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LE CONTEXTE POLITIQUE ET RELIGIEUX DES

Chapitre 2 : Les questions religieuses à l’heure des traités

2.1. La religion catholique les négociations

L’intervention française est motivée par des questions politiques, non religieuses : elle est dirigée contre l’Espagne et l’empereur, contre des souverains catholiques dont la menace pousse peu à peu la France de la « guerre couverte » à la « guerre ouverte ». La monarchie s’allie avec la grande puissance luthérienne de la Baltique qu’est le royaume de Suède. Comme le souligne Lucien Bély112, ce rapprochement contre-nature ne se fait pas sans une

110 La question des objectifs des grandes puissances a déjà été traitée avec rigueur par des historiens des relations internationales, même si une partie de la correspondance des négociateurs reste à exploiter, comme par exemple celle de Hugues de Lionnes et d’Abel Servien. Citons quelques titres généraux dans une bibliographie dense : Georges LIVET, La guerre de Trente ans, Paris, 1983 (Que sais-je ?, n°1083) ; Geoffrey PARKER, La guerre

de Trente ans, Paris , 1987 ; Günther BARUDIO, Der Teutsche Krieg, 1618-1648, Francfort, 1988. Pour des

aspects plus précis concernant les traités de Westphalie, le lecteur se reportera avec bonheur aux travaux de Fritz DICKMANN, en particulier Der Westfälische Frieden, 2e édition, Münster, 1965. Rappelons l’entreprise d’édition de textes dirigée par Max BRAUBACH et Konrad REPGEN, Acta Pacis Westphalicae, collection qui se divise en trois séries : « Instructions » (en particulier tome 1 : Frankreich, Schweden, Kaiser, Münster, 1962), « Correspondance », « Protocoles, négociations, journaux personnels et varia ».

111 GANTET, op. cit., p. 555.

112 Lucien BELY, Les relations internationales en Europe, XVIIe-XVIIIe siècles, 3e édition, Paris, 2001, p.116 : « L’alliance avec la Suède n’allait pas sans une certaine méfiance à l’égard de cette puissance du Nord dont la cour de France craignait qu’elle ne se forgeât un Empire allemand. »

certaine méfiance de la part de la France qui craint de faciliter les tentations hégémoniques de cette monarchie luthérienne. Cette alliance se fait au nom d’intérêts stratégiques évidents, essentiellement tournés contre la monarchie espagnole. D’ailleurs, dès 1624, au traité de Compiègne, la France ne s’est-elle pas à nouveau entendue avec les Provinces-Unies calvinistes contre l’Espagne ? Les choix opérés au cours de la guerre de Trente Ans permettent de définir certaines permanences de la politique intérieure et extérieure de la monarchie au XVIIe siècle : le Roi Très-Chrétien, dont la ferveur religieuse n’est pas à discuter, doit accommoder ses sentiments religieux avec les réalités de la scène européenne et la situation intérieure du royaume. A compter de 1629, la politique intérieure de la monarchie, sous la pression des dévots catholiques, tend à amoindrir les droits des protestants du royaume par une lecture restrictive de l’Edit de Nantes, même s’il n’est pas alors question de conversions forcées. Néanmoins, les troubles de la Fronde poussent la monarchie à revoir son attitude à l’égard de ses sujets protestants, ce qu’elle fait dans la Déclaration d’octobre 1652. Il lui faut tenir compte à la fois de la situation intérieure et des nécessités de la politique extérieure, en particulier la poursuite de la lutte contre l’Espagne qui nécessite de bonnes relations avec les Provinces-Unies et l’Angleterre. En cette moitié du XVIIe siècle, les motivations religieuses de la monarchie se trouvent pour parties bornées par le réalisme politique. Les deux aspects sont étroitement liés.

