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Théorie de la mentalisation et trouble de personnalité limite

Chapitre 3 : Les troubles de personnalité à l’adolescence

3.2 Le trouble de personnalité limite

3.2.1 Théorie de la mentalisation et trouble de personnalité limite

de Fonagy, qui a mené à l’élaboration de différents traitements basés sur la mentalisation pour les adultes et les adolescents (Bateman & Fonagy, 2006; Bateman & Fonagy, 2008; Bo et al., 2016). À partir d’études sur la psychopathologie développementale, Bateman et Fonagy (2010) ont élaboré un modèle du TPL qui postule que les individus qui vont développer un TPL présentent une vulnérabilité constitutionnelle et/ou ont été exposés à un trauma psychologique. Ces deux facteurs, de façon indépendante ou en combinaison, viendraient compromettre le développement des capacités sociales et cognitives nécessaires à la mentalisation.

Selon Fonagy et Luyten (2009), des modes de raisonnement social de pré- mentalisation caractérisent la manière de penser des patients TPL lorsque leur mentalisation contrôlée disparaît. Ce changement vers un mode de pré-mentalisation aurait surtout lieu lorsque le système d’attachement de l’individu est activé. Dans le cadre de relations interpersonnelles qui suscitent l’activation d’émotions, les patients avec un TPL seraient vulnérables à une perte ou à une diminution de leurs capacités à mentaliser en raison de l’activation du système d’attachement qui vient inhiber la mentalisation. Afin de valider la théorie de Fonagy et Luyten (2009) concernant la réduction de la mentalisation lors de contextes interpersonnels anxiogènes, Nolte et al. (2013) ont demandé à des adultes de se remémorer un souvenir anxiogène associé à leur figure d’attachement de même qu’un souvenir anxiogène non associé à leur figure d’attachement. Ceux-ci observent que seuls les affects négatifs suscités par la remémoration d’un souvenir en lien avec la figure d’attachement viennent altérer la performance subséquente à une tâche de cognition sociale. Ce résultat vient donc supporter le modèle de Fonagy et Luyten (2009) qui postule que l’activation du système d’attachement en situation de stress peut venir compromettre la mentalisation.

Selon Fonagy et Luyten (2009), lorsque la mentalisation est inhibée, l’individu se tourne vers des modes d’interprétation antérieurs à la mentalisation dans le développement. Ils en identifient trois : l’équivalence psychique, le mode fictif et la pensée téléologique. Ces trois modes de pensée feraient en sorte qu’il n’est pas rare d’observer de l’impulsivité,

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des problèmes de régulation émotionnelle et une propension aux passages à l’acte chez les individus présentant un TPL. Un autre concept important de la théorie de la mentalisation de Fonagy est cette notion du soi étranger autodestructeur (alien self en anglais) qui amène les individus TPL à utiliser de façon récurrente l’identification projective (Fonagy & Bateman, 2007).

Équivalence psychique. L’équivalence psychique peut correspondre à ce que les cliniciens nomment chez certains patients la pensée concrète, c’est-à-dire la difficulté de l’individu à envisager des perspectives alternatives (Bateman & Fonagy, 2008). L’équivalence psychique implique un manque de différenciation entre la réalité externe et sa représentation subjective. Les patients interprètent leurs états mentaux comme des reflets de la réalité et ont l’impression que leur perspective est partagée par tous. Ils s’attendent donc à ce que les autres, incluant leur clinicien, sachent ce qu’ils pensent et ce qu’ils ressentent et qu’ils perçoivent la situation de la même manière qu’eux la perçoivent.

Mode fictif. Lorsque les patients avec un TPL utilisent le mode fictif, leurs pensées et leurs émotions sont pratiquement séparées les unes des autres (Bateman & Fonagy, 2008). Dans ce mode, les patients discuteraient de leurs expériences sans être en mesure de les mettre en contexte ou de les rattacher à des éléments de la réalité. Les expériences de dissociation peuvent être considérées comme un indice extrême de cette séparation (Fonagy & Luyten, 2009).

Pensée téléologique. Dans ce mode de pensée, la réalité physique et observable prime et l’expérience est considérée comme valide seulement si les conséquences des actions sont apparentes (Bateman & Fonagy, 2008). L’affection, par exemple, est considérée comme réelle seulement lorsqu’elle est accompagnée par une expression physique. Les états mentaux sont reconnus, mais seulement lorsqu’ils sont appuyés par des indices concrets, physiques et explicites. Bateman et Fonagy (2010) donnent l’exemple d’une patiente qui s’est automutilée après que son amoureux ne se soit pas présenté à leur rendez-vous. Malgré que celui-ci l’ait contacté plus tard afin de lui expliquer les circonstances de son absence, celle-ci persiste à croire qu’il ne voulait pas la voir et se sent rejetée.

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Soi étranger. Une des caractéristiques les plus socialement dérangeantes des patients limites est probablement leur tendance constante à faire vivre à l’autre des sentiments inacceptables (Fonagy & Luyten, 2009). Sur la base des travaux de Winnicott (1956), Bateman et Fonagy (2008) formulent que, lorsqu’un enfant n’est pas en mesure de développer une représentation juste de sa propre expérience en raison d’un marquage et d’un reflet non congruents de la part du parent, celui-ci internalise des affects négatifs et des qualités qui appartiennent au parent comme faisant partie intégrante de sa propre identité. Ces auteurs nomment cette discontinuité dans le soi, le soi étranger. Ils expliquent donc les comportements de contrôle des enfants présentant un attachement désorganisé comme le résultat d’une utilisation persistante de l’identification projective afin de réduire l’incohérence du soi en externalisant les parties clivées. L’externalisation de ces états internes intolérables est bien connue des thérapeutes qui travaillent avec des patients limites; leurs réactions contre-transférentielles les amenant à vivre des sentiments de colère et de haine, des sentiments d’impuissance et d’incompétence, des sentiments de peur et d’inquiétude, du ressentiment et une urgence de sauver le patient (Fonagy & Luyten, 2009).

Appuis empiriques. En accord avec la théorie énoncée par Fonagy et collaborateurs, les adultes présentant un TPL auraient un FR plus faible que des participants contrôles (Chiesa & Fonagy, 2014) ou des patients cliniques ne présentant pas de TPL (Fonagy et al., 1996). Plus précisément, Diamond et collaborateurs (2014) observent que des patientes TPL, que celles-ci présentent ou non un trouble de personnalité narcissique en comorbidité, obtiennent un score de FR moyen inférieur à 3, ce qui suggère une mentalisation peu élaborée chez celles-ci ou une mentalisation qu’ils décrivent comme hyperactivée (surinterprétation des motivations, des sentiments et des intentions). De plus, quelques auteurs rapportent une amélioration du FR et du fonctionnement de patients TPL suite à une psychothérapie, que celle-ci soit basée sur la mentalisation (Bo et al., 2016) ou non (Gullestad & Wilderg, 2011; Levy et al., 2006) soulignant le rôle potentiel du FR comme mécanisme de changement en thérapie.

3.2.2 Théorie de l’hypermentalisation et appuis empiriques. En dehors du FR,