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LE CONTEXTE POLITIQUE ET RELIGIEUX DES

Chapitre 6 : minorités catholiques et pluriconfessionnalisme

6.2. Vivre sa religion : réglementation et problèmes

6.2. Vivre sa religion : réglementation et problèmes.

Nous avons déjà évoqué précédemment la réglementation mise en place pour les catholiques soumis à un prince protestant. La situation peut apparaître simple : les catholiques du Palatinat, du duché de Deux-Ponts, des comtés de Sarrebrück, d’Ottweiler, de Sarrewerden, de Hanau-Lichtenberg, de Sponheim, des seigneuries des comtes sauvages et du Rhin et de toutes les terres protestantes, forment des communautés éparses destinées à vivoter, voire à disparaître lentement. Les choses ne peuvent cependant pas être réduites à cette idée. Il faut revenir dans le détail sur la portée concrète des clauses de 1648 pour mieux saisir les multiples facettes du cadre d’existence des minorités catholiques avant d’en préciser les pratiques.

Les catholiques ont certes perdu la quasi-totalité des bénéfices et acquis obtenus au cours de la guerre, mais, comme nous l’avons vu, les effets du repeuplement conjugués à ceux de la guerre favorisent la mise en place de minorités catholiques quantitativement non négligeables. L’art.V §§31-37 du traité d’Osnabrück définit les règles de la coexistence religieuse dans le Saint Empire et autorise ainsi le maintien de ces minorités sans contraintes, mais leur cadre d’existence reste étroitement lié à la volonté du prince. Les catholiques qui ne jouissent pas de privilèges particuliers – dans le cadre par exemple d’accord de simultaneum - sont soumis à

l’Exercitium religionis privatum et à la devotio domestica (§34). Il leur est également accordé

le droit d’aller à l’office divin dans les territoires voisins et d’envoyer leurs enfants dans des écoles « étrangères »613. Lorsqu’en 1680, un dénommé Debell, bailli du duc de Deux-Ponts, discute avec l’évêque de Metz venu à Hornbach s’enquérir de la position des catholiques, le bailli lui répond que « monsieur le duc des Deux Ponts ne faisoit point de violences aux catholiques qui y estoient et qu’ils avoient la liberté d’aller entendre la messe dans les villages voisins […] mais qu’il ne souffroit point l’exercice de la religion catholique dans tout son duché »614. L’article V §50 de la paix d’Osnabrück affirme la nécessité de vivre en bonne intelligence entre confessions et interdit dans ce but toutes insultes ou propos méprisants mais des ombres subsistent cependant quant à la mise en œuvre de ces clauses, car tout cela reste le fruit de négociations, parfois âpres, qui reposent sur le papier. Les princes signataires ont certes engagé leur parole mais ils peuvent s’en sentir vite dégagés par les événements : pour le Palatinat, il est impossible d’arriver à une clause de protection pour les catholiques – comme le souhaite la France – en raison de l’attitude de Maximilien de Bavière dans le Haut-Palatinat. Seules les pratiques sur le terrain permettent donc de juger de l’emploi de ces règles multiples.

Les difficultés des catholiques de Bübingen révèlent les limites de la liberté de religion dans le cadre des traités de paix. Bübingen615 – avec Rosseln - appartient à un petit condominium

613 WARMBRUNN, « Vorherrschaft der reformierten Konfession », op. cit., p. 101.

614 ADMM 1 F 172 ; Jacques CHOUX, « Journal de la visite de Georges d’Aubusson, évêque de Metz, dans l’archidiaconé de Sarrebourg en 1680 », Pays lorrain, 1980-1, p. 13-34, cité page 22. Les princes catholiques pratiquent la même politique : le prince évêque de Spire ne tolère pas non plus l’exercice du culte protestant sur ses terres (STAMER, op. cit., III/2, p. 37).

entre le comte de Nassau-Sarrebrück et le comte de Créhange. Une vieille querelle de patronage et de droits oppose les deux maisons depuis le XVIe siècle ; une succession d’héritage transmet l’affaire de la maison de Créhange à celle de Bade-Rodemack, puis à celle de Leyen (1667)616. A l’origine, il ne s’agit pas à proprement parler d’une querelle confessionnelle, mais la religion devient un instrument entre les mains du comte de Nassau-Sarrebrück pour faire valoir sa Landeshoheit et sa Kirchenhoheit. En 1662, le comte Gustave Adolf relance en effet l’affaire par des contraintes imposées aux catholiques de Bübingen. Au nom de son droit épiscopal en tant que prince territorial, il fait ôter les images saintes placées dans l’église du village et oblige les catholiques à fréquenter le culte luthérien617. Le margrave de Bade appelle le comte de Nassau à ne pas troubler les sujets catholiques et à replacer les images, lesquelles étaient en place avant la guerre (« vor und durche den Krieg auf den

