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vu par Madame de Sévigné

Dans le document Mélanges Michel Péronnet. Tome I (Page 150-160)

Régis BERTRAND

(Université d’Aix-Marseille I)

« Qu’ils sont vilains ces prélats ! » Madame de Sévigné, 2 mai 1689

« Les sources littéraires sont difficiles à solliciter : elles résultent d’une élaboration complète de la réalité et risquent de reposer sur les images que créent les grands auteurs ». Michel Péronnet se justifiait naguère ainsi d’avoir peu utilisé dans sa thèse ce type de document. Je voudrais

illus-trer ici ce constat par l’examen des mentions que Mme de Sévigné fait

dans sesLettres d’un des beaux-frères de sa fille, Jean-Baptiste d’Adhémar

de Monteil de Grignan. Ce frère du lieutenant-général, né en mai 1639, fut nommé archiprêtre et chanoine de Saint-Trophime d’Arles en 1663 ; il

devint ensuite archevêque in partibus de Claudiopolis et coadjuteur de son

oncle François de Grignan, archevêque d’Arles, qui était aveugle depuis

16611. Jean-Baptiste devra attendre près de vingt-trois ans sa succession

sur le siège d’Arles qu’il n’occupera que huit ans. « Le Coadjuteur »

appa-1. Voir Régis Bertrand, « François et Jean-Baptiste d’Adhémar de Monteil de Grignan archevêques d’Arles (1643-1689-1697) », dans Madame de Sévigné (1626-1696). Provence, spec-tacles, « lanternes ». Colloque international du tricentenaire de la mort de Madame de Sévigné (Grignan, 29-1erjuin 1996), Roger Duchêne (éd.), Grignan, Assoc. d’action culturelle des châteaux départementales de la Drôme, 1998, p. 83-91.

raît précocement dans les Lettres, le 19 novembre 1670, lorsque Mme de Sévigné annonce la naissance de sa première petite-fille, Marie-Blanche, dont elle est marraine ; il représente alors à la cérémonie du baptême son oncle qui est parrain1. Il est cité dans l’une des dernières qu’ait écrit la

marquise2. Il bénéficie au total de trois cent soixante-quinze références

dans l’index de l’édition de laCorrespondance procurée par Roger Duchêne3.

Même si la marquise se borne parfois à demander quelques nouvelles de sa santé ou à prier qu’on le salue de sa part, cet ensemble assez excep-tionnel de mentions a, comme Michel Péronnet le pensait, imposé une certaine image du prélat aux rares auteurs qui lui ont porté quelque intérêt. Georges Goyau, en une notice de dictionnaire apparemment assez peu

maîtrisée4, décrit ainsi un évêque habile à haranguer épisodiquement le roi

ou à présider l’Assemblée des communautés, bon prédicateur, mais jugé par ses biographes occasionnels « un peu trop indifférent à ses obligations d’homme d’Église » sur la foi d’une phrase de la marquise apparemment mal comprise, donnant une impression d’absentéisme (il est souvent

men-tionné dans les Lettres à Paris ou à Grignan), pris de la maladie de la

pierre au sens premier et surtout figuré. Je voudrais montrer que la source épistolaire peut s’avérer précieuse lorsqu’elle procure des informations à caractère privé, voire confidentiel, que ne sauraient fournir les archives mais que la charge de subjectivité qu’induisent des rapports interperson-nels et des intérêts familiaux en fait surtout « une élaboration complète de la réalité », aux aspects parfois très réducteurs.

Parmi ces détails très anecdotiques que fournissent les lettres, ceux qui concernent l’état de santé du prélat peuvent être utiles au biographe, au même titre que les voyages qu’elles signalent également, ne fût-ce que pour expliquer des éclipses de la signature épiscopale dans les registres de l’ad-ministration diocésaine ou le rythme des visites pastorales. Le coadjuteur souffre ainsi, de juillet à septembre 1671, de la goutte à la main et au pied5; une visite pastorale qu’il a commencée le 31 mars 1671 semble

interrom-1. Marie de Rabutin-Chantal, marquise de Sévigné,Correspondance, Roger Duchêne (éd.), Paris, Gallimard, 1995, t. I, p. 133 (à M. de Grignan, 11 nov. [1670]) (« Bibliothèque de la Pléiade », 124).

2. Mme de Sévigné,Correspondance, Paris, 1995, t. III, p. 1126 (à Coulanges, 15 octobre [1695]).

3. Mmede Sévigné,Correspondance, Paris, 1995, t. III, 1754.

4. Georges Goyau, art. « Jean-Baptiste d’Adhémar de Monteil de Grignan », dans Dic-tionnaire de biographie française, t. I, 1933, col. 607-608.

