• Aucun résultat trouvé

ARTheque - STEF - ENS Cachan | Note bibliographique : "La technique" de J.-P. Séris

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "ARTheque - STEF - ENS Cachan | Note bibliographique : "La technique" de J.-P. Séris"

Copied!
5
0
0

Texte intégral

(1)

NOTES

BIBLIOGRAPHIQUES

L

A

T

ECHNIQUE DE

J

EAN

-P

IERRE

S

ERIS

*

Joël LEBEAUME

Cet ouvrage de la collection Les grandes questions de la philosophie porte sur la philosophie de la technique et plus particulièrement sur la réflexion philosophique à propos de la technique. Jean-Pierre Séris, directeur de l'Institut d'histoire et de philosophie des sciences et des techniques à Paris I, propose un examen de la technique définie au sens large "les méthodes cristallisées de l'action sur les choses et sur les hommes, avec les médiations et les constructions sur lesquelles elles s'appuient pour prendre effet" (p. 43). Deux revendications apparaissent dans le texte : la première est celle d'une réflexion objective sur la technique et la seconde est celle de la nécessaire interrogation de la technique par la philosophie. Ainsi souhaite-t-il instruire sur la technique à la différence des fréquentes analyses des philosophes qui n'interviennent qu'avec les a priori ambiants de l'éternelle technophobie. L'auteur n'hésite pas à condamner ces attitudes qui "nous renseigne sur la philosophie du jour, à défaut de nous instruire vraiment sur la technique" (p.375).

Le souci d'objectivité de l'examen qu'il conduit amène la construction de l'ouvrage en neuf chapitres que l'on peut regrouper en trois parties.

La première relève d'une analyse descriptive et phénoménologique. Elle révèle l'existence de la technique dans sa forme récente qu'il perçoit dans le phénomène technique. C'est une toute autre position que celle d'Ellul qui décrivait le phénomène technique en tant que préoccupation de l'immense majorité des hommes de rechercher en toute chose la méthode absolument la plus efficace. Il s'agit ici du phénomène technique défini comme

(2)

"l'ensemble cohérent des caractères totalement nouveaux de la technique de notre temps, centrés autour de l'idée d'automatisme des choix, d'autoaccroissement, bref d'autonomie et d'illimitation absolue" (p.47). La technique apparaît alors comme un système, un complexe de normes et de valeurs et inscrit dans une histoire. Mais l'homme n'est pas conscient d'en être l'auteur, d'y être intégré et de ne pouvoir y échapper bien que ce ne puisse être que le résultat de sa pensée. L'émancipation apparente de la technique n'est plus alors posée en termes de puissance mais en termes de volonté technique.

La seconde partie confirme ce constat en examinant la mécanisation et les relations des technique, science et art. Les machines habituellement présentées comme les artefacts absolus de la technique passent ici au second plan derrière l'automatisation qui est la pointe avancée de la technique. "La civilisation avance grâce à la croissance du nombre d'opérations importantes que nous sommes capables d'effectuer sans y penser" (p.196). Par ailleurs l'analyse des relations entre les sciences, les techniques et les arts montre la spécificité de nature et de fonction de ces trois activités de la production humaine qui, dans leur évolution récente (rapprochement des sciences et des techniques et distanciation de l'art et des techniques) restent complémentaires. En ce sens, comme avait été dénoncée dans l'introduction la facile substitution du mot technologie au mot technique, l'idée de technosciences ne permet que de masquer la technique et la volonté de technique au même titre que la séparation déclarée des arts et des techniques.

Sont examinées dans la troisième partie les questions de l'essence de la technique, de sa rationalité et de la notion de responsabilité. L'incontournable position de Heidegger y est sévèrement critiquée en tant qu'option de conviction plus qu'option de responsabilité. La position de Jonas et son succès ne résistent pas à la démonstration du caractère technophobe qui la fonde.

La conclusion souhaite poser une nouvelle problématique de la philosophie de la technique. Pour J.-P. Séris "l'artificiel comme plus que nature, comme surnature, ne rompt pas avec la raison" (p.379).

L'examen ainsi conduit mêle dans chacun des textes les trois points de vue, ontologique, anthropologique et évaluatif, classiques pour la philosophie depuis Platon. En ce sens le livre rompt avec les critiques modernes parfois essentiellement limitées à l'aspect évaluatif. Pour se démarquer d'une analyse polémique, la réflexion présentée est particulièrement référencée. Les thèses de Kant, de Simondon, de Leroi-Gourhan, d'Heidegger, de Marx, d'Hottois, de Jonas, d'Habermas, de Marcuse… (et d'une infinité d'autres) sont une à une discutées pour montrer leurs insuffisances, leurs complémentarités ou leur intérêt. Cette richesse

(3)

imposante de références est complétée par des allusions aux œuvres littéraires classiques ou modernes.

Indéniablement le lecteur attendu est le philosophe technophobe. L'appropriation du texte n'en est pas facilité en raison à la fois de l'approche philosophique elle-même avec laquelle une familiarité est nécessaire et des nombreuses citations dont les nuances n'apparaissent pas spontanément. Une table analytique des matières en fin d'ouvrage est bien utile. Une bibliographie commentée est également un précieux document.

