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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Le scientifique nu : le bébé

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Academic year: 2021

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LE SCIENTIFIQUE NU : LE BÉBÉ

Georgette GILLET-POLIS

HugueUe QUOffiION-LAMBORELLE Ivan GILLET

École des Parents de Liège

MOTS-CLÉS: mMPÉTENCE - PLAISIR - MOTlVATION - AUTONOMIE - RESPECT.

RÉSUMÉ:De la naissance aux premiers pas,l'être humain apprend tout le temps en jouant. Quand un bébé se met debout par lui-même pour la première fois, il découvre avec joie sa capacité de développement et le vécu de sa propre compétence. Comment respecter ce processus personnel d'apprentissage? Comment préserver cette motivation à l'école et jusqu'à la construction de sa propre culture scientiftque ?

SUM1\1ARY: From birth to the first steps, the human being is learning ail the rime while playing. When a baby is standing up by himself for the first rime, he discovers his ability of growing and the feeling of his own value. How can we respect this persona! process of leaming?How can we save this motivation at school and up to [he building of one's own scientific culture?

A. GIORDAN, J.-L. MARTINANDelD. RAICHVARG, Actes JIES XIV, 1992

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1. DU PLAISIR À LA MOTIVATION

De la naissance aux premiers pas, l'être humain "VIT" un apprentissage considérable, intense et continuel. Lorsqu'un enfant se met pour la première fois debout par lui-même, il fait là une des expériences humaines les plus fondamentales: la station debout. En effet, être seul sur ses deux pieds en équilibre, c'est voir le monde d'une cenaine façon, unique à l'espèce humaine.

Dans cet instant essentiel, le bébé expérimente sa CAPACITÉ d'évolution et de changement, il éprouve un PLAISIR intense lié au résultat et développe sa CONFIANCE en lui. C'est le VECU de la COMPÉTENCE ressenti GLOBALEMENT.

devons-nous faire pour que nos bébés puissent vivre de manière heureuse tous ces apprentissages vers la station debout harmonieuse?

Que devons-nous faire aussi pour que ce plaisir d'apprendre se retrouve tout au long de la vie et entretienne ainsi la motivation?

Enfin, comment s'y prennent les bébés, car ils ne jouent pas pour apprendre, mais ils apprennent en jouant! 1

Dans notre travail avec les jeunes parents, nous nous inspirons de l'approche éducative d'Emmi PIKLER, pédiatre hongroise et fondatrice de l'Institut méthodologique de puériculture Pikler/Loczy à BUDAPEST.

L'attitude d'Emmi Pikler est basée surle principe que chaque enfant a en lui les possibilités de croissance qui vont lui faire parcourir les différentes étapes de son développement moteur de manière harmonieuse. Ceci, DE SA PROPRE INITIATIVE et sans avoir besoin de l'intervention directe de l'adulte.

Dès le début, le nourrisson est posé sur le dos, la colonne au repos, cela, aussi longtemps qu'il ne peut pas, par lui-même, prendre une autre position. Ainsi au départ du sol fenne, son premier repère, il expérimente libremen't différents gestesàpartir des bras, des épaules, de la tête et des jambes. Avec ses mains il manipule. Ce sont les "petits mouvements intermédiaires" et, spontanément, en jouant avec son corps, il s'entraîne sans se forcer. Il prend appui sur le sol et, de l'intérieur,ilse sent. TI découvre et crée une variété infinie de mouvements qui deviennent toujours plus coordonnés jusqu'à ce qu'il arrive à se retourner sur le ventre par

L'acquisition de ce premier "grand mouvement" dure plusieurs mois.Le bébé a ensuite du plaisir à se rouler ainsi sur le sol pendant de longues semaines. De même que ses muscles, l'image de son schéma corporel se développe. Il faut respecter tout ce temps du jeu au sol, c'est l'intégration harmonieuse globale de ce qu'il vient d'apprendre et cette joie du mouvement va le conduire vers d'autres acquisitions. Sa motivation grandit avec lui.

L'enfant se déplace alors en glissant, en rampant, puis il se met à quatre pattes. Il a des contacts différenciés avec le sol, avec les limites extérieures qu'il apprend ainsi par lui-même à évaluer età intégrer, c'est le début de l'autonomie. De plus en plus, son tronc quittelesol et, en se soutenant avec ses bras et ses jambes, selon sa propre commodité, il expérimente diverses positions semi-assises. Il s'agrippe ensuite pour se hisser plus haut mais il se passera beaucoup de temps, des

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mois d'exercices, avant qu'il se mette"debout tout seu!.". Cest alors ''fabuleux'' disent certaines mères, de voir la joie de l'enfant qui fait ses premiers pas.

