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1071 Par exemple, il a été évalué que les policiers représentent le groupe de professionnels qui intervient le plus régulièrement

auprès de personnes aux prises avec un problème de santé mentale, en dehors des intervenants de santé et des services sociaux désignés (Borum, Deane, Steadman et Morrissey, 1998).

2 Il est à souligner que les divers problèmes de sécurité ne partagent pas tous les mêmes facteurs de risque. Par exemple, un facteur de risque pour un jeune de devenir membre d’un gang criminalisé est de fréquenter des endroits où il y a des membres de ces gangs. Ce facteur de risque n’en est pas un pour les jeunes victimes de violence intrafamiliale. Par ailleurs, plusieurs facteurs de risque peuvent s’appliquer aux deux situations, dont le fait de vivre dans un milieu où il y a de la violence, un faible statut socioéconomique et des lacunes sur le plan de l’encadrement parental.

3 Source : ministère de la Santé et des Services sociaux. Page sur la santé mentale. Consulté le 1er juin 2013. [en ligne] http://www.msss.gouv.qc.ca/sujets/prob_sante/sante_mentale/index.php?aid=6

4 L’estimation que 1 % de la population serait atteinte de schizophrénie est celle la plus communément utilisée. La source est la suivante : Hafner H. an der Heiden W., 1997. 5 Agence de la santé et des services sociaux de Montréal, 2009.

6 Selon Fournier, Chevalier, et Ostoj, 1998.

7 Selon la Mission Old Brewery et le Secrétariat des partenariats de lutte contre l’itinérance. 8 Sur le sujet des personnes aînées, voir le chapitre de Marie Beaulieu.

9 Les données de l’ESG ont été utilisées pour réaliser le rapport de Statistique Canada sur la violence familiale (Statistique Canada, 2011).

Au quotidien, sur l’île de Montréal, les policiers interviennent plusieurs centaines de fois par jour dans des situations qui concernent des personnes aux prises avec un ou des problèmes sociaux ou de santé (problèmes liés à des situations intrafamiliales, des dépendances aux drogues ou l’alcool, à de la détresse psychologique, de la santé mentale ou de déficience intellectuelle, des situations de vie précaire, une perte d’autonomie, etc.). Les policiers sont directement concernés par ces situations parce qu’elles sont déclenchées lorsque la sécurité de personnes ou de lieux est ou semble affectée. Elles occupent une grande partie de la charge de travail des patrouilleurs, des enquêteurs et des équipes spécialisées (ex. : les groupes tactiques d’intervention pour intervenir auprès d’une personne en crise barricadée). Cette réalité n’est pas propre aux policiers de Montréal et une abondante littérature existe sur le sujet.

Dans les faits, plusieurs groupes de la population aux prises avec des problèmes sociaux ou de santé physique ou mentale sont plus à risque d’être impliqués dans une intervention policière. En effet, ils cumulent un ou plusieurs facteurs de risque qui accroissent les probabilités qu’ils commettent des délits, des crimes, qu’ils soient en infraction, qu’ils deviennent victimes ou témoins. Ils augmentent également leurs possibilités de se retrouver dans des situations de détresse (qui impliquent ou non des infractions aux lois et règlements) qui nécessitent une intervention policière1. Ces facteurs de risque sont propres

aux individus (sexe, âge, état physique et mental, statut socioéconomique, éducation, habitudes de vie, état matrimonial, etc.), à leur réseau (famille, amis, collègues, etc.), à leur milieu (type d’habitation, école, travail, quartier, etc.) ou encore à leur environnement social (disponibilités et accessibilités des services, répartition de la richesse, stratégie d’inclusion, développement économique, etc.)2.

Pour les policiers, ces groupes présentent des défis particuliers puisqu’au-delà de leur rôle traditionnel de faire appliquer la loi, ils font face à des problématiques sociales et de santé qui doivent être traitées afin d’éviter la récurrence de mêmes interventions. En effet, quoique la gestion sociale de ces problématiques ne soit pas a priori du ressort de la police, au fil du temps, il est apparu important pour les services policiers de développer une réponse adaptée. Les délits demeurent punis, mais les problématiques inhérentes aux personnes sont également considérées, notamment en favorisant les collaborations avec les partenaires d’autres secteurs d’intervention (santé, justice, éducation, etc.).