5. Mmede Sévigné,Correspondance, Paris, 1995, t. I, p. 292 (à Mmede Grignan, 12 juillet [1671]), 298 (à Mmede Grignan, 19 juillet [1671]), 302 (à Mmede Grignan, 22 juillet [1671]).

pue le 11 mai et n’être reprise qu’en janvier 1672. En décembre 1679, il est

« malade depuis douze jours de la fièvre continue1» ; en octobre 1684, « le

Coadjuteur est guéri » de quelque maladie2. Mmede Sévigné nous apprend

ensuite qu’il souffre de la maladie de la pierre : « Le Coadjuteur a eu la colique. Il a fait encore deux pierres » écrit-elle le 1erjuin 1689, en ajoutant qu’il avait déjà eu une crise semblable l’année précédente. L’archevêque a connu apparemment une atteinte sérieuse à sa santé en juin 1695, car dans une de ses dernières lettres, la marquise suggère à son cousin Coulanges :

Si vous écriviez un petit mot à M. l’archevêque d’Arles sur sa résurrection, d’un style d’alleluia, il me semble que vous lui feriez plaisir. Il est fort sensible à la joie d’être revenu de si loin ; il ne s’était jamais trouvé à telle fête3.

Jean-Baptiste de Grignan va mourir trois ans plus tard et il n’est pas inutile de connaître son état de santé. Encore faut-il rappeler que nous ne possédons pas toutes les lettres de la marquise et que les plus précieuses sont liées à des temps de séparation d’avec sa fille qui ne correspondent pas forcément à des événements de la vie du prélat.

Mme de Sévigné nous apprend également quelques rumeurs : le

coad-juteur espère vainement le siège d’Albi en 16764, puis celui de Marseille

en 1680 au départ de Mgr Toussaint de Forbin-Janson pour Beauvais. Le

bruit semble également courir peu avant la mort du cardinal Grimaldi en

1685 qu’il pourrait lui succéder à Aix5. Nous savons aussi par madame de

Sévigné que le coadjuteur eut la maladresse d’intriguer pour tenter d’obte-nir le cordon bleu que le roi avait accordé en 1661 à son oncle. « Soyez persuadée, écrit-elle, qu’on aura trouvé le neveu d’un bon appétit, et l’oncle

ou gouverné ou ne sachant plus les choses de ce monde6».

L’attrait principal des lettres est évidemment le portrait d’un prélat qu’elles tracent à petites touches et de façon contrastée. Les éloges de

1. Mme de Sévigné, Correspondance, Paris, 1995, t. I, p. 772 (de Mme de Grignan, 9 décembre [1679]).

2. Mme de Sévigné, Correspondance, Paris, 1995, t. III, p. 148 (à Mme de Grignan, 4 octobre [1684]).

3. Mmede Sévigné,Correspondance, Paris, 1995, t. III, p. 1107 (à Philippe-Emmanuel de Coulanges, 19 juin [1695]).

4. Mmede Sévigné,Correspondance, Paris, 1995, t. II, p. 375 (à Mmede Grignan, 21 août [1676]).

5. Mmede Sévigné,Correspondance, Paris, 1995, t. III, p. 220 (à Mmede Grignan, 22 juillet [1685]).

6. Mmede Sévigné,Correspondance, Paris, 1995, t. III, p. 480 (à Mmede Grignan, 21 jan-vier [1689]).

Mme de Sévigné sont nets lorsque le coadjuteur harangue le roi au nom

de l’assemblée du clergé de France en 1675. Mme de Sévigné fournit alors

des indications qui ne font pour la plupart que recouper ou préciser celles fournies par les mémoires du temps. En revanche, l’on sait grâce à elle que Jean-Baptiste de Grignan dut ajouter à la hâte dans sa harangue au roi une allusion à la guerre en cours et à la mort de Turenne et qu’il « passa cet endroit, qui avait été fait et rappliqué après coup avec une grâce et une habileté non pareilles ; c’est ce qui a le plus touché tous les courtisans. [...] Le roi a fort loué cette action [...] Les ministres et tout le monde ont trouvé un agrément et un air de noblesse dans son discours qui donna une véritable admiration1».

Les limites de l’apport de la marquise, lié à ses séjours parisiens et à ses relations avec le coadjuteur, deviennent ensuite nettes : le coadjuteur prêcha devant la cour le jour de la Toussaint 1678, puis pendant tout l’avent

de la même année, sans que les Lettres fournissent quelques précisions.

