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4912 Par exemple, dans les dossiers relatifs aux fraudes Voir le chapitre de Mathieu Charest et Maurizio D’Elia.

13 Voir le chapitre de Benoit Dupont, Samuel Tanner et Michael Meyer.

14 Ce rôle est bien documenté par le processus de sécuritisation, élaboré par Buzan, Weaver et de Wilde, 1998.

développer de nouvelles compétences d’analyse, qui doivent être renouvelées au même rythme que les technologies12. Elles posent aussi un défi de taille, puisqu’il est difficile de

prévoir, dans un monde aussi interconnecté, dans quelle mesure la diffusion des tendances sociales ailleurs peut avoir un impact sur le territoire montréalais.

De façon plus générale, l’adoption des NTIC par la population oblige les services policiers à suivre la même direction. En tant que police communautaire, elle doit aussi recourir aux mêmes outils de communication afin de maintenir le lien et demeurer en phase avec les réalités vécues par les différents groupes de la société (comme en témoigne le recours aux médias sociaux13).

2. Le rôle ambigu d’un modèle de police communautaire

Nous avons vu que la multiplication des acteurs et le décentrement des processus décisionnels signifient deux choses pour un service de police : que les services de police ne sont plus les seuls pourvoyeurs de sécurité et qu’ils doivent répondre à des intérêts souvent divergents. Cependant, tous les acteurs n’ont pas le même poids dans la définition des enjeux et des réponses appropriées. La police demeure toujours un acteur fondamental de la sécurité publique car elle dispose de trois types de ressources, qu’elle mobilise dans le cadre de ses fonctions :

• la capacité d’appliquer et de mettre en œuvre par la force les lois, les règlements et les politiques de sécurité,

• la capacité de tisser et de maintenir des relations sociales et des réseaux de contacts dans différents milieux,

• une expertise et des connaissances fines en matière de sécurité publique.

Grâce à ses pouvoirs exceptionnels et ses ressources spécifiques, le SPVM constitue une référence centrale en matière de sécurité. En plus de réprimer le crime et d’appliquer les lois et les règlements, l’organisation exerce une influence importante dans la définition des enjeux prioritaires, des menaces émergentes et des réponses adaptées à ces problématiques14. Ainsi « la police se débat entre l’objectif de maintenir l’ordre public,

entendu comme la sauvegarde de l’État, et celui de protéger les citoyens » (Ruiz, Vasquez, 2007, p.162).

Depuis 1997, le SPVM a choisi de mettre en œuvre ses ressources dans le cadre du modèle de police communautaire, dans une volonté de se rapprocher des citoyens et de devenir un acteur impliqué dans les communautés. C’est cette volonté qui a conduit, entre autres, à la création des postes de quartier et à la mise sur pied d’une série de projets de prévention, dans une perspective de résolutions de problèmes propres à la réalité de chaque milieu de vie. Depuis, cette approche a placé le rapport de confiance entre la police et le citoyen au cœur de la stratégie d’action du SPVM. Le SPVM est aujourd’hui un acteur présent dans les communautés. Il est communément attendu aujourd’hui des policiers qu’ils soient à la fois suffisamment fermes pour maintenir la sécurité mais aussi justes et conciliants, comme chacun peut s’attendre de toute autre institution publique.

Comme le souligne Jean-Paul Brodeur, les composantes de la police communautaire se fondent avec la fonction première de la police (maintenir l’ordre et réprimer le crime, idem), au risque d’induire une confusion dans les attentes des citoyens. La recherche et la pratique démontrent que le modèle de police communautaire, aussi intéressant soit-il, pose un problème de taille : il impose aux policiers de tenir deux rôles qui semblent, de prime abord, opposés (Brodeur, 2003). D’une part, la police doit maintenir l’ordre et réprimer le crime, ce qui implique la coercition et le recours à la force. D’autre part, le modèle de police de proximité exige aussi d’être près des citoyens et d’entretenir avec eux un rapport ouvert, fondé sur la confiance, le respect et l’échange. Ces tâches ne sont pas contradictoires, mais elles supposent un équilibre qui peut être parfois difficile à préserver (Ruiz Vasquez, 2007, p.162).

La police est une institution de contrôle, dotée de pouvoirs contraignants et discrétionnaires (Bourgault et Gow, 2002, p.748-749). Les policiers traitent avec « des criminels armés qui planifient leurs actions, anticipent l’intervention policière, exploitent les limites que la loi impose à l’action policière » et qui n’ont pas la volonté ou la capacité de respecter la notion de vie ou de dignité humaine (ibid., p.750). Ces différentes réalités instituent une relation de dualité avec les citoyens : les policiers sont à la fois une force bienveillante et aussi une force coercitive. Ce pouvoir exceptionnel lui permet d’améliorer la qualité de vie des citoyens (en diminuant la criminalité, en améliorant la sécurité routière, etc.) mais aussi de les réprimer (s’ils commettent des crimes, s’ils contreviennent aux règlements, etc.). Ainsi les policiers « agissent dans un étroit corridor dont les dimensions touchent à la fois la capacité de l’État et sa légitimité » (idem). En l’absence de performance efficace des