Altaren gestanden Bilder »). Rien n’y fait. Gustav Adolf fait même arrêter le maire catholique

et menace d’amende de 100 puis 200 florins les catholiques s’ils ne fréquentent pas le temple. En 1664, un terrain d’entente semble trouvé : le margrave reçoit Rosseln et le comte Bübingen, chacun assurant la liberté de conscience à ses sujets. Pourtant, la querelle se poursuit. En 1665, alors que la femme du maire est malade, Gustav Adolf interdit non seulement la venue d’un prêtre mais également de porter celle-ci en terre catholique toute proche, sous peine d’amende. Le 5 mai 1668, Hartard von der Leyen se rend officiellement à Bübingen, mais, comme le comte de Nassau y voit une entrave à ses droits, il fait à nouveau enfermer le maire catholique. Face à la ténacité du comte, Hartard demande le soutien de son frère, Karl Kaspar, archevêque de Trèves qui entreprend une correspondance sur les questions religieuses avec Gustav Adolf qui assure de sa tolérance envers ses sujets. Cette tolérance est cependant bien fictive. Le 22 avril 1669, le maire Gravel ainsi que Nickel et Lenhard Mohr, prennent le chemin des geôles de Sarrebrück618. Le comte extorque alors des « aveux » faciles à ces détenus : ceux-ci déposent qu’ils ne sont pas contraints en matière de religion car ils peuvent aller au culte catholique à Gräfinthal ou à Blittersdorf619 ; certes ils doivent suivre toutes les deux à trois semaines le prêche luthérien et envoyer à l’école luthérienne leurs enfants qu’ils peuvent cependant élever dans la religion romaine620. Gustav Adolf persiste dans ses pressions sur les sujets catholiques bien que l’évêque de Metz exige la liberté religieuse pour les catholiques de son diocèse, sous peine de faire appel à la protection du roi de France, et malgré l’appel des Etats protestants de la Diète pour que le comte n’exerce aucune contrainte sur ses sujets. En septembre 1669, Nickel Mohr est derechef arrêté alors que d’autres prennent la fuite. Leurs maisons sont alors occupées par des soldats qui bousculent les habitants catholiques. Une femme malade se voit refuser la venue d’un prêtre et imposer le pasteur luthérien ; elle meurt cependant catholique, sans avoir reçu les sacrements621. Au cours de l’hiver 1669/1670, 35 soldats occupent l’église de Bübingen et

616 Sur le détail, voir Wolfgang LAUFER, Bübingen, op. cit.. L’auteur développe les différents rebondissements de l’affaire p. 142-153.

617 Ibid., p. 142.

618 Entre-temps, ces catholiques avaient fuit le village où ils sont revenus confiants car un mandat de Spire reconnaissaient les droits de Hartard von der Leyen.

619 En 1630, les catholiques des villages d’Ensheim et d’Eschringen ont connu semblable traitement. En 1628, ils écrivent à l’archevêque de Mayence qu’ils subissent des pressions en matière de religion. En 1630, le comte Wilhelm-Ludwig de Nassau-Sarrebrück fait incarcérer cinq notables de ces villages et, sous la menace de les faire décapiter, leur fait prêter serment de ne plus rien entreprendre en matière religieuse ni se plaindre à autrui (Jean-Pierre KIRCH, « La visite canonique de 1686 dans les archiprêtrés de Bouquenom, saint-Arnuald, Hornbach et Neumünster », Revue ecclésiastique de Metz, 31, 1924, p. 28-37, note 2 p. 33).

