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7117 On parle même d’une « police bonbon parce qu’ils (les policiers communautaires) ne font pas du vrai travail policier »

(Diaz et Desbiens, 2011). Skogan (2008) explique aussi que le travail effectué par ces policiers est étiqueté comme étant du travail social par les autres policiers. Certains policiers blessés en devoir ou ayant des incapacités permanentes sont postés, malgré eux, dans des « fonctions » de police communautaire, ce qui peut contribuer à la dévalorisation de la fonction. La littérature dénonce également des lacunes sur les plans du recrutement des candidats, de la formation et du leadership (Beauchesne, 2010 ; Williams, 2003; Skogan, 2008).

18 On pense entre autres au Intelligence Led Policing et au Predictive policing. Stone et Travis (2011) proposent le modèle de la nouvelle police professionnelle où les concepts centraux seraient l’imputabilité, la légitimité et l’innovation, des concepts qui seraient à leur tour partagés par l’ensemble des corps policiers (National Coherence).

et à la comptabilisation de l’élucidation des crimes plutôt qu’au développement de systèmes de performance axés sur le suivi des mesures de résolution de problèmes et de la qualité de vie dans les quartiers.

2.3 La décentralisation

La décentralisation se traduit par la multiplication des points de service pour en partie, être en mode proximité, et pour mieux opérer la résolution de problème et le rapprochement. La descente vers le terrain signifie une meilleure connaissance des quartiers et de ses résidents, mais signifie également une descente de l’autorité (la prise de décision) vers les plus bas niveaux hiérarchiques des organisations. L’implantation de la police communautaire nécessite ainsi des changements opérationnels et structurels dont le principal coût se révèle en matière d’effectifs. En fait, sur le plan opérationnel, le retour sur le terrain, la permanence sur l’espace public, l’accessibilité envers les citoyens, la prévention auprès des populations à risque ou vulnérable, la résolution de problèmes, le suivi des plaintes, le soutien aux victimes, parmi d’autres fonctions, demandent une augmentation des effectifs policiers qui a été, dans plusieurs villes, insatisfaite (Demonque, 2001; Skogan, 2008). Sur le plan structurel, il semble que ce ne sont pas toutes les unités des organisations qui aient été exposées au même degré à la nouvelle philosophie ; on pense, entre autres, aux unités d’enquête : « Their anonynity and disconnection from any community contact helped them "take heads" and "kick ass" with relative impunity, in the name of good, agressive policing. Because the ultimate measure of good policing work remains making arrests and seizing guns and drugs » (Skogan, 2008, p.27). Ainsi, il semble que les courants associés à la police communautaire n’ont pas été intégrés dans le fonctionnement des enquêtes (Liederbach et coll., 2011, dans Cordeau, 2011). Enfin, il est noté qu’il a été difficile à plusieurs égards d’accomplir les changements opérationnels et structurels liés à la police communautaire pour permettre la prise de décision à même le quartier (Weisburd et Braga, 2009; Williams, 2003), notamment parce que plusieurs cadres intermédiaires acceptent peu la perte d’autorité provoquée par cette restructuration (Beauchesne, 2010; Williams, 2003; Skogan, 2008).

Une autre limite reliée à cette restructuration montre l’absence d’ajustement des critères de rendement des policiers, qui sont demeurés pour la plupart quantitatifs. Le manque de reconnaissance et de valorisation pour leur participation aux divers programmes communautaires est également souligné17. Ces policiers n’auraient pas non plus les mêmes