Enoncer ces faits suffit-il à écarter la question de la place du catholicisme pour la monarchie dans les traités de 1648 ? Il nous semble que non, car ce serait nier aux acteurs de la politique française la vigueur de leurs sentiments religieux. En effet, si les décisions de Richelieu, du Père Joseph, de Mazarin reposent sur la « raison d’Etat », ils n’en sont pas moins des catholiques113. Pour Klaus Malettke114, le programme politique de Richelieu n’est pas seulement orienté par des considérations politiques, mais aussi par des principes juridiques et confessionnels. Est-ce à dire que le cardinal est un ardent défenseur de la cause catholique jusqu’à compromettre les intérêts politiques ? Non, bien entendu. Mais il faut comprendre qu’il ne souhaite pas laisser aux Espagnols le privilège de la défense du catholicisme. D’ailleurs, dans les traités conclus avec la Suède en 1638 et en 1641, la France insiste sur le fait que les affaires de religion doivent rester en l’état où elles étaient lors de l’entrée en guerre des deux pays. Cette précaution diplomatique montre au moins que le souci de préserver la religion catholique n’est pas absent des vues françaises. Il s’agit pour la France de ne pas favoriser un Etat plus qu’un autre, afin de maintenir « l’équilibre des forces » (Gleichgewicht) entre les partis et les confessions. L’expérience montrait que le fait de renforcer un Etat entraînait la mise en place d’alliances temporaires de contre-poids et le désordre politique. Même la cause catholique ne trouve pas suffisamment de gains dans une politique de soutien à un Etat. Cette pensée est proche de celle émise par la Curie romaine qui, dès 1632, indique à ses chargés de mission que « l’intérêt de l’Eglise romaine serait mieux servi par l’équilibre des pouvoirs que par la victoire d’un Etat, si favorable lui soit-il »115.

113 Il n’est qu’à regarder le sérieux avec lequel Richelieu, évêque de Luçon, a travaillé dans son diocèse pour introduire l’observation des décrets du concile de Trente. Voir Roland MOUSNIER, L’homme rouge ou la vie du

cardinal de Richelieu (1585-1642), Paris, 1992, p. 66-72. Richelieu, dans le Manifeste contenant les justes cause que le roi a eues de déclarer la guerre au roi d’Espagne, (publié en 1637), a revu le travail du P. Joseph : « il

avait adouci les passages sur le mauvais usage que les Espagnols faisaient de la Religion. En général, le cardinal avait affaibli tout ce qui concernait les facteurs religieux. Il faisait passer au premier plan les questions politiques, les rapports de forces et les relations laïques », ibid, p. 554. Preuve, s’il en fallait une, que le cardinal avait le souci de ne pas alimenter la critique protestante sur les catholiques.

114 Klaus MALETTKE, « Frankreichs Reichspolitik zur Zeit des dreißigjährigen Krieges und des Westfälischen Friedens », in: Klaus BUSSMAN, Heinz SCHILLING (dir.), 1648. Krieg und Frieden in Europa. Textband I:

Politik, Religion, Recht und Gesellschaft, Münster, 1998, p.177-186.

Au-delà de ces considérations, il s’agit donc d’œuvrer pour renforcer l’image royale du prince chrétien, de préserver les intérêts stratégiques de la monarchie tout en protégeant la religion catholique, à défaut de travailler à son renforcement. D’ailleurs, n’y a-t-il pas d’autres princes dans l’Empire dont les entreprises vont dans ce sens ? Comme le rappelle le P. Bougeant lors de l’évocation des questions des bénéfices ecclésiastiques, la France « eût regardé comme un crime d’aider les Protestans à dépouiller l’Eglise d’Allemagne ; mais elle étoit en droit de laisser à la Maison d’Autriche § à ses partisans le soin de la défendre »116.