Pourquoi y-a-t-il tant de joie? Nous pensons que c'est parce que l'enfant sent sa force d'évolution et qu'il éprouve le sentiment de sa propre valeur qui est lié au résultat. Il sait entreprendre un mouvement essentiel, comme ses parents, mais de sa propre initiative. De plus, grâce à l'entraînement qui a précédé, il a la possibilité de revenir par lui-même à la position initiale s'il en a envie ou s'il se sent fatigué. Spontanément, il évitera les gestes qui pourraient de l'intérieur lui faire mal. Il peut compter sur lui et s'adonner à la joie de se mouvoir de manière autonome.

Nous voulons insister sur l'importance de cette expérience précoce de la compétence. Ce vécu peut avoir une influence considérable sur le développement futur de la personnalité et sur tous les apprentissages ultérieurs. Les bébés qui n'ont pas découvert la station debout à leur rythme et par eux·mêmes, ont été quelque pan "exclus" d'une expérience humaine fondamentale.

2. L'ADULTE PARTENAIRE

Pour respecter toute cette richesse l'attitude de l'adulte est primordiale. L'adulte est présent, il écoute et découvre... Il apprécie l'activité autonome de l'enfant et partage avec lui son plaisir. Le bébé vit la confiance réciproque etilest "reconnu" dans ses capacités. C'est la vraie valorisation qui facilite le développement. ..

Concrètement, dans la vie de tous les jours, que faire ou ne pas faire?

l Il faut que le bébé ait, dans un espace de sécurité, plus de place que nécessaire pour l'amplitude de ses mouvements.

Jamais il ne faut mettre un bébé dans une position qu'il n'a pas déjà acquise par lui-même. Par exemple, si nous asseyons un enfant avant qu'il ne soit capable de le faire nous l'empéchons de saisir de l'intérieur la (iaison entre l'acte (mouvement) et l'effet (être assis). Si son corps n'est pas prêt, il sentira des tensions corporelles. La motivationà s'asseoir se perdra car il va dépendre de l'adulte pour le faire. TI n'y a plus d'apprentissage harmonieux.

1 Il est très imponant de respecter le rythme de progression du bébé. Certains sont rapides, d'autres plus lents mais tous y arrivent. L'essentiel n'est pas d'être en avance, l'essentiel est d'y arriver avec aisance et plaisir.

1 Quand un bébé est occupé à se mouvoir, à jouer, essayons de ne pas l'interrompre. Il expérimente. il est concentré, il se donne entièrement dans l'instant. Trop de jouets et des interruptions fréquentes favorisent la dispersion.

Laisser l'enfant tenniner ce qu'il a entrepris: lorsque l'on voit un bébé qui arrive presqu'à se retourner ouà se mettre debout sans appui, c'est une grande tentation de donner le petit coup de pouce final. Il faut savoir que nous lui "volons" alors le vécu de la compétence et le plaisir d'apprendre et de réussir.

Favoriser toute situation où Je bébé peut ex.ercer ses aptitudes et son autonomie: il s'agit de l'environnement de l'enfant. Si nous utilisons, par exemple, le "relax" pour bébé, celui-ci ne peut

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plus se mouvoir en liberté etiln'y a plus d'occasion d'apprentissage. De plus une habitude de dépendance va s'instaurer puisque c'est l'adulte qui doit alors ramasser les jouets. Les "objets pour bébés" ne sont pas toujours "bénéfiques pour votre enfant", .. attention à la publicité du marché de la petite enfance! Un aménagement adéquat de l'espace est donc souhaitable. Une réflexion sur le rôle du jouet dans le jeu est également nécessaire. L'enfant doit pouvoir jouer et inventer avec les jouets: blocs de bois, tissus et tout ce que la nature offre à tous les sens: çailloux, sable, terre, feuilles. eau, etc... Maintenant beaucoup de jouets jouent pour l'enfant spectateur (jouets à remonter ouà piles).

1 Il faut parlerà l'enfant, lui dire çe que nous sommes en train de faire et l'en avertir. Dès la naissance, les mots accompagneront de manière cohérente la communication non verbale sentie par le bébé. Cest comme cela qu'il apprendra à parler et à parler VRAI. Il reconnaîtra ainsi. parfois sans les voir, la présence et la voix sécurisantes de ses proches.

Enfin la relation affective entre le bébé et l'adulte, avec la tendresse, les contacts et les caresses, alimente ce processus de croissance. Mais cette relation sera particulièrement authentique et valorisante si l'adulte émerveillé par les capacités de l'enfant le lui exprime d'une manière ou d'une autre

3. GRANDIRÀL'ÉCOLE

Au cours de ses premIeres années de scolarité, l'enfant se trouve encore en perpétuelle situation d'apprentissage. L'idéal seraitderetrouver dans son nouveau milieu, l'école, les grandes lignes de conduite qui viennent d'être énoncées. et qui sont, à notre avis. toutes transposables à l'école.

