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18922 L’évolution du nombre de plants saisis annuellement (totaux et ceux reliés aux groupes asiatiques) est présentée à la

figure 6 en annexe.

23 Pour plus de détails sur cette méthode, appliquée aux populations de trafiquants, voir Bouchard et Tremblay (2005)

24 Les risques d’arrestations sont obtenus en divisant le nombre de personnes arrêtées par la population totale de délinquants. Ils sont calculés sur une base annuelle, c’est-à-dire que durant une année donnée, 3 cultivateurs sur 100 seront arrêtés par les policiers. Les risques d’arrestations de 3% dans l’étude de Bouchard concernent les cultivateurs impliqués dans les serres intérieures hydroponiques.

25 Les groupes asiatiques sont reliés à 50 cultures de plus de 100 plants par année.

Notons également que la taille médiane de leurs plantations a doublé depuis 2006, alors que le nombre médian de plants par culture était de 354. Cette production massive fait en sorte que la majorité des plants saisis par les policiers depuis 2006 sont reliés au crime organisé asiatique. En 2011, 80 % des 125 239 plants saisis par le SPVM sont issus de cultures liées au crime organisé asiatique22. Ces résultats ne laissent pas de doute sur

la domination des groupes criminels asiatiques en matière de production de marijuana, à grande échelle, sur l’île de Montréal.

Figure 5 • Évolution de la taille médiane des plantations reliées au crime organisé asiatique, Montréal, 2003-2011 0 100 200 300 400 500 600 700 800 900 2007 2009 2011 2006 2008 2010

Crime Organisé asiatique Autres Groupes

354 474 729 552 544 471 82 169 174 151,5 111,5 102

Nombre de plants par culture

(médiane)

Estimation des populations de cultivateurs et du nombre de cultures actives

Il est utile pour toute agence d’application de la loi de connaître la taille du « problème » qu’il tente de contrôler. Dans le contexte de la production de marijuana, Bouchard (2007) en est arrivé à estimer la taille des populations de cultivateurs et du nombre de cultures, à l’échelle du Québec, en utilisant la méthode de la capture-recapture23. À Montréal,

Charest (2010) a fait usage de la même méthode afin d’estimer et comparer l’évolution des délinquants actifs dans la délinquance d’appropriation et la délinquance de marché.

Il a d’ailleurs remarqué que la population de cultivateurs de marijuana, à Montréal, a triplé de 1997 à 2008, et est passée de 1545 à 4347 individus. Ces résultats viennent appuyer l’hypothèse d’une croissance dans les activités de production de marijuana à Montréal. Il est d’ailleurs probable que cette croissance soit facilitée par de très faibles risques d’arrestations encourus par les cultivateurs de cannabis, qui oscilleraient autour de 1 %, dans l’étude de Charest et de 3 % dans l’étude de Bouchard24.

Arriver à estimer la taille d’une population de cultivateurs est un exercice intéressant, mais il est beaucoup plus pratique pour les corps policiers de connaître le nombre de cultures de marijuana qui seraient actives sur leur territoire. Bouchard (2008) évalue que les risques de détection policière d’une culture intérieure de plus de 100 plants, au Québec, varient de 3 % à 9 %, selon le type de culture (hydroponique ou en terre). Bien que ce ne soit pas spécifié dans son étude, nous pourrions penser que ces risques augmentent en fonction de la densité de population sur un territoire, ce qui affecterait davantage un endroit comme Montréal comparativement au reste du Québec. Depuis les 5 dernières années, le SPVM détecte en moyenne 97 cultures de plus de 100 plants par année. Si nous ajustons les risques de détection à un niveau de 10 %, cela signifie que près de 1 000 cultures de marijuana, à forte capacité de production, seraient actives sur le territoire montréalais chaque année. De ce nombre, au moins la moitié (500) serait reliée au crime organisé de souche asiatique25. Il va sans dire que les profits générés par des cultures de cette ampleur

sont considérables pour les groupes criminels.

Dans un autre ordre d’idée, il est intéressant de noter que la croissance du marché de production et de la population de cultivateurs survient alors que le bassin de consommateurs de marijuana diminue au Québec. Est-ce que l’industrie de production de marijuana aurait atteint son point de saturation ? Est-ce que Montréal a augmenté sa part de marché, par rapport à l’ensemble du Québec et que l’offre s’est équilibrée ? Est-ce que cela se traduit par une augmentation des exportations ? Il est évidemment complexe de fournir des réponses à ces questions puisqu’il faut, entre autres, tenir compte de l’évolution du niveau de production dans l’ensemble du Québec. Par contre, les services de renseignement du SPVM ont remarqué, depuis 2009, que d’importantes serres intérieures ont été découvertes suite à des appels passés au 911, pour envoyer sous de faux prétextes, les policiers à une adresse précise, afin qu’ils y découvrent une plantation. Nous ignorons les motifs derrière ces dénonciations, mais il est possible de croire qu’elles proviendraient de compétiteurs et pourraient, par le fait même, indiquer que le marché de distribution ou d’exportation s’est resserré.

