment été adaptée afin de pouvoir également être utilisée auprès des adolescents (Ensink et al., 2015). Il s’agit d’un outil prometteur, mais dont la validité psychométrique auprès de cette population reste tout de même à démontrer. De plus, malgré l’apport important du construit du FR pour la compréhension de plusieurs variables en lien avec la relation mère-enfant et la psychopathologie, la recherche dans ce domaine demeure relativement limitée jusqu’à ce jour, principalement en raison des limites économiques et scientifiques engendrées par l’échelle de FR développée par Fonagy et collaborateurs (1998). En effet, les différents instruments précédemment mentionnés sont tous utilisés dans le cadre d’entrevues cliniques qui doivent être filmées et transcrites pour en permettre la cotation. Chaque vidéo nécessite normalement environ six à huit heures de transcription ce qui rend la tâche coûteuse en temps et en personnel (Hill, Levy, Meehan & Reynoso, 2007). D’un point de vue plus clinique, quelques semaines peuvent donc être nécessaires afin d’obtenir de l’information plus précise quant aux capacités réflexives du patient. De plus, puisque l’évaluation du FR repose essentiellement sur cette entrevue, cela limite l’application du système de cotation à d’autres contextes cliniques. Afin de contourner ces limites, plusieurs auteurs se tournent vers des questionnaires auto-rapportés ou des tâches expérimentales qui mesurent des construits rapprochés du FR au plan théorique comme l’empathie, la théorie de l’esprit, la métacognition, la pleine conscience, etc. Toutefois, même si ces outils possèdent de bonnes qualités psychométriques et qu’ils sont plus simples de passation et de cotation, il n’en demeure pas moins qu’ils permettent seulement une évaluation partielle et indirecte de la mentalisation telle que définie par Fonagy.

Compte tenu des limites précédemment énoncées, nous nous sommes intéressés au Reflective Function Questionnaire (RFQ), une mesure auto-rapportée du FR qui comprend dans sa version originale 46 items (Fonagy et al., 2016). Ce questionnaire a été conçu afin

(26)

12

de capter différentes facettes de la mentalisation (Fonagy et al., 2016). En effet, il est postulé que les individus qui ont un FR élevé présentent une certaine certitude par rapport aux états mentaux d’autrui et par rapport à leurs propres états mentaux, tout en étant conscient que cette certitude demeure limitée compte tenu de l’opacité des états mentaux. Une mentalisation optimale est donc caractérisée par une capacité à développer des représentations relativement adéquates du monde interne des autres et de son propre monde interne tout en conservant une certaine modestie et humilité par rapport à la certitude de ces états mentaux (Fonagy et al., 2016). En ce sens, deux types d’altérations de la mentalisation ont été décrites dans la littérature soit l’hypomentalisation et l’hypermentalisation. L’hypomentalisation reflète une pensée concrète caractérisée par une difficulté ou un manque de motivation à développer des représentations complexes et nuancés du monde interne des autres et de son propre monde interne (Fonagy et al., 2016). De son côté, l’hypermentalisation (Sharp et al., 2011) est la tendance à faire des inférences exagérées quant aux états mentaux de sorte que les autres ont de la difficulté à concevoir que ces inférences puissent être justifiées. Les individus qui ont tendance à faire de l’hypermentalisation peuvent tout de même avoir l’impression qu’ils ont de bonnes capacités de mentalisation et ainsi présenter certains biais lorsqu’ils complètent des questionnaires auto-rapportés. En effet, ceux-ci peuvent endosser des items de FR de façon à protéger leur estime d’eux-même (ex. « Bien sûr que je sais toujours pourquoi je fais ce que je fais. ») malgré leurs difficultés objectives à fournir des explications plausibles aux motifs de leurs actions (Fonagy et al., 2016). Compte tenu de la complexité du concept de mentalisation et des défis que représentent sa mesure par le biais d’un questionnaire auto-rapporté, les auteurs avaient comme hypothèse qu’un seul système de cotation continue (où plus un individu obtient un score élevé, meilleur est son FR) ne capturerait pas de façon adéquate les réelles capacités de mentalisation de l’individu. En effet, dans une perspective de mentalisation, les deux extrêmes d’une échelle de type Likert peuvent tous deux représenter des altérations de la mentalisation. Par exemple, quelqu’un qui est fortement en accord avec l’énoncé suivant : « Je sais toujours comment je me sens » peut être considéré comme présentant une certitude excessive par rapport à ses états mentaux et donc ne pas respecter le postulat de l’opacité des états mentaux. D’un autre côté, quelqu’un qui est fortement en désaccord avec ce même item peut avoir une compréhension minimale de ses

