LA REPRÉSENTATION PAYSAGÈRE,
UN OUTIL DE COMMUNICATION
POUR DES AMÉNAGEMENTS TERRITORIAUX
Sandrine ALINAT
UMR ESPACE CNRS (6012), CIRAD Tera, Montpellier
MOTS-CLÉS : PAYSAGE - AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE - REPRÉSENTATION 3D
RÉSUMÉ : La modélisation paysagère est devenue un outil incontournable de la communication
scientifique dans le domaine de l’aménagement du territoire. Les modes de représentation du paysage, par l’apport de l’évolution des techniques informatiques, peuvent utiliser aujourd’hui l’image de synthèse pour simuler des projets paysagers virtuels très proches de la réalité et accessibles au grand public.
ABSTRACT : Landscape modelisation is nowadays a necessary tool for scientific communication
in regional planning. The modes of representation of landscapes, by the contribution of the developments in the data-processing technologies, can use today synthesis image to simulate virtual projects landscape very close to reality and accessible to general public.
1. INTRODUCTION
Si, autrefois, les premiers paysages représentaient la description de la surface de la terre, aujourd’hui le paysage est devenu un objet scientifique, un outil d’analyse spatiale dans le monde de la recherche, et particulièrement en géographie. Il est aussi une interface de communication pour la négociation et l’aide à la décision de projets territoriaux. La performance de la communication, de la modélisation paysagère réside dans la recherche de la simulation virtuelle proche de la réalité projetée. De ce fait, les outils informatiques pour la conception de représentations paysagères ne cessent d’évoluer vers la qualité pour une meilleure perception des phénomènes visuels étudiés. Dans le domaine de l’aménagement du territoire, il est décisif d’illustrer les projets par des représentations de l’espace, en complément des croquis paysagers, photographies et cartes. Pour comprendre la place que tient aujourd’hui le paysage dans l’aménagement du territoire, il est nécessaire de connaître d’abord l’importance que prend celui-ci dans notre culture générale et scientifique et de retracer l’évolution des modes de représentation paysagère. En dernier lieu, on s’interrogera sur la pertinence des représentations en tant qu’outil de communication entre acteurs participant à des projets d’aménagement, qu’ils soient techniciens ou simples usagers.
2. LE PAYSAGE, UN PARADIGME CONNU DE TOUS
Le terme « paysage » appartient au vocabulaire courant bien qu’il renvoie à de multiples définitions complexes et spécifiques selon les champs scientifiques. Le paysage est apparu dans les arts graphiques, en Occident, aux alentours du XVe siècle dans la peinture néerlandaise, et plus tard en Orient, dans les arts des jardins et dans la stratégie militaire. Les géographes quant à eux, ont tiré la notion de paysage des travaux des naturalistes. L’invention de la perspective fonde le paysage en une conception unitaire et esthétique.
Aujourd’hui, le sens commun de paysage se définit comme étant le regard direct de l’homme sur l’espace dans une vue panoramique. Le Petit Larousse (2000) le décrit comme une « étendue de terre qui s’offre à la vue » ; le Robert (1990) évoque « la partie d’un pays que la nature présente à un observateur ».
Le paysage est souvent une image mentale de territoire connu : il devient alors une représentation identitaire pour son usager.
Dans le domaine de l’enseignement, le paysage est un thème d’étude qui s’est développé depuis les années 1970, il s’enseigne en sciences humaines, chez les architectes-urbanistes, les écologues et autres disciplines liées à l’environnement. En géographie, l’approche paysagère tire sa particularité
du croisement de données issues d’études sociales et environnementales : « Le paysage est le résultat de la combinaison dynamique, d’éléments physiques, biologiques et anthropiques » (G. Bertrand, 1968). Ces inter-relations entre les différents composants paysagers, aussi bien physiques que biotiques et anthropiques mettent en évidence les relations nature/société et font que le paysage est « un produit social » (G. Bertrand). En analyse spatiale, le paysage permet alors de comprendre les écosystèmes, les dynamiques territoriales sociales et économiques, favorisant une construction de scénarios d’aménagement intégrés à ces mêmes dynamiques.
3. LA MODÉLISATION PAYSAGÈRE, UN OUTIL DE COMMUNICATION POUR L’AMÉNAGEMENT TERRITORIAL
Dans les projets d’aménagements territoriaux, la référence au paysage apparaît comme un outil d’observation et de mesure. Aujourd’hui, une approche très environnementale influence ces projets car notre siècle, par sa modernité et sa culture urbaine, a rendu très vulnérables les espaces naturels. Depuis dix ans, une prise de conscience des dangers liés à la pollution est née, faisant apparaître un militantisme du développement durable. Les sociétés et les pouvoirs publics cherchent à présent à maîtriser les problèmes environnementaux induits par la recomposition sociale et les enjeux économiques des territoires. C’est ainsi que le paysage est devenu un objet social.
