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LE CONTEXTE POLITIQUE ET RELIGIEUX DES

Chapitre 5 : le renforcement des Eglises territoriales 446

5.1. La restauration du cadre spirituel

a) Le déficit cultuel.

Nous avons déjà vu combien la guerre fut une catastrophe humaine ; il va sans dire que les structures religieuses ont été bouleversées par les politiques confessionnelles de certains belligérants ainsi que par la mort ou la fuite de nombreux prêtres et pasteurs. Ceux qui restent dans la décennie 1640 subsistent dans de difficiles conditions matérielles. Sur la rive gauche du Palatinat, un compte rendu de l’état des pasteurs du 8 novembre 1649 mentionne le maintien d’environ 24 ministres alors que sur la rive droite, il n’y en a aucun447 ! Dans le comté de Sarrebrück le spirituel est également déstructuré. Nombre de paroisses ne sont pas desservies régulièrement faute de ministre. Le pasteur Johann Ludwig Rüdinger de Saint-Jean de Sarrebruck en dresse un état en 1657448. Il indique que les rigueurs des temps, la guerre et la faim, l’absence de moyens entraîne un manque de pasteurs, ce qui oblige certains d’entre eux à desservir parfois plus de cinq temples. Le Landschultheiss Bernhard Wölflin regrette de son côté que le pasteur Balthasar Pistorius ait à desservir les temples de Völklingen, Kölln, Heusweiler, Wahlscheid et Knorcheid, soit des distances à parcourir proches de 18 kilomètres. Il propose alors à Pistorius de s’installer à Engelfangen, le presbytère de Kölln ayant brûlé et le village étant encore déserté, afin de pouvoir se rendre plus facilement dans les différents villages cités. En 1667, Pistorius s’installe à Völklingen et Georg Ludwig Schlosser vient le décharger des villages de Knorcheid et Eiweiler à partir de Heusweiler449. De son côté, le

446 Dans ce chapitre, nous laissons volontairement de côté le cas des catholiques auxquels nous consacrons un chapitre particulier plus loin.

447 ERNST, Die reformierte Kirche, op. cit., p. 75.

448 « Man sehe nur an das Kirchewese. Dasselbe ist, wie männiglich bekannt, also fein und löblich in hiesiger Grafschaft bestellt gewesen mit so vielen feinen und gottesgelahrten Männern, dass keine Kirche, will sagen die allergeringste gewesen, die nicht ihren eigenen Pfarrer und Seelsorger gehabt, aber nunmehr nächst Gottes Verhängnis durch vergangene Theuerung und Hungersnoth, durch Krieg und Unruhe im Land viel Armuths und bitteren Hunger zu erwehren und grösserer vor Augen schwebenden Troubel mit Schwermuth in täglicher Anfechtung geplagt, hingefallen und daher noch auf den heutigen Tag solchen Armuth und Mangel die Kirche hin und wieder betriff, dass fünf sechs mehr oder weniger Kirchen von einem Pfarrer müssen bedient werden », cité d’après RUG, Die evangelischen Familien des Köllertales vor 1840, Sarrebrück, 1984, p. 28-29 d’après le tome 71 des Stiftsarchive détruites en 1944 dans un incendie ; RICHTER, op. cit., p. 113.

pasteur Reichardi de Sarrebrück s’absente parfois trois jours par semaine car il a charge d’âmes également à Eiweiler, Knorscheid, Zettingen et Whilhelmsbrunn, soit à plus de trois bonnes heures de marche450. Le comte Wilhelm Ludwig s’adresse au pasteur Johann Philippi pour continuer d’enseigner au Gymnasium car cinq maîtres sont décédés et il reste le seul capable de s’occuper du petit nombre d’élèves restants451. De surcroît, il doit desservir les paroisses de Saint-Arnuald, Fechingen et parfois Wilhelmsbrunn. Dans le comté de Sarrewerden, l’occupation lorraine favorise le déclin de l’encadrement protestant bien que les circonstances permettent le maintien du pasteur Trautmann (1635-1667) du château de Lorenzen à partir duquel il dessert également Bütten et Domfessel ; le pasteur Holler (1641-1667) de Bouquenom s’occupe quant à lui d’une trentaine de lieux de culte utilisés ponctuellement, pour les baptêmes, mariages, confirmations et autres temps forts de la religion452. En fait, le culte est tenu à Lorenzen et Bouquenom, ce qui contraint les fidèles à parcourir parfois des distances de plus de 10 kilomètres pour participer au culte. La situation à Iggelheim est identique sur le Rhin, à l’ouest de Spire. Depuis 1637, lorsque les chemins sont sûrs, le ministre calviniste Johann Jacob Pitscher peut célébrer la Cène pour les fidèles de Böhl, Mutterstadt, Dannstadt, Spire, Neuhofen, Schwegenheim, Lingelfeld, Hockenheim et d’autres lieux où il n’y a plus de pasteur. De 1643 à 1647, en raison des opérations militaires, Pitscher ne peut plus guère exercer son ministère. Après 1647, à partir d’Iggelheim, il prêche aux environs, en particulier à Altrip où, à la Pentecôte 1649, de nombreux fidèles viennent de Neuhofen, Seckenheim, Neckarhau, Ladenburg et Heidelberg453. Le pasteur Pitscher draine donc une population réformée dans un rayon pouvant s’étendre à 10, 20 voire 30 kilomètres ! Face aux carences en personnel ecclésiastique, on comprend que l’Electeur palatin n’ait pas hésité à faire appel aux ministres calvinistes suisses. Il s’agit de pallier rapidement les manques, mais ce n’est que progressivement que l’encadrement spirituel s’améliore.