620 LAUFER, Bübingen, op. cit., p. 149.

621 « Den 11. Decemb. […] Jacob Wagner Vnterthane zu Saarbiebingen […] an den Nassau Sarbruckischen bedienten begehrt das ihn erlaubt […] einen Catholischen Priester aus der nachbarschafft zu seinem kranckliegende Weib nach Sarbiebingen zu beruffen, damit sie mit den heil. Sacramenten Catholische brauch nach vnserer werden macht. Es ist ihn aber abgeschlagen auch verboten worden, das keiner aus dem dorff zu

tirent même contre les maisons des catholiques. Un terrain d’entente est enfin trouvé après ce paroxysme en janvier 1670 : Hartard von der Leyen cède ses droits sur Rosseln et Bübingen en échange du village de Gersheim622. Dans le contrat d’échange, il est clairement spécifié que chaque partie doit respecter dans chacun des lieux l’exercice de la religion selon les principes de la paix d’Osnabrück623. Les querelles religieuses paraissent s’arrêter à ce moment là, ce qui tend à prouver que le fond de l’affaire relève surtout du droit territorial aux yeux du comte de Nassau-Sarrebrück, lequel n’a pas du tout inquiété les deux familles catholiques de Rosseln.

Gustav Adolf, par son action à Bübingen, montre tout de même la fragilité de la position des catholiques dans le cadre de la paix de 1648. Il n’a pas hésité à user à plusieurs reprises de l’emprisonnement, à obliger les catholiques à suivre le culte luthérien et à refuser le secours spirituel d’un prêtre pour les malades, même en dehors de ses terres ; par-là, il a bafoué la liberté religieuse et le droit au culte à l’étranger. Quelques aspects des contraintes auxquelles doivent faire face les catholiques sont ici mis en exergue : obligation de présence au culte protestant, de suivre l’école protestante, interdiction de secours spirituels. Les catholiques peuvent ainsi être victimes d’entraves à la liberté de conscience exercées par l’autorité princière.

Gustav Adolf n’est pas le seul prince protestant à soumettre ses sujets catholiques à des règles restrictives qui viennent se glisser dans les non-dits des traités de paix de 1648. Les princes protestants appliquent à la rigueur les clauses de la paix, en cherchant à concilier autorité politique et ordre social. L’obligation de suivre le culte protestant se révèle être une mesure généralisée624. Ces catholiques de Bübingen ne se voient pas interdire totalement le culte à l’extérieur, mais les autorités les obligent à suivre régulièrement le prêche luthérien. Dans le même comté de Sarrebrück, en 1680, il est fait mention que la comtesse « contraint les habitans catholiques de ces terres d’assister au presche des ministres »625. La Dame de Créhange incite vivement les catholiques à quitter les lieux en 1666 « si mieux ils n’aimaient pas faire profession du luthéranisme. Et que de son ordre, on avait violenté et contraint par force une femme catholique d’aller au prêche où elle avait été tirée par les cheveux à cause de la résistance qu’elle y apportait »626. Dans le même comté de Créhange, le procureur général du roi est interpellé par les catholiques de Villing en mai 1666 car le ministre luthérien et l’officier du seigneur « les contraint d’observer le Vieil Calendrier, d’assister et envoyer leurs enfants à leur prêche »627. Dans le Palatinat, les catholiques d’Odernheim se plaignent au

einidem Catholische Priester gefuhrt werden sollen. Vndt habe der lutherisch Prediger sich angetragen vndt der kranck frau verfügt […]. Sein Weib so Catholisch gewesen, ohne [Erhaltung] der Sacrament gestorben [ist] », LASb VDL 2951, s. n..

622 LAUFER, Bübingen, op. cit., p. 153.

623 « Jedoch ist für das Ander dabey ausdrücklich abgeredet und fräftiglich bedingt worden, dass in der hinc inde übergebenen Örthen, es mit dem Exercitio Religionis nachdem buchstäblichen Innhalt der disposition des Instrumenti Pacis gehalten, und die Innwohnere solche orten von keinem theil beschwehret werden sollen », LASb NS II Nr. 2513, p. 175.

624 Déjà en 1604, à Reisweiler (comté de Sarrebrück), le pasteur se plaint de ses sujets catholiques en rappelant l’obligation pour les sujets du comte de suivre le prêche luthérien (RUG, « Beiträge zur Geschichte ehemals lutherischer Pfarreien in der Grafschaft Nassau-Saarbrücken », ZGS, 25, 1977, p. 86-131, ici p.115). En 1616, une visite protestante à Überherrn et Spittel mentionne que « es wird den Leuten befohlen, bei Strafe von 5 florin, alle Predigten zu besuchen » mais en 1621 et 1622, le pasteur du lieu se plaint que « seit 8 Jahren nur 30 zum Hl. Abendmahl gegangen [sind] » (KIRCH, op. cit., note 2 p. 33). Il est vrai que ces plaintes émanent d’une époque où tous les sujets étaient sensés suivre la religion du prince ; elles révèlent aussi les résistances de ces catholiques des frontières à la pression de la conversion.

