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1851 Ce qui représente de 119 millions à 224 millions d’usagers.

2 Bouchard et autres (2011) expliquent la diffusion des pratiques de culture de cannabis à travers quatre facteurs : des opportunités (connaissances et technologies facilement accessibles pour établir une culture), une demande locale qui est en progression, un bassin soutenu de personnes motivées à s’impliquer dans la culture et l’échec relatif des politiques antidrogues.

3 Comparativement aux cultures extérieures qui ne produisent qu’une seule récolte annuellement.

4 Les pertes financières et les dangers liés au vol d’électricité sont parmi les plus cités. Des dispositifs de détournement d’électricité ont été répertoriés dans 20 % des sites de production en Colombie-Britannique au tournant des années 2000 (Plecas et autres 2005). La présence de vapeurs chimiques et la création de moisissures influent sur les risques liées à la santé et détériorent les biens immobiliers.

5 Plus de 101 plants

Le Canada est reconnu comme producteur, à grand volume, de deux types de drogues ; la marijuana et les drogues de synthèse. Ce chapitre, qui aborde ces marchés criminels à un niveau local, est divisé en deux sections. La première présente une analyse sommaire de l’évolution et des caractéristiques du marché de production de marijuana à Montréal et de la prédominance d’un groupe criminel particulier. La deuxième s’intéresse plutôt au marché de production de drogues de synthèse et de la structure des réseaux de distribution. Une conclusion figure dans chacune des sections et quelques enjeux communs aux deux problématiques sont abordés à la fin.

Production de marijuana

Introduction

La marijuana est la drogue la plus consommée au monde, ce qui en fait un des marchés les plus lucratifs pour le milieu criminel. Il est estimé que de 3 % à 5 % de la population mondiale en ont fait usage durant la dernière année1 et, que cette proportion est deux

fois plus élevée en Amérique du Nord (UNODC, 2012). La prévalence de consommation est cependant en baisse au Canada. En 2011, 9,2 % de la population en ont consommé comparativement à une proportion de 14,1 % en 2004 (Santé Canada, 2011). Une diminution du même ordre s’observe au Québec, mais la demande demeure forte ; 12 % de la population âgée de plus de 15 ans et près d’un élève au secondaire sur quatre (24,9 %) en ont fait usage durant l’année précédant l’enquête (CQLD, 2011).

L’industrie de la culture de marijuana a subi de nombreux changements depuis les dernières décennies. Elle s’est d’abord démocratisée et universalisée. Dans le passé, un nombre restreint de pays assurait la production de marijuana et comblait, par exportation, la demande de pays industrialisés. Cette pratique s’est par la suite graduellement étendue aux pays développés2, si bien que la plupart des pays du monde en cultivent et que

plusieurs d’entre eux disposent d’une capacité de production qui répond largement à la demande interne (Bouchard et autres, 2011 ; Boivin, 2012). Cette capacité est aussi associée à l’émergence et au développement des techniques de culture intérieure, en

serres organiques (dans la terre) ou en serres hydroponiques (dans l’eau). Ces cultures, solidement implantées dans les grands centres urbains canadiens, ont la capacité de produire de la marijuana à forte teneur en THC, et ce, plusieurs fois par année3. Elles sont

aussi facilitées par la présence importante de commerces légaux qui se spécialisent dans la vente d’équipements hydroponiques. (Bouchard et Dion, 2009). En plus d’être la source de plusieurs dommages collatéraux4, ces types de cultures sont également moins à risque

d’êtres découverts par les policiers. En effet, Bouchard (2007) a estimé, par l’analyse du marché de production au Québec, que 3 % des cultures hydroponiques (intérieures) et 9 % des cultures en terre (intérieures) à haut volume5 seront détectées par les policiers

comparativement à une proportion de 36 % pour les cultures extérieures de taille similaire. La production au Canada

La production de marijuana au Canada est importante. Elle lui permet à la fois d’être autosuffisant en la matière et de jouer un rôle important en tant qu’exportateur. (GRC, 2010, Interpol, 2010). Selon Statistique Canada (2009), les infractions liées à la production de cannabis, sur le plan national, ont connu leur essor durant les années 90, avant de diminuer et stagner durant les années 20006, une courbe qui, à première vue, semble corrélée