opportunités de promotion au sein des organisations (Diaz et Desbiens, 2011; Beauchesne, 2010; Williams, 2003). En fait, il est admis que les policiers préfèrent les stratégies d’application de la loi aux modes d’intervention alternatifs fondés sur la résolution de problèmes. Il semble que plus les stratégies proposées dans une innovation s’écartent des pratiques et structures existantes et conventionnelles, plus elles seront difficiles à mettre en œuvre. Certains auteurs présentent un paradoxe dans les fonctions du policier entre la réponse aux événements réguliers (policiers doivent répondre aux appels d’urgence) et la pratique d’anticipation et de résolution de problèmes (ils doivent aussi prendre les moyens nécessaires pour éliminer définitivement les sources d’inquiétude) (CIPC, 2000; Diaz et Desbiens, 2011; Beauchesne, 2010; Demonque, 2001; Skogan, 2008). Il est néanmoins admis qu’il y a une évolution positive dans l’attitude des policiers une fois qu’ils sont impliqués dans la police communautaire : « cette évolution positive se retrouve aussi bien dans la satisfaction au travail que le rapport avec la population ou encore dans le soutien croissant envers le community policing dans les zones où il est mis en œuvre, par opposition à celles où l’on a maintenu les stratégies policières traditionnelles » (Weisburd et Braga, 2009, p. 1122).

Compte tenu de l’ensemble des contraintes rattachées au modèle de police communautaire en vigueur et compte tenu des évolutions sociales, politiques et économiques internes et externes aux organisations, est-il venu le temps de penser à une autre façon de faire de la police ? Certains auteurs ont abordé la question. Plusieurs s’entendent pour dire que nous ne sommes pas près d’une autre innovation radicale dans l’industrie de la police (Weisburd et Braga, 2009). D’autres annoncent de nouveaux modèles conceptuels plus technocratiques et bureaucratiques qui s’éloignent sensiblement de la nature communautaire du modèle en vigueur18. Ces modèles sont attrayants, futuristes et présentent un potentiel intéressant ; ils

sont cependant coûteux et suggèrent un retour vers le contrôle objectif et scientifique du crime comme tâche centrale de la police. Ils requièrent aussi une centralisation de la chaîne de commandement. Un rappel en puissance des concepts d’une police professionnelle qui ont été, rappelons-le, fortement critiqués dans le passé. Enfin, d’autres admettent qu’il y a encore beaucoup de travail à faire pour exploiter le plein potentiel de la police communautaire, même si cette dernière demande plus d’efforts et de soutien. Ce qui apparaît en fin de compte c’est que faire de la police est dorénavant moins centré sur le contrôle du crime, mais davantage sur l’établissement de la confiance et de la légitimité de la police, sur le savoir-être des policiers sur le terrain, sur les innovations dans la résolution de problèmes et sur l’imputabilité démocratique de la police (Sklansky, 2011).

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22 Prostitution, gangs de rue, code de sécurité routière, drogues, agressions et sécurité personnelle, Internet, intimidation, violence conjugale, vols et fraudes, relations avec les citoyens, graffitis et incivilités, mesures d’urgence et métier policier. 23 Aînés, adolescents, enfants, parents, commerçants, femmes, citoyens, immigrants, individus vulnérables.

19 L’optimisation de la police de quartier en 2003 et le nouveau Schéma de couverture de services du Service de police de la Ville de Montréal en 2007 sont des exemples d’étude de processus portant sur le modèle de la police de quartier à Montréal.

3. La capacité innovante de la police de quartier (PDQ)

Les études qui portent sur les innovations policières peuvent être regroupées en trois catégories. Les premières se concentrent sur le pouvoir de diffusion des innovations. En général, celles-ci décrivent et prédisent l’étalement d’une innovation à travers l’industrie de la police et sur une période de temps. Les résultats suggèrent que les innovations policières sont adoptées timidement au début par les plus gros corps de police et ensuite, prennent leur envol chez les plus petits corps policiers (King, 2000). Ensuite, d’autres études se concentrent sur le processus d’implantation d’une innovation. Ces études tendent à expliquer le processus par lequel une innovation est adoptée par une organisation policière et recensent l’ensemble de ses adaptations au fil du temps19. Enfin, les innovativeness

studies se concentrent sur la quantification des innovations à travers les organisations policières et tendent à expliquer pourquoi certaines organisations adoptent davantage les innovations que d’autres. Les études américaines en viennent à la conclusion que les organisations policières les plus innovantes sont attirées par ces nouveautés dans la pratique policière principalement en réponse à des facteurs comme la désorganisation sociale et environnementale (Zhao, 1995 dans King, 2000).

