• Aucun résultat trouvé

18 Par exemple l’imposant fardeau de la paperasse exigée des policiers, qui perçoivent ces démarches administratives comme une source d’aliénation, une distraction majeure qui les empêchent de faire de leur « vrai » travail (Ericson et Haggerty 1997, cités par Chan, 1999, p,256) .

à un service comme le SPVM de se conformer aux croyances des gouvernés. La police peut maintenir l’équilibre dans son rapport avec les citoyens, par un discours et des actions qui reposent sur les principes fondamentaux de légitimité et d’imputabilité.

La légitimité

Le concept de légitimité peut être compris de différentes façons. Il peut s’interpréter comme une notion juridique (si c’est légal, c’est légitime), comme une notion morale et éthique (est légitime ce qui est juste et bien) ou comme une notion politique de la légitimité. Dans le contexte de la gouvernance démocratique, la légitimité est alors comprise « comme une qualité d’un pouvoir d’être conforme aux croyances des gouvernés » (Larousse). Contrairement à la légitimité juridique, qui suit les codes de lois, la légitimité dans son sens éthique et politique est hautement subjective. Appliquer les lois et les règlements en suivant scrupuleusement les codes ne garantit pas à la police qu’elle obtiendra le soutien de la population, qui s’attend aussi à ce que les règlements soient mis en œuvre de façon appropriée et que l’action de la police ait un sens socialement.

À l’inverse, la police ne fait pas que « subir » la perception des citoyens. Ses paroles, ses actions et ses pratiques ont un pouvoir important sur le lien de confiance avec la population. Ce lien de confiance est construit jour après jour dans l’interaction entre les policiers et la population. Les citoyens pourront, dans le cadre de ces échanges, vivre et témoigner concrètement de la légitimité des actions policières.

Ces échanges surviennent en interaction directe sur le terrain, mais peuvent aussi avoir lieu à travers les médias sociaux ou traditionnels. Ainsi, chaque agent, chaque patrouilleur, chaque membre du SPVM est responsable dans sa pratique de la réputation du service et a le pouvoir soit de la construire de façon positive ou de lui porter préjudice (entre autres, Lipsky, 1980, Mastrofsky, 2004). Et cette réputation est beaucoup plus qu’une simple question d’image : il s’agit pour les policiers de s’assurer les meilleures conditions possibles pour pouvoir exercer leur fonction.

L’imputabilité et les mécanismes de contrôle

Il existe plusieurs façons de concevoir l’imputabilité : il y a l’imputabilité comptable et financière (verticale), l’imputabilité comme capacité à rendre des comptes à des supérieurs et au public (verticale), l’imputabilité comme capacité à traiter efficacement des problèmes (horizontale), l’imputabilité comme mécanisme de contrôle, etc. (Sheptycki, 2004, p.110).

En gros, l’imputabilité implique une dimension « mécanique » d’audits et de moyens de contrôle afin d’assurer l’intérêt commun de la société, et une dimension normative sur l’exercice du pouvoir social, politique et économique légitime ; sur ce qui constitue des pratiques qui soient justes et appropriées (ibid., p.112). Au sein des services de police, la culture à cet égard dépend beaucoup de la définition de la mission du service, des liens formels et informels et des mécanismes en place qui garantissent l’imputabilité au sein même de l’organisation (ibid., p.111).

Le système de gouvernance mis en place par le New Public Management, issu des pratiques du marché, a produit deux effets inattendus sur les institutions17. D’abord, nous observons

un phénomène de découplage au sein des organisations : des unités spécialisées sont nommées responsables de l’imputabilité, alors que le reste de l’organisation poursuit ses activités as usual. L’imputabilité relève alors beaucoup plus d’une question d’image, que d’un réel processus de reddition de compte (Chan, 1999, p.256). Ensuite nous notons également un phénomène de « colonisation », où les individus d’une organisation sont dominés par les procédures du processus d’imputabilité, au détriment de leur performance (idem)18.

Étant donné les pouvoirs extraordinaires qui leur sont conférés, les policiers sont liés par plusieurs mécanismes de contrôle qui permettent aux institutions politiques et au public d’exiger des comptes et une qualité de rendement. Ils constituent le lien essentiel qui garantit le lien d’imputabilité des policiers envers les citoyens, nécessaire pour maintenir la confiance du public. Au Québec, les services de police sont encadrés par des contrôles institutionnels et des contrôles individuels.

La Loi sur la police prévoit des inspections générales et thématiques tous les cinq ans. Les services de police doivent aussi rendre chaque année un rapport d’activité, un rapport sur les mandats de perquisition ainsi que toutes informations administratives ou autres à la demande du ministre de la Sécurité publique (ministère de la Sécurité publique, 2013). Les mécanismes de contrôle individuel prévoient l’obligation des directeurs de service de police de rapporter au ministre tous les cas d’allégations d’infraction criminelle de la part d’un policier, et l’ouverture d’une enquête externe. Les policiers sont également soumis au Code de déontologie des policiers du Québec. Tout citoyen qui s'estime lésé, ou qui a observé un manquement grave de la part d’un policier peut déposer une plainte au Commissaire à la déontologie policière dans l’année qui suit l’incident. De plus, le SPVM

20 Par exemple, les compétences fédérales et provinciales, qui sont strictement définies par la Constitution. 19 D’autres institutions et d’autres mécanismes permettent aux citoyens de déposer des plaintes : entre autres,

l’Ombudsman de Montréal, la Commission des droits de la personne, la procédure 733 prévue au centre d’appel d’urgence, le Bureau du service de la clientèle du SPVM, etc.

dispose d’une unité des Affaires internes, mandatée pour le suivi des cas problématiques au sein même de l’organisation. Le ministère de la Sécurité publique s’est également doté d’un mécanisme d’enquête indépendante relative à une intervention policière, lorsqu’une opération conduit au décès ou à de graves blessures (idem).

En tant que service de police municipal, le SPVM doit également rendre des comptes à la Direction et à la Commission de la sécurité publique de la Ville de Montréal (CSP). La CSP est constituée de différents élus municipaux et représentants provinciaux et est mandatée pour assurer le suivi des grands dossiers, « tels que la mise en œuvre du schéma de couverture des services policiers, le Plan directeur en matière de relation avec les citoyens, la brigade urbaine » et le rapport annuel du SPVM (Ville de Montréal, 2013).19

Au final, les principes de légitimité et d’imputabilité sous-entendent que la police doit être efficace, transparente et cohérente. La police doit répondre aux mêmes critères de responsabilité, de rigueur et de transparence exigés des autres institutions publiques. Elle doit également assumer son rôle d’acteur central dans la gouvernance démocratique de la sécurité et assurer un maximum de cohérence dans ses paroles et ses gestes afin de répondre aux attentes des gouvernés.

4. Les arrangements institutionnels de la gouvernance de la sécurité

La gouvernance démocratique de la sécurité n’est pas un concept désincarné : elle existe à travers un ensemble d’arrangements institutionnels qui lient les acteurs entre eux. Le SPVM est un des acteurs liés par ces arrangements, et doit composer avec les contraintes et les opportunités qui sont propres à chaque modèle. Cette section présente trois types d’arrangements : la gouvernance multiniveaux, la gouvernance en réseaux et la gouvernance locale.

La gouvernance multiniveaux

La gouvernance multiniveaux illustre l’interaction entre plusieurs niveaux de gouvernements dans la gestion d’un enjeu politique (Marks, Hooghe et Blanks, 1996, Hooghe et Marks, 2003, p.234). Le partage des rôles, des responsabilités et des compétences est généralement établi à chacun des niveaux (national/fédéral, provincial/régional, local/municipal). De façon générale le SPVM est déjà habitué à ce type de gouvernance qui est établi depuis plusieurs années. Toutefois, il convient de demeurer attentif, car la gouvernance multiniveaux génère certaines contraintes.

La gouvernance multiniveaux dépend très souvent d’arrangements juridiques assez stricts20.

Dans les grandes villes comme Montréal, la gouvernance multiniveaux s’impose souvent par elle-même, par ce qui relève :

• des secteurs d’activités : par exemple, la sécurité des consulats et des ambassades, la sécurité des représentants politiques provinciaux, nationaux et internationaux ainsi que les services d’ordre qui y sont reliés lors de visites ou d’événements,

• de la gestion du territoire : le contrôle de certaines portions du territoire montréalais est placé sous juridiction provinciale ou fédérale, comme les zones portuaires, les ponts, les autoroutes, les voies ferroviaires, etc.

• du financement des programmes : plusieurs programmes du SPVM dépendent de fonds gouvernementaux.

Le SPVM est ainsi tributaire des décisions prises au sein des différents paliers de gouvernements dans la gestion de nombreux dossiers. Qu’advient-il lorsqu’un programme spécial mis sur pied par le gouvernement fédéral est aboli, alors qu’en dépendent des unités spéciales, des emplois, et des enjeux réels qui ont des effets concrets sur la vie des Montréalais ? Que faire lorsque la mise en place d’un plan de sécurité dans un secteur exige l’accord du fédéral ? Quelle marge de manœuvre le SPVM peut-il avoir dans la lutte aux trafiquants dans le secteur du port de Montréal ? Aussi, travailler dans des contextes de gouvernance multiniveaux complexifie les interventions et impose des contraintes supplémentaires d’interopérabilité. Lors de projet ou d’intervention conjoints, les différents services doivent départager les responsabilités, déterminer les limites du travail de chacun, harmoniser leur approche, etc.

Malgré ces contraintes, la gouvernance multiniveaux offre aussi des possibilités qui ne sauraient se réaliser sans l’appui des différents gouvernements. Par exemple, les escouades régionales mixtes, les enquêtes conjointes sur le crime organisé ou même la participation du SPVM aux missions onusiennes, ne sauraient se réaliser sans les arrangements multiniveaux entre les différents corps policiers municipaux, provinciaux et fédéraux. La gouvernance en réseaux

Nous avons vu que la gouvernance multiniveaux appréhende bien les relations formelles dans les activités de gouvernance. Mais elle est moins explicite quant aux relations

53

Outline

Documents relatifs