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ARTheque - STEF - ENS Cachan | La communication pédagogique: pour une approche plurielle

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Academic year: 2021

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LA COMMUNICATION PÉDAGOGIQUE

POUR UNE APPROCHE PLURIELLE

Michel SONNTAG, Françoise WERCKMANN École Nationale Supérieure desAnset Industries de Strasbourg

MOTS-CLÉS: RATIONALITÉ INSTRUMENTALE, COMMUNICATIONNELLE·

RELATION TRANSFÉRENTIELLE - VÉRITÉ· LÉGmMITÉ - AUTIIENTICITÉ

RÉSUMÉ: L'enseignement scientifique contribue à la démocratie parce qu'elle développe le sens de la vérité et de la rigueur du raisonnement contre les préjugés et les idées reçues. Mais la dérive instrumentaliste qui réifie l'homme apparaît comme un risque inhérentàcet enseignement. C'est pour cela que la formation scientifique ne doit pas se résumer à la transmission de savoirsàapprendre. mais ouvrir aussi sur l'expérience de la construction de la légitimité et de la communication transférentielle qui sont d'autres aspects de la communication pédagogique au même titre que la didactique.

SUMMARY : Scientific education contributes to democracy since it develops the sense of truth and the rigour of reasoning against prejudices and generally accepted ideas. But instrumentalist drift which reifies man appears to be a risk inherent in this education. Therefore scientific training of knowledge but also open up onto the experience of building up Iegitimacy and transferentail comunication which are other aspects of pedagogical communication as weil as didactics.

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1. INTRODUCTION

Chacun sait qu'il a existé et qu'il existe des hommes savants, instruits qui sont des partisans d'idéologies peu démocratiques ou qui ne témoignent pas à travers leurs comportements d'un grand respect des lois ou de l'homme. Pourtant, l'idée que la formation scientifique serait en même temps l'école de la citoyenneté allait longtemps de concert.Lafoi en la raison duXVIIIosiècle, les travaux de G. Bachelard sur les obstacles épistémologiques, qui montrent que la format.ion de l'esprit scientifique est une lutte contre les préjugés, ont largement conoibué à associer l'esprit scientifique à l'esprit de justice et de vérité. Le rationalisme idéaliste qui a dominé la philosophie occidentale n'est pas étrangerà cette conception parce qu'il a fait converger les valeurs de vérité et de bien. On serait méchant par ignorance, la vérité rejoindrait logiquement le bien. Par conséquent, les hommes instruits dans la science seraient des hommes de bien. Une dichotomie un peu simpliste situait d'un côté l'obscurantisme et le mal, de l'autre la connaissance et le bien. On est moins idéaliste sur ces questions actuellement, même si nous continuonsàcroire que l'une des meilleures garanties pour la démocratie repose sur son système éducatif, le niveau de formation des jeunes, notamment le développement d'une pensée objective et la prise de conscience des réalités.

La formation scientifiques y conoibue tout paniculièrement parce qu'elle développe le sens de l'exigence intellectuelle et le souci de la preuve, la capacitéàdépasser les particularismes pour saisir la dimension générale des choses et des événements. Àce titre elle ·éduque contre bon nombre de pensées sans fondement rationnel, contre des idées qui se présentent comme des savoirs alors qu'elles ne sont que la concrétisation de nos peurs, de nos attentes, des rapports sociaux...

Mais la démonstration scientifique ne fonde pas les valeurs, les connaissances scientifiques peuvent aussi servirà argumenter des convictions peu recommandables. Et l'esprit logique induit par la formation scientifique peut lier de façon cohérente des idées éthiquement condamnables ou des intentions perverses. On le sait. De plus, la démarche scientifique, dans son aspect positiviste et instrumental n'est sans doute pas transférable telle quelleà l'étude des faits sociaux et humains. En résumé, l'enseignement scientifique est soucieux de la transmission de savoirs établis, mais il existe encore d'autres dimensions àprendre en compte dans la formation, comme la légitimité et l'authenticité. C'est le point que nous souhaitons développer dans Cette communication en montrant comment ces autres dimensions peuvent être intégrées dans l'enseignement scientifique lui-même et conoibuer ainsi

à

éviter ses dérives instrumentalistes qui réifient l'homme. Cette démarche nous semble d'autant plus importante que la formation scientifique est particulièrement valorisée dans notre culture occidentale.