15 Chez Weber, Locke, Hobbes et Smith, entre autres. Idem.

16 Une grande entreprise ou un lobby n’aura pas le même accès au processus décisionnel qu’une assemblée de quartier.

fonctions policières, l’État est considéré comme irresponsable ou abusif. À l’inverse, les policiers seront associés aux positions des gouvernements. La police « porte l’État de droit sur ses épaules » : « le pouvoir doit être exercé de telle sorte que le public ait confiance que le contrat social s’applique à tous, que l’État est toujours utile et que son autorité est toujours acceptable » (idem). Pour ce faire, « l’exercice des fonctions policières doit observer certaines règles de l’art qui comprennent les règles bureaucratiques, la règle de droit (constitution, chartes, loi, droit naturel), les règles déontologiques et les politiques de l’employeur (priorités opérationnelles, procédures, sensibilité, etc.) » (Idem).

Comme nous l’avons vu, l’État est une structure politique qui maintient l’ordre social. Mais les philosophes qui ont pensé l’État moderne lui octroient également la fonction normative « de performer les tâches nécessaires pour les citoyens, de résoudre des problèmes et de fournir des services. L’État n’est pas seulement une institution qui maintient l’ordre, mais aussi une créature conçue ou acceptée par les citoyens car ils en ont besoin pour certaines raisons » (Bislev, 2004, p.282-283)15. La sécurité est essentielle pour que la

société puisse fonctionner. Dans nos sociétés, la sécurité est ordonnée par des lois et des règlements qui régissent notre existence commune. Mais la sécurité possède aussi une dimension socioculturelle et une dimension sociopolitique qui ne peuvent être dissociées (idem, Loader, 2000). De ce fait, la police communautaire constitue un acteur central de la gouvernance démocratique de la sécurité.

3. Les principes de la gouvernance démocratique de la sécurité

La gouvernance démocratique de la sécurité est un concept qui traduit une réalité complexe. Il n’est donc pas étonnant que sa définition le soit tout autant. Formellement, la gouvernance est définie comme :

• la gestion et la régulation coordonnées d’enjeux par des autorités multiples et séparées ;

• les interventions des acteurs à la fois publics et privés ;

• et les arrangements formels et informels tournés vers des résultats politiques particuliers.

Webber et al., 2004, p.4 En matière de sécurité publique, nous parlons plus spécifiquement de gouvernance de la sécurité. La gouvernance de la sécurité est définie comme une forme de coordination

politique entre des acteurs étatiques (les gouvernements, la police, etc.) et non étatiques (comme les entreprises privées et les organisations de la société civile), dont le but est de réguler leur existence collective par la production de réponses aux menaces qu’ils ont définies. Ce concept s’applique autant aux questions de sécurité intérieure, au policing qu’à la sécurité nationale et internationale (Shearing et Wood 2003, Wood, 2004, Laffey et Weldes, 2005).

Comme le souligne Johnston, l’enjeu clé de la gouvernance démocratique est de « s’assurer que les actions des différents partenaires civils et commerciaux engagés dans la gouvernance s’accordent le plus possible au bien collectif » (Johnston, 2004, p.34). Tous les citoyens n’ont pas un accès direct à ce processus et délèguent des représentants par des élections ou via des groupes d’intérêts au niveau d’influence très variable16. Une

gouvernance démocratique doit donc, en principe, placer la recherche du bien commun comme valeur fondamentale. Dans la pratique, les groupes d’intérêts vont, comme leur nom l’indique, défendre les intérêts de leurs mandataires. La responsabilité formelle de servir l’intérêt général revient donc aux institutions publiques.

Le modèle de police communautaire embrasse cette réalité. Elle offre un espace relationnel avec l’ensemble de la population en établissant un ensemble de structures et de pratiques qui favorisent le dialogue et la communication. De même, elle sait aussi écouter les différents groupes organisés de la société, et répondre aux attentes du politique. En fait, la police est le point de convergence des demandes de l’ensemble des acteurs de la société en matière de sécurité. Elle sert aussi souvent d’intermédiaire entre les demandes de ses mandataires politiques et celles issues de la population, dont la police possède une connaissance fine dont ne disposent pas nécessairement les élus (Del Bayle, 2006). Finalement, elle détermine au quotidien, par son application discrétionnaire des lois et des règlements, les limites du cadre social, les comportements acceptables et inacceptables, et le sens donné socialement à ces normes.

Or, comme il revient en premier lieu au service de police de maintenir l’ordre et la sécurité, notamment par le recours à la force si nécessaire, il est évident que des frictions avec certains citoyens ont lieu dans l’exercice des fonctions policières. La police doit faire des choix, et prendre des décisions, et ce faisant, elle ne peut satisfaire tout le monde. Pour que les décisions de la police soient respectées malgré ces désaccords, l‘institution doit conserver sa légitimité en tant qu’autorité. Pour ce faire, le lien de confiance avec la population doit donc être suffisamment fort pour « survivre » à ces tensions, et permettre

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