Notre intérêt s’arrête notamment sur la capacité du modèle de la police communautaire à provoquer et soutenir des changements administratifs, opérationnels et technologiques progressifs et à accueillir de nouvelles innovations. La littérature présente une série d’innovations policières telles que l’approche par résolution de problèmes, la théorie de la vitre cassée (Broken window), le Compstat, le Third party policing, le Pulling levers policing et le Hot spots policing20, pour ne nommer que celles-ci, pendant que la police

communautaire, elle, demeure la philosophie de base permanente de la majorité des corps policiers. Dans la même ligne de pensée que Scheider, Chapman et Shapiro (2009), nous proposons que ces innovations policières soient compatibles avec la stratégie organisationnelle de la police communautaire et qu’en les intégrant au modèle existant, ces innovations soient plus efficaces et plus facilement adoptées par les policiers. C’est en fait la flexibilité et le dynamisme de la police communautaire qui permettent de mettre en place des pratiques prometteuses et innovantes. La prochaine section présente trois exemples montréalais qui illustrent relativement bien cette proposition.

À Montréal, le projet de police de quartier fut adopté par le Conseil de la Communauté urbaine de Montréal en novembre 1995. Fortement inspirées du modèle de la police communautaire, les principales composantes de la police de quartier sont : l’approche

par résolution de problèmes, la responsabilité géographique, l’approche-service, le partenariat avec la population et la valorisation du personnel. Ce modèle introduit une nouvelle structure transversale avec 49 postes de quartier délimités géographiquement sur l’ensemble du territoire montréalais21. Depuis son implantation en 1997 et son optimisation

en 2003, le processus de la police de quartier à Montréal a connu maintes évolutions, toujours dans une volonté d’amélioration et de modernisation des services et de la structure. Actuellement, 33 postes de quartier couvrent le territoire et sont rattachés à quatre centres opérationnels.

Un nombre notable de programmes et de projets ont été mis sur pied au fil des ans sous l’égide de la police de quartier. En 2012, dans un exercice de recension des principaux projets de prévention et de relations avec les citoyens, quelque 261 projets locaux et 161 projets ou programmes corporatifs couvrant 13 thématiques22 et s’adressant à

9 clientèles23 différentes sur le territoire montréalais sont dénombrés. En général, ces

projets font appels à des partenaires tantôt communautaires, tantôt institutionnels, tantôt municipaux et à des citoyens et ce, compte tenu de la thématique et de la clientèle visées. Les projets locaux reflètent généralement les priorités partagées en matière de sécurité dans le quartier et exploitent un éventail de stratégies les plus adaptées pour s’actualiser. Cette recension des projets permettra la création d’une banque de données corporative à l’usage de l’ensemble du personnel qui assurera une meilleure organisation du travail, un meilleur partage d’informations et de connaissances, une meilleure diffusion des bonnes pratiques et un certain contrôle de la qualité. Cette banque de données sera également utile pour faire connaître les priorités à saveur locales selon les divers postes de quartier24. Ce travail de diffusion et de partage vise plus exactement à tirer parti de

l’expérience accumulée à travers l’ensemble des projets et ultimement, il s’inscrit dans une « dynamique d’institutionnalisation de l’innovation » ou dans une volonté de « mise en forme de pratiques innovantes » (Purenne et Wuilleumier, 2012).

Certains de ces programmes sont en effet considérés comme des innovations policières et tout porte à croire que le modèle de police de quartier, tel qu’il a été vécu depuis les quinze dernières années, a montré la flexibilité et la maturité nécessaires à la mise en forme de ces innovations. Pour faire la démonstration de notre argument, les programmes MAP, ÉCLIPSE et ÉMRII ont conséquemment été retenus. Ces programmes ont été mis sur pied au SPVM dans les dix dernières années et répondent à des besoins opérationnels locaux et corporatifs très diversifiés. Ils sont d’ailleurs consacrés à des problématiques

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