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Vitruve dans les années 1540

Entre 1540 et 1550 peu de traités d’architecture ont été publiés ou réédités en Italie: en 1540, 1541, 1544 et 1545, le Troisième et le Quatrième livres de Serlio; en 1545, l’Hypnerotomachia Poliphili (Le songe de Poliphile:

que j’ai considéré comme un traité d’architecture); puis en 1546 et 1550, les deux traductions en langue vulgaire du De re aedificatoria d’Alberti, res-pectivement dues à Pietro Lauro et Cosimo Bartoli, lequel y ajouta plusieurs figures.

L’ensemble des publications concernant l’architecture latu sensu révèle l’aspect humaniste-antiquaire de nombre d’écrits concentrés surtout sur Rome, et couvre les années 1540 de façon homogène. Je me réfère à Pline l’Ancien (Naturalis Historia), Vasari (Les Vies), Philandrier (Annota-tiones), Pomponio Leto (L’antiquità di Roma […] dalla latina alla volgar lingua tradotte), Biondo Flavio (Roma ristaurata e Italia illustrata […]

Tradotte in bona lingua volgare per Lucio Fauno et Roma trionfante […]

tradotta pur hora per Lucio Fauno di latino in buona lingua volgare), An-drea Fulvio (De urbis antiquitatibus et Opera […] delle antichità della città di Roma et delli edificii memorabili di quella, tradotta in lingua toscana per Paolo dal Rosso), Bernardo Gamucci (Le antichità della città di Roma), Bartolomeo Marliani (L’antichità di Roma […] tradotti in lingua volgare per messer Hercole Barbarasa da Terni et Urbis Romae topographia ad Franciscum regem gallorum eiusdem urbis liberatorem invictum) et, enfin, Lucio Fauno (De antiquitatibus urbis Romae et sa traduction: Delle anti-chità della città di Roma). Cette production éditoriale a comme toile de fond les nombreuses réimpressions des Mirabilia Urbis qui se succèdent presque sans interruption.

Aucun livre parmi ceux qui ont été publiés en Italie dans les années 1540 n’est une édition du De architecura de Vitruve, mais il faut rappeler qu’en 1536 Giovan Battista Caporali avait publié à Pérouse la traduction

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des cinq premiers livres, en reproduisant les mêmes figures que celles de l’édition de Cesare Cesariano (Côme, 1521). A l’exception de quatre ex-cerpta ad usum discipulorum, seuls deux manuscrits vitruviens parmi les 16 du XVIe siècle arrivés jusqu’à nos jours sont en latin1.

C’est sans doute dans les années 1540 que Daniele Barbaro commence à travailler à une édition en langue vulgaire – qu’il publie en 15562 – ainsi qu’à une édition en latin de Vitruve, comme nous l’apprennent Francesco Marcolini, l’éditeur de 1556, et Francesco de’ Franceschi dans sa lettre adressée Aux lecteurs en 15673. Il faut souligner que le commentaire de l’édition latine de 1567 n’est ni la traduction du commentaire de l’édition en vulgaire de la même année ni celle de l’édition de 1556, comme je l’ai remar-qué il y a peu de temps au cours d’un congrès sur l’autotraduction4.

Les années 1540 sont aussi imprégnées du grand projet vitruvien de l’Accademia della Virtù réunie autour du Siennois vivant à Rome Claudio Tolomei et qui avait eu pour mécène le cardinal Hippolyte Ier d’Este. L’entre-prise de Tolomei, qui avait pris forme en 1540-1541, s’arrêta en 1545, quand le Siennois quitta Rome pour suivre Pier Luigi Farnese, au service duquel il était passé. Comme on le sait, le programme de l’Académie est décrit minutieusement par Tolomei dans une lettre adressée au Comte Agostino de’ Landi en novembre 1542. L’Académie se proposait d’étudier Vitruve, d’accomplir une édition critique, dirait-on aujourd’hui, du De archi tectura à travers l’analyse des éditions précédentes et de plusieurs manuscrits, d’améliorer l’appareil graphique par rapport aux illustrations de l’édition de Fra Giocondo (Venise 1511, Florence 1513 et 1522), de créer un lexique

1 Voir C.H. Krinsky, «Seventy-eight Vitruvius manuscripts», Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, 30, 1967, pp. 36-70; S. Schuler, Vitruv im Mittelalter.