La marquise était au contraire à Paris lorsque Jean-Baptiste de Grignan présida avec l’archevêque de Paris l’assemblée du clergé de 1680, dont il prononça la harangue de clôture, mais le peu qu’elle en dit n’est guère utile à l’historien. Elle ne mentionne pas ses harangues au roi lors de l’assemblée

de 1685 et de l’assemblée extraordinaire de 1693. La Correspondance ne

traduit donc qu’imparfaitement les qualités oratoires du coadjuteur que signale son épitaphe : «eximius verbi divini præco, dissertissimus cleri Gallicum apud regem orator».

L’intérêt majeur desLettres réside évidemment dans les données à

carac-tère intime qu’elles révèlent, qui viennent confirmer ce que le biographe

attentif ne peut guère qu’entrevoir ou supposer. Mme de Sévigné a ainsi

prononcé peu après la mort de l’oncle ce jugement sans appel au sujet de l’attitude du neveu :

Pour Monsieur le Coadjuteur, je vous avoue, ma bonne, que je suis impi-toyable à ses longues et cruelles froideurs, pour ne pas dire inhumanités. Je lui souhaite d’aussi longs remords et une compagnie de dragons longtemps logés dans son cœur, soutenue des remords et des repentirs qu’il mérite. Quoi ? il aura percé, vingt ans durant, le cœur de ce bon et illustre prélat. Il lui aura fait souffrir toutes les peines que l’ingratitude fait souffrir, au lieu d’être sa consolation et son coadjuteur, non seulement dans les fonctions de sa dignité, mais encore dans les derniers temps de sa vie, pour lui aider à vivre et à mourir. Il aura fui sa présence ; il aura été partout, hormis

1. Mme de Sévigné,Correspondance, Paris, 1995, t. II, p. 60 (à Mmede Grignan, 19 août [1675]).

auprès de lui. L’aversion et l’incompatibilité lui auront servi de prétexte pour ne point faire son devoir. Et il ne serait pas un peu battu des Furies présentement ? Ma chère bonne, cela ne serait pas juste et je serais au désespoir qu’il ne sentît point cette peine. Toute ma crainte, c’est qu’elle ne soit pas assez longue1.

Le caractère du coadjuteur semblerait avoir été parfois ombrageux et

Mme de Sévigné, qui s’est précédemment plainte de son « aigreur2», en

trace au moment où il devient enfin archevêque d’Arles un portrait psy-chologique sans aménité :

Il est vrai, ma chère bonne, qu’il assemble des trésors de colère pour for-mer des reproches lorsqu’on y pense le moins et qui servent à repousser une improbation en temps et lieu. Vous dites cela fort plaisamment et mieux qu’une autre, car vous avez souvent essuyé de ces injustes bour-rasques ; il n’y a guère de personne plus gourmandée par son humeur que ce jeune archevêque3.

Mais la subjectivité de la source épistolaire semble ici d’autant plus mani-feste que l’attitude de la marquise est complexe et qu’elle est devenue vite critique, voire hostile, à l’égard de celui qu’elle désigne initialement

par « Seigneur Corbeau4», à cause de son teint sombre et qu’elle

déci-dera, lorsqu’il sera enfin titulaire du siège de saint Trophime, d’appeler « Monsieur d’Arles », en expliquant : « J’ai trouvé ce nom, pour ne dire ni M. le Coadjuteur, ni M. l’Archevêque ; il y a bien de l’invention dans

cette découverte5. » L’on pourrait même relever sous sa plume de menues

contradictions ou des variations simultanées si l’on ne prenait garde aux destinataires des lettres, qui ne sont pas toujours sa fille. Il est même permis de se demander si quelques phrases sévères à l’égard du prélat n’au-raient pas été écrites alors que le lieutenant-général n’était pas auprès de Mmede Grignan et pouvait donc ignorer l’arrivée de la lettre. Il est net que Jean-Baptiste de Grignan paraît avoir manifesté des sentiments très mitigés

1. Mmede Sévigné,Correspondance, Paris, 1995, t. III, p. 560 (à Mmede Grignan, 28 mars [1689]).

2. Mme de Sévigné, Correspondance, Paris, 1995, t. III, p. 447 (à Mme de Grignan, 27 décembre [1688]).

3. Mmede Sévigné,Correspondance, Paris, 1995, t. III, p. 675 (à Mmede Grignan, 24 août [1689]).

4. Mmede Sévigné,Correspondance, Paris, 1995, t. I, p. 154 (à Mmede Grignan, 9 février [1671]). Voir t. I, p. 169, 225, 293, 298, 306, 400.