Les premières réunions pour la paix débutent en 1644, en premier lieu entre les princes allemands, plus désireux que les grandes puissances étrangères de faire cesser une guerre dont leurs possessions constituent le théâtre des opérations militaires. La France ne tarde toutefois pas à prendre part à ces discussions. La mort de Louis XIII place la régence entre les mains d’Anne d’Autriche, sœur de Philippe IV d’Espagne et belle-sœur de Ferdinand III. La régente est mieux disposée que le défunt roi à discuter, sans pour autant omettre de rester fidèle aux vues stratégiques françaises. Le cardinal Mazarin, dans la « grande instruction » du 30 septembre 1643117, indique les grandes lignes de la diplomatie française. A lire cette instruction, dont 6 sections sur 23 concernent l’Empire, il n’est pas inutile de relever le peu de place réservé aux questions religieuses parmi les préoccupations françaises. Les objectifs stratégiques indiquent la volonté de la France de préserver ses positions face à l’Espagne qui reste l’ennemi. Mazarin appelle les plénipotentiaires à travailler dans le « but de restaurer les libertés germaniques, de défendre la Religion avec un grand R ou comme on dit la « Sainte Foy », enfin d’obtenir des satisfactions, juste récompense de l’intervention de nos armes »118. A bien y regarder, Mazarin ne peut trop mettre en avant des revendications confessionnelles qui ne constituent d’ailleurs pas son souci premier, même s’il souhaite la sauvegarde de la religion catholique dans le Saint-Empire ; il tente de ménager un équilibre entre les Etats de l’Empire, en appuyant les revendications des princes protestants, tels le landgrave de Hesse-Cassel ou le prince palatin, tout en cherchant à affaiblir la maison d’Autriche. Depuis le début de la guerre, la France n’a pas cherché à constituer, à l’exemple suédois, un parti confessionnel dans le Saint Empire. L’essentiel pour la monarchie française consiste en la revalorisation d’une constitution d’Empire qui soit une arme contre l’empereur, en particulier par la reconnaissance du droit d’alliance pour les Etats d’Empire119. Mazarin cherche cependant à conserver un équilibre dans l’Empire entre Etats catholiques et protestants ; cette idée prévaut au cours des négociations : « la politique même ne pouvoit faire envisager à la Cour de France que comme un grand désavantage pour elle, que le parti protestant se fortifiât si considérablement en Allemagne aux dépens des Catholiques »120. En effet, les intérêts de la politique peuvent parfois s’accorder quelque peu avec les intérêts de la religion. Les négociations indiquent que la France ne délaisse pas la cause du catholicisme, à défaut de la défendre âprement. La Régente ne manque pas de s’inquiéter des affaires religieuses dans l’Empire ; elle ne souhaite pas voir la religion catholique diminuée. D’ailleurs, elle n’hésite pas à écrire quelque fois elle-même au Comte d’Avaux « pour animer § autoriser son zèle »121. A l’occasion, les Français soutiennent la délégation impériale. Lorsque les Suédois souhaitent obtenir la liberté de culte pour les protestants des provinces habsbourgeoises,

116 Guillaume-Hyacynthe BOUGEANT, Histoire de traité de Westphalie et des négociations qui se firent à

Munster § Osnabrug, pour établir la paix entre toutes les puissances de l’Europe, tome 3, Paris, 1744, p. 286.

117 BELY, Relations internationales, op. cit., p.152-154.

118 Cité d’après Madeleine LAURAIN-PORTEMER, « Questions européennes et diplomatie mazarine », XVIIe

siècle, 1990-1, 166, p. 17-55, ici p. 27.

119 DICKMANN, op. cit., p.153.

120 BOUGEANT, op. cit., tome 3, p. 286.

l’appui des Français permet aux Impériaux de rejeter cette demande122. Il s’agit de sauvegarder ce qui peut l’être pour la cause catholique123. Le Père Vervaux, jésuite et confesseur du duc de Bavière, fait part en 1645, dans un mémoire adressé à Brienne, du souci de son prince de préserver les intérêts de la religion catholique124. Il insiste sur le fait que la France a raison de soutenir le maintien de la dignité électorale pour la Bavière : « la France peut prendre assurance que ce sera pour le soutien de la Religion Catholique ; […] au lieu que cette dignité revenant ès mains des Comtes Palatins […] [lesquels] embrassent plutôt le parti de ceux qui supportent leur Religion [calviniste], que celui du Roi qui fait profession de ne l’aimer ni approuver »125. Nous sommes là face aux ambiguïtés de la diplomatie française. La Bavière constitue l’une des forces majeures du camp des Impériaux. Or il ne s’agit pas de favoriser à outrance ce parti, certes catholique, mais trop lié aux intérêts de la maison d’Autriche. Accepter en ces termes les propositions bavaroises, ce serait certes faire disparaître – au moins théoriquement – un pôle puissant du calvinisme, le Palatinat, ce serait également faire la part belle aux Habsbourg dans les territoires rhénans, en particulier sur la rive gauche du Rhin. De telles dispositions renforceraient sur les frontières orientales les positions lorraines, au détriment des ambitions spatiales françaises. Au lieu d’un espace d’ouverture sur le Rhin, la confirmation à la Bavière des possessions palatines ferait de l’Est du royaume un espace fragilisé, une zone seulement de repli défensif. De plus, la guerre n’est pas achevée et il n’est pas question de froisser l’allié suédois même si la France s’en méfie en ce qui concerne les questions religieuses126. Dans une lettre du 3 octobre 1646, outre le constat que des succès militaires des Impériaux entraîneraient la poursuite de la guerre, les plénipotentiaires français évoquent les dangers à redouter venant des Suédois. Ces derniers constitueraient une puissance politique menaçante, en particulier pour les intérêts du catholicisme : « si notre parti demeure victorieux, il y a sujet d’appréhender la conduite des Suédois […]. Ils se rendroient les maîtres absolus dans les affaires d’Allemagne § tâcheroient d’y ruiner tout à fait le parti de la Religion Catholique, qui est une des principales vuës qu’ils ont en cette guerre »127. C’est pourquoi Louis XIV, dans le Mémorandum du 31 mai 1646, incite les plénipotentiaires « a redoubler nostre zele pour le maintien de la nostre [religion] qui est la vraie et la bonne, et à en conserver les prérogatives et les avantages au prix de toutes les considérations d’Estat et de la politique ausquelles Dieu qui void le cœur de Sa Majesté et ses saintes intentions aura infailliblement la bonté de remédier par d’autres voies connues à sa providence ». Dans ce même texte, le roi souligne déjà une première fois la nécessité de défendre la religion catholique car, seule vraie religion, Dieu ne peut que l’aider dans cette

122 PARKER, op. cit., p. 276.

123 BELY, Relations internationales, op. cit., p. 158. L’auteur souligne fort justement que « rien ne devait être fait pour favoriser la cause protestante et, au contraire, les intérêts catholiques devaient être sauvegardés. »

124 Guillaume-Hyacynthe BOUGEANT, op. cit., tome 2, p. 616-620.

125 BOUGEANT, Ibid., p. 619.

126 Dans le Memorandum de Louis XIV adressé à Longueville, d’Avaux et Servien, daté du 31 mai 1646, cette idée est clairement présentée : « Sa Majesté sçait qu’il est superflu d’exciter là dessus [la défense de la religion catholique] le zèle et la piété desdits Sieurs Plenipotentiaires, particulièrement après ce qu’Elle leur a souvent mandé estre de ses intentions ; néantmoins reconnoissant mieux tous les jours que les Suedois et Madame la Landgrave n’oublient rien pour se procurer avec adresse et fermeté des avantages qui tendent principalement à l’abaissement ou à des dommages irréparables pour la religion catholique et cella contre la foy des mesmes traittez que nous avons ensemble, Sa Majesté se croid obligée de renouveller précisement les ordres qu’elle a donnés de temps en temps ausdits Sieurs Plenipotentiaires de tenir ferme en semblables matières et de ne consentir à aucune des nouveautéz que les uns et les autres voudroient mettre sur le tapis, mais de les contrecarrer et de s’y opposer formellement, quelque chose qui puisse arriver lorsque les autres moiens seront infructueux, Leurs Majestez n’estimans pas que la facilité que nos parties apportent à donner consentement entier à nos alliez aux despens de la religion puisse servir d’excuse valable devant Dieu ny auprès des hommes de n’y avoir vigoureusement resisté », MAE C.P. Allemagne 65, fol. 281-287.

entreprise. Nous devons interpréter ces passages à la fois comme une période de forte tension au cours des négociations et comme un appel du roi à préserver le catholicisme, mais non à sacrifier tous les intérêts en son nom. Ainsi, la France manœuvre-t-elle afin de concilier stratégie diplomatique et intérêts de la religion catholique, mais elle doit également corriger parfois les initiatives de ses agents, comme nous le montrent les problèmes soulevés par Servien et d’Avaux.