à la demande interne en marijuana7. Bien que présente dans la plupart des provinces

canadiennes, la marijuana serait principalement cultivée en Colombie-Britannique, en Ontario et au Québec (Statistique Canada, 2009, GRC, 2010)

Les cultures, à grande échelle8, produites en milieu résidentiel auraient d’abord émergé

en Colombie-Britannique, avant de se répandre vers l’est du pays (DEA, 2000). Le marché de la production de marijuana en Colombie-Britannique a été analysé par Plekas et autres (2005), qui ont relevé des informations sur un peu plus de 25 000 cultures de marijuana démantelées par les policiers sur une période de sept ans (1997 à 2003). Ils ont constaté que le nombre de cultures a plus que triplé de 1997 à 2000 avant de demeurer stable par la suite9. Par contre, le niveau de sophistication des cultures intérieures et leur capacité de

production n’a cessé d’augmenter, passant d’une moyenne de 149 plants par culture en 1997

par Maurizio D’Elia, M. Sc. Recherche et Planification – Service de Police de la Ville de Montréal, Caroline Cloutier, analyste stratégique, division du Renseignement – Service de Police de la Ville de Montréal, Julie-Anne Moreau, analyste en renseignements criminels, section divisionnaire de l’analyse criminelle – Gendarmerie Royale du Canada

6 L’évolution de ces infractions est montrée à la Figure 1, en annexe. Il faut cependant l’interpréter avec précaution, puisque les infractions en matière de stupéfiants dépendent en partie de la pression policière exercée. Toutefois, il n’est pas exclu que l’augmentation de la pression policière soit associée à la croissance réelle d’un phénomène criminel.

7 Dans leur étude, Beauregard et autres (2010) mentionnent, qu’au Canada, la proportion de consommateurs de cannabis (au cours des douze derniers mois) est passée de 6,5 % en 1989 à 7,4 % en 1994, pour atteindre 14,1 % en 2004. Les données de Santé Canada (2011) montrent ensuite que cette proportion a graduellement diminué à 9.1 %, en 2011.

8 Référence faite ici aux habitations ou bâtiments qui servent presque exclusivement à la culture de marijuana.

9 Une évolution comparable à celle observée à l’échelle du Canada (voir figure 1 en annexe)

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10 Cette augmentation n’est d’ailleurs pas la résultante d’une hausse de proactivité policière.

11 Il a été observé, autant à Montréal que dans plusieurs autres pays, que les individus liés au crime organisé asiatique, impliqués dans la production de cannabis seraient principalement d’origine vietnamienne. 12 Le travail dans les plantations servirait, entre autres, à payer les dettes liées au passage clandestin. Les

auteurs de cette étude estiment d’ailleurs que cette spécialisation des groupes asiatiques, en Angleterre,

13 Module d’informations policières (MIP) et banque de données issues du renseignement

14 Aussi, dans 76 des 1 483 cas (5 %), la culture n’était plus active, mais de l’équipement était encore sur place. 15 23 % contenaient entre 20 et 99 plants et 14 % moins de 20 plants.

16 Un motif à l’origine de la découverte a pu être relevé dans 84 % des événements (1251 sur 1486)

17 La réception d’une information de nature criminelle ne mène pas nécessairement à une enquête. Le manque de ressources

à 236 en 200310. Une situation similaire a été relevée en Ontario, où le nombre de cultures

intérieures, enregistrées par les policiers, et leur volume ont plus que doublé en quatre ans (2000 à 2003) (OACP, 2004). Au Québec, les connaissances sur le marché de production de marijuana proviennent principalement des travaux de Bouchard (2007). Il a estimé qu’en 2001, plus de 50 000 cultivateurs de cannabis étaient actifs dans la province et contrôlaient près de 13 000 sites de production extérieurs et intérieurs. La grande majorité de la marijuana produite au Québec provient, par contre, d’une minorité de cultures intérieures. Bouchard (2008) évalue que sur les 302 tonnes métriques de marijuana produites au Québec, en 2002, 93 % proviennent de cultures intérieures, en terre ou hydroponiques, tandis que les cultures extérieures, qui représentent 32 % des sites de cultures, produisent 2,4 % de la production totale. La marijuana produite au Québec satisfait largement la demande intérieure. En fait, le tiers de la marijuana produit au Québec serait consommé dans la province, le surplus étant principalement exporté aux États-Unis.