Le corps pastoral est confronté à diverses difficultés pour remplir son ministère. La distance et l’ampleur des espaces à desservir constituent un vrai défi, d’autant plus que la zone reste sous la menace des Lorrains et autres soldats, et que tous les pasteurs ne possèdent pas un cheval : le pasteur Holler circule à pied dans le comté de Sarrewerden. Les paroisses n’ont plus de cohérence et nécessitent une refonte. Les conditions matérielles d’exercice illustrent le défi auquel doit faire face le corps pastoral : assumer le quotidien et exercer dans un lieu de culte décent. Les pasteurs sont souvent démunis. Ils ne perçoivent plus leurs revenus en raison de la faiblesse des finances étatiques, de l’indigence de leurs ouailles ou des prises de rentes par le clergé catholique pendant la guerre. Si cette dernière question est assez rapidement réglée par les restitutions, les conditions financières des pasteurs ne s’améliorent pas pour autant du jour au lendemain. A travers la lettre adressée par le pasteur Holler au comte Johann de Nassau-Sarrebruck, on devine les difficultés matérielles des ministres454. Holler laisse entendre qu’il a

450 RICHTER, op. cit., p. 114.

451 RICHTER, Ibid., p. 113.

452 MATTHIS, Die Leiden der Evangelischen, op. cit., p. 142-143.

453 ERNST, Die reformierte Kirche, op. cit., p. 75.

454 « Wir haben diese 10 Jahre den gehörigen Gottesdienst zu Bockenheim abgewartet, auch bekanntermassen unter den vielfältigen pressuras, daneben die gesambten Kirchspiel in der Graffschaft, nach dem Vermögen so Gott darreicht, bis dato bedient, dabei Leibs und Gemüthskräfte zugsetzt, aber doch der geringen ordinari Besoldung nicht habhaft werden können, sondern mein Stück Brod theils Vermittels des Pfarrvolks, theils durch mich und die Meinigen selbsten, mit Hacken und Pflügen, durch Gottes Segen, mühselig suchen müssen nun aber das arme Pfarrvolk gar erschöpft, theils perplex, theils gar obstinat gemacht wird, noch ferner zu subsistiren, ein ohnmöglich Sach. Also hab’ Ew. Gnaden solches unterthänig zu Gemüthe führen und demüthigst bitten wollen, meinen ausgestanden Labores ein wenig Recompens zu erkennen, damit dem in grosser Seelengefahr schwebenden Pfarrvolk noch ferner abwärten könne […] Hab’ also unterthänig bitten wollen, mir noch in diesem Jahr aus der Herrschaft Lahr 12 Viertel Korn und etwa 30 Reischthaler gnädigst nach Strassburg liefern zu lassen », d’après Franz CUNY, Reformation und Gegenreformation im Bereiche des früheren

continué malgré les pressions des jésuites à exercer son ministère dans le comté, qu’il a partagé son pain dans les moments difficiles, mais comme les fidèles sont encore trop pauvres et que le déficit spirituel en ces temps malheureux nécessite son aide, il sollicite une contribution financière du prince. Le pasteur Philippi effectue la même démarche pour obtenir une augmentation de sa part de dîme afin de pouvoir manger. D’autres pasteurs demandent du bois pour l’hiver. Les revenus destinés aux ministres du comté restent très faibles : pour l’année 1637 ils s’élèvent à 340 florins pour plusieurs pasteurs…alors qu’un siècle plus tard, le pasteur de Neunkirchen touche à lui seul 358 florins455. Dans le Palatinat, la situation est identique : le pasteur de Frankenthal doit vivre avec 20 florins de revenu en 1657 alors qu’avant-guerre, sa rente s’élevait à 100456.