Ce chapitre fait le point sur le développement des pratiques policières au cours des dernières décennies au regard de ces problématiques. Les principaux constats sont dégagés quant aux volumes de ces interventions, à leur complexité en ce qui concerne Montréal et aux diverses innovations qui ont transformé les façons de faire. À la lumière de ces constats, nous dégagerons les principaux enjeux qui guettent le SPVM et ses partenaires au cours des prochaines années et ainsi réfléchirons aux questions suivantes qui reviennent constamment lorsque vient le temps de traiter d’enjeux sociaux et de santé dans le cadre d’interventions policières. Jusqu’où doivent aller les interventions pour demeurer dans le cadre d’une mission de sécurité publique ? Comment concilier les approches des partenaires et celles du SPVM ? À quels partenaires s’associer et avec quels moyens ? Et lorsque les problématiques sont traitées, comment les policiers peuvent-ils rendre compte de leur travail puisque ce sont principalement les statistiques de la criminalité et celles concernant le Code de la sécurité routière qui sont utilisées à cette fin ?

Le traitement de problèmes sociaux et de santé par les policiers

• Le volume des interventions

À Montréal, le bassin de personnes touchées par l’un ou l’autre des problèmes sociaux ou de santé auxquels les policiers sont fréquemment confrontés est important. Par exemple, à Montréal il est estimé que 87 720 enfants (autour de 17 %) vivent dans des familles à faible revenu (Statistique Canada, 2013) et qu’au Québec, une personne sur six souffrira au cours de sa vie d’une maladie mentale3. Plus spécifiquement, seulement à Montréal,

environ 20 000 personnes souffrent de schizophrénie (1 % de la population)4, autour de

55 000 personnes souffrent d’une déficience intellectuelle (2,8 % de la population)5 et

près de 30 000 personnes (1,5 %) sont atteintes de la maladie d’Alzheimer (Smetanin, Kobak, Stiff, Sherman et Ahmad, 2009). Quant aux personnes qui vivent en situation d’itinérance, il y en aurait entre 14 0006 et 30 0007 seulement à Montréal. Enfin, comme

dernier exemple, il y aurait un peu plus de 48 000 Montréalais âgés de 65 ans et plus (17 %) en perte d’autonomie, ce qui pourrait les rendre plus vulnérables à être victime d’un délit (St-Arnaud-Trempe, Montpetit, 2008)8.

Les données afférentes aux problématiques liées à des situations intrafamiliales sont tout aussi préoccupantes. Par exemple, selon la plus récente Enquête sociale générale (ESG)9,

ce sont un peu plus de 5 % des Québécois (240 000) ayant eu un conjoint(e) ou un ex- conjoint(e) qui déclarent avoir été agressés physiquement ou sexuellement au cours des

12 À titre d’exemples, quelques documents qui traitent de différentes manières des interrelations entre, d’une part, la santé et le bien-être et, d’autre part, la sécurité : Bellis et coll., 2012; Conseil national du bien-être social, 2011; Institut pour la prévention de la criminalité, 2007; Krug, Dahlberg, Mercy, Zwi et Lozano-Ascencio (doc. de l’OMS), 2002.

10 Sur le sujet de la prostitution, voir le chapitre de Julie Rosa.

11 En tant que secteurs qui peuvent avoir un impact sur la santé et le bien-être d’une population, sont souvent désignés le réseau de la santé, les commissions scolaires, les municipalités, le système de justice, le milieu

cinq années qui ont précédé l’enquête, bien que moins du quart de ces agressions soient rapportées à la police (Maire, 2013). Et ce, sans tenir compte des conséquences de cette violence sur les personnes qui y sont exposées, dont les enfants dans 27 % des cas (ISQ, 2013). En effet, il serait courant que ces enfants subissent des conséquences sur le plan de leur santé mentale (dépression, agressivité, hyperactivité, etc.), de leur santé physique et qu’ils présentent des problèmes de délinquance ou des carences sur le plan de leur habilité sociale (Beattie, 2005; Fortin, Trabelsi et Dupuis, 2002), d’autant plus que la majorité serait victime d’autres formes de violence (ISQ, 2012).