5. Mmede Sévigné,Correspondance, Paris, 1995, t. III, p. 571 (à Mmede Grignan, 6 avril [1689]).

à l’égard de la belle-mère de son frère, s’il faut en croire du moins cette dernière : « Monsieur d’Arles fait réponse à mon fils, très plaisamment. Il dit que je le fuis, que je le hais, que je suis une enragée mégère, une diablesse, et puis que je suis sa bonne, sa bien bonne. Et je ne ferais pas

de cet homme-là tout ce que je voudrais ? Je vous réponds que si1. »

Cette dernière phrase pourrait être significative. En fait, le coadjuteur semble ne point jouer le rôle que la marquise lui avait assigné dans la petite nébuleuse familiale et qu’elle définissait ainsi dans une lettre à sa fille : « Je vous recommande toujours bien, ma bonne, d’entretenir l’amitié qui est entre vous. Je le trouve fort touché de votre mérite, prenant grand intérêt à toutes vos affaires, en un mot, d’une application et d’une solidité qui vous sera d’un grand secours2. »

Non seulement le coadjuteur commettait la faute de ne pas écrire assi-dûment à la marquise, ni même régulièrement, mais il se révèle moins dévoué à la carrière et aux intérêts de son frère, le lieutenant-général, que

Mme de Sévigné ne l’avait posé en principe. C’est à la lumière de cette

conception du rôle d’un cadet entré dans l’Église qu’il convient d’analyser de façon critique plusieurs aspects du portrait du coadjuteur procuré par la marquise.

L’affaire de la présidence de l’assemblée générale des communautés de Provence, que le coadjuteur a assurée de 1680 à 1685 mais qu’il aban-donne ensuite au nouvel archevêque d’Aix, en est un exemple significatif qui mérite que l’on s’y arrête un peu longuement. Lorsque la marquise fait grief de cette « abdication » à Jean-Baptiste de Grignan (« Et depuis

quand un Grignan compte-t-il pour rien d’être utile à sa maison3? »), elle

semble aveuglée par le souci des intérêts de son gendre et ne tient aucun compte de la situation exacte. L’assemblée générale des communautés, qui depuis 1639 était réunie à la place des états de Provence, avait pour président-né l’archevêque d’Aix. Mais le cardinal Grimaldi avait décliné à titre personnel cette présidence qui était dès lors assurée par l’un des deux procureurs-joints du clergé que l’assemblée élisait et qui conservaient leurs fonctions aussi longtemps qu’ils ne quittaient pas la Provence ou que leur santé le leur permettait. Lors de l’assemblée de 1680, le

coadju-1. Mmede Sévigné,Correspondance, Paris, 1995, t. III, p. 596 (à Mmede Grignan, 11 mai [1689]).

2. Mmede Sévigné,Correspondance, Paris, 1995, t. I, p. 225 (à Mme de Grignan, 17 avril [1671]).

3. Mme de Sévigné, Correspondance, Paris, 1995, t. III, p. 735 (à Mme de Grignan, 26 octobre [1689]). Voir t. III, p. 740.

teur fut élu à l’unanimité procureur-joint, en remplacement de l’évêque de Marseille, Toussaint de Forbin-Janson, transféré à Beauvais. Le cardinal Grimaldi, qui persistait dans son refus de siéger, étant représenté par son vicaire général, Jean-Baptiste de Grignan se trouvait en droit de présider l’assemblée, ce qu’il continua de faire après la mort de Grimaldi en 1685 car Charles Le Goux de La Berchère ne fit que passer sur le siège aixois ; mais son successeur, Daniel de Cosnac, très soucieux de sa dignité, exigea la présidence qui lui revenait de droit en 1689. Jean-Baptiste de Grignan qui venait d’être sacré archevêque d’Arles, pouvait dès lors difficilement prétendre conserver la présidence. Mais il avait été élu procureur-joint en tant que coadjuteur ; conserver cette seule place eût été pour lui s’y trouver subordonné sans aucun profit à l’autre archevêque provençal, alors que la primauté du siège d’Arles sur ses voisins avait été revendiquée par ses pré-décesseurs. En demandant au roi la permission « de quitter les assemblées des communautés pour pouvoir vaquer plus librement au ministère qu’[il]

doi[t] remplir dans le diocèse d’Arles1», Jean-Baptiste de Grignan semble

s’être au contraire honorablement tiré d’une situation inusitée et délicate.