Ilya là, en tous cas, matière à réflexion, car nous pensons qu'il subsiste un divorce profond entre l'expérimentation que vit naturellement le bébé et les rails contraignants que l'école impose aux enfants. On les habitue encore beaucoup à l'imitation et à la répétition, ce qui les rend dépendants et passifs.

Et pourtant, ce que nous appelons le "fondamental" en Belgique, soit l'enseignement maternel et primaire, est bien cette charnière essentielle entre le bébé et l'étudiant qui construit et affine sa culture scientifique (Le mot "fondamental" exprime bien cette importance !) L'école peut être un fabuleux: terrain d'aventures où l'enfant construit son devenir par ses découvertes.

Mais comment se présente ce parcours du combattant qui doit l'amener à être un citoyen autonome et critique dans une vraie démocratie?

Par exemple, l'apprentissage de la lecture, quelle que soit la méthode utilisée, doit préserver et intensifier le besoin de communiquer. Si on contraint maladroitement l'élève. on risque fort d'en faire un "liseur" maçhinal, jamais un vrai "lecteur" qui comprend.

"Ne jamais placer le bébé dans une position qu'il n'a pas déjà acquise par lui-même" transpose a l'école, serait "ne jamais placer l'élève dans une situation d'apprentissage à laquelle il n'est pas

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préparé", mais au contraire, respecter son rythmepoUfqu'il soit le plus possible en état de réussite personnelle.

Quand certains enfants de 7 ou 8 ans sont confrontés à des tennes aussi barbares que "décigramme. hectomètre, décalitre", la panique peut se lire dans leur regard, et, par conséquent, la fuite de toute motivation ... (surtout si le maître commente spontanément: "tu vois bien que les aum:s le font! ")

Ce genre de situaùon nous rappelle l'imponance des mouvements intennédiaires chez le bébé. Ne faudrait-il pas avoir l'audace de laisser tomber des matières quand le moment n'est pas propice... ? (Ces mêmes enfants vont sans doute jongler avec le système métrique l'année suivante !).

Ce qui est grave, dangereux même, c'est que le "forcing" en pédagogie, est presque toujours nocif. Dès lors, on ne peut que souhaiter une plus grande souplesse des programmes et, surtout, une formation plus adéquate des maîtres.

Concrètement, l'attitude de l'enseignant du fondamental doit être de ; préserver et développer la curiosité naturelle de l'enfant

lui faire confiance

entendre son questionnement et l'encourager (ce qui implique la communicaùon, évidemment)

- lui pennettre d'être autonome.

Un large champ de réflexion s'ouvreà nous ... Que voulons-nous privilégier?

4. DE LA MOTIVATIONÀ LA CULTURE SCIENTIFIQUE

L'un des enjeux majeurs d'une culture scientifique, c'est de comprendre notre monde pour pouvoir agir en citoyen responsable face aux défis planétaires qui se posent actuellement.

Lemieux pour une telle culture, c'est de se la construire soi-même. tout au long de sa vie, en interrogeant les différents spécialistes, soit directement, soit indirectement à travers leurs écrits.

Mais la motivation à acquérir une culture scientifique ne semble pas très répandue. Pourquoi? Ne serait-ce pas parce que la soif d'apprendre, le plaisir de l'autonomie, le sentiment de compétence qui peuvent s'élaborer dès la petite enfance, comme nous venons de le voir, ne serait-ce pas parce que lout cela est ensuite étouffé ou bloqué quelque part?

Où sont ces blocages et comment les lever? Voilà une préoccupation essentielle dom se soucient heureusement de plus en plus de pédagogues.JIimpone maintenant d'amplifier leur travail et de le prolonger avec persévérance pour augmenter de façon significative le nombre de personnes motivées à se construire une culture scientifique utile et agréable.Lamanière d'être avec les bébés sera évidemment un facteur capital dans ce progrès.

En résumé, pour avoir des personnes motivéesà se cultiver,ilfaut remplir, entre aurres, deux condiùons;

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1) Laisser la motivation s'élaborer chez le petit enfant, et cela demande un entraînement des parents dans ce but.

2) Conserver cette motivation, et cela requien une fonnation spécifique de tous les enseignants et éducateurs au sens le plus large.

"Dela naissance aux premiers pas" Figure extraite de Pikler, 1979,p.80-81.

BIBLIOGRAPHIE

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Références

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