(27)

13

propres états mentaux et avoir tendance à faire de l’hypomentalisation. Afin de tenir compte de ces spécificités, les auteurs ont donc initialement développé deux échelles de cotation pour leur questionnaire. La première échelle, qui utilise une procédure simple de cotation, c’est-à-dire que plus les scores sont élevés, meilleur est le FR, a pour but de mesurer la perception des individus quant à leurs capacités à identifier leurs propres états mentaux et ceux d’autrui. La deuxième échelle, qui utilise plutôt une cotation médiane où le milieu de l’échelle représente un FR élevé et les extrêmes de l’échelle un faible FR, permet d’évaluer la compréhension par l’individu que l’accessibilité aux états mentaux demeure tout de même sélective et limitée. Le rationnel derrière la conception de ces deux échelles était donc de capter ces différentes facettes de la mentalisation.

Plus récemment, Sharp et al. (2009) adaptent le RFQ afin qu’il puisse être utilisé auprès d’une population adolescente. Ha, Sharp, Ensink, Fonagy et Cirino (2013) utilisent le Reflective Function Questionnaire for Youth (RFQ-Y) auprès d’une population d’adolescents hospitalisés en pédopsychiatrie. Ceux-ci observent que les adolescents présentant des traits de personnalité limite auraient un FR plus faible que les autres adolescents cliniques. De plus, le score total au RFQ-Y est également positivement associé aux scores obtenus au CRFS, à une mesure auto-rapportée d’empathie et à une tâche vidéo de cognition sociale, le « Movie for the Assessment of Social Cognition » (MASC; Dziobek et al., 2006). De plus, dans le cadre d’une étude visant à évaluer l’efficacité d’une psychothérapie de groupe basée sur la mentalisation auprès d’adolescentes avec un TPL, Bo et collaborateurs (2016) rapporte une amélioration cliniquement significative du FR, tel que mesuré par le RFQ-Y (Ha et al., 2013) après un an de traitement.

Les résultats obtenus à l’aide du RFQ semblent prometteurs et viennent répondre à un besoin dans la littérature d’une mesure du FR simple et rapide, pouvant être utilisée dans divers contextes cliniques ou de recherche. Toutefois, à ce moment-ci, il n’y pas encore de consensus sur la façon optimale de coter les items du RFQ. En effet, depuis son développement initial, différentes procédures ont été avancées afin d’améliorer le questionnaire, que ce soit en lien avec ses qualités psychométriques ou ses contributions cliniques (Fonagy et al., 2016; Ha et al., 2013, Luyten et al., 2017). En effet, comme les analyses factorielles exploratoires initiales (Fonagy et al., 2016) ont démontrées que l’échelle utilisant une cotation médiane semblait biaisée, car elle nuisait à la distinction

(28)

14

entre l’hypermentalisation et l’hypomentalisation, différents auteurs se sont penchés sur le questionnaire afin de proposer une nouvelle cotation. En ce sens, des études supplémentaires sont nécessaires afin de clarifier le système de cotation à prioriser dans le cadre du RFQ-Y. La littérature sur la mentalisation mettant de plus en plus de l’avant la présence de différents types de mentalisation associés à des populations distinctes, il nous semblait primordial que la cotation utilisée pour le RFQ-Y puisse capter différentes facettes de la mentalisation, entre autres l’hypomentalisation, l’hypermentalisation et une mentalisation adéquate. En effet, ces trois types de mentalisation sont identifiés par Perez-Rodriguez, Derish et New (2014) comme représentant trois groupes qui se distinguent en fonction de leurs habiletés socio-cognitives et leur fonctionnement interpersonnel. En ayant en tête cet objectif, nous avons priorisé de conserver l’ensemble des items du RFQ-Y et d’examiner à l’aide d’analyses factorielles exploratoires s’il est possible de faire ressortir des types de mentalisation distincts du questionnaire. Toutefois, la cotation médiane de la deuxième échelle a été laissée de côté comme les travaux précédents avaient démontrés qu’elle pouvait mener à la confusion de l’hypomentalisation et de l’hypermentalisation. La méthode priorisée dans la présente thèse a également été utilisée par Luyten et al. (2017) et a mené à l’identification au « Parental Reflective Functioning Questionnaire » (PRFQ), le questionnaire de FR parental, de trois facteurs représentant respectivement trois types de mentalisation : 1) les modes de prémentalisation, 2) la certitude excessive à propos des états mentaux de l’enfant et 3) l’intérêt et la curiosité pour les états mentaux de l’enfant.