27 Ce projet a mené à l’arrestation de 147 individus et au démantèlement de plus d’une centaine de serres intérieures dans la grande région de Montréal.

28 Ils offraient, entre autres, le matériel nécessaire pour la culture, aidaient à la récolte des plants et trouvaient des acheteurs 26 Les deux positions ne sont pas statiques. Avec le temps, un cultivateur peut développer son capital financier

et social et commencer à lui aussi investir.

La structure des réseaux de production

Plusieurs groupes sont impliqués dans la production de marijuana, ce qui en fait un marché fortement décentralisé. Il y a, cependant, lieu de s’intéresser à la structure des groupes asiatiques, qui sont des participants très actifs sur le plan de la production à Montréal. D’abord, il est important de préciser que la majorité des démantèlements de cultures intérieures sur notre territoire ne font pas l’objet d’un suivi en termes d’enquête et que les arrestations se limitent, la plupart du temps, aux individus présents sur les lieux. La majorité de ces individus occupent une fonction de « jardinier », responsables de l’entretien des cultures et de leurs récoltes. Les caractéristiques structurelles des groupes de cultivateurs d’origine asiatiques, établis à Montréal, rejoignent celles qui ont été observées sur d’autres territoires. En effet, comme il a été constaté en Colombie-Britannique (Malm et autres, 2011) en Angleterre (Silverstone et Savage, 2010) ou aux Pays-Bas (Schoemaker et autres, 2012), les groupes criminels asiatiques à Montréal sont essentiellement «mono-ethnique». C’est-à-dire que les formes de coopération avec des individus d’autres origines sont assez rares, du moins quant à la production. L’homogénéité de ces réseaux découle aussi du fait qu’ils opèrent souvent en cellule familiale. Cette structure est bien avantageuse, car elle est basée sur des liens de confiance et limite les risques de dénonciation. Ces caractéristiques rendent difficiles l’infiltration policière, l’obtention de renseignements et viennent complexifier les enquêtes policières. Il est aussi difficile de savoir si les différents groupes de producteurs asiatiques sont en contact et forment un réseau de collaboration plus large ou si elles opèrent plutôt en petites cellules indépendantes, centrées autour de liens familiaux, comme il a été observé en Angleterre.

Les producteurs «jardiniers», qui sont habituellement ceux qui se font appréhender par les policiers, ne semblent pas jouer un rôle majeur quant à la distribution des produits récoltés. D’ailleurs, Silverstone et Savage (2010) remarquent qu’il y a deux acteurs clés dans l’industrie de la culture de marijuana opérée par des Vietnamiens, en Angleterre. Il y a, bien sûr, les cultivateurs (farmers), mais de l’autre côté se retrouvent les « investisseurs », au capital financier important, qui s’occupent de repérer, louer et équiper des résidences propices à la culture26. Ils sont généralement ceux qui disposent d’un réseau de contacts

criminels, de différentes origines ethniques, qui se portent acquéreurs de marijuana, à grand volume, ou qui mettent en lien les producteurs avec différents acheteurs.

Il est difficile de caractériser la structure de financement et de distribution au sein des groupes criminels asiatiques impliqués dans la culture de marijuana à Montréal puisque très peu d’enquêtes atteignent ces niveaux. Cependant, le projet Borax, une enquête d’envergure menée de 2005 à 2009, qui visait les cultures intérieures27, a permis de

révéler le rôle important joué par les commerçants impliqués dans la vente d’équipements hydroponiques, qui offraient plusieurs services aux producteurs28. Bien que ce projet ait

été très intense, force est d’admettre qu’il ne semble pas avoir déstabilisé les groupes criminels asiatiques ni ralenti leurs activités de production. Au contraire, nos données montrent que la capacité de production des serres liées aux groupes asiatiques augmente en taille jusqu’en 2011. Il est possible que cette augmentation serve à compenser les pertes subies suite au projet Borax. L’absence d’impact pourrait également s’expliquer par le fait que les arrestations ciblaient principalement des producteurs, qui ne sont pas des joueurs centraux lors des phases de distribution et d’exportation.

En dernier lieu, les connaissances sur la structure des réseaux d’exportation sont aussi limitées, et proviennent principalement de rapports issus d’organismes gouvernementaux. Dans ces rapports, il est dit, de façon très large, que les groupes criminels asiatiques collaborent avec des groupes de différentes souches lors des phases de distribution et d’exportation de marijuana (GRC, 2010). Par exemple, en Colombie-Britannique, les groupes asiatiques collaboreraient avec des motards criminalisés (Hells Angels) dans la phase d’exportation vers les États-Unis. La structure locale des réseaux d’exportation à partir de Montréal est toutefois très peu connue.

Conclusion

La réponse policière en matière de production de marijuana est essentiellement réactive, la majorité des cultures étant signalée aux policiers suite à leur découverte par une tierce partie ou suite à des dégâts causés par la mise en place d’une plantation. Les interventions qui font suite à cette découverte sont aussi d’intensité mineure puisque les ressources allouées afin de s’attaquer à cette problématique sont peu nombreuses. Pourtant, plusieurs constats issus de nos analyses tendent à montrer que l’industrie de production de marijuana est importante sur notre territoire.

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