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Visions du monde Utopie et imposture Utopie et imposture

La connaissance de l’Autre : état des lieux

PREMIER CHAPITRE :

B) Imaginaires et mentalités

2) Visions du monde Utopie et imposture Utopie et imposture

Samuel Huntington envisage un monde dans lequel le sentiment culturel prédominerait, déterminerait les stratégies politiques. Edouard Glissant croit en la possibilité d'un monde sans conflits identitaires, un monde enfin en accord avec son temps, celui de la Relation. L'un entend que l'Occident enraye son déclin, que l'Amérique réaffirme son statut de superpuissance. L'autre annule le territoire dans le lieu. Les théories de l'un sont travaillées par la nostalgie du passé, d'où l'importance du mythe anglo-protestant. La poétique de l'autre est confiance dans l'avenir de la Relation. La théorie de la différence civilisationnelle, rehaussée de la célébration nationale,

1 Edouard Glissant, op. cit., 1996, p. 81. 2

apparaît finalement comme une régression dans le tracé de la catégorie de l'Autre. La Relation se révèle visionnaire.

Les deux auteurs ne décrivent pas tant le monde tel qu'il est que tel qu'ils voudraient qu'il devienne. Il semble néanmoins que Samuel Huntington considère que le monde se vit d'ores et déjà en termes civilisationnels. Ne voit-il pas dans la guerre d'Afghanistan (1979-1989), la première guerre civilisationnelle? Edouard Glissant de son côté, considère que la créolisation ne concerne plus seulement les Caraïbes : le monde dans son entier se créolise. Néanmoins, le travail de l'imaginaire reste encore balbutiant, la pensée atavique résiste à la pensée composite. Une preuve réside dans le succès des théories du métissage qui, si elles constituent une avancée non négligeable dans la représentation de l'Autre, présentent encore justement la limite de penser l'être et non l'étant.

Quoi qu'il en soit des positions respectives des deux auteurs, ce qui est important, c'est que le monde ne semble encore avoir complètement adopté ni la théorie de la différence civilisationnelle rehaussée de célébration nationaliste, ni la poétique de la Relation. En ce sens, affirmer que c’est le critère culturel qui avant tout autre détermine les stratégies politiques relève déjà de l'imposture. De la même manière, rêver d'une prochaine célébration du Divers et ce, malgré l'imprédictibilité qui le caractérise peut sembler relever de l'utopie.

Le monde est sans doute en quête de réponses identitaires. Les raisons en sont multiples. Il y a cette réduction de la plage temporelle dans laquelle se déroulent les contacts de cultures et qui aboutit à ce que Edouard Glissant appelle le chaos-monde. Si le chaos-monde n'est pas chaotique, du moins il peut paraître déstabilisant. Ces rencontres de cultures qui défient tout contrôle, qui imposent leur propre économie, ne peuvent laisser indifférent. Il en va de même de la fin de la guerre froide qui a rendu caduque la grille de lecture qui à l'Ouest opposait l'Est. Que dire encore de la fin de l'apartheid pour certains plus déterminants que celle de la guerre froide, et qui donne à lire autrement les rapports entre Noirs et Blancs. Les réponses aux questions identitaires peuvent donc varier en fonctions des critères privilégiés et des interprétations adoptées. Edouard Glissant privilégie le constat du chaos-monde et y voit le lieu de la poétique de la Relation. Samuel Huntington privilégie la fin de la guerre froide qu'il interprète comme marquant la fin des idéologies et l’avènement du critère culturel. Cependant, malgré la rigueur rhétorique dont il sait faire preuve, son texte n'est pas sans contenir des failles qui discréditent la théorie civilisationnelle et la dénoncent comme étant une

imposture. Quant à Edouard Glissant, il reconnaît lui-même le caractère utopique de la poétique de la Relation, voire il le revendique :

« [Gaston Mirron] — J'ai l'impression que vous fondez beaucoup d'espoirs sur la littérature pour créer un nouvel imaginaire et éventuellement par la suite un ordre mondial nouveau qui serait celui de la créolisation. Est-ce que ce n'est pas un peu utopique?

[Edouard Glissant] — Tout à fait, c'est utopique. Mais je pense que rien ne se fait sur la terre de valable sans utopie. Je ne connais pas de grande œuvre des humanités qui se soit faite sans utopie1. »

La question que Gaston Mirron pose à Edouard Glissant dénonce l'impression de chimère que peut laisser la poétique de la Relation, chimère qui transparaît non seulement dans la fin qu'elle se propose mais surtout dans le décalage entre cette fin et les moyens dont elle dispose. En effