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et Paul de Foix

Dans le document Mélanges Michel Péronnet. Tome I (Page 66-74)

Jacqueline BOUCHER

(Université de Lyon II)

Fils de Jean de Foix, comte de Carmaing, parent du roi de Navarre, Paul de Foix (1528-1584), lettré et jurisconsulte, avait enseigné le droit à l’université de Toulouse. Conseiller-clerc au parlement de Paris, il fut invité à opiner lors de la mercuriale du 10 juin 1559, destinée à entretenir et à appliquer les édits royaux contre les hérétiques. L’édit de Compiègne (juillet 1557) qui réservait aux tribunaux laïques le jugement des protestants, s’il y avait scandale public, prévoyait pour tous la peine de mort. Paul de Foix proposa de distinguer les luthériens, qui croyaient à la présence réelle et n’étaient en désaccord avec les catholiques que sur la forme du sacrement, des sacramentaires qui la niaient et étaient donc beaucoup plus coupables. C’était proposer de nuancer la politique royale et même celle du Saint-Siège. Arrêté, il fut condamné par des commissaires, le 8 janvier 1560, à se rétracter devant les chambres réunies et l’accès du parlement lui fut interdit pendant un an.

Cet épisode devait peser sur la carrière de Paul de Foix, qui avait reçu les ordres mineurs et se destinait à l’Église. Hautement apprécié par Catherine de Médicis, il s’affirma comme homme d’État. Ses proches croyaient à son orthodoxie. Ambassadeur de Charles IX en Angleterre, il laissa des catholiques assister chez lui à la messe et brava les reproches de la reine Élisabeth. Revenu de Londres en 1566, il fut admis au conseil privé et accomplit en 1567-1570 une ambassade à Venise. Selon un de ses familiers,

il recevait les sacrements à Pâques et à Noël. Ses fréquentations, il est vrai, n’étaient pas celles des ultra-catholiques. Il eut des relations suivies avec

Cujas, A. du Ferrier, H. de Mesmes, Pibrac, P. Daniel1. Cela pouvait

contribuer à le rendre suspect à Rome. François de Noailles fut l’un des huit évêques français cités à Rome par l’Inquisition le 13 avril 1563 alors qu’on ne lui reprochait que d’avoir toujours fréquenté les Châtillon. Protégé par la reine mère, il ne fut pas condamné2. Paul de Foix risquait, en raison de l’affaire de 1559, d’être plus sévèrement traité. Il restait proche du roi. Son nom figura sur la liste des soixante-dix-neuf membres du Conseil privé, dressée à Lyon le 17 septembre 1574, à l’arrivée de Henri III de retour de

Pologne3. Pendant les premiers états généraux de Blois, un député, P. de

Blanchefort, nota son nom dans son journal comme l’un des cent

trente-quatre membres du Conseil du roi, à la date du 24 décembre 15764. Une

carrière ecclésiastique lui était-elle possible ?

Les derniers Valois cherchèrent à pourvoir les évêchés et archevêchés d’hommes cultivés sachant comprendre les nécessités de la politique. La Réforme catholique s’amplifiait et ils craignaient les boutefeux qui refu-saient la dualité religieuse et les édits de paix (forme purement civile et temporaire de tolérance) et qui risquaient à tout moment de ranimer la guerre civile. Fort de l’appui royal, Paul de Foix chercha, dès la fin du règne de Charles IX, à obtenir l’un des grands sièges épiscopaux. Il échoua en 1573 dans l’affaire de Narbonne. Le cardinal de Ferrare, Hippo-lyte d’Este, étant décédé en 1572 en cour de Rome, cet archevêché était à la nomination du pape. Grégoire XIII était très favorable à la candidature de Simon Vigor, théologien et fougueux prédicateur parisien, qui aurait été mieux à sa place à l’évêché de Saintes, où il aurait pu mieux employer son zèle à la conversion des protestants de La Rochelle. Catherine de Médicis lui préférait Paul de Foix, faisant valoir qu’à l’archevêché de Narbonne, ville frontière avec l’Espagne, il fallait une forte personnalité, connaissant les affaires du monde et de l’État. Le pape regarda le candidat de la reine

mère comme suspect d’hérésie et Simon Vigor eut sa préférence5.

1. Noël Didier, « Paul de Foix et Grégoire XIII »,Annales de l’Université de Grenoble, section lettres-droit, t. XVII, 1941, p. 93 et suiv.

2. Antoine Degert, « Procès de huit évêques suspects de calvinisme »,Revue des questions historiques, juillet 1904, p. 61-108.