La lecture peut être rendue plus facile grâce à la synthèse "La philosophie de la technique" de J.-Y. Goffi (1992) Paris : PUF. Que sais-je ? 128 p.

Outre l'intérêt général d'un tel examen qui permet au didacticien de questionner certains concepts et de s'interroger sur les finalités éducatives de l'éducation technologique, trois textes méritent sans doute une attention particulière :

1) Culture technique et enseignement technique (pp.146-149) où la nuance entre la formation par les techniques et la formation aux techniques est importante. Il faut remarquer que l'auteur semble ne pas connaître les évolutions de l'organisation pédagogique des dix dernières années car il regrette l'absence d'une "éducation technologique" au collège depuis celle initiée par le recteur Capelle. En ce sens, la bibliographie est vide sur cette question, malgré la référence à Y. Deforge mais sans citation dans le texte.

2) Normativité (pp. 65-88) dans lequel est précisée l'archéologie de la norme (les stéréotypes) et où est présentée le caractère normatif de la technique avant d'être normalisée et normalisatrice. "La technique en tant que telle (…) procède par modélisation et c'est en cela qu'on peut la dire toujours normative et toujours normée" (p. 71). Par ailleurs les normes instaurent des valeurs (p. 86)

3) ch. 8 La rationalité technique en question (pp. 307-336) dans lequel sont présentées les critiques de la rationalité technique et où la distinction entre rationalité technique ou instrumentale (l'activité rationnelle par rapport à une fin) et la rationalité pratique (activité communicationnelle en rapport avec des normes, rationalité qui détermine les fins) marque la place du logos dans l'action (le logos de la technologie) et celle de l'éthique dans les techniques.

Voir aussi dans la littérature récente :

SALOMON, J.-J. (1992) Le destin technologique. Paris : Gallimard. 332 p. SHEPS, R. (1994) L'Empire des techniques. Paris : Seuil. C.S.I. France

(4)

Bibliothèque du Collège International de Philosophie (1994) Gilbert

Simondon - Une pensée de l'individuation. Paris : Albin Michel. 280 p.

HOTTOIS, G. (1993) Simondon et la philosophie de la "culture technique". Bruxelles : De Boeck. 140 p

LA PHILOSOPHIE DE LA TECHNIQUE la pensée de la technique

Depuis Platon trois aspects et des thématiques : - une évaluation de la technique :

valeurs, éthique, peur, jugement, responsabilité - une anthropologie de la technique :

relation entre l'activité technique et la constitution naturelle de l'homme

- une ontologie de la technique : statut de l'objet artificiel par rapport

à l'objet naturel

SCHÉMA ANTHROPOLOGIQUE CRITIQUÉ PAR SÉRIS

fondé sur la technophobie

Homme Puissance Monde de la technique

émancipation

destruction de l'homme et du monde idéologie

(5)

PERSPECTIVE ANTHROPOLOGIQUE PROPOSÉE Constats et principes :

Il ne peut y avoir technique que s'il y a homme (continuisme de Leroi-Gourhan)

Par nature la technique est dépassante (volonté de technique : caractère endogène) La technique donne la raison de la nature naturée

(intégration technicienne de la nature) L'artificiel est le nouveau naturel (le technocosme est une seconde nature)

Il existe un règne technique comme les règnes végétal ou animal (individuation des objets techniques selon Simondon,

processus dans lequel l'homme est l'acteur)

Penser la technique aujourd'hui avec ses caractéristiques

implique de ne pas dissocier l'homme, la technique et le technocosme, pas plus que de masquer la technique dans les technosciences ou dans l'art

Les sciences, les arts et les techniques restent complémentaires Homme Volonté Technocosme

de technique

rationalité pratique (fins) rationalité technique (moyens)

normativité norme normalisation norme du vivant (valeurs et critères) norme technique

écotechnique (qui intègre l'homme)

Références

Documents relatifs

 Prévoir le protocole expérimental permettant de préparer une solution à partir d’un solide puis le réaliser..  Prévoir le protocole expérimental permettant de préparer

Pour le masque de protection respiratoire, l’étanchéité doit être évaluée à chaque utilisation (fit-check) car la protection en dépend.. > Une fois en place, ne pas

En 2005, les montants d’avantage principal de droit direct des nouveaux pensionnés sont plus faibles de 1 à 5 % en euros constants (hors tabac) par rapport à 2004 dans les régimes

Les sociétés savantes, les industriels sont interpellés pour promouvoir une réflexion, un corpus de connaissances et des outils permettant la diffusion de ces notions à

Horaires applicables dans les sections de préparation aux certificats d'aptitude professionnelle industriels· Spécialités pour lesquelles une heure de l'horaire

In questo caso si profilavano tre ordini di problemi: la legittimazione; la diversa rilevanza della testimonianza in connessione con la posizione sociale occupata dalla donna;

Nous avons vu que les lemmes d'univocité posent de nouveaux problème» de localisation ( i ) qu'on peut traduire immédiatement sous les formes suivantes : 1. — Un ensemble

C’est en raison de cette différenciation entre le titre et le mode d’acquisition en matière de biens que la doctrine majoritaire et la jurisprudence colombiennes ont trouvé