1.6 Développement et rôles de la mentalisation à l’adolescence

L’adolescence s’avère une période développementale propice à l’étude de la mentalisation et ses liens avec la psychopathologie. En raison des enjeux développementaux propres à l’adolescence, les adolescents seraient particulièrement sensibles à leurs propres états mentaux et à ceux d’autrui. En effet, la période de l’adolescence est caractérisée par une augmentation de l’intensité émotionnelle et de la labilité de l’humeur en raison, en partie, des changements neuroendocriniens associés à la maturation sexuelle (Dahl, 2004; Steinberg et al., 2006). De plus, au plan social, il s’agit d’une période où les adolescents prennent une certaine distance par rapport à leurs parents et investissent de façon plus importante leurs amitiés. Ces changements affectifs et sociaux

(29)

15

augmentent les demandes au plan de l’autorégulation chez l’adolescent, particulièrement au plan de la régulation émotionnelle. Les adolescents qui ne peuvent pas se reposer sur de bonnes capacités de mentalisation se voient donc dépourvus d’un outil essentiel afin de traverser cette période de transition de l’enfance à l’âge adulte les plaçant ainsi davantage à risque de développer des problèmes de santé mentale.

La recherche en psychologie développementale concernant la théorie de l’esprit a démontré que la capacité à comprendre les états mentaux des autres se développe normalement dans les quatre à cinq premières années de vie. Or, il semble que l’interaction entre la mentalisation et les autres processus cognitifs, tels que les fonctions exécutives, continuent à se développer durant l’adolescence et ce, jusqu’au début de l’âge adulte (Dumontheil, Apperly & Blakemore, 2010). En effet, les récents résultats d’études de neurosciences indiquent que, durant cette période développementale, le cerveau subit une réorganisation qui mène, entre autres, à l’évolution des régions impliquées dans la cognition sociale et la conscience de soi (Blakemore, 2010). De façon générale, les tâches de mentalisation ou de théorie de l’esprit viendraient activer un réseau de régions cérébrales spécifiques: le sillon temporal supérieur postérieur au niveau de la jonction temporo-pariétal, les lobes temporaux et le cortex préfrontal dorsal médian (Burnett & Blakemore, 2009; Sebastian et al., 2012). Or, il est observé que l’activité cérébrale serait plus grande dans le cortex préfrontal dorsal médian chez les adolescents comparativement aux adultes lors de la passation de tâches de mentalisation (Blakemore, 2008a; Blakemore, 2010; Blakemore, den Ouden, Choudhury & Frith, 2007) alors que l’activité cérébrale dans le sillon temporal supérieur serait moins élevée chez les adolescents que chez les adultes (Blakemore et al., 2007). Cela suggère que la stratégie neuronale impliquée dans le traitement des intentions évolue de l’adolescence à l’âge adulte (Blakemore, 2008a). Même si un réseau cérébral similaire semble activé peu importe l’âge, le rôle relatif de chacune des régions impliquées lui évolue; l’activité se déplaçant des régions antérieures à l’adolescence aux régions postérieures à l’âge adulte. Toutefois, les raisons de ces changements d’activité au cours du passage de l’adolescence à l’âge adulte demeurent encore incertaines. Une première hypothèse avancée est que les stratégies cognitives utilisées pour parvenir à identifier les états mentaux d’autrui évolueraient de l’adolescence à l’âge adulte (Blakemore, 2008b). Une deuxième hypothèse est que ce changement

(30)

16

fonctionnel pourrait s’expliquer par des changements neuroanatomiques qui ont lieu durant cette période développementale. Entre autres, la diminution de l’activité dans le cortex préfrontal dorsal médian est souvent interprétée comme le résultat de la réduction de la matière grise en raison de l’élagage synaptique mis en place durant l’adolescence (Blakemore, 2008b). Cette élimination synaptique tardive pourrait expliquer l’efficience moindre du traitement de l’information sociale à l’adolescence. À cet effet, une augmentation de la connectivité entre le cortex préfrontal dorsal médian, le cortex temporal gauche antérieur et la jonction temporo-pariétal droite est observée au cours de la progression de la puberté (Klapwijk et al., 2013), un résultat qui appuie également la maturation du système de mentalisation durant l’adolescence.

