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Les palais épiscopaux du Languedoc

Dans le document Mélanges Michel Péronnet. Tome I (Page 160-174)

sous l’Ancien Régime (1658-1693

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)

Milka CRESTIN

L’édit de grâce d’Alès, qui, en 1629, mit un terme aux troubles reli-gieux en Languedoc, donna tout son élan à l’entreprise de rénovation de l’Église exigée par la Réforme catholique. L’ampleur du mouvement protestant dans l’ancienne province avait gravement ébranlé la conscience religieuse et affaibli l’autorité catholique. La lente reprise en main du clergé, le déploiement des actions missionnaires mais aussi la politique systéma-tique d’éradication du protestantisme ramenèrent cependant le Languedoc au catholicisme et développèrent un net sentiment de triomphalisme chez les évêques languedociens. Cela a déjà été montré, l’architecture religieuse

devint alors un instrument de démonstration de la supériorité catholique2.

Cependant, si la souveraineté retrouvée de l’Église s’exprima clairement dans la reconstruction des édifices cultuels, elle se traduisit également dans l’édification des nouvelles demeures des évêques, les palais épisco-paux. Les modifications, agrandissements et embellissements de la rési-dence épiscopale mobilisèrent de nombreux prélats des années 1630 à la

fin du XVIIIe siècle, manifestant un souci toujours constant, de la part de

1. Résumé du mémoire de D.É.A. soutenu en octobre 1997, Univ. Montpellier III, Laure Pellicer (dir.).

2. Sur l’histoire de l’architecture religieuse de la Contre-Réforme à Montpellier, voir Jean Nougaret, « La Contre-Réforme à Montpellier : la traduction architecturale »,La vie religieuse dans la France méridionale à l’époque moderne, Montpellier, Univ. Montpellier III, 1992, p. 79-134 ; Thierry Verdier, « Les États de Languedoc et l’architecture de la reconquête catholique au lendemain de la Révocation. L’œuvre de d’Aviler », dansHommage à Robert Saint-Jean, Montpellier, Soc. archéol. de Montpellier, 1993, p. 303-316.

ces hauts dignitaires ecclésiastiques, de confort et d’agrément. Mais dans la

deuxième moitié du XVIIesiècle, particulièrement des années 1658 à 1693,

un groupe d’évêques développa une véritable politique de grands travaux, commandant la reconstruction de leur palais. Ces entreprises donnèrent naissance à quelques édifices remarquables, qui contribuèrent à magnifier la figure de l’évêque et à le hisser sans contestation possible au sommet de la hiérarchie diocésaine.

Grandeur et dignité de la fonction épiscopale

Le concile de Trente avait rappelé le rôle irremplaçable et les immenses

prérogatives de l’évêque1. Placé à la tête de l’Église par l’Esprit Saint,

successeur des apôtres, l’évêque était le chef d’une Église particulière : le diocèse. Le statut canonique de l’épiscopat, ses fonctions, ses droits et ses devoirs étaient fixés par le droit canon et étaient communs à tous les évêques de l’Église catholique, apostolique et romaine. En France cepen-dant, le texte concordé en 1516 à Bologne réglait sur une base contractuelle les rapports entre la papauté, le roi et l’Église. Les candidats à l’épiscopat étaient choisis par le roi, puis présentés au pape, qui leur accordait par bulles l’investiture canonique. La procédure de nomination à l’épiscopat montre bien la combinaison des pouvoirs juridiques : le roi de France désignait le futur évêque, lui confiait un pouvoir temporel en lui accordant un évêché, lui imposait par serment de le servir fidèlement et le mettait en possession de son bénéfice. Le pape lui donnait un pouvoir spirituel sur une Église particulière, l’autorisait à se faire sacrer et lui demandait un serment d’obéissance et de fidélité à la religion catholique. La conjonc-tion d’un statut canonique et d’un statut de droit public français donna au corps épiscopal de l’Église de France sa spécificité pendant toute l’époque moderne : « Cette alliance du trône et de l’autel reposait sur un échange de services : le clergé assurait l’ordre et la paix religieuse, le roi garantissait les privilèges du clergé pour lui permettre d’assurer son service2. »

L’ensemble de ces prérogatives contribuait à donner un relief considé-rable à la figure de l’évêque, et à en imposer partout et dans tous les

domaines la dignité. La grandeur épiscopale était aussi singulièrement

ren-forcée par l’origine aristocratique de la plupart des prélats. Du concordat

1. Sur l’épiscopat français d’Ancien Régime, voir les travaux de Michel Péronnet, Les évêques de l’ancienne France, Lille, A.R.T. — Paris, H. Champion, 1977, 2 vol., 1486 p.