Die Rezeption von «De architectura» von der Antike bis in die frühe Zeit, Cologne-Weimar-Vienne, 1999, pp. 347-395.

2 Voir I dieci libri dell’architettura di M. Vitruvio tradutti et commentati da monsignor Barbaro eletto patriarca d’Aquileggia […] In Vinegia per Francesco Marcolini con privileggi M.D.LVI.

3 Voir M. Morresi, «Le due edizioni dei commentari di Daniele Barbaro 1556-1567», dans Vitruvio, I dieci libri dell’architettura tradotti e commentati da Daniele Barba-ro 1567, avec un essai de M. Tafuri et une etude de M. Morresi, Milan, 1987 (réed.

1997, pp. XLI-LVIII: XLI et n. 3).

4 Voir I dieci libri dell’architettura…, M.D.LVI; M. Vitruvii Pollionis De architectura libri decem, cum commentariis Danielis Barbari, electi Patriarchae Aquileiensis […], Venetiis, Apud Franciscum Franciscium Senensem, & Ioan. Crugher Germanum, M.D.LXVII; F.P. Di Teodoro, «Al confine fra autotraduzione e riscrittura: le re-dazioni del commento vitruviano di Daniele Barbaro (1567)», dans Autotraduzione.

Teoria ed esempi fra Italia e Spagna (e oltre), éd. M. Rubio Árquez et Nicola D’Antuono, Milan, 2012, pp. 217-236.

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technique en latin, en grec et en volgare et de confronter, enfin, le texte de Vitruve avec les édifices de l’Antiquité.

Déjà Fra Giocondo avait donné un texte, non seulement fiable et établi à l’aide de manuscrits moins corrompus des familles G et H, comme l’a démontré Lucia Ciapponi, mais il l’avait aussi enrichi de 136 images répar-ties sur l’ensemble des dix livres5. Et Francesco Lutio Durantino, en 1524, dans son édition en langue vulgaire du traité avait fait précéder le texte par un lexique en volgare6.

Les Annotationes de Guillaume Philandrier, publiées à Rome chez An-drea Dossena en 1544, doivent beaucoup à l’Académie vitruvienne, mais on ne doit pas considérer comme des conjectures toutes les corrections au texte de Vitruve que Philandrier ne justifie pas, sinon dans l’édition lyonnaise de 1552. Il faut penser, par contre, à des manuscrits qu’on n’a pas encore ex-plorés7. Les éditions critiques modernes ne nous aident pas, mais la traduc-tion de Fabio Calvo pour Raphaël, transmise par deux manuscrits mainte-nant à la Bibliothèque Nationale de Munich, nous mène dans cette direction8.

Les Annotationes ont eu beaucoup de succès au cours du XVIe siècle.

Même Jean Martin, qui avait publié à Paris pour Jacques Kerver en 1546 sa traduction de l’Hypnerotomachia Polifili, le Songe de Poliphile de

5 Voir L. Ciapponi, «Il De architectura di Vitruvio nel primo umanesimo (dal ms. Bodl.

Auct. F. 5-7)», Italia medievale e umanistica, III, 1960, pp. 59-99; F.P. Di Teodoro,

«Fra Giocondo fra tradizione e traduzione», dans Giovanni Giocondo umanista, ar-chitetto e antiquario, actes de colloque (25° Seminario internazionale di storia dell’architettura, Vicence, 10-12 juin 2010), éd. P. Gros et P.N. Pagliara, à paraître.

6 Voir M.L.VITRVuio Pollione de Architectura traducto di Latino in Vulgare […], in Venetia, in le Case de Ioa(n)ne Antonio & Piero Fratelli da Sabio, Nel Anno del Signore M.D.XXIIII, f° AAiiv-CCiiiiv.