Un autre grief de Mme de Sévigné est que Jean-Baptiste de Grignan

ne met pas au service de son frère et de sa famille les revenus de son archevêché et de ses abbayes pour rétablir une fortune chancelante ; il a la « rage » de « bâtir et de débâtir » à Grignan, ce qui le conduit à « renverser le château de ses pères et le rendre inhabitable2», soit à reconstruire, avec son frère l’évêque de Carcassonne, l’aile qui y est dite « des prélats ». Il est ainsi devenu « l’amant forcené de la princesse Truelle3» ; Mmede Sévigné le chantonne et écrit à sa fille : « Vous en dites plus en deux mots que moi en

cent : coadjuteur à 20 ans, maçon à 504. » Tel souci d’embellir le château

familial pourrait traduire la volonté de ces membres de la « noblesse de race » de tenir leur rang dans le paysage provençal par un édifice hors du commun alors même qu’une noblesse récente tendait aussi à s’affirmer par

ses châteaux. Mme de Sévigné ne dit rien en revanche de la passion de

Jean-Baptiste de Grignan pour « la truelle » au profit de son archevêché, qui sera un des rares traits que les historiens d’Arles retiendront d’un

1. Lettre de Jean-Baptiste Grignan à Louvois, 16 novembre 1689, dans Mmede Sévigné, Correspondance, Paris, 1995, t. III, p. 770, n. 3.

2. Mmede Sévigné,Correspondance, Paris, 1995, t. I, p. 503 (à Mmede Grignan, 14 février [1689]). Voir t. III, p. 608 : à Mmede Grignan 1erjuin [1689]).

3. Mmede Sévigné,Correspondance, Paris, 1995, t. III, p. 848 (à Mmede Grignan, 26 février [1690]). Voir t. III, p. 591.

4. Mmede Sévigné,Correspondance, Paris, 1995, t. III, p. 883, (à Mmede Grignan, 24 mai [1690]).

règne personnel assez court ; son épitaphe le loue d’avoir été «hujusce templi ac palatii archiepiscopalis restaurator magnificus». Il a en effet réalisé des « modernisations » dans la cathédrale Saint-Trophime : élargissement des fenêtres de la nef et du transept, construction de tribunes au fond de chaque bras du transept. Il a également reconstruit le palais archiépiscopal. « Il avait une grande passion pour les bâtiments, écrit le bourgeois arlésien

Pic, ce qui l’obligea de faire celui-ci avec beaucoup de magnificence, et pour cet effet, il y employa la totalité de ses revenus, pour le voir promptement achevé ».

« Monsieur d’Arles » n’est jamais sous la plume de la marquise un ministre de Dieu mais un homme de pouvoir et d’argent — et encore

fait-il mauvais usage des deux. La Correspondance ne nous apprend

quasi-ment rien de la part prise par le coadjuteur dans l’administration diocésaine.

La seule allusion qu’en fasse Mme de Sévigné concerne un événement de

l’épiscopat de François de Grignan, la grande mission prêchée à Arles en 1676 par une trentaine de prédicateurs pendant neuf semaines. « Je suis fort touchée de la dévotion d’Arles, écrit-elle à cette occasion à madame de Grignan, mais je ne puis croire que celle du coadjuteur le porte jamais à de telles extrémités. Nous vous prions de nous mander la suite de ce zèle si extraordinaire1. » Le coadjuteur semble en effet avoir pris une part directe à cette action pastorale intensive. L’abbé Jacques-Marie Trichaud a cru pouvoir affirmer au siècle dernier que « tout ce qui avait été accom-pli depuis vingt-trois ans (entre 1676 et 1689) dans la métropole d’Arles

appartenait en grande partie à l’initiative de Jean-Baptiste de Grignan2».

L’on retiendra du moins que c’est ce dernier qui accomplit, en 1671-1672 puis 1675-1688, des visites pastorales aux procès-verbaux très détaillés et qu’il amorcera une nouvelle tournée en décembre 1692 et janvier 1693, peut-être interrompue par ses problèmes de santé.

À la lecture de ces inventaires méticuleux, il est permis de juger Mmede

Sévigné parfois injuste à l’égard de Jean-Baptiste de Grignan ; elle écrit

ainsi le 3 février 1672 à Mme de Grignan :

Je vous conjure d’écrire au Coadjuteur qu’il songe à faire réponse sur l’affaire dont lui écrit Monsieur d’Agen ; j’en suis tourmentée. Cela est mal d’être paresseux avec un évêque de réputation. Je remets tous les jours

1. Mmede Sévigné,Correspondance, Paris, 1995, t. II, p. 239 (à Mmede Grignan, 16 février

Dans le document Mélanges Michel Péronnet. Tome I (Page 150-160)