Selon Fonagy et al. (2002), les adolescents seraient particulièrement sensibles aux états mentaux (de soi et d’autrui) en raison entre autres des changements cognitifs décrits précédemment. Durant cette période développementale, les adolescents seraient de plus en plus aptes à intégrer les états mentaux et à faire des références explicites aux états mentaux à l’aide du langage. Toutefois, lorsque cette intégration devient trop complexe, des difficultés au plan de la mentalisation peuvent devenir plus apparentes. Cette difficulté d’intégration pourrait s’expliquer par l’augmentation de la complexité des cognitions à cet âge sans toutefois que le langage, compétence essentielle à la mentalisation explicite, soit complètement développé. Nous savons également que l’adolescence est marquée par une maturation précoce du système limbique (responsable des affects) comparativement au cortex préfrontal (responsable des cognitions) qui lui continue à se développer tout au long de l’adolescence, ce qui nuit à l’intégration des états mentaux et du langage. Cette hypothèse est appuyée par les résultats de Rutherford et al. (2012) qui observent que le langage est relié à la mentalisation explicite chez les adolescents, quoique cette relation ne soit confirmée que chez les garçons.

L’adolescence est une période-clé dans le développement affectif de l’individu où les relations avec les pairs prennent davantage de place. Dans ce contexte, on peut penser que les capacités de mentalisation de l’adolescent lui sont particulièrement utiles afin d’établir et maintenir des relations amicales satisfaisantes. À cet effet, Cavojova (2012) observe que les adolescents empathiques et ayant de bonnes habiletés de mentalisation,

(31)

17

qu’elle regroupe sous le terme d’adolescents prosociaux, seraient plus souvent identifiés par leurs pairs comme ayant un nombre élevé d’amis. Ils seraient appréciés par les autres en raison de leurs capacités à offrir du support, du partage et de la sympathie, qualités souvent recherchées en amitié. Les adolescents pour qui ces habiletés seraient déficitaires se tourneraient plutôt vers des comportements perturbateurs ou violents afin d’attirer l’attention de leurs pairs. Ces stratégies leur permettraient, tout comme les premiers, d’accéder à la popularité, mais nuiraient à l’établissement de relations amicales authentiques. Dans une étude longitudinale, Ciarrochi, Heaven et Supavadeeprasit (2008) tentent de préciser le sens de cette relation entre mentalisation et amitié chez les adolescents. Ils s’intéressent ainsi à l’impact de la reconnaissance des émotions sur les expériences affectives et le réseau social de l’adolescent un an plus tard. Les résultats font ressortir que les participants ayant plus de difficultés à identifier leurs émotions rapporteraient moins de support social et davantage d’affects négatifs un an plus tard comparativement aux autres participants pour qui le support social et l’expérience émotionnelle demeureraient stables.

En résumé, même si les précédens résultats appuient l’importance d’étudier la mentalisation à l’adolescence afin de mieux comprendre les difficultés psychologiques et relationnelles durant cette période développementale, peu d’auteurs s’y sont spécifiquement intéressés. C’est pourquoi la présente thèse cible directement cette population.

(32)

18

Chapitre 2 : La mentalisation dans une perspective de psychopathologie développementale

Des difficultés au plan de l’attachement et des expériences de violence ou de négligence durant les premières années de vie peuvent, en perturbant le développement des capacités de mentalisation chez l’enfant, également venir affecter le développement par l’enfant d’une représentation de soi cohérente et adéquate (Fonagy & Luyten, 2009) menant ainsi au développement de psychopathologie. Ce présent chapitre a pour objectif de résumer la littérature sur la mentalisation et sur la cognition sociale chez les enfants et les adolescents en lien avec la psychopathologie en s’attardant en premier lieu aux comportements externalisés et en deuxième lieu aux comportements internalisés.