Les difficultés financières des paroisses laissent deviner le délabrement du cadre religieux et cultuel. Les clôtures des cimetières font défaut et les bêtes y paissent en toute liberté, soulevant l’indignation des autorités457. Nombre de temples ont souffert de la guerre : l’utilisation comme étable par les soldats, les incendies, les bancs transformés en bois de chauffage et l’absence d’entretien par une population déficitaire ont entraîné la ruine des bâtiments. La visite du bailliage de Deux-Ponts en 1663 indique le mauvais état de nombreux édifices cultuels458. A Mannheim, il n’y a guère de temple à proprement parler avant la construction en bois de la Provisionalkirche en 1665-1666 ; jusqu’à cette date, les huguenots se réunissent dans l’étroite salle du Rathaus, ce que font les Allemands jusqu’en 1672459. Si l’on peut se contenter d’une grange ou d’une maison pour le culte, la nécessité de retrouver un cadre cultuel plus noble se fait sentir. Il s’agit de trouver de l’argent pour acheter les bancs, voire des orgues (ce qui reste l’apanage des villes de résidence princière ou des sièges de bailliage). Pour le Palatinat, cet argent vient en partie de collectes effectuées en Suisse dès le début des années 1650 et des dons des fidèles, en accord avec la tradition biblique460. Les efforts financiers ne sont pas dispersés mais les investissements se concentrent d’abord sur le temple paroissial avec le soutien des filiales. Main d’œuvre et matériaux sont fournis les sujets soumis aux corvées. On consolide les murs et le toit, le reste vient plus tard. La plupart des temples du Palatinat semblent consolidés à la fin des années 1650461 mais les situations varient, selon la volonté princière et les moyens financiers. Dans le comté de Hanau-Lichtenberg, le consistoire décide le 4 septembre 1656 le redressement des temples détruits pendant la guerre : est ordonnée la mise en place d’une « cotisation » annuelle afin de financer la construction ou la réparation des temples462. Dans le comté de Sarrewerden, la date de réouverture des temples s’étale entre le début des années 1640 et les années 1660, sans tenir compte des villages inoccupés : à Wolfskirchen le temple est utilisé à nouveau à partir de

455 RICHTER, op. cit., p. 113-114.

456 GLAK 61/8847, 15/12/1657.

457 A Wachenheim, l’assemblée du presbytère dénonce en avril 1650 « dass Herr Oberschultheiss seine Schwein undt Geis uf den Kirchhof stets gehen lasse ; und dass die Schwein die Gräber ufwühlen undt die Kränze durch die Geis von den Gräbern weggerissen werden » (d’après ERNST, Die reformierte Kirche, op. cit., note 15 p. 210).

458 Voir BOHRER, op. cit..

459 ERNST, Die reformierte Kirche, op. cit., p. 209.

460 1 Co 16, 1-2 ; Paul appelle les chrétiens à secourir par des dons les chrétiens de Jérusalem car il y voit le signe de la communion entre l’église-mère de Jérusalem et les églises du monde païen. Pour les calvinistes, la transposition est assez évidente : « l’église-mère » est le foyer de la religion calviniste, la Suisse, encouragée à soutenir les frères en périls.

461 ERNST, Die reformierte Kirche, op. cit.., p. 211.

462 « eine gemeine Steuer jährlich zur Erbauung und Reparierung der Kirchen solle gesammelt werden an den Kirchturen im Morgen- und Abendgottendienst und der Ertrag hier in Buschweiler an das Spital abzuliefern sein », d’après ADAM, op. cit., p. 126.

1643 alors qu’il faut attendre 1658 pour celui de Weyer, 1666 pour celui de Berg et 1670 pour celui de Burbach463.

A lire ces exemples, on perçoit la difficulté de maintenir le tissu religieux alors que l’encadrement spirituel lui-même se délite. Certes, il faut être prudent avec les litanies adressées par certains pasteurs à leur prince, mais on ne peut douter de la difficulté de la situation. Face à ce dénuement, le prince doit prendre toute une série de mesures afin de restaurer l’encadrement spirituel des paroissiens.

b) Le renouveau pastoral.