3. Bibl. nat. Fr., ms. fr. 18152, fol. 7-8. 4. Bibl. nat. Fr., ms. fr. 16250, fol. 162-165.

5. Correspondance du nonce en France, Antonio Maria Salviati, 1572-1578, Pierre Hurtubise (éd.), Rome, Université pontificale grégorienne-Paris, E. de Boccard, 1975, t. I, p. 376-383, 621-622 et 645-646, (14 et 19 janvier, 30 août et 3 octobre 1573).

Renseigné sur les dispositions du Saint-Siège, Paul de Foix brigua la même année l’archevêché de Lyon. Il savait que le titulaire, Antoine d’Albon, proche de sa fin, avait résigné ce grand bénéfice à son neveu, Pierre d’Espinac, doyen du chapitre cathédral. L’ambassadeur de Charles IX à Rome, Férals, tenta de s’opposer à la résignation, mais le consistoire du 15 septembre 1573 l’accepta. Le pape ne voyait en Paul de Foix qu’un politique. Espinac fut appuyé par les jésuites et le cardinal de Pellevé, qui vécut à Rome de 1572 à 1593, d’esprit ligueur avant la lettre. Paul de Foix en appela au Conseil du roi de France. Envoyé à Rome comme fondé de pouvoir du roi de Pologne, il se plaignit le 22 janvier 1574 d’avoir été reçu par le pape comme un accusé. Il chercha vainement à faire de son cas une affaire d’État. À Lyon à la fin de septembre 1574, le Conseil privé, avec l’assentiment de Henri III, se prononça en faveur

d’Espinac1. Il n’y avait aucune raison de mécontenter les Albon qui avaient

servi la monarchie fidèlement et qui avaient grande influence en Lyonnais. S’attendant à ce dénouement, Paul de Foix avait déjà cherché à bénéficier d’une résignation. De Rome le 3 mai 1574, le nonce Salviati fut informé que son secrétaire venait d’arriver, portant le consentement du roi et celui du cardinal d’Armagnac à la résignation de l’archevêché de Toulouse, que ce dernier était prêt à céder, tout en gardant les revenus sa vie durant, ainsi que le droit de collation des bénéfices de cet archidiocèse2. L’affaire devait beaucoup traîner, le pape étant peu désireux d’accepter cette résignation. Jusqu’en 1577, le cardinal d’Armagnac devait rester titulaire de l’archevê-ché de Toulouse. Co-légat à Avignon depuis 1565, il reçut l’archevêl’archevê-ché d’Avignon en 1576 et se démit de celui de Toulouse l’année suivante en

faveur de Paul de Foix de manière formelle3. Restait pour ce dernier à

obtenir les bulles d’investiture.

Toujours employé par le roi dans des missions délicates, Paul de Foix contribua en 1578 à faire restituer au Saint-Siège la petite ville de Ménerbes,

située dans le Comtat, qui avait été prise par les protestants4. Il

accompa-gna en 1578-1579 la reine mère dans son grand voyage dans le sud-ouest

1. Abbé Pierre Richard, La papauté et la Ligue française. Pierre d’Épinac, archevêque de Lyon (1573-1599), Paris, A. Picard et fils, 1901, p. 59-64 (thèse, Univ. Lyon, 1901).

2. Correspondance du nonce [...] Anselmo Salviati..., Rome, 1975 t. I, p. 837.

3. Gallia christiana..., t. XIII, Parisiis, Ex Typographia Regia, 1785, col. 56-58 ; Louis Moreri,Le Grand dictionnaire historique..., Paris, Chez les libraires associés, t. v, 1759, p. 210-211.

4. Correspondance du nonce en France Anselmo Sandino Louis, 1578-1581, Ivan Cloulas (éd.) Rome, Presses de l’Univ. grégorienne-Paris, E. de Boccard, 1970, p. 72 et 160. 17 mai 1578.

et le sud-est de la France destiné à faire appliquer l’édit de Poitiers. En 1579, il la quitta à Lyon pour se rendre en Italie pour se justifier des accusations qui pesaient toujours sur lui et obtenir les bulles de l’archevê-ché de Toulouse. Le nonce en France a relaté la satisfaction de la reine mère et du roi quand ils apprirent que le pape avait accepté sa purgation

canonique assortie de trois témoignages1. Leur désenchantement fut grand

quand ils surent que Grégoire XIII n’entendait pas pour autant investir leur protégé de l’archevêché de Toulouse. Le cardinal de Côme écrivit, le 11 juillet 1580, que le pape avait fait preuve d’une grande indulgence vis-à-vis de Paul de Foix mais que, libéré du soupçon d’hérésie, une tache le marquait encore. En outre le refus des bulles s’expliquait par sa parenté avec le roi de Navarre et la volonté du pape de ne pas l’imposer aux

habi-tants de Toulouse contre leur volonté2. Les arguments étaient inquiétants.

