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Brèves considérations juridiques sur les interventions non médicamenteuses

Vincente F U.M.R. C.N.R.S.  Dynamiques du Droit, université Montpellier 

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Introduction

Les essais randomisés contrôlés (E.R.C.) non médicamenteux ne bénéfi- cient pas d’un encadrement juridique et éthique spécifique qui leur confére- rait un statut propre et qui, par ailleurs, offrirait une protection à ceux qui participent à ce type d’études comme à leurs destinataires. Le manque de législation nationale, européenne et internationale ne permet pas de fixer des règles claires et protectrices dans ce domaine. Ce flou juridique a un impact fort au moment de la mise en place d’un E.R.C., au moment de son développement et, enfin, lorsque les résultats sont rendus publics.

Concernant le moment de l’implémentation de l’essai, un vide juridique doit être constaté dans la réalisation des protocoles d’études intervention- nelles non médicamenteuses. Le problème majeur tient à la protection des droits fondamentaux et notamment du droit à la vie privée. En outre, la qua- lification juridique de ces essais et plus largement le statut des études inter- ventionnelles doit être interrogé : ils ne relèvent pas, au sens strict, du champ de la recherche biomédicale qui fournit des règles juridiques adéquates et des lignes de conduite éthiques pour les essais randomisés portant sur les médicaments.

Le régime juridique des études non médicamenteuses est ainsi peu exploré. Sommes-nous à proprement parler dans une recherche biomédicale lors- qu’on évalue l’efficacité d’un programme d’éducation thérapeutique auprès

 V F

de patients diabétiques de type  ? Les éléments soumis à l’évaluation ne sont pas des médicaments et lorsque l’E.R.C. concerne un complément ali- mentaire (ou « alicament »), deux statuts semblent pouvoir intervenir, celui relatif au médicament et celui relatif aux aliments. Par ailleurs, la réalisation d’E.R.C. non médicamenteux peut menacer confidentialité et la sécurité des données. Enfin, du point de vue de la dissémination des résultats, la question des droits de propriété intellectuelle devient essentielle. Par quel moyen juri- dique assurer la protection intellectuelle d’un programme interventionnel dont l’efficacité et l’efficience ont été démontrées ?

Du point de vue juridique, le manque d’encadrement représente l’une des faiblesses actuelles des essais randomisés contrôlés non médicamenteux. À l’inverse, le champ des essais portant sur le médicament est soumis à des procédures de validation strictes. La confidentialité des données recueillies qui sont des données de santé, l’organisation d’assurances, les déclarations à accomplir auprès de différentes agences et les procédures éthiques obéissent à des règles parfaitement formulées (e.g., US Food and Drug Administration, Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé). Tel n’est pas le cas des essais randomisés non médicamenteux qui souffrent d’un manque de règles. Il apparaît parfois que les chercheurs appliquent des règles relatives à la recherche biomédicale alors même que ces règles ne sont pas appropriées ou bien adaptées pour tester une intervention non médicamen- teuse. Il apparaît donc nécessaire d’établir un cadre juridique spécifique aux essais randomisés non médicamenteux, si possible à l’échelle européenne, voire internationale, et non à l’échelle nationale.

Il est également important de relever que les standards juridiques proté- geant les citoyens eu égard à leur santé diffèrent d’un pays à l’autre, illus- trant, du reste, la diversité d’approches tenant aux traditions culturelles et relatives au secret médical, à la propriété des données de santé, à l’autono- mie du patient et à la responsabilité professionnelle. Ceci a été souligné par le Group of Ethics in Science and New Technologies de la Commission européenne dans son opinion du  juillet  (Council of the European Union, ).

L’intervention juridique doit dès lors se situer au moins à quatre niveaux afin de garantir et d’atteindre un haut niveau de sécurité, de confidentialité et de qualité des essais randomisés non médicamenteux.

B  ... 

 La protection des données personnelles

Les données personnelles relatives à la santé sont, indéniablement, celles qui emportent les problèmes les plus sensibles dans la mesure où elles concernent l’identité et la vie privée des individus, comme l’a noté le Group

of Ethics in Science and New Technologies de la Commission européenne.

Ce groupe ajoutait que ces données ne doivent pas être traitées comme des objets de transaction. De leur côté, les auteurs du rapport Legally eHealth,

Putting eHealth in its European Legal Context pointaient le caractère parti-

culièrement sensible caractérisant les données médicales. Par conséquent, la première question à prendre en compte relève de la protection des données personnelles et de la constitution de bases de données en matière d’essais randomisés non médicamenteux. Il est déjà certain que ces essais doivent observer les exigences relatives à la collecte et l’enregistrement des données personnelles, à leur conservation et la durée de celle-ci, à la confidentialité et la sécurité de leur traitement (Herveg, ). De même qu’ils doivent respecter les règles relatives au transfert de données, à l’information et au consentement des personnes concernées (les patients par exemple) pour la collecte et la constitution de telles bases ainsi que toutes les règles relatives au droit d’accès. Un certain nombre de pays ont établi des règles de protection des données privées extensives (par exemple l’Australie) ou des règles spé- ciales pour les données médicales. Cependant, et sur ce dernier point, encore faut-il considérer que les personnes concernées par un essai randomisé non médicamenteux ont la qualité juridique de « patients ».