La réoccupation des postes de pasteurs s’effectue progressivement. Sur les 84 paroisses du duché de Deux-Ponts, au début des années 1660, peu jouissent des services d’un pasteur attitré : dans les trois bailliages de Deux-Ponts, Lichtenberg et Meisenheim, on ne compte pas plus de sept pasteurs en service fixe464. Dans le bailliage de Deux-Ponts, seules les paroisses de Deux-Ponts, Hornbach, Contwig, Waldmohr et Ernstweiler sont desservies par un pasteur en 1663465. Dans le Palatinat, de 1649 à 1651, le nombre de ministres en exercice passe de 45 à 116, ce qui représente à peine le tiers des pasteurs d’avant guerre. En 1653, ils sont environ 140466 et 146 en 1657. La situation ne s’améliore que lentement, la peste de 1666-1667 n’épargnant point les pasteurs : dans les environs d’Iggelheim, en 1666, il n’y a guère que deux pasteurs alors qu’avant-guerre, sept exerçaient dans le même espace. Au cours du

Konvent tenu à Hornbach le 9/19 mai 1682, nombre de pasteurs se plaignent de savoir encore

beaucoup de postes dépourvus de desservants, ce qui a de fâcheuses conséquences sur les fidèles et la discipline religieuse467. En 1685, 237 ministres calvinistes sont en place dans le Palatinat468. L’étude menée par A. Ernst à partir de listes de pasteurs de 1649/53, 1657/58 et 1685 indique nettement que le recrutement des pasteurs s’est effectué dans deux principaux centres, le Palatinat et la Suisse. Pour les années 1649/53, les deux tiers des ministres viennent à part égale de ces régions. Par la suite, l’apport suisse est plus conséquent, environ la moitié du recrutement pour 1657/58. En 1685, le Palatinat fournit le plus gros contingent de ministres, formés à l’université de Heidelberg, à côté de nouveaux centres importants comme Nassau-Wied et Hesse-Cassel qui fournissent également un nombre important de pasteurs pour l’Electorat.

Dès le retour de ces pasteurs se pose l’épineux problème de leur émolument. Leur nombre encore limité et l’extension de leur espace pastoral obligent au remodelage de la paroisse afin de pourvoir aux besoins spirituels de la majorité des fidèles tout en n’aggravant pas le

463 MATTHIS, Die Leiden der Evangelischen, op. cit., p. 135-141.

464 KONNERSMANN, op. cit., p. 152.

465 BOHRER, op. cit., p. 2.

466 ERNST, Die reformierte Kirche, op. cit., p. 136-137.

467 « Das die Gemeinden sich so sehr betrüben, dass sie ihrer Jugend so sehr verwildern, andere benachbachte, vornehmlich papistische, mit welchen wir ganz umgeben, ihrer spotten, fremde Religionsverwandte auch dergleichen Evangelische sich vielfältig ärgern und anstossen, also dass es für den heiligen und gerechten Gott, auch für alle ehrbare Welt nimmehr zu verantworten, und das um so vielmehr, weil man vernehmen muss dass ein gut Teil Kirchengefälle, damit man Notdurft Prediger, halten könnte, zur Bezahlung anderer Pfarrherrn einiger anderer Ämter verwendet werden. Bitten […] das sogleich wie möglich […] solche Gemeinden von den Pfaffen möchten besetzt werden », cité d’après Georg BIUNDO, « Kirchenkonvente der Klasse Zweibrücken 1669-1692 », BPKG, 4, 1928, p. 16-23, ici p. 22.

468 ERNST, Die reformierte Kirche, op. cit., p. 140. Comptage effectué pour les bailliages de Heidelberg, Bretten, Mosbach, Boxberg, Umstadt, Neustadt, Alzey, Oppenheim, Bacharach et ceux de la principauté de Palatinat-Simmern. Le bailliage de Germersheim n’est pas intégré dans ces chiffres : en 1657, on y compte 18 pasteurs.