2.1 Comportements externalisés

Selon Fonagy (2003), l’utilisation de la violence dans un contexte d’interaction sociale serait incompatible avec une tentative de comprendre les états mentaux d’autrui. Lors d’un comportement agressif, il y aurait donc une inhibition momentanée de la mentalisation (Bateman & Fonagy, 2010). En appui à cette hypothèse, une étude neurobiologique met de l’avant que le cortex préfrontal qui est impliqué dans la manifestation de différents comportements antisociaux est également impliqué dans la compréhension des états mentaux (Raine, Lencz, Bihrle, LaCasse, & Colletti, 2000), rendant ainsi difficile la présence de ces deux modes en simultané.

Des hypothèses sont avancées afin d’expliquer les raisons pour lesquelles certains individus ont une propension à adopter des comportements agressifs plutôt que d’user de mentalisation. Premièrement, certaines personnes auraient une prédisposition génétique qui ferait en sorte qu’ils seraient plus limités dans le traitement de l’information sociale et émotionnelle, ce qui mènerait au développement de traits psychopathiques chez ceux-ci et à de l’agressivité proactive. Elles parviendraient plus difficilement à user de leurs capacités à mentaliser et donc à inhiber leur agressivité naturelle. D’autres individus auraient plutôt de la difficulté à interpréter les états mentaux parce qu’ils n’ont jamais eu l’opportunité d’apprendre à décoder les états mentaux au sein d’une relation d’attachement sécure (Fonagy, 2003). Ainsi, dans un contexte de maltraitance, les capacités de mentalisation de

(33)

19

certains individus ont pu être compromises en bas âge par un sentiment d’anxiété relié aux pensées et aux sentiments de la figure d’attachement principal. Cette anxiété aurait amené l’enfant à éviter de penser à l’expérience subjective des autres afin de se protéger. Par conséquent, l’enfant en vient à manifester une apparente insensibilité aux autres qui est en réalité le résultat d’une anxiété enracinée. En ce sens, il est mis de l’avant que les enfants et les adolescents présentant un attachement insécure peuvent adopter des comportements agressifs dans le but de réduire leur anxiété relationnelle (Hill, Murray, Leidecker & Sharp, 2008). Par exemple, Hill, Fonagy, Lancaster et Broyden (2007) présentent deux types de vignettes à un groupe de garçons âgés de 5 à 8 ans référés en raison de leurs comportements externalisés et à un groupe contrôle de garçons du même âge. Les vignettes mettent respectivement en scène des situations de (1) peur et d’anxiété ou de (2) conflits et de colère. Afin d’évaluer la mentalisation, les auteurs ont choisi de s’intéresser au concept d’intentionnalité de Dennet (1987) qui réfère à la capacité de l’individu à comprendre les comportements en terme de buts, d’attitudes, d’émotions ou d’objectifs plutôt que comme de simples sons ou mouvements. La capacité de l’enfant à maintenir des relations familiales harmonieuses et à réguler sa colère et sa détresse dépendrait donc de sa capacité à maintenir son intentionnalité même lors d’un contexte anxiogène ou menaçant. Les auteurs observent que le groupe de garçons avec des comportements perturbateurs démontrent un niveau plus élevé d’agressivité dans leurs réponses comparativement au groupe contrôle. Toutefois, une plus faible intentionnalité est observée chez ceux-ci seulement en réponse aux vignettes qui mettent en scène de la peur et de l’anxiété. Selon Hill et collaborateurs (2007), l’enfant qui gère son anxiété et sa détresse en réduisant son intentionnalité en retire un soulagement immédiat. Toutefois, en réduisant son intentionnalité, il diminue également ses chances d’accéder à des comportements prosociaux ce qui augmente les risques qu’il réagisse en usant d’agressivité. Les enfants avec des comportements agressifs possèderaient donc les capacités d’être empathique ou de se sentir coupable face aux conséquences de leurs actions sur les autres, mais ces capacités pourraient être inhibées afin de soulager la peur et l’anxiété.