Nous distinguons ainsi trois valeurs que l'éducation et le système scolaire peuvent prendre en charge avec plus ou moins de bonheur: la vérité, la légitimité et l'authenticité. Ces trois dimensions nous semblent être au coeur de la relation et de la communication pédagogique. En d'autres tennes, nous pensons que la rationalité scientifique doit se conjugueràce que nous dénommerons, d'une part, l'expérience de la rationalité communicationnelle qui fonde la légitimité et, d'autre pan, la communication transférentielle qui fondent la conscience de soi. On évitera, peut-être, ainsi la prédiction de Pascal: "Science sans conscience... "

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C'est dans celte perspective que se situent les trois points de notre exposé:

- analyse de la rationalité instrumentale ou proeédurale et de ses dérives: le fait problème, - vers la rationalité communicationnelle : première ouvenure,

- vers la communication transférentielle: deuxième ouvenure.

2. APPROCHE PLURIELLE DE LA COMMUNICATION PÉDAGOGIQUE

2.1 La rationalité instrumentale

Dans les enseignements scientifiques les savoirs apparaissent comme indiscutables, ils s'imposent à tous. La véracité d'une proposition se réduit à la cohérence logique de celle-ci avec celles qui ont été précédemment admises. Nous ne rentrons pas ici dans des questions d'épistémologie.

De la formation scientifique de haut niveau, nous nous intéressons à des effets secondaires qui posent problèmes. Si le savoir scientifique fait autorité on ne peut pas dire pour autant que la rationalité instrumentale inhérente à la formation scientifique des ingénieurs fasse autorité panout. C'est là le problème. La rationalité instrumentale, en œuvre dans la science, s'impose pour la maîtrise de la nature et des techniques, mais, reponée sans discernement sur les faits humains, elle mécanise l'homme et oublie de distinguer à coté du déterminisme causal le déterminisme final dans l'explication des faits humains. C'est pourquoi nous pensons que la communication pédagogique doit veiller à ne pas ériger en modèle universel la rationalité instrumentale.

Celle-ci tend à substituer dans l'approche des problèmes humains le calcul ou les règles administratives à la légitimité.

Concrètement, en génie industriel, par exemple, l'homme devient une ressource au même titre que les finances ou les machines. Tout cela ne semble poser aucun problème à de nombreux étudiants, d'où notre étonnement et inquiétude. La rigueur de la rationalité instrumentale permet de résoudre les problèmes mais ne questionne pas les conceptions qui les définissent. On applique les technologies de résolution de problèmes, les raisonnements instrumentaux en admettant que les problèmes sont posés au nom de la même objectivité. Par exemple le principe de productivité conduit à la gestion des entreprises par la réduction des coût. C'est devenu un principe qui définit l'horizon des problèmes possibles.

À

panir de là s'organise la recherche. Le sujet humain disparaît au profit de la ressource humaine ou du profil de compétence qui est traité comme une variable aléatoire d'un système dont il faut optimiser le fonctionnement. Le paradigme canésien de la formation scientifique induit une conception de l'intersubjectivité linùtée à la relation d'objet.

Les problèmes surgissent lorsqu'on transfère sans discernement la rationalité procédurale ou instrumentale à l'étude des sujets ou à la sphère sociale. Nous y voyons trois difficultés majeures: - la réduction de l'homme à un fonctionnement mécanique: connaissance positive, renonçant aux causes finales, à l'ambivalences des sentiments, à la dimension métaphorique du sens, pour se linùter aux faits et aux relations de causes antécédentes;

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- la seconde revient à accepter, comme allant de soi. les prémisses des raisonnements, les principes généraux de l'action. Les bases étant acceptées, on définit essentiellement les stratégies et les moyens àmettre en oeuvre pour résoudre les problèmes;

- la troisième réside dans le fait d'aborder les valeurs elles-mêmes selon une démarche calculatoire: "Les moyens sont calculés en fonction du but, le but en fonction des préférences, celles-ci en fonction des valeurs et ces dernières en fonction des conséquences des moyens. La boucle est bouclée" [Koch, 1996J. Ce scientisme ignore la distinction kantienne de la raison et de l'entendement et confond vérité, légitimité et authenticité.