625 ADMM 1 F 172.

626 ADM B 2197, cité d’après Martial VILLEMIN, Le Parlement de Metz et les protestants (de 1633 à 1735), 2 volumes, Metz, 1997, ici volume 2 p. 460-461.

prince électeur Karl Ludwig qu’on les contraint à aller au temple suivre le culte calviniste628. Le pasteur de Klingenmünster rapporte au Kirchenrat en 1655 qu’un couple de « Papisten » ne s’est pas rendu au temple depuis deux années. Lorsque le pasteur leur enjoint d’y venir, ils répondent qu’ils préfèrent quitter le village que de céder et ils motivent leur refus en précisant que la paix d’Osnabrück reconnaît la liberté de conscience des sujets de l’Empire et que, par la même, les catholiques ne peuvent être contraints à suivre le culte réformé629. Le Kirchenrat demande quand même au pasteur Jacobi de faire son possible pour les convaincre de venir au culte réformé. L’église calviniste du Palatinat effectue une lecture très restrictive de la liberté de conscience accordée par le traité d’Osnabrück, mais les catholiques ne subissent pas sans user de leurs droits. A Wegelsheim, en 1659, ils font savoir que s’ils ne peuvent se rendre au culte dans les lieux voisins ou s’ils ne peuvent bénéficier de l’assistance d’un prêtre en cas de maladie, ils vendront leurs biens pour partir630. Cela nous montre qu’à une époque de lente reconstruction des Etats après la guerre de Trente Ans, les sujets des minorités savent jouer avec les règles religieuses mais aussi avec le contexte, ici économique. Comme le souligne Bernard Vogler pour la région rhénane au XVIe, la résistance est surtout le fait des localités où existe la possibilité se rendre facilement à une église catholique proche631. Cependant, la fréquentation du culte sur des terres catholiques n’est pas toujours aisée. Ceux installés dans le bailliage d’Alzey se voient interdire en 1659 d’aller au culte à Bobenheim632, qui appartient pour partie à l’évêque de Worms. Dans le duché de Deux-Ponts, le pasteur calviniste de Webenheim se plaint au haut-consistoire en mai 1672 que le catholique Michael Weber s’est rendu à Blieskastel, accompagné de sa femme apostat et de leur fils, pour y participer à l’Eucharistie633. Il en est de même dans le comté de Sponheim après que le prince de Birkenfeld en a été pourvu (1681) : « ses officiers y [dans le duché de Deux-Ponts et ledit comté] persécutent les catholiques, particulièrement à Trarbach et à Castellaun […]. Ceux de Meisenheim, qui sont au nombre de vingt-trois familles et plus de cent cinquante domestiques catholiques sont extrêmement mal traités, auxquels on ne donne pas seulement la liberté, de venir à la messe de Lautreck [Lauterecken], ni de faire baptiser leurs enfants par nos prêtres »634. Le capitaine Simon, auteur de cette lettre, rapporte également la volonté des catholiques de quitter les lieux si le comte-palatin n’ordonne pas à ses officiers de changer de comportement à leur égard.

La fréquentation obligatoire du temple pour les catholiques constitue à l’évidence une contrainte635. En premier lieu, cela signifie qu’ils ne pourront se rendre à la messe certains dimanches. Ensuite, les catholiques doivent suivre le culte protestant et la prédication du pasteur. Il est vrai que la présence physique n’inclut pas nécessairement attention, écoute et compréhension aux paroles et gestes de l’office. La présence dans le temple peut être l’occasion pour les esprits forts de déranger l’office par des bavardages, ou pour les « distraits » par des ronflements ! Les convictions religieuses peuvent également se renforcer par opposition à l’obligation de suivre le culte protestant. Mais, isolés en terre protestante,

628 GLAK 61/8829, 30/10/1652.

629 « weilen vermög Instrumenti Pacis, indem libertas conscientiae frey gelassen worden, als siehet man nicht dass die Underthanen, so Papistischer Religion, zu dem reformirten Gottesdienst zu zwingen », cité par BENRATH, « Die konfessionelle Unionsbestrebungen », op. cit., note 31 p. 194.