2. Michel Péronnet, « Pouvoir et épiscopat dans le Languedoc moderne », Études sur l’Hérault, t. XIII, nos4-5, 1982, p. 3-6.

de Bologne à 1789, en effet, ce furent les grandes familles nobles qui four-nirent l’essentiel des candidats à l’épiscopat, favorisant évidemment le jeu des systèmes relationnels, de cour ou de parenté. De très grands noms, tels Charles-Joachim Colbert de Croissy, évêque de Montpellier en 1696, Louis Fouquet, évêque d’Agde en 1659, Jean-Jacques Séguier, à Nîmes de 1671 à 1687, ou encore Jean-Baptiste Michel Colbert de Saint-Pouange, arche-vêque de Toulouse de 1687 à 1710, témoignent assez bien de cette main-mise des grandes familles du royaume sur l’épiscopat languedocien dans la

deuxième moitié du XVIIe siècle. La fonction épiscopale, enfin, n’excluait

pas le cumul d’autres charges, administratives ou politiques : le célèbre cardinal Pierre de Bonsi, grand représentant de la noblesse florentine, fut chargé de nombreuses missions diplomatiques, comme ambassadeur extra-ordinaire du roi, à l’étranger. Promu en 1673 archevêque de Narbonne, il présida, à ce titre, les assemblées des états de Languedoc durant trente années1.

Importance, autorité, dignité et grandeur nimbaient donc l’évêque en son diocèse. Aussi, lorsque le prestige de l’Église se trouva amoindri par les succès du protestantisme, l’épiscopat languedocien, largement soutenu par le pouvoir royal, s’employa par tous les moyens à restaurer l’auto-rité catholique. Aux initiatives réformatrices des premières décennies du

XVIIesiècle, succéda, à partir de 1630, une phase beaucoup plus active, qui porta tous ses fruits dans la deuxième moitié du siècle. La réorganisation en profondeur de la vie diocésaine mobilisa la majorité des évêques du Languedoc, qui dotèrent le clergé d’un ensemble d’institutions propres à renforcer ses moyens d’action. Mais le protestantisme demeurait une force vive, et l’Église, comme la monarchie, supportait mal l’existence de l’hé-résie huguenote. On sait combien, en Languedoc, l’alliance des deux

pou-voirs fut efficace dans l’affaiblissement du protestantisme2. Les demandes

incessantes adressées au roi par les états de la province, présidés par le cardinal de Bonsi, pour réduire les droits de ceux de la Religion Prétendue Réformée, conduisirent, entre 1650 et 1680, à l’exclusion définitive des pro-testants de l’assemblée provinciale, des assiettes diocésaines, des consulats,

1. Les états de Languedoc étaient composés des représentants des trois ordres. L’arche-vêque de Narbonne présidait chaque session, assisté des archeL’arche-vêques de Toulouse et d’Albi. Les évêques des vingt autres diocèses religieux siégeaient dans l’ordre de l’ancienneté de leur nomination. Sur le rôle des états, consulter :Les assemblées d’états dans la France méridionale à l’époque moderne, Montpellier, Univ. Montpellier III, 1995, 299 p.

2. Sur ce point, consulter les pièces justificatives publiées par Paul Gachon, Quelques préliminaires de la révocation de l’édit de Nantes en Languedoc (1661-1685), Toulouse, Privat, 1899, 203-CLIII p. (« Bibliothèque méridionale », 2es., 5).

des offices municipaux et de nombreuses corporations de métiers. Dans les années 1660, tous les moyens furent mis en œuvre, les moindres incidents mis à profit pour interdire le droit d’exercice du culte. À partir de 1680, la politique royale et les efforts du clergé pour obtenir la conversion des huguenots n’ayant pas donné de résultats décisifs, commença la répression militaire. On comprend dès lors qu’un sentiment de supériorité, voire de triomphalisme, ait habité nos évêques. La conjoncture religieuse amena logi-quement à penser les monuments comme de véritables enjeux politiques, et, au moment où commencèrent les démolitions des temples protestants, à partir de 1661, s’élevèrent les hautes façades des palais épiscopaux.