2.1.1 Fonctionnement réflexif. Ces résultats suggèrent l’importance des processus d’attachement et de la mentalisation dans la régulation émotionnelle et le développement des comportements externalisés chez les enfants et les adolescents. Toutefois, peu d’auteurs

(34)

20

se sont encore attardés à la mentalisation dans un contexte d’attachement auprès de cette population. Möller, Falkenström, Holmqvist, Larsson et Holmqvist (2014) se sont intéressés au FR de jeunes adultes incarcérés âgés de 18 à 21 ans. Ils ont évalué leurs capacités de mentalisation par rapport à leurs relations d’attachement, à l’aide du AAI, de même que leurs capacités de mentalisation par rapport au crime qu’ils ont commis. Pour ce faire, ils ont créé leur propre entrevue qui leur permettait d’explorer le crime commis, la période d’incarcération et leurs perspectives pour le futur. Environ les trois quarts de l’échantillon ont obtenu un score de FR entre 0 et 3, ce qui suggère des difficultés importantes de mentalisation chez cette population. Cela rejoint les précédents résultats de Levinson et Fonagy (2004) qui observent un FR significativement inférieur chez des criminels (moyenne FR = 2,11) comparativement à des individus présentant des troubles de personnalité (moyenne FR = 3,77) ou des problèmes de santé physique (moyenne FR = 5). Toutefois, alors que Levinson et Fonagy (2004) observent des scores de FR plus faibles chez les participants ayant commis des crimes violents que chez ceux n’ayant pas commis de crime violent, cette relation n’est pas corroborée par les résultats de Möller et al. (2014). De leur côté, Taubner, White, Zimmerman, Fonagy et Nolte (2013) se sont intéressés au FR, aux traits psychopathiques et à l’agressivité d’adolescents et de jeunes adultes âgés de 15 à 24 ans. Ils relèvent d’abord des associations significatives entre des déficits au plan du FR, la présence de traits psychopathiques et le niveau d’agressivité chez les participants. De plus, il semble que le FR ait un effet modérateur sur la relation entre la psychopathie et l’agressivité puisque les adolescents avec des traits psychopathiques tendent à agir de façon agressive, mais seulement lorsqu’ils ont un faible FR. Le FR jouerait également un rôle de médiation partielle entre la maltraitance à l’enfance (antipathie, négligence ou violence physique) et le développement de comportements agressifs à l’adolescence (Taubner, Zimmerman, Ramberg & Schröder, 2016) suggérant un effet inhibiteur du FR sur l’agressivité. Dans le même ordre d’idées, Ensink et al. (2016), comme mentionné dans le précédent chapitre, rapporte également, auprès d’enfants d’âge scolaire qui ont vécu ou non des agressions sexuelles, qu’un faible FR chez l’enfant et chez le parent est associé à davantage de comportements externalisés. Les auteurs observent également que le lien entre l’agression sexuelle à l’enfance et le développement de comportements externalisés peut s’expliquer, du moins en partie, par l’effet négatif de l’agression sexuelle sur la

Figure

Tableau 5. Résultats des analyses de régression multiple afin d’identifier la contribution des échelles du RFQ-Y et du MASC pour  expliquer la variance des comportements externalisés, des comportements internalisés, des traits de personnalité limite et du
Figure 1. Analyse acheminatoire des associations significatives entre les expériences traumatiques à l’enfance  (maltraitance émotionnelle, agression sexuelle/violence physique et inversion des rôles), le FR de l’adolescent  (échelles de confusion, intérêt

Références

Documents relatifs

En France, l’hépatite B fait l’objet d’un programme de vaccination répondant à une problématique de santé publique dans la mesure où ses

[r]

Coefficients de régression standardisés entre les deux dimensions de l’attachement, les cinq traits de la per- sonnalité et la violence conjugale psychologique..

 Comorbidity  of  borderline   personality  disorder  with  other  personality  disorders  in  hospitalized  adolescents  and  adults..  Borderline  personality

 Cet outil d’aide à la tâche vise à favoriser et à optimiser l’utilisation du guide d’intervention pour soutenir le développement de l’attachement sécurisant

1. La sécurité de l’attachement à l’adolescence et pendant l’enfance prédisait de façon significative la sécurité de la représentation de l’attachement et de l’association

am am è è nent les nent les caregivers caregivers aux enfants afin de aux enfants afin de faire cesser ces comportements. faire cesser