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Point de vue de l’épidémiologiste

Claudine B INSERM unité , Montpellier

http ://u.montp.inserm.fr

La pratique médicale moderne doit s’appuyer sur une « médecine fondée sur des faits prouvés » (EBM Evidence Based-Medicine, encadré ) (Sackett

et al., ). Dans l’expression « Evidence Based-Medicine », le terme « evi-

dence » signifie preuve et non pas évidence, mais qu’est ce qu’une preuve en médecine ? La médecine fondée sur les preuves consiste à utiliser de manière rigoureuse, explicite et judicieuse les preuves actuelles les plus pertinentes lors de la prise de décisions concernant les soins à prodiguer à chaque patient. Les preuves considérées comme de plus haut niveau sont issues d’études cli- niques systématiques, et au premier plan les essais cliniques randomisés. La HAS a publié un guide expliquant ces différents niveaux qui sont résumés dans l’encadré . La compréhension des règles méthodologiques permettant l’évaluation des niveaux de preuve est indispensable pour interpréter correc- tement la littérature sur la causalité, le pronostic, les tests diagnostiques et la stratégie thérapeutique.

Les deux principales objections faites à l’EBM invoquent le fait que dans de nombreux cas, les preuves sont absentes et qu’il est aussi difficile d’appli- quer à un patient précis les conclusions d’une étude générale. Une absence de preuve d’efficacité d’un traitement n’est pas synonyme d’inefficacité de ce traitement. Cette approche de la pathologie et du traitement s’appuie sur des modèles statistiques où la pathologie n’est pas envisagée du point de vue de

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l’individu, mais du point de vue d’un groupe, d’une population. Les résultats d’essais contrôlés randomisés et de méta-analyses visent à démontrer l’effi- cacité comparée d’un traitement pour un patient randomisé « moyen » ou « standard ». Ce patient standard ne ressemble pas forcément au patient réel que l’on voit en pratique en particulier chez les patients âgés ou souffrant de polypathologies. Ces essais ne reflètent pas non plus les événements impor- tants qui se produisent après randomisation et qui entraînent une modifica- tion du traitement ou du comportement. Cet élément est particulièrement important quand l’analyse va porter sur des pathologies chroniques et des thérapies non médicamenteuses.

Démontrer l’efficacité des interventions non médicamenteuses est un des défis que nous devons relever tant pour la prévention que pour la prise en charge des maladies chroniques. L’épidémiologiste et les méthodes épi- démiologiques ont un rôle important à tenir dans cette démarche qui doit nécessairement être pluridisciplinaire.

Les études d’observation permettent d’analyser les relations entre compor- tement (au sens large du terme) et pathologie. Afin d’améliorer le niveau de preuve, il est nécessaire de se référer à des données issues d’études lon- gitudinales pour valider la relation temporelle entre l’exposition et la mala- die ou son évolution Leurs résultats aident à la définition des facteurs de risque (augmentant la probabilité d’incidence d’une maladie) ou de pro- tection (la diminuant) associés significativement à l’évènement de santé et posent les jalons pour proposer des domaines d’intervention tant en préven- tion primaire que secondaire ou tertiaire. Cette étape est aussi cruciale pour permettre la définition de périodes et groupes à risque qui deviennent les cibles des interventions non-médicamenteuse visant à modifier les compor- tements. Différentes informations indispensables à cette mise en place vont être recherchées à partir des études d’observations. Enfin, l’évaluation des interventions, qu’elle soit dans un cadre randomisé ou observationnel relève aussi de la méthode épidémiologique. Les enquêtes de type avant-après ou ici-ailleurs sont les deux modèles d’études qui vont pouvoir être proposés dans la situation observationnelle (encadré ).

L’épidémiologie qui cherche à intervenir sur les phénomènes de santé en les contrôlant, voire en les prévenant, peut alors être qualifiée d’interven- tion ; puis dans un deuxième temps, elle devient épidémiologie d’évaluation lorsque sont évaluées les actions entreprises. Pour donner un aperçu de ces étapes, ce chapitre présentera brièvement des définitions de la prévention et

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de ces différents niveaux mais surtout les apports de l’épidémiologie pour la conception des interventions et leur évaluation.

Encadré  : EVIDENCE BASED-MEDECINE

Médecine basée sur la preuve (Médecine basée sur les données scientifiques)

F : Utilisation consciencieuse, judicieuse et explicite des meilleures don-

nées scientifiques actuelles lors de la prise de décisions pour les soins de chaque patient. La pratique de la médecine basée sur la preuve implique d’intégrer l’expertise clinique individuelle avec les meilleures données cliniques externes disponibles, provenant d’une recherche systématique.

A : Conscientious, explicit and judicious use of current best evidence in

making decisions about the care of individual patients. e practice of evidence-based medicine means integrating individual clinical expertise with the best available external clinical evidence from systematic review.

Encadré  : RECOMMENDATIONS NIVEAU DE PREUVE

www.has-sante.fr/portail/jcms/c_434715/guide-danalyse-de-la-litterature-et- gradation

Les recommandations proposées sont classées en grade A, B ou C selon les modalités suivantes :

• une recommandation de grade A est fondée sur une preuve scien- tifique établie par des études de fort niveau de preuve, par exemple essais comparatifs randomisés de forte puissance et sans biais majeur, méta-analyse d’essais contrôlés randomisés, analyse de décision basée sur des études bien menées ;

• une recommandation de grade B est fondée sur une présomp- tion scientifique fournie par des études de niveau intermédiaire de preuve : par exemple, essais comparatifs randomisés de faible puis- sance, études comparatives non randomisées bien menées, études de cohorte ;

• une recommandation de grade C est fondée sur des études de moindre niveau de preuve par exemple, études cas-témoin, séries de cas.

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Encadré  :

Modalités d’évaluation des d’études d’interventions : de l’observation à l’expérimentation

Étude avant-après

Enquêtes effectuées afin d’évaluer une action ou une stratégie sanitaire. Elles comprennent une première étude effectuée avant l’action sanitaire puis une deuxième étude réalisée après l’action sanitaire permettant d’apprécier l’évo- lution de la situation sanitaire liée à la mise en œuvre de l’action sanitaire. On observera chronologiquement la même population aux cours de périodes différentes. Il est souhaitable d’évaluer rapidement après la mise en place de l’intervention.

Étude ici-ailleurs

Enquêtes effectuées afin d’évaluer une action ou une stratégie sanitaire. Elles comprennent une étude évaluant la situation sanitaire dans la zone géogra- phique où a eu lieu l’action sanitaire (ici) et une étude évaluant la situation sanitaire dans une zone géographique où n’a pas eu lieu l’action sanitaire (ailleurs). La comparaison des deux situations peut permettre d’évaluer l’im- pact de l’action sanitaire.

Les communautés seront comparées (comparaisons écologiques). Mais il est nécessaire de comparer des communautés aussi semblables que possibles : ne différant que par l’action à évaluer.