Toute la parenté du roi de Navarre, y compris les Bourbons catholiques qui avaient, comme lui, des droits au trône de France, ne serait-elle pas un jour objet de rejet du Saint-Siège ? Des habitants de Toulouse ne s’étaient-ils pas déjà adressés au pape en méprisant l’autorité royale dans l’affaire de l’archevêché ?

Autour de Henri III, on comprit que le cas de Paul de Foix devenait un problème d’État. À chaque audience accordée au nonce, la reine mère et le roi parlaient de cette affaire. Le 8 décembre 1580, le dernier Valois écrivit au pape pour exprimer sa colère. En refusant la résignation du car-dinal d’Armagnac, il avait infligé à ce dernier un grand affront et porté atteinte au droit royal de nomination. Louant les qualités de Paul de Foix, il insista sur « la confiance et la fidélité que nous avons esprouvée en tant de grandes affaires ausquelz nous l’avons emploié ». Des ennemis le

poursuivaient de leur malveillance3. Cette accusation faisait évidemment

allusion au cardinal de Pellevé, archevêque de Sens, fixé à Rome et aux ministres du roi d’Espagne. Quant au cardinal d’Armagnac, âgé mais pug-nace et ayant la réputation d’être un excellent catholique, s’il avait consenti à cette résignation, c’était parce qu’il ne doutait pas de l’orthodoxie de Paul de Foix. Il était depuis 1565 co-légat à Avignon où il avait fait preuve d’autorité4. Le Saint-Siège ne pouvait donc pas se méfier de lui.

1. Correspondance du nonce [...] Anselmo Salviati..., Rome, 1975, t. I, p. 544 et 552 (22 no-vembre et 4 décembre 1579), 634 et 656 (9 avril et 5 mai 1580).

2. Correspondance du nonce [...] Anselmo Salviati..., Rome, 1975, t. I, p. 706-707.

3. Augustin Theiner,Annales eclesiastici..., Romæ, Ex typographia Tiberina, 1856, 3 vol., t. III, p. 687.

4. Sur ce personnage,Lettres inédites du cardinal d’Armagnac, Philippe Tamizey de Larroque (éd.), Paris, A. Clandin, 1874, 134 p.

Fin manœuvrier, Henri III ne se borna pas à des protestations, mais il lança un nouvel élément dans l’affaire. Son ambassadeur à Rome, Louis de Chasteignier, sieur d’Abain, allait revenir en France. Le 21 avril 1581, le roi écrivit de Blois au pape qu’il avait nommé Paul de Foix, qui était toujours à Rome, comme ambassadeur et qu’il le priait de le recevoir en

cette qualité1. Dès lors Foix fut chargé de régler diverses affaires dans

la Ville éternelle. De 1581 à 1584, il reçut plusieurs fois des instructions

royales qui reflétaient la politique antiespagnole du dernier Valois2. En

choisissant un tel représentant auprès du pape, le roi mettait ce dernier dans l’embarras : comment persister à lui refuser l’archevêché de Toulouse ? En outre Henri III avait sur place un excellent agent, dévoué et fidèle, fermé aux manœuvres des ligueurs et des hispanophiles. Les lettres de Paul de Foix montrent son dévouement et son humanité, comme celle du 21 janvier 1582 : il tenta de redonner espoir au roi d’avoir un jour une descendance, lui rappelant que ses parents étaient restés dix ans sans en avoir ; la célébration autorisée par le pape d’un jubilé lui vaudrait peut-être cette grâce de Dieu3.