Nous pensons que c'est dans la communication pédagogique que se niche l'antidote d'un enseignement scientifique non scientiste.

Lorsqu'on parle de communication pédagogique, on pense d'abord à la transmission de connaissances. Mais l'exposition des connaissances et la démonstration du raisonnement scientifique ne résume pas la communication pédagogique.Àla transmission des connaissances où l'enseignant est situé comme le grand sachant doit s'ajouter celte ouverture critique qui permetàl'apprenant de comprendre que les procédures de raisonnement ne se confondent pas avec la légitimité des prémisses.

D'un point de vue pédagogique cela nous amèneàdistinguer à côté de la rationalité scientifique qui appelle une communication didactiqueàson image, faite de rigueur, qui transmet des connaissances fondées, une rationalité communicationnelle qui construit ses références, met en évidence que le débat contradictoire et le dialogue peuvent fonder des consensus qui sont d'une autre nature que l'acceptation d'une connaissance établie.Àl'opposé de la didactique, cette communication dialoguée déplace les références, l'enseignant n'y est pasàla place du grand sachant mais il autorise une discussion dont il est le garant démocratique.

2.2 Vers la rationalité communicationnelle

L'enseignant est au coeur de la didactique, mais il aussi celui qui peut favoriser l'apprentissage du débat qui fonde la rationalité communicationnelle. Il s'agit donc d'ouvrir au cœur d'un "enseignement à apprendre", de démonstrations à assimiler, de formules àretenir, d'algorithmes cognitifs à appliquer... des espace de discussion où les références se construisent collectivement.

Dans celte pratique, nous observons que le dialogue argumenté chercheàavoir raison en construisant un accord entre les divers intervenants. Ce qui fonde l'autorité de l'argument ainsi compris, c'est sa capacité à exprimer au mieux la quête de sens et son rapport à la Raison. Faut-il ajouter que les théories scientifiques reposent, d'une certaine façon sur le même fondement épistémologique, sur l'accord de la communauté scientifique.

Le processus démocratique relève de la même démarche. La démocratie préfère en quelque sorte la loi du meilleur argument. Ce qui met en son centre la rationalité communicationnelle et non l'avis de l'expert.

En pédagogie cela signifie qu'il faut que l'apprenant puisse faire l'expérience de construction de la légitimité, d'opinion de références fondées sur le meilleur argument et non seulement de la

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démonstration qu'il faU! accepter au non de la science. Nous nous référons ici à la philosophie de J. Habermas.

C'est dans ce cadre, pensons nous que peut se développer le sentiment d'autonomie, essentiel, dans le processus de formation et de démocratisation.

Cette autonomie génère le sentiment d'identité, d'être un individu différent, d'avoir une histoire particulière dont on est le produit et qu'on façonne. Elle permet d'avoir des relations chargées de sens avec son entourage. Comment favoriser cette expérience de la rationalité communicationnelle dans l'enseignement des sciences? L'enseignant passe de la relation didactique classique à une fonction de catalyseur qui met en place des grilles d'analyse, se porte garant des règles qui organisent le.s débats, aide à construire, là où c'est possible, des représentations collectives partagées.

Le sens de l'autonomie et de la responsabilité s'apprennent, se découvrent à travers celte relation pédagogique qui débouche sur l'expérimentation de la légitimité, là où la formation ne relève pas de la seule connaissance formalisée. L'élève découvre et vit ses positions dans l'expérience et surtout dans le retour sur lui-même c'est-à-dire dans l'intériorisation qui donne le sentiment d'un contrôle personnel. L'alternance entre l'exposition de démonstration qui s'imposent en sciences et l'ouverture du dialogue ou du débat sur ce qui ne relève pas des connaissances formalisées laisse la place à cette expérience essentielle de la rationalité communicationnelle où est acceptée la représentation collectivement construite à propos de thèmes où il y a place à l'interprétation. Et ils sont nombreux dans les situations de formation :'finalité d'une expérience, façon de poser un problème, nécessités et limites des approximations en calculs scientifiques...