Le développement territorial ne répond plus simplement à un besoin économique, mais aussi à une sensibilisation de la population à la fragilité des écosystèmes, à la protection de l’environnement. La communication vers le grand public devient essentielle, traduisant ainsi l’information pour la gestion d’un projet et l’identité à une référence patrimoniale locale.
Les décideurs privilégient les impacts visuels qui permettent d’apprécier la qualité et l’esthétisme de l’aménagement projeté. La composition paysagère et l’analyse spatiale représentent un élément de prospective déterminant pour la prise de décision dans le projet d’aménagement. Le paysage est devenu un objet intermédiaire de débat, de négociation du territoire.
Par ailleurs, la représentation de l’analyse paysagère doit se montrer explicite. Une lecture compréhensible d’un scénario d’aménagement paysager permet d’alimenter le dialogue entre acteurs et décideurs. Au cours de cette phase de négociation, le paysage devient un argument décisionnel privilégiant l’aspect visuel et renforce la volonté de se préoccuper de la qualité de l’environnement.
Ainsi, est-il possible de réaliser des scénarios paysagers dans des domaines d’activités aussi diversifiés que l’agriculture, l’industrie, etc. Un projet agricole renvoie à un paysage structuré par les techniques d’exploitation, avec un système parcellaire en open-field ou en bocage, et
représentatif des espaces ruraux.Le finage se présente soit, dans les bassins versants sous une forme auréolaire autour du noyau villageois, soit sous forme linéaire le long de l’axe de communication principal où s’organisent successivement les zones urbanisées, agricoles et les espaces « naturels ». D’autres types de paysages peuvent être modélisés autour d’un projet d’aménagement, comme les paysages forestiers, les paysages industriels qui se caractérisent par la présence d’un fleuve, d’infrastructures de communication, routières ou ferroviaires, et des hangars. Quant aux paysages périurbains, ils se distinguent par une forte densité d’habitat pavillonnaire, un tracé linéaire suivant le tracé des rues et des espaces verts.
4. L’ÉVOLUTION DES TECHNIQUES DE REPRÉSENTATION
Les premiers projets paysagers sont réalisés par des dessins ou des cartes, par et pour des concepteurs, et peu accessibles au grand public. À la Renaissance, apparaissent des essais de perspectives, les guerres napoléoniennes produisent les premiers croquis paysagers et il faut attendre le XXe siècle et ses progrès technologiques pour que soient confectionnées des représentations spatiales informatisées : la cartographie statistique, les systèmes d’informations géographiques (S.I.G.). Une seconde avancée a été franchie lorsque les outils informatiques ont permis la représentation graphique du paysage en trois dimensions, voire même quatre si on inclut l’échelle temporelle.
Les orientations de la recherche dans la mise au point d’outils de représentation paysagère s’intéressent aujourd’hui plus à la performance dans la compréhension de l’analyse scientifique par un public non averti et à la recherche d’une ergonomie pour une utilisation élargie.
C’est la démarche suivie par un laboratoire du CIRAD (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement) à travers le logiciel AMAP qui permet de réaliser des paysages de façon réaliste par la simulation de croissance de plantes en trois dimensions. Le rendu de l’image, très proche de la réalité photo-visuelle simule aussi bien une scène d’un état actuel que des évolutions passées ou à venir. Ainsi, il est possible de visualiser l’impact d’un incendie sur la végétation, les étapes d’une reforestation dans une carrière désaffectée. Ce logiciel aide le scientifique à valoriser le résultat de sa recherche et de sa communication auprès de tout public.
5. PERTINENCE DE LA COMMUNICATION VIRTUELLE
Ces nouveaux outils de représentation virtuelle de paysage en trois dimensions permettent d'intégrer des informations géographiques de source pluridisciplinaire, optimisent la communication des scénarios d'aménagement territorial entre décideurs, et enfin favorisent le débat sur les impacts paysagers dans la recherche d’une durabilité environnementale. Plus la communication est de qualité, plus le projet est valorisé, argumenté. Un public hostile aux changements paysagers de son territoire, aura plus de facilité à accepter les transformations traduites par l’image virtuelle, et à se projeter dans la représentation d’un avenir très éloigné de leur environnement quotidien.
Par ailleurs, l’image virtuelle comme la photographie, détiennent un pouvoir de séduction fort : le paysage virtuel réaliste possède également ses vertus, dont le jeu est de mettre en premier plan, et, dès le premier coup d’œil des idées visées comme argument décisif, pour en cacher d’autres qui pourraient éventuellement nuire à la prise décisionnelle opératoire du projet.
Aujourd’hui, avec la banalisation des images virtuelles en trois dimensions par l’intermédiaire des jeux vidéos informatiques représente un handicap certain dans la crédibilité des images produites par le scientifique selon que son rendu réaliste est plus ou moins convaincant.
BIBLIOGRAPHIE
BERTRAND G., Paysage et géographie physique globale, esquisse méthodologique, Revue