Henri III ne céda pas sur l’affaire de Toulouse et écrivit au cardinal d’Este, son cousin, protecteur des affaires de France à Rome le 15 août et le 27 novembre 1581 pour qu’il travaillât à faire mettre Paul de Foix en possession de cet archevêché. Le 27 novembre, il critiqua le comportement de Grégoire XIII « voullant l’avis de mes subjets de Toullouse, chose qui me seroyt en trop grande indignyte ». Cela lui tenait grandement à cœur « pour linterest que se me seroyt ». Le 15 août, il avait même demandé au pape, dans une missive particulière, de ne pas différer davantage et de ne pas céder « aux artifices daucuns » qui n’avaient pas de volonté de servir le Saint-Siège. L’affaire s’aggrava du fait que des communications semblent avoir été établies entre des Toulousains et Rome, au moins indirectement. Le 27 février 1582, Henri III se plaignit au cardinal d’Este de la dernière réponse du pape à ses instances : il n’investirait Paul de Foix de l’archevê-ché que si les habitants de Toulouse lui écrivaient en sa faveur. Cela allait à l’encontre « de lauctorité que Dieu m’a donnée ». Le roi développait sa pensée : Foix étant sur place, le Souverain Pontife pouvait juger de ses

1. A. Theiner,Annales..., Romæ, 1856, t. III, p. 708.

2. Ces instructions de Henri III se trouvent pour la période du 8 avril 1580 au 31 décembre 1582, dans le tome V des Lettres de Henri III, roi de France, Jacqueline Bou-cher (éd.), Paris, Champion, 2000, XIX-342 p.

3. Les Lettres de messire Paul de Foix archevêque de Tolose et ambassadeur pour le roy auprès du pape Grégoire XIII, écrites au roy henry III, [publiées par Suger de Mauléon, sieur de Granier]. Paris, Ch. Chappelain, 1628, p. 275-280.

mérites et il ne devait pas nier son droit de nomination. Quels motifs avait-il à agir ainsi ? Pensait-il que Paul de Foix ne pourrait s’entendre avec les Toulousains ou voulait-il récompenser ces derniers « de leur devotion, ferveur et bon zelle à la religion catholique » ? Si quelque chose avait été écrit contre Paul de Foix, on avait pris le nom de la ville. Henri III ajoutait qu’il avait dit au nonce, lors de sa dernière audience, que si son candidat n’obtenait pas les bulles demandées, il n’en désignerait pas un autre et laisserait le siège vacant. Il punirait aussi ceux qui lui auraient fait oppo-sition : « il s’agit de la conservation de mon auctorité et reputation et du

respect qui m’est deub par mes subjectz1. » Plus le temps passait, plus le

roi tendait à incriminer les capitouls de Toulouse. Il l’écrivit clairement à Paul de Foix le 26 juin 1582 : demander leur approbation à son investiture, c’était aller à l’encontre de son autorité et il les punirait2.

Toulouse était à cette date un bastion catholique, battu par le flot des affrontements civils qui ravageaient la vaste province du Languedoc. Les huit capitouls, élus pour un an avec l’approbation du parlement étaient pour la plupart des bourgeois de la ville, des avocats, des docteurs (ces deux qualités étant souvent réunies), plus rarement des écuyers3. Ils s’expri-maient avec détermination et en mai 1589 ils s’adressèrent même directe-ment au Saint-Siège pour expliquer qu’ils s’étaient ligués avec une dizaine d’autres villes catholiques de la province rejetant ainsi l’autorité du roi4. C’était cela que Henri III avait redouté quelques années plus tôt. En 1581, il avait même reçu les articles d’une association, faite au nom des trois états de Toulouse, du diocèse et de la sénéchaussée contre les religionnaires : prières pour obtenir l’extirpation de l’hérésie, mesures militaires pour la

défense commune et la garde du plat pays5. Écrivant au roi de Navarre

le 19 avril 1582, Henri III lui signalait que des bandes, commettant des exactions près de Toulouse, se réclamaient de lui et que des magistrats n’osaient plus sortir de cette ville pour aller remplir des missions. Cepen-dant il reconnaissait que les habitants de cette ville se conduisaient parfois

avec véhémence et qu’il faisait tout pour les modérer6. Tous ces faits

1. Ces lettres au cardinal d’Este sont publiées dans le tome V desLettres de Henri III, des copies dans Bibl. de l’Institut, ms. Champion 5072 et 5073.

2. Lettres de Henri III, t. V, 2000, copie dans la Bibl. de l’Institut, ms. Champion 5073. 3. Claude Devic O.S.B. et Joseph Vaissète O.S.B.,Histoire générale de Languedoc..., t. XII, Toulouse, Édouard Privat, 1889, col. 892-893, 917, 944-945, 1008 (listes des capitouls élus en 1568-1572).

4. Devic et Vaissète, t. XII, Toulouse, 1889, col. 1456-1457 (31 mai 1589). 5. Devic et Vaissète, t. XII, Toulouse, 1889, col. 1332-1335 (1581). 6. Devic et Vaissète, t. XII, Toulouse, 1889, col. 1353-1356 (19 avril 1582).

montrent quels motifs avait le roi de tenir à l’investiture de Paul de Foix à cet archevêché. Sa nomination en évitait une autre, qui aurait peut-être enflammé la province. Il prouvait qu’en s’en tenant à ce choix il tentait de modérer les Toulousains.