L’émergence du crime organisé de souche asiatique

Contrairement à ce qui peut être observé pour les autres types de drogues, la production de marijuana n’est pas uniquement l’affaire de groupes associés au milieu criminel. Plusieurs personnes la cultivent en petites quantités pour satisfaire leurs besoins personnels sans en tirer nécessairement de profits. Par contre, il est permis de croire qu’une grande part de la production locale est à vocation commerciale et sert les intérêts d’individus associés à des groupes criminels. Parmi ceux-ci, les groupes du crime organisé de souche asiatique11

retiennent de plus en plus l’attention. Au Canada, ces groupes domineraient la production intérieure, par l’utilisation de méthodes de culture avancées qui permettraient d’accroître le niveau de production de marijuana et sa puissance en THC (GRC, 2010). En Colombie- Britannique, plus du tiers des cultivateurs arrêtés, en 2003, sont d’origine vietnamienne (Malm et autres, 2011). Ils seraient également des joueurs clés pour l’exportation de marijuana aux États-Unis (ASFC, 2010) et y auraient récemment établi des sites de production afin de réduire les coûts de transport et les risques de détection à la frontière (GRC, 2010).

La surreprésentation des groupes asiatiques dans l’industrie de production de marijuana est, en fait, observable dans plusieurs pays. En Angleterre, des groupes vietnamiens, qui apparurent au début des années 2000, contrôleraient maintenant les deux tiers de l’industrie de production de marijuana, avec une main-d’œuvre recrutée via des réseaux d’immigration clandestins12 (Silverstone et Savage, 2010). Les groupes de souche

vietnamienne continuent également de participer activement à la culture résidentielle de

marijuana à grande échelle, aux Pays-Bas (Schoemaker et autres, 2012), et dans les pays d’Europe Centrale (Europol, 2011).

La culture de marijuana à Montréal

Les connaissances relatives au marché de production de marijuana à Montréal sont minces. Différents événements sont sporadiquement retransmis par les médias, mais une documentation globale sur le problème demeure absente. Nous présentons, dans cette section, une analyse sommaire de l’évolution et des caractéristiques des sites de production qui ont retenu l’attention des policiers montréalais. Nous discuterons, par la suite, de la taille de la population de cultivateurs de marijuana et du nombre de cultures actives sur notre territoire.

Pour ce faire, nous avons recensé, à travers différentes banques de données13, tous les

événements où un site de production de marijuana a été découvert par le SPVM, de 2003 à 2011. Au total, 1 486 cultures de marijuana ont été comptées en 9 ans14, ce qui a mené

à la saisie de 608 792 plants. Les cultures démantelées sont de différentes tailles, mais la majorité (63 %) contenait plus de 100 plants15. Les rapports d’événements ou d’enquêtes

reliés à chacun de ces sites ont été consultés afin de dégager certaines informations ; le motif à l’origine de la découverte, la localisation géographique, le nombre et la taille des plants saisis ainsi que des caractéristiques sur les personnes impliquées.

Les motifs à l’origine de la découverte

Le tableau 1 indique quels sont les motifs à l’origine de la découverte de cultures de marijuana16. Dans le but de simplifier les résultats, ils ont été divisés en deux grandes

catégories. Dans la première, nous retrouvons celles liées à la réponse aux appels, c’est- à-dire qui découlent d’un événement imprévu : la découverte suite à un incendie, à un appel pour une autre infraction ou à un appel d’un propriétaire qui trouve un logement par exemple. La deuxième catégorie est celle où la découverte fait suite à une enquête. Par exemple, les policiers reçoivent une information qui leur indique qu’une culture serait possiblement active à un endroit particulier et décident d’entreprendre une enquête qui mène au démantèlement d’une culture17.

Plusieurs constats peuvent être tirés du tableau 1. D’abord, notons que presque sept cultures de marijuana sur dix (68 %) ont été découvertes par « hasard » par les policiers. Nous remarquons, aussi, que presque le quart (23 %) des cultures a été découvert suite à des défaillances liées à leur exploitation, qui ont provoqué des incendies ou des dégâts

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