Abel Servien, en 1645, dans la proposition de paix, aborde la question religieuse avec les Suédois. « Que pour tout ce qui concerne la Religion, les biens Ecclésiastiques, § tous les autres différends qui peuvent être causés par la diversité des Religions entre les Catholiques § les Protestans d’Allemagne, lesquels ont été si souvent la cause ou le prétexte des troubles, il sera convenu pendant le traité § avant la conclusion d’icelui, du consentement des Parties intéressées, § à leur commune satisfaction »128. Or, il ne semble pas que les diplomates aient été appelés à prononcer un tel engagement au cours des négociations. Le comte d’Avaux, collègue de Servien, désapprouve cette initiative et en fait part à Brienne en mai 1645. D’Avaux indique trois raisons prouvant que la France n’a pas intérêt à assoupir les différents religieux dans l’Empire. Premièrement, si la paix doit être conclue rapidement en ces termes, la religion catholique ne peut qu’y perdre. Deuxièmement, les querelles internes à l’Empire assurent à la France la possession de ses conquêtes. Enfin, lorsque viendra le temps de discuter des questions religieuses, « la France ne sçauroit quel parti prendre, § se verroit réduite ou à appuyer les demandes des protestans au préjudice de l’Eglise, ou à les irriter en s’opposant à leurs prétentions »129. Le comte d’Avaux ne voit ainsi que des désagréments pour la politique extérieure française dans le Saint-Empire à demander un règlement sur les questions religieuses. Cette affaire concerne les membres de l’Empire. Un deuxième article de cette proposition de paix présentée aux alliés suédois oppose encore d’Avaux et Servien. Celui-ci émet l’hypothèse que tous les princes et Etats d’Empire soient rétablis dans leurs anciens droits. Aux yeux de d’Avaux, cette proposition est dangereuse pour le catholicisme au regard des droits du prince de contraindre ses sujets à changer de religion (jus reformandi) ou à partir (jus emigrandi).

Quelle est la réaction de la monarchie ? Elle condamne le premier article mais laisse le second en l’état. Il faut tout le talent des diplomates français, en particulier de M. de Saint-Romain, pour convaincre les Suédois d’accepter de voir disparaître de la proposition française le premier article sur la religion. Ces derniers cèdent en partie face à la promesse de la France de soutien lors des « demandes justes et raisonnables des Protestans ». La France échappe à l’humiliation d’avoir introduit le ver dans le fruit. Le comte d’Avaux paie plus cher que Servien son esprit d’initiative. Lorsque la Régente s’adresse directement au comte d’Avaux, elle a trouvé le parfait sujet dont elle n’a guère à forcer l’esprit « missionnaire ». En effet, d’Avaux s’efforce de soutenir la religion catholique là où il se trouve. A Münster, il accomplit rigoureusement ses devoirs de catholique ; pour Dantzig, où le peuple est majoritairement catholique alors que les magistrats et les notables sont luthériens, il fait former à la Sorbonne deux dominicains avant de les renvoyer catéchiser leur patrie130. Lorsqu’il s’agit de la défense des intérêts catholiques dans l’affaire des évêchés de Minden et d’Osnabrück, en 1647, il tente d’imposer ses vues, contre celles de Mazarin. Il trouve le cardinal trop prudent à l’égard des Suédois car il pense que ceux-ci ont plus besoin de la France que le contraire. C’est pourquoi il s’évertue à démontrer à la Cour qu’il faut « les empêcher de prendre un si grand empire dans la négociation des affaires de religion »131. En mai 1647, dans une lettre au

128 BOUGEANT, op. cit., tome 2, p. 262.

129 Ibid., p. 263-264.

130 Frank LESTRINGANT, « Claude de Mesmes, comte d’Avaux, et la diplomatie de l’esprit », in : Lucien BELY, L’Europe des traités de Westphalie, Paris, 2000, p. 439-455, ici page 443.

cardinal, il souligne que la France est trop conciliante à l’égard de la Suède et il lui soumet l’idée d’être plus ferme. Le comte d’Avaux encourage les Impériaux à ne pas céder aux exigences des Suédois ; il va même jusqu’à parler à ceux-ci sur un ton plus ferme. Ces initiatives alimentées par le zèle religieux ne sont pas du goût du cardinal. Celui-ci n’a guère besoin d’écouter les récriminations d’Abel Servien. Il n’a qu’à laisser la querelle entre les deux hommes s’envenimer pour mieux agir, ce qu’il fait en avril 1648 où d’Avaux est touché par la disgrâce. Celle-ci résulte « de l’écart grandissant entre la raison d’Etat […] et une