L’exigence de confort

Bien évidemment, de nombreux paramètres sont à prendre en compte dans l’édification des nouveaux palais du Languedoc. L’ancienne province comptait vingt-deux diocèses religieux, puis vingt-trois après la création du diocèse d’Alès en 1694, dont trois archevêchés : Narbonne, Toulouse et

Albi1. Toutes les demeures épiscopales de la province ne furent pas

recons-truites sous l’Ancien Régime : les évêchés de Comminges, Lavaur, Le Puy, Agde, Mende et Mirepoix conservèrent le palais hérité du Moyen Âge. L’in-suffisance des revenus diocésains, l’éloignement géographique de plusieurs petits diocèses, ou encore l’engagement de certains prélats dans l’action de la Réforme, plus soucieux de leur apostolat que de reconstruction, sont autant d’explications possibles à ces exceptions. Dans certains cas, les pré-lats avaient depuis longtemps déserté l’évêché pour aller s’installer dans un château, devenu au cours des siècles la vraie résidence épiscopale : les

évêques de Comminges s’étaient établis, depuis le XVe siècle, au château

de Saint-Gaudens, petite ville peu éloignée de la cité épiscopale ; au Puy, le palais fut également délaissé au profit du château de Monistrol, qui fut d’ailleurs restauré auXVIIe siècle ; dans le diocèse de Viviers, enfin, il fallut

attendre le XVIIIe siècle pour que le siège épiscopal soit ramené de

Bourg-Saint-Andéol à Viviers même, transfert qui occasionna, d’ailleurs, la recons-truction, en 1732 du palais épiscopal. Quelques constructions échappent encore aux limites chronologiques de l’étude présentée : l’évêché de Rieux fut réédifié précocement vers 1630, et ne subit, dans la deuxième moitié

1. Pour l’origine des diocèses religieux en Languedoc, cf. Anne Blanchard et Élie Péla-quier, « Le Languedoc en 1789. Des diocèses civils aux départements. Essai de géographie historique »,Bulletin de la Société languedocienne de géographie, 112ea., t. XXIII, fasc. 1-2, janvier-juin 1989, p. 1-211.

du XVIIe siècle, que l’adjonction d’un grand portail d’entrée. Les palais de

Carcassonne et d’Alet ne furent reconstruits qu’au XVIIIe siècle, ainsi que

le palais de l’évêque d’Alès, qui, récemment érigé en évêché, ne fut réalisé qu’en 1724, immédiatement après la construction de la nouvelle cathédrale. En ce qui concerne les palais archiépiscopaux de Narbonne et d’Albi, les cas sont différents. Véritables forteresses médiévales, ces édifices, dont la masse imposante manifestait avec force la présence de l’Église, ne se prêtaient guère à de grandes modifications. Les archevêques qui les habi-tèrent y entreprirent cependant de nombreux réaménagements, destinés à transformer l’espace intérieur en de confortables et luxueux appartements. Louis de Vervins, archevêque de Narbonne de 1600 à 1628, fit édifier en 1627 un escalier monumental, à quatre volées droites et bordé de rampes à balustres, dans une tour semi-cylindrique de l’enceinte médiévale, pour distribuer les nouveaux appartements, en enfilade, qui furent aménagés au

second étage. Au palais de la Berbie1, Gaspard de Daillon de Lude, évêque

d’Albi de 1635 à 1676, modifia complètement l’aménagement intérieur et doubla le corps de logis, vers la cour, d’une galerie d’arcades supportant une terrasse. Hyacinthe Serroni, premier archevêque d’Albi (1678-1687), convertit l’ancien chemin de ronde, sur les courtines, en promenoir, trans-forma l’ancienne tour de la barbacane en salon de repos et créa dans la basse-cour un jardin orné de parterres. Son successeur, Charles Le Goux de La Berchère (1687-1703) aménagea l’ancien logis seigneurial de l’aile nord et, pour jouir de la vue sur le Tarn et le jardin, fit percer de larges fenêtres donnant sur une terrasse. Les modernisations se poursuivirent sous les épiscopats de Léopold Charles de Choiseul (1759-1764) et du cardinal de Bernis (1764-1790), visant à toujours plus de commodité et d’agrément.

Cette recherche de modernisation, de confort, voire d’un certain faste fut un trait constant du rapport que les évêques entretinrent avec leurs demeures. Épris de luxe, les prélats s’offrirent d’ailleurs souvent une rési-dence secondaire, tels François Bosquet, évêque de Montpellier, qui acheta et restaura les châteaux de Gigean et du Terral, Jean de Plantavit de La Pause, évêque de Lodève, qui acquit le château de Prémerlet, Pierre de Bonsi, évêque de Béziers et futur archevêque de Narbonne, qui

trans-forma l’abbaye de Valmagne en une fastueuse maison de campagne2,

1. Bruno Tollon, « Les aménagements du palais de la Berbie duXVe au XVIIIe siècle », dansCongrès archéologique de France, CXLIIesession, 1982, p. 142-146.