630 ERNST, Die reformierte Kirche, op. cit., p. 300, GLAK 61/8859, 11/05/1659.

631 Bernard VOGLER, Vie religieuse en pays rhénan dans la seconde moitié du XVIème siècle (1556-1619),

Thèse, Lille, 1974, Tome 2, p. 1104.

632 Ibid., p. 303.

633 KschZB II Nr. 190, fol. 234. Là aussi, le haut consistoire enjoint le pasteur à régler cette affaire avec patience et modération.

634 ADM B 57, lettre du 24 juin 1687, citée d’après TEXTOR, op. cit., p. 312.

635 Déjà à l’époque du « cujus regio, ejus religio », les résistances existaient, comme à Überherrn, en 1619, où le pasteur se plaint que « Alte und Junge […] wollen nicht zum lutherischen Abendmahl gehen… » (cité d’après KIRCH, op. cit., note 2 p. 33).

comptant souvent parmi les plus pauvres du village, les catholiques minoritaires peuvent être également sensibles aux charmes des cantiques luthériens636 ou au sermon d’un pasteur instruit qui sait se mettre à la portée de son auditoire. Quel regard peut porter un catholique lors de la Cène ? Resté dans la nef, il assiste à une véritable communion entre une communauté, rassemblée dans le chœur, et Dieu. Le doute peut lentement s’installer, ainsi que la lassitude, et ouvrir la voie vers à la religion dominante de même qu’à une meilleure intégration sociale. Les autorités spirituelles catholiques sont conscientes du danger : alors qu’il rencontre des catholiques à Hornbach, dans le duché de Deux-Ponts, l’évêque de Metz déclare qu’il a « faict une instruction aux catholiques pour demeurer fermes dans la foy au milieu des tentations qui pouvoient venir du commerce nécessaire où ils estoient avec les hérétiques »637. C’est pourquoi, si la fréquentation d’un lieu de culte étranger est en théorie autorisée par les traités, la pratique en reste difficile. Bien que l’usage de la violence physique ne semble pas courant, une violence psychologique, plus difficile à appréhender, semble avoir été courant. L’objectif des autorités laïques est que leurs sujets catholiques soient pleinement encadrés dans le système des paroisses. Dans ce but, la célébration des grands moments de la vie d’un chrétien reste du ressort du pasteur au nom du droit paroissial. Les réformes protestantes ont introduit une nouvelle organisation paroissiale qui rejette l’ancien découpage des paroisses de l’Eglise catholique. Ainsi, le pasteur y exerce de droit les baptêmes, mariages et enterrements sur les catholiques de leur paroisse638, au grand désarroi des autorités catholiques : en 1680, l’évêque de Metz, en visite à Sarrebrück, se plaint du fait que la comtesse « veut qu’ils [les ministres] baptisent leurs enfans et qu’ils fassent leurs mariages, ne souffrant point que les prebstres fassent aucune fonction dans ses terres »639.

L’exercice du casuel n’est pas une question anodine dans le cadre des relations confessionnelles en raison des différences théologiques et rituelles. L’entrée du nouveau-né dans la communauté chrétienne constitue également un moment fort du contrôle de la minorité catholique. Dans le comté de Hanau-Lichtenberg, la Kirchen- und Schulordnung de 1659 en donne les grands traits pour le baptême ; dans une ordonnance du 26 octobre 1666, Johann Philipp introduit ces règles dans le bailliage de Lemberg. Dans le point 4, il est stipulé que les enfants de Fehrbach ne doivent pas être menés dans une église catholique ou un temple calviniste pour être baptisés car cela est du ressort du pasteur luthérien de Pirmasens. Toutefois, lorsque la commune est entièrement catholique, les parrains et marraines peuvent être tous catholiques ou pour partie luthériens640. Cette remarque n’est pas anodine car elle suppose que dans les autres villes et villages, les catholiques sont tenus de faire appel à des parrains de la confession d’Augsbourg641. En 1677, pour un couple mixte, sur six enfants, pour deux garçons il est précisé que les parrains sont également mixtes : dans les deux cas, il

636 Ces cantiques renforcent la piété en jouant sur l’émotion et les sentiments : « leur succès semble dû à la