Grégoire XIII finit par céder. Fut-il peu à peu conscient des mérites de Paul de Foix ? L’opinion du nonce en France Castelli l’inclina-t-elle à faire des concessions ? Ce dernier affirma, à plusieurs reprises, que Henri III était profondément catholique et écrivit même, le 5 juillet 1582, qu’il

dési-rait la réforme de l’Église1. Son opinion avait du poids, car c’était

lui-même un ami de Charles Borromée, archevêque de Milan et champion de la Réforme catholique. Le 5 novembre 1582, les bulles tant désirées furent

envoyées à Paul de Foix2. Le 19 novembre suivant, Castelli fit part du

contentement du roi et surtout de la reine mère3. Henri III sentait

proba-blement que, bien qu’ayant dû céder, Grégoire XIII avait soutenu contre lui les ultra-catholiques. Quelques mois plus tard, Paul de Foix ayant eu un grave accident de santé, le roi le complimenta de son rétablissement et surtout que le pape lui eût donné pendant cette maladie des marques

d’attention4. Sa méfiance n’était probablement pas dissipée.

Un an plus tard, l’archevêque de Toulouse, qui n’avait pas quitté Rome, fut frappé d’un même accident qui mit sa vie en danger. Averti, le roi pressa Saint-Goard (Jean de Vivonne) de se rendre au plus tôt à Rome pour y exercer la fonction d’ambassadeur que Paul de Foix ne pouvait

plus remplir5. Celui-ci répondit le 12 juin que, revenu d’Espagne appauvri,

il ne pouvait plus servir sa majesté « sy ce n’est par le moyen de ses

royalles liberalitez6». À la même époque arriva la nouvelle que Paul de

Foix était décédé à Rome le 29 mai. Ainsi l’archevêché de Toulouse était-il de nouveau vacant et à la nomination du pape. Henri III en écrivit immédiatement au secrétaire d’État Villeroy, qui était aussi son confident : il fallait conserver au cardinal d’Armagnac le brevet qu’il avait, car le roi ne voulait pas perdre, avec Paul de Foix, la nomination à cet archevêché. Nul n’y entrerait que celui qu’il voulait. « Je ne le souffriray » répétait-il. Son choix c’était le jeune cardinal de Joyeuse qui avait reçu en 1582

1. Correspondance du nonce en France Giovanni Battista Castelli, Robert Toupin S. J. (éd.), Rome, Presses de l’Univ. grégorienne-Paris, E. de Boccard, 1967, p. 345-349.

2. Gallia christiana..., Parisiis, t. XII, col. 58-89.

3. Correspondance du nonce[...]Castelli, Rome, 1967, p. 438-456. 4. Bibl. nat. Fr., ms fr. 16044, fol. 298-299 (mai 1583). 5. Bibl. nat. Fr., ms fr. 16045, fol. 2 (23 mai 1584).

6. Lettre publ. par le comte de Barthélémy, dansArchives hist. de la Saintonge et de l’Aunis, t. VIII, 1888, p. 350-353.

l’archevêché de Narbonne. Il fallait se montrer très déterminé dans cette affaire1. Le ton passionné de cette lettre s’explique par le contexte politique. Le duc d’Anjou et d’Alençon, dernier fils de Catherine de Médicis, venait de mourir. Le roi de Navarre était devenu premier héritier au trône et son cousin Condé, protestant plus déterminé que lui, second héritier. On pouvait s’attendre à voir s’affronter de nouveau les catholiques ultras d’une part, les protestants et politiques de l’autre. Plus que jamais les postes clés devaient être donnés à des fidèles du roi. Les Joyeuse, que le roi avait élevés en la personne du jeune duc, marié de surcroît à la demi-sœur de la reine Louise, étaient des catholiques irréprochables et combatifs. Il n’y eut donc pas à batailler avec le Saint-Siège pour installer François de Joyeuse sur le siège archiépiscopal de Toulouse. En 1587, à la mort du cardinal d’Este, il fut même envoyé dans la Ville éternelle pour lui succéder comme protecteur dans les affaires de France. Henri III comptait sur sa fidélité et ne fut pas déçu. Il ne rallia la Ligue qu’après l’assassinat du roi, ne pouvant en conscience reconnaître un souverain protestant. Dès qu’il fut

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