2. Pierre de Gorsse,L’abbaye cistercienne Sainte-Marie de Valmagne au diocèse d’Agde en Langue-doc, Toulouse, Impr. toulousaine Lion & fils, 1933, 85 p.

Jean-Baptiste-Michel Colbert, archevêque de Toulouse, qui reconstruisit le château de Balma, ou Charles-Joachim Colbert de Croissy, évêque de

Montpellier, qui restaura le château de Lavérune1. Mais à côté de ces

ini-tiatives, destinées à satisfaire l’exigence de confort de ces hauts dignitaires ecclésiastiques, un groupe de prélats manifesta la volonté de donner au palais épiscopal tout le prestige requis par la dignité de la fonction. C’est en effet une véritable série de palais neufs qui s’édifia à partir de 1658, inau-gurant une période architecturale particulièrement fructueuse et fortement caractérisée par son contenu idéologique.

Le palais épiscopal : entre le château et l’hôtel

Montpellier ouvrit la série en 1658, suivi de Béziers en 1662, de Mon-tauban en 1664, de Lodève en 1667, de Castres en 1669, de Saint-Pons en 1670, d’Uzès en 1671, de Nîmes en 1682, de Saint-Papoul en 1683, et de Toulouse en 1693. Bien entendu, l’état de délabrement de certaines demeures épiscopales, ou les dommages causés lors des affrontements religieux, avaient contraint quelques évêques à la location, et motivèrent souvent la commande d’une reconstruction. Mais bien souvent, ce fut un choix délibéré de l’évêque, et l’on vit même, comme à Montauban ou à Saint-Papoul, le nouveau palais s’ériger à l’entrée de la cité, loin de la cathédrale, à proximité de laquelle il est pourtant habituellement situé. À Montpellier, rapporte André Delort, « messire François de Bosquet, ayant fait réflexion sur la grande incommodité qu’il recevait d’aller d’assez loin à son église cathédrale, proposa à l’assemblée des états de lui vouloir accor-der quelque somme d’argent pour l’aiaccor-der à bâtir un palais épiscopal tout joignant cette église, ainsi qu’ils font partout ailleurs. Les messieurs qui composaient cette assemblée ayant bien considéré la justice de la demande, l’utilité et la nécessité de ce palais, tant pour l’honneur de la ville que pour plusieurs autres considérations délibérèrent qu’il fallait, à la tenue de l’assiette prochaine, faire imposer la somme de vingt mille livres sur tout

le diocèse2». Ce précieux témoignage montre bien que le palais épiscopal,

loin de n’être qu’un bâtiment fonctionnel d’habitation, est porteur d’une image où se mêlent inextricablement rôle religieux et fonction politique, et participe, au même titre que les grands édifices urbains, au prestige de la

1. Thierry Verdier, Châteaux et demeures du Languedoc-Roussillon, Montpellier, Presses du Languedoc, 1997, 220 p.

2. André Delort,Mémoires inédits d’André Delort sur la ville de Montpellier auXVIIesiècle (1621-1693), Montpellier, Jean Martel, 1876-1878, p. 174-175.

cité. Point de demeure médiocre, donc, mais l’exigence d’une monumen-talité capable de proclamer la prééminence de l’évêque, et, par là même, d’imposer la religion du roi comme la « vraie foi ». C’est ce que traduit l’attitude de Jean-Jacques Séguier, évêque nommé à Nîmes en 1671, qui vendit les deux modestes maisons qu’avait acquises, pour remplacer l’évê-ché détruit, son prédécesseur Denis Cohon, et confia la réalisation des plans de son futur palais à Alexis Ponce de La Feuille, inspecteur pour le roi des ouvrages du canal du Midi.

Car pour conférer à ces nouvelles constructions tout le sens dont elles devaient être porteuses, quels meilleurs modèles que les réalisations élabo-rées dans le cercle royal ? En ces années 1660, le Languedoc s’efforçait de

créer un langage architectural plus conforme à l’idéal moderne1. Les grands

chantiers royaux, qui, tel le percement du canal du Midi, dépêchèrent dans la province des ingénieurs et des architectes venus d’Île-de-France, concou-rurent à familiariser les maçons régionaux avec les goûts et les façons de l’entourage royal. À l’instar des architectes parisiens qui intervinrent dans le midi, tels Jules Hardouin-Mansart, Robert de Cotte ou Augustin-Charles d’Aviler, les maîtres-maçons imitèrent les plans et les distributions d’Île-de-France, et s’efforcèrent de donner aux formes locales une expression plus fidèle aux modèles royaux. Les recueils de modèles de Pierre Le Muet,Manière de bien bâtir pour toutes sortes de personnes (1623), de Louis Savot,

