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La spécificité des interventions non médicamenteuse du point de vue de l’évaluation économique

De ce point de vue, la spécificité majeure des interventions non médica- menteuses, partagée avec d’autres types de programmes de santé, tient pré- cisément au fait que les résultats attendus peuvent impacter la qualité de vie des individus au delà de la seule dimension de la santé. Il peut s’agir par exemple d’améliorer la capacité des individus à prendre des décisions

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informées ou de développer l’autonomie quant à leur choix, de contribuer au maintien de leur indépendance, de leur relation sociale. De plus, même en restant sur la dimension santé, certains attributs de l’intervention exerçant une influence sur l’utilité des individus (i.e ayant de la valeur pour les indi- vidus) ne sont pas liés au résultat i.e. aux gains de santé et relèvent de consi- dérations procédurales (Donaldson, Shackley ) ; il s’agit par exemple des caractéristiques de la prise en charge relatives à l’information ou au choix donnés aux patients.

Par construction, ces effets ne sont pas intégrés par l’indicateur des QALY

i.e. qu’ils ne sont pas recensés au titre des résultats de l’intervention évaluée,

de sorte que les bénéfices de l’intervention pourraient être au final sous esti- més ; ce qui conduirait à des ratios différentiel coût-résultat peu favorables.

 Peut-on identifier précisément les bénéfices non

directement liés à la santé ?

La première question que pose la généralisation des outils de l’évaluation économique à ce type d’interventions est de savoir s’il faut prendre en compte des bénéfices non liés à la santé ou plutôt jusqu’où aller dans cette prise en compte (Ryan et Shackley, ) ?

Cette question est récurrente puisque elle interroge les limites des choix méthodologique faits dans l’évaluation économique des programmes de santé. Elle s’est inscrite à l’agenda des recherches récentes sous une forme plus précise qui consiste à identifier les résultats non liés à la santé qui appa- raissent comme pertinents et susceptibles de fournir une base commune entre les différents types d’interventions (Goebbels,  : Grewald et al., ). Il s’agit de spécifier et de documenter les dimensions du bien-être (ou de la qualité de vie) sur lesquelles les interventions apportent un bénéfice qui pourrait ne pas être pris en compte avec les outils traditionnels.

Ainsi par exemple, l’étude de Goebbels et al. () concernent des patients avec un risque de tDM et/ou de CVD participant à un essai randomisé contrôlé pour évaluer l’efficacité d’un programme de conseil et de suivi visant à améliorer la motivation et la capacité des individus à mener à bien un changement durable de comportement concernant le tabagisme, l’activité physique et les habitudes alimentaires. L’objectif est d’identifier s’il existe des résultats ayant une valeur pour les patients et qui ne figurent pas dans les cinq attributs pris en compte par le questionnaire de qualité de vie EQD

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utilisé de façon standard dans l’indicateur des QALY (mobilité, autonomie, activités courantes, douleurs/gêne, anxiété/dépression). L’analyse qualitative menée permet effectivement d’identifier de tels bénéfices parmi lesquels on peut citer par exemple l’amélioration des relations sociales et le sentiment de contrôle sur les choix de vie, qui sont communs à d’autres études.

Une programme similaire est poursuivie pour obtenir une mesure de résultats qui permettent d’intégrer les bénéfices des interventions mettant en jeu à la fois des soins de santé et des services sociaux, à l’instar des pro- grammes de suivi et d’accompagnement des personnes souffrant de mala- die chronique ou de personnes âgées (Ryan et al.  ; Burge et al. ). L’objectif est bien ici d’identifier des résultats communs aux différents types de services médicaux et sociaux et d’obtenir une description générique des bénéfices de ces programmes.

 Quelle méthode pour intégrer les bénéfices hors santé

dans les outils d’évaluation économique ?

Dès lors que les bénéfices hors santé des interventions sont identifiés et documentés, la deuxième question qui se pose est de savoir comment les incorporer dans les outils d’évaluation économique tout en respectant les principes de comparabilité entre les programmes et d’intégration des préférences individuelles ?

De ce point de vue, une démarche cohérente consiste à fonder l’indica- teur de résultat sur un système descriptif des états de santé beaucoup plus « large » que celui associé aux mesures standards des QALY et qui intègre des dimensions hors santé du bien-être et de la qualité de vie des individus. Le projet ICECAP d’établir une mesure de la qualité de vie fondée sur la théorie des Capabilités de Sen s’inscrit dans cette perspective exploratoire (Coast et al.,  ; Al Janabi et al., ). Bien que l’approche des Capabili- tés se présente comme une théorie générale de la justice sociale, son intérêt et sa portée dans le domaine de la santé et a été souligné par de nombreux auteurs (Anand,  ; Ruger, ). L’idée générale tient que ce n’est pas la santé ou l’état de santé en lui même qui procure une qualité de vie ou un bien-être aux individus mais plutôt ce que les individus peuvent réaliser et accomplir en étant en bonne santé. L’indicateur ICECAP permet donc par construction de considérer les résultats des interventions au delà de la seule dimension de la santé. Il repose en effet sur cinq dimensions qui sont rela-

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tives (i) au sentiment d’être bien établi et à l’abri (ii) au soutien affectif (iii) à l’indépendance (iv) à la réussite et à l’évolution (v) au plaisir et à la satis- faction. La valeur que les individus attachent aux différents états est ensuite intégrée par les scores de préférences associés.