Si la majorité de ces personnes ne sont pas ou rarement impliquées dans une intervention policière, celles qui le sont accaparent une partie importante de la charge de travail quotidienne. À titre d’exemple, pour quelques problématiques où un décompte manuel a été effectué, nous avons pu déterminer qu’à Montréal, il y a plus d’une centaine d’appels au SPVM par jour qui concernent une personne mentalement perturbée ou en crise, plus d’une trentaine afférentes à des personnes itinérantes et environ 5 pour les personnes prostituées10, auxquels s’ajoutent la quarantaine d’appels pour violence conjugale et la

vingtaine pour des disparitions de tout genre.

En plus de ce volume notable d’appels, souvent d’y répondre demandera plus de temps aux policiers que les appels en provenance de personnes qui ne sont pas aux prises avec des problèmes sociaux et de santé. C’est notamment le cas lors des interventions où une personne doit être accompagnée dans un service de santé, qu’elle nécessite un suivi ou encore qu’elle doit être localisée. Une recherche effectuée à partir des bases de données du SPVM a d’ailleurs démontré que les interventions policières auprès de personnes qui semblent présenter un problème de santé mentale prenaient deux fois plus de temps que les interventions auprès de personnes qui ne semblent pas présenter un problème de santé mentale (Charrette, Crocker, Billette, 2013).

Les données qui précèdent permettent d’apporter un premier éclairage sur l’important volume et la charge de travail pour les policiers, mais elles demeurent très partielles. En effet, puisque les données policières sont conçues principalement en fonction des infractions aux lois et règlements (Code criminel, Code de la sécurité routière, etc.) et non pas en fonction des caractéristiques des personnes et encore moins en fonction de leurs besoins sociaux et de santé, il est fastidieux de vraiment distinguer ces interventions des autres interventions. Il y a bien quelques problématiques qui sont plus facilement quantifiables

(ex. : violence conjugale, tentative de suicide, disparition d’adulte et de juvénile d’une aile psychiatrique) mais les indicateurs pour les identifier sont bien imparfaits pour être capable d’évaluer correctement le volume réel de ces interventions, notamment parce qu’ils sont utilisés strictement lorsque les événements se limitent à ce que les codes décrivent. Dès que la situation se complexifie (ex. : un délit est commis, la personne est victime ou témoin, l’intervention ne donne pas lieu à un rapport d’événement, etc.), il n’est pas simple de distinguer les événements qui sont en lien avec ces problématiques sociales et de santé. Ces interventions policières doivent plutôt être comptabilisées manuellement ou à partir de bases de données « maison » et improvisées (sur de petits échantillons) conçues généralement pour pallier cette lacune et obtenir un meilleur portrait de la situation. • Les limites du cadre réglementaire pour répondre aux besoins

Les interrelations entre la sécurité et les problèmes sociaux et de santé ont été maintes fois reconnues. D’ailleurs, lorsqu’il est question de la santé et du bien-être d’une population, le secteur de la justice (dont font partie les services policiers) est généralement nommé parmi les secteurs d’interventions ayant un impact sur ceux-ci11. Les différents indicateurs de la

santé et du bien-être de certains quartiers l’illustrent bien ; lorsqu’ils sont fragilisés, les policiers sont généralement davantage interpellés pour répondre à des appels de service qui impliquent des personnes aux prises avec des problèmes sociaux et de santé12. De

plus, il est commun que ces personnes fassent également l’objet d’interventions d’autres milieux (des services sociaux et de la santé, de l’éducation, etc.). Cela rejoint directement les constats de travaux sur les facteurs de risque associés aux crimes, à la délinquance et aux situations de détresse. Agir sur ces facteurs diminue l’occurrence des crimes et des délits. Par exemple, l’Institut pour la prévention de la criminalité (2007) a rapporté le résultat de plusieurs études qui en font la démonstration. Deux de ces études (Duggan et coll., 2004; Olds et coll., 1998) rapportent notamment le fait que des visites aux domiciles de jeunes mères à risque par des infirmières réduisaient de 80 % la maltraitance et la négligence sur les enfants, de 69 % les arrestations des mères et de 66 % les arrestations des jeunes de moins de 15 ans.

Dans ce contexte, où l’amélioration de la sécurité des populations aux prises avec des problèmes sociaux et de santé repose sur diverses instances, les défis des policiers sont nombreux. D’abord, ils rencontrent une très grande diversité de situations (criminelle, non criminelle, etc.), de groupes de personnes touchées par l’un ou l’autre des problèmes (jeunes, aînés, immigrants, itinérants, etc.) et de lieux d’interventions différents (espaces

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