problème financier, comme c’est le cas dans le Palatinat jusqu’en 1654. Toutefois, cette solution reste délicate à appliquer car il faut tenir compte des résistances villageoises qui n’admettent pas de passer sous la tutelle d’un autre village et qui veulent conserver leur propre pasteur. En général, les pasteurs jouissent des grosses et petites dîmes, ou au moins d’une partie de celles-ci : elles consistent en parts de bois, viandes, légumes et vin. A cela s’ajoute un jardin. Parfois, la rétribution peut venir de l’extérieur : Thomas Tinctor est nommé par le Conseil ecclésiastique pasteur pour Schwabenheim, Gross-Winternheim, Bubenheim et Elsheim car « ce sont 4 bons endroits, entourés de papistes, et dont les revenus sont donnés de l’extérieur »469. La rétribution des pasteurs reste très complexe car elle ne dépend pas que des simples autorités protestantes. Les pasteurs dépendent en effet du découpage seigneurial et du partage des droits sur la paroisse. Il leur faut compter avec la noblesse luthérienne ou catholique, avec les ordres religieux, alors que ceux-ci cherchent davantage à nier l’existence de ces droits aux pasteurs calvinistes. C’est le cas à Großbockenheim, avec le chapitre de Saint-Paul et Saint-Martin de Worms470, à Mundenheim avec le chapitre Saint-André de Worms471, à Erpolzheim et Dackenheim avec les comtes de Westerburg et Linange-Hartenburg472. Ces pasteurs ne peuvent guère compter pendant de nombreuses années que sur l’aide apportée par le gouvernement de Heidelberg, qui consiste en un soutien financier et juridique pour les aider à recouvrer leurs droits. C’est dans ce sens que Karl Ludwig du Palatinat bloque de son côté les rentes destinés aux chanoines de Wissembourg aussi longtemps que l’évêque de Spire ne reconnaît pas la nomination de plusieurs pasteurs calvinistes et le bénéfice des dîmes, comme à Oberseebach473. La remise en ordre du cadre spirituel passe par la restauration des directions ecclésiastiques spirituelles (les Kirchenräte) et financières (Rentenkammer, Kirchenschaffneien). Dès son retour à Heidelberg en octobre 1649, Karl Ludwig nomme un président au conseil ecclésiastique, Charles de Landas assisté de deux théologiens et de deux inspecteurs. Le 14 novembre 1649, ils proposent un programme en six points visant à redresser l’Eglise réformée en son état d’avant-guerre474. Le sixième point mentionne la position que doivent adopter les ministres calvinistes à l’égard des autres confessions : ils doivent avec humilité travailler à la réfutation de leurs idées, mais sans arrogance afin d’éviter toute mauvaise querelle. Il s’agit en effet pour le moment de restaurer l’exercice de la religion calviniste et, pour cela, de relever les temples et les écoles, pourvoir les postes de pasteurs et de maîtres d’école. Les 5 à 6000 Reichstaler offerts en 1650 par Zürich, Bern, Bâle et Schaffhausen sont les bienvenus dans ce contexte.

Dans le duché de Deux-Ponts, Friedrich Wilhelm (1661-1681) travaille à la restauration de l’église réformée. Le 9 janvier 1663, dans une ordonnance sur l’administration des biens ecclésiastiques, il déclare que ceux-ci sont encore en grand désordre (in allerhand

confusiones und Unordnung). Il met en place une Caisse générale ecclésiastique475

(Generalkassenrechnung) qui a la haute main sur les Kirchenschaffneien et les biens sécularisés : la Generalkasse est aux mains d’un administrateur aux ordres du duc qui dirige les receveurs ecclésiastiques. Cette caisse doit également œuvrer pour le redressement des écoles latines du duché et distribuer des bourses scolaires476. En 1664, Friedrich Wilhelm érige un nouveau Haut consistoire et octroie une nouvelle Kirchenordnung. En 1665, les quatre consistoires de Meisenheim, Bergzabern, Deux-Ponts et Lichtenberg sont réorganisés. Dans chaque chef-lieu de bailliage, il instaure un Haut consistoire comprenant un inspecteur,

469 Cité d’après ERNST, ibid., note170 p. 136.

470 GLAK 61/8847, 1/09/1657.

471 GLAK 61/8863, 2/03/1660.

472 GLAK 61/8825, 15/10/1651; 61/8833, 10/09/1653; 61/8842, 29/09/1656.

473 BAUR, op. cit., p. 143.

474 GLAK 61/8822.

475 Cette caisse reste séparée de la Rechenkammer jusqu’en 1682.

un officier civil et plusieurs assesseurs (pasteurs). L’Eglise bipontine est dirigée par un président assisté d’un adjoint ecclésiastique et de huit assesseurs ; ce collège doit être renouvelé tous les trois ans. En 1668, Friedrich Wilhelm ordonne une visite de l’Eglise de son duché et délivre une Kirchenordnung le 15 mai 1669477. Toutefois, ce texte n’est pas appliqué en raison entre autres de l’intervention française et de la succession de Friedrich Wilhelm qui fait passer le duché aux mains du roi de Suède. Dans le comté de Hanau-Lichtenberg, Friedrich Kasimir proclame une Kirchenordnung le 17 novembre 1659 qui est diffusée à tous les pasteurs à partir de décembre 1660478.

Le redressement des structures ecclésiales s’accompagne d’une forte activité réglementaire en vue de redéfinir les cadres d’exercice du culte et de revigorer le contrôle social. Sur l’ensemble des terres protestantes se fait sentir la nécessité de publier à nouveau les ordonnances religieuses (Kirchenordnungen) afin de définir avec rigueur les éléments du culte. Pour le Palatinat, la dernière Kirchenordnung date de 1601 ; en 1652, la publication