2.3 Vers la communication transférentielle

Mais dans la communication pédagogique l'enseignant peut encore rendre possible l'expérience d'une autre dimension de l'intersubjectivité qui débouche sur l'expérience d'un rapport à soi et au autres moins miné par le jeu des apparences ou des stratégies de déguisement plus ou moins conscientes. Dans ce cadre, l'enseignant ne se contente pas d'exposer des connaissances, de donner des conseils pour mieux apprendre, ni de répéter les injonctions à faire attention ou à fournir des efforts, ni d'organiser le cadre de la rationalité communicationnelle, il est aussi attentifàce qui dans le comportement et le propos de l'élève lui semble davantage relever du symptôme que d'un problème ponctuel et à ce qui dans son propre propos et sa propre attitude risque de paralyser le désir d'apprendre des élèves. Demanderàun élève d'être attentif alors qu'il est submergé de soucis, c'est comme si on demandaitàquelqu'un qui a malàla tête de ne plus avoir mal à la tête; la simple injonction à plus d'attention est sans doute de peu d'effet dans ce cas.

Si le sens commun a raison d'exiger que les élèves soient attentifs et apprennent, il a sans doute tort de croire qu'il suffit de traduire cette attente

à

travers la simple injonction

à

être attentifs et à apprendre.

L'exigence d'attention tombe à plat lorsque l'enseignement et la démarche d'apprentissage ne trouvent pas d'écho, pas de sens chez les apprenants. Par exemple, si l'inattention relève du symptôme, rien ne sert d'exiger de l'attention, car il faut que l'élève puisse d'abord s'engager dans une relation pédagogique pour prendre conscience de ce qu'est l'attention dans une situation de formation.

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Par delà les positions de la didactique et de la rationalité communicationnelle, la communication transférentielle que nous désignons ici concerne ce dialogue qui accompagne ou se tient à proximité de la transmission des connaissances ou de l'enseignement sans se confondre avec eux, il est attentif àl'intersubjectivité sans pour autant se situer comme démarche thérapeutique. Il relève avant tout de la pédagogie et de la professionnalité des enseignants et des formateurs. Il prend toute son importance avec les élèves en difficulté qui souffrent d'inhibitions psychologiques repérées ou repérables et désigne la capacité de l'enseignant à mettre en mots justes et recevables ce que l'élève traduit en comportements. Dans cette communication l'enseignant n'est pas le donneur de leçon, mais celui qui repère dans la relation pédagogique ce qui fait sens pour l'élève.

3.

CONCLUSION

La communication pédagogique conjugue ces trois aspects. On peut aussi dire qu'elle se joue dans une altitude, une prise de distance par rapport aux événements présents qui lient apprenants et enseignant; être suffisamment proche et suffisamment distant, ne pas confondre les faits avec les personnes, se situer par rapport à des processus d'apprentissage et des relations de transfert et non en fusion avec les connaissancesàtransmettre...

Par voie de conséquence, cela signifie qu'il ne suffit pas d'avoir des connaissances dans une discipline pour être pédagogue. Si l'on admet notre approche et ces trois aspects, non exhaustifs en réalité de la communication pédagogique, on comprend qu'elle ne s'improvise pas, qu'elle ne découle pas de l'expertise dans une discipline. Elle constitue une qualité professionnelle qui s'acquiert plus ou moins rapidement.

Compte tenu de l'intérêt et de l'importance de la formation scientifique, l'ouverture sur la rationalité communicationnelle et la communication transférentielle nous paraît essentielle, si l'on veut éviter dans la formation scientifique la dérive instrumentale de l'approche des problèmes humains.

BIBLIOGRAPHIE

BOUCHARD P.,La question du sujet en éducation et formation,Paris: L'Harmattan, 1996. BACHELARDG., Laformation de l'esprit scientifique,Paris; Paris, 1938.

HABERMASJ.,Théorie de l'agir communicationnel,Paris; Fayard, 1987.

KOCH P.,La légitimité de la décision dans l'épistémé contemporaine,Thèse en gestion, Paris: E.N.S.A.M., 1996.

SONNTAG M., WERCKMANN F., Le contrat en pédagogie, pas si simple !, Cahiers pédagogiques, 1996,342-343,89-94.

Références

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