7 Voir Gulielmi Philandri Castilionii Galli Civis Ro(mani) in Decem Libros M. Vitru-vii Pollionis de Architectura Annotationes, Ad Franciscim Valesium Regem Chris-tianissimum […] Impressum Romae apud Jo. Andream Dossena Thaurinen(sem) Anno Domini M.D.XLIIII; M. Vitruvii Pollionis De Architectura Libri Decem Ad Caesarem Augustum […] Accesserunt, Gulielmi Philandri Castilionii, civis Romani annotationes castigatiores, & plus tertia parte locupletiores […] Lugduni, Apud Ioan. Tornaesium, M.D.LII; F.P. Di Teodoro, «Fra Giocondo fra tradizione …», à paraître.

8 F.P. Di Teodoro, «Quel(s) Vitruve? Le De architectura au début du XVIe siècle à la lumière de la traduction de Fabio Calvo pour Raphaël», Albertiana, XIV, 2011, pp. 121-141; F.P. Di Teodoro, «Qual(is) Vitrúvio(s)? O De architectura no início do século XVI à luz da tradução de Fabio Calvo para Rafael» (traduction de A. Casal et D. Loyolla-E.Fihlo), dans Na gênese das racionalidades modernas: Em torno de Leon Battista Alberti, éd. C. Brandão, P. Caye, F. Furlan et M. Loureiro, Belo Hori-zonte, 2013, pp. 419-443.

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Francesco Colonna (Venise, 1499) – une des œuvres les plus difficiles à tra-duire et à comprendre, parmi celles de la fin du XVe siècle, à cause da sa langue –, s’en est servi pour sa traduction française du De architectura: l’Architecture ou Art de bien bastir9.

Toutefois Jean Martin n’accepte pas toutes les corrections de Philan-drier. Par exemple il n’accepte pas le nombre 34 pour les colonnes éliminées du temple diptère pour parvenir au pseudodiptère; il écrit en effet: «il osta de la composition d’un temple Dipterique trente & huit colonnes interieures […]». Il n’accepte pas non plus le mot «sciographia» en lui préférant le plus traditionnel et orthodoxe «scaenographia», qu’il traduit par «perspective».

Il n’est pas même intrigué par la longue digression inhérente à la nécessité d’avoir aussi une «maquette» («Saepe vero dubitatum est numq(uam) archi-tectus ligno formam futuri operis (modulum appellant) (con)strueret, &

nos fecisse existimamus […]»: «On s’est souvent demandé si l’architecte construisait aussi une maquette en bois de son projet, dit modèle. Nous en sommes personnellement convancu»), en s’éloignant encore une fois de Phi-landrier (c. 9v).

L’Architecture ou Art de bien bastir, publié à Paris en 1547 par Jean Barbé, s’inscrit dans le contexte du renouveau architectural français des années 1545-1550 qui voit l’apparition d’une architecture utilisant les ordres antiques. Elle est contemporaine des projets de Philibert De L’Orme pour Anet et de Pierre Lescot pour le Louvre. L’ouvrage est très remar-quable aussi par les illustrations qui l’accompagnent: les planches sont, d’une part, empruntées à l’édition vénitienne de Vitruve due à Fra Giocondo (1511) et à l’édition de Cesare Cesariano (1521), d’autre part, au Deuxième et au Quatrième livres de Serlio, enfin d’autres ont été spécialement dessi-nées et gravées par Jean Goujon. C’est le sculpteur-architecte lui-même qui nous l’apprend dans sa lettre Aux lecteurs à la fin du livre10.

9 Voir ARCHITECTVRE ou Art de bien bastir, de Marc Vituue Pollion Autheur RO-MAIN ANTIQUE: MIS DE LATIN EN Francoys, par Ian Martin Secretaire de Monseigneur le Cardinal Lenoncourt. POVR LE ROY TRESCHRESTIEN HEN-RY .II., A PARIS, AVEC PRIVILEGE DV ROY. On le vend chez Iacques Gazeau, en la rue sainct Iacques l’Escu de Colongne. M. D. XLVII […] FIN DES ANNOTA-TIONS SVR VITRVVE, Imprimées a Paris, pour la Veuue & Heritiers de Ian Barbé, 1547. En ce qui concerne l’activité littéraire de Martin, je renvoie à Jean Martin: un traducteur au temps de François Ier et Henri II, Paris, 1999.

10 «Ian Gouion studieux d’architecture aux lecteurs»: «Pour rendre donc bonne declara-tion de mes figures, ie me suis deliberé d’en faire ce petit discours, & en specifier les particularitez assez au long, & par le menu» (f° D iij r).