Architecture françoise des bastiments particuliers (1624), ou d’Antoine Le Paultre,

Dessins pour plusieurs palais (1652), permettaient aussi aux maîtres d’ouvrages éclairés d’avoir à leur disposition un large éventail d’ordonnances et de distributions. Pourtant, si tout concourait à la diffusion d’un idéal archi-tectural unitaire, une multiplicité de solutions furent appliquées aux palais épiscopaux languedociens.

En 1658, Pierre de Bosquet confia la restauration de la demeure épis-copale à Jean Bonnassier, maître-maçon et architecte montpelliérain. Si un effort de modernisation de cet ancien monastère bénédictin s’y traduisit par des modifications intérieures, avec la création d’un escalier et par le remplacement des anciennes baies gothiques, le parti général restait fidèle à la tradition : la réfection à l’identique des mâchicoulis de la façade

anté-rieure, vestiges des bâtiments monastiques érigés à la fin du XIVe siècle

1. Sur l’histoire de l’architecture en Languedoc : Bernard Sournia et Jean-Louis Vays-settes,Montpellier : la demeure classique, Paris, Imprimerie Nationale Éd. et Inventaire général, 1994, 330 p. ; Corinne Potay,L’architecture de l’âge classique à Nîmes, finXVIesiècle-finXVIIIesiècle, thèse, Univ. Lyon II, 1991.

sur les plans d’architectes pontificaux, rapproche ce palais-forteresse de l’ancien château des papes d’Avignon.

C’est un tout autre parti que choisit Pierre de Bonsi, futur archevêque de Narbonne, pour le palais épiscopal de Béziers. Il s’agissait là d’une véritable reconstruction, qui fut confiée à Guillaume Prudhomme et Massé Sébron, maîtres-maçons et architectes fixés à Montpellier, et réalisée entre 1662 et 1666. Nettement plus partisan de solutions avant-gardistes, l’évêque opta pour le plan d’un hôtel particulier « à la française », entre cour et jardin. Les encadrements rustiques des croisées à meneaux de pierre, qui s’appa-rentaient à tout un courant décoratif en honneur à Montpellier des années 1640 aux années 1660, lui conféraient une esthétique quelque peu surannée. Mais la modernité du parti, tout de symétrie et de rigueur dans les deux ailes jouxtant en retour d’équerre le corps de logis, et dans l’ordonnance-ment régulier des façades, plaçait cette réalisation parmi les plus innovantes de la région1.

Le palais de Montauban2, que commanda Pierre de Bertier en 1664,

reprend le parti de l’hôtel entre cour et jardin, mais à une tout autre échelle. Reconstruit sur l’emplacement d’un ancien château, à l’entrée de la ville, par Bernard Campmartin, architecte et maître des réparations royales en Languedoc, ce monument dominait de toute sa hauteur les rives du Tarn. Contrairement au palais de Béziers, qui relève de la typologie de la demeure urbaine, l’évêché de Montauban s’apparente plus au château qu’à l’hôtel particulier. Composé d’un corps de logis et de deux ailes latérales, formant une cour carrée fermée par un mur écran, flanqué aux quatre angles de hauts pavillons carrés, le bâtiment évoque très nettement les dispositions du château français telles qu’elles se fixèrent progressivement de Bury à Écouen. La citation aux modèles royaux est encore appuyée par le couvrement en hauts combles des pavillons et par le doublement, par une tourelle en légère saillie, coiffée d’un petit toit pyramidal, des pavillons orientés vers le Tarn, sur le modèle des châteaux élevés au temps de Louis XIII par Salomon de Brosse ou François Mansart.

C’est également la référence à la typologie du château que privilégie le palais épiscopal de Lodève, mais de façon nettement moins ostentatoire et plus franchement méridionale. On retrouve, dans ce palais que fit édifier Roger de Harlay Césy à partir de 1667, les toitures à combles brisés,

1. Sur le palais de Béziers, consulter B. Sournia et J.-L. Vayssettes,Montpellier : la demeure classiqueParis, 1994, p. 67-68.

2. Hélène Guicharnaud, Montauban au XVIIe(1560-1685). Urbanisme et architecture, Paris,

Dans le document Mélanges Michel Péronnet. Tome I (Page 160-174)