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On connaît seulement deux manuscrits de la traduction de Martin. Le premier (Bibliothèque Nationale de France, ms. fr. 12338), découvert par Toshinori Uetani qui l’a annoncé en 200411, a été étudié par Uetani et par Henri Zerner en 200512. Il s’agit d’un manuscrit de présentation, confec-tionné probablement à Paris en 1544-1545. La plupart des dessins sont en sens inverse des gravures de l’édition imprimée et manifestent «générale-ment plus d’exactitude que le bois gravé». Henri Zerner se demande si Jean Goujon est l’auteur de ces dessins et conclut: «Il n’est donc pas exclu, il nous semble même probable, que nous tenons ici, pour la première fois, des des-sins autographes de la main de Jean Goujon»13.

Sur le deuxième manuscrit, presque inconnu, conservé à la Bibliothèque Nationale Universitaire de Turin (L2-I-1) et dont les pages portent 133 des-sins, Barbara Galli et Tommaso Zampagni ont attiré l’attention des spécia-liste en 200714; malgré cela, il attend encore d’être étudié et publié. Recensé par Stefan Schuler en 199915, on en trouve mention dans l’inventaire d’Al-bano Sorbelli (1922) et dans un essai d’Ernst Gotthard Wahlgren (1934)16. Le manuscrit est parvenu à l’Université Royale de Turin (maintenant Biblio-thèque Nationale Universitaire) par achat après la mort, en 1762, de l’archi-tecte, comte Giovanni Pietro Baroni di Tavigliano (alias Ignazio Giuseppe Antonio Agliaudi), un des élèves et collaborateurs de Filippo Juvarra. Il faisait partie d’un groupe de 194 livres et manuscrits d’architecture, de perspective, de fortifications et de mathématiques. La liste des livres a été publiée en 2002 par Angelo Giaccaria17. Endommagé en 1904 par un in-cendie, il a été restauré en 1986 et est devenu accessible à la consultation et

11 Voir T. Uetani, «Le manuscrit illustré du ‹Premier Livre de l’Architecture› de Vitruve, traduit par Jean Martin», dans Le traité d’architecture de Sebastiano Serlio, une grande entreprise éditoriale au XVIe siècle, premier volume de l’œuvre: Sebastiano Serlio à Lyon, architecture et imprimerie, éd. S. Deswart-Rosa, Lyon, 2004, pp. 420-421.

12 Voir T. Uetani et H. Zerner, «Jean Martin et Jean Goujon en 1545: le manuscrit de présentation du ‹Premier livre d’Architecture› de Marc Vitruve Pollion», Revue de l’Art, 149, 2005, pp. 27-32.

13 T. Uetani et H. Zerner, «Jean Martin…», 2005, p. 32.

14 Voir B. Galli et T. Zampagni, «Un manoscritto vitruviano inedito a Torino», Il di-segno di architettura, 33, 2007, pp. 3-10.

15 Voir S. Schuler, Vitruv im Mittelalter…, 1999, cod. 111, p. 388.

16 Voir A. Sorbelli, Inventari dei manoscritti delle Biblioteche d’Italia, 28, Firenze, 1922, p. 168; F.G. Wahlgren, Renseignements sur quelques manuscrits français de la Bibliothèque Nationale de Turin, Uppsala, 1934, p. 46.

17 A. Giaccaria, «Libri del conte Giovanni Pietro Baroni di Tavigliano venduti alla Regia Università di Torino», Bollettino della Società Piemontese di Archeologia e Belle Arti, LIII (2001-2002), 2004, pp. 171-196.

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aux études à une date récente. Le dixième livre est perdu en entier ou jamais existé, tandis que le neuvième s’arrête à la fin du deuxième chapitre. Il manque la lettre dédicatoire, le poème de l’auteur et la lettre Aux Lecteurs de Jean Goujon.

Le manuscrit se compose aujourd’hui de 87 feuillets. Il est conservé avec une gravure, également endommagée dans l’incendie, qui l’accompa-gnait peut-être dès l’origine ou qui y fut ajoutée par l’un de ses propriétaires successifs. Je ne l’ai pas encore identifiée dans les répertoires, mais n’exclus pas la possibilité qu’il puisse s’agir d’une épreuve.

Fig. 1. Turin, Biblioteca Nazionale, L2-I-1, ff. 87Av-87Bv. Droits réservés.

Il s’agit d’une vue urbaine (fig. 1) à la manière des scènes comiques et tra-giques que Serlio avait publiées dans son Secondo libro di perspetti[v]a/

Second livre de perspective (Paris, 1545), «mis en langue francoise par Iehan Martin, Secretaire de monseigneur revere[n]dissime cardinale de Lenon-court» et que Martin avait publié de nouveau, deux ans après seulement, dans le cinquième livre de Vitruve. Une vue perspective avec un espace vide au centre, bloquée à l’arrière-plan par un édifice qui coupe la feuille trans-versalement, une façade en bossage que l’on aperçoit à travers les arcades de cet édifice à deux étages à l’arrière-plan; des bâtiments à droite et à gauche, des rues qui transversalement séparent les édifices (on en voit au moins deux);

un obélisque qui émerge de son sommet au fond, en haut à droite.

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Le dallage sous les voûtes du porche à gauche et à l’arrière-plan ren-voient au pavage de la Perspective architecturale de grand format gravée par Serlio vers 1530-55 (mais pour laquelle Richard Tuttle a suggéré une datation proche de 1528-30)18. Les deux porches nous montrent deux dif-férents types de couverture des travées: une voûte d’arête à droite, une voûte en dôme sur pendentifs à gauche. Tandis qu’à l’intérieur du porche de droite, le mur présente une surface plate; dans celui de gauche, il est scandé par des parastates (qui correspondent aux piliers) dont les chapiteaux évasés sont moulurés en suivant le tracé de la corniche dont les moulures sont écrasées, à peu près comme on peut le voir à Rome dans le Cloître de Bramante à Sainte-Marie-de-la-Paix. Les arcades du porche de droite sont tangentes à un entablement ionique à frise bombée, que l’on retrouve dans plusieurs exemples du Deuxième (1545), Troisième (1540) et Quatrième livres (1537) du traité de Serlio.

Par ses choix linguistiques (l’emploi des ordres dans le premier étage et non au rez-de-chaussée, les boutiques symétriquement disposées par rap-port à l’arcade du rap-portail), le palais de droite renvoie au prototype braman-tesque du Palais Caprini à Rome, tandis que le volet soulevé de la boutique en premier plan renvoie à la perspective du feuillet 51r du Deuxième livre de Serlio (1545). Les baies protégées par un grillage au rez-de-chaussée, en correspondance du sous-sol, et qui occupent soit une petite partie du mur qui sert de comptoir pour les boutiques soit une petite partie sur le palier renvoient à l’usage de Rome. On les voit, par exemple, dans la gravure ano-nyme, datable vers 1545-1550, publiée par Antoine Lafréry dans son Spe-culum Romanae Magnificentiae, représentant une interprétation de l’éléva-tion du Palais Alberini de Raphaël, donnant sur la rue des Banchi. Le dallage en carré entouré de bandes au premier plan, aussi bien que la partie centrale de l’édifice qui ferme la vue (comme dans la Perspective architectu-rale), où une serlienne surmontée par un fronton s’élève sur une arcade en-cadrée par deux colonnes et par un entablement corinthien à l’architrave à deux fasces, renvoient à la marqueterie représentant le Miracle de saint Dominique exécutée après 1528 par Fra Damiano da Bergamo pour le chœur de l’église Saint-Dominique de Bologne, dont le dessin est attribué à Serlio19. On pourrait donc situer l’exécution de la gravure à la manière de Sebastiano Serlio dans les années 1540.

18 Voir S. Frommel, Sebastiano Serlio architetto, Milan, 1998, p. 52; R. Tuttle, «Sebas-tiano Serlio bolognese», dans Sebas«Sebas-tiano Serlio, actes de colloque (Sesto Seminario Internazionale di Storia dell’Architettura, Vicence, 31 aôut-4 septembre 1987), éd.

C. Thoenes, Milan, 1989, pp. 22-29.

19 Voir S. Frommel, Sebastiano Serlio…, 1998, pp. 52-54; R. Tuttle, «Sebastiano Ser-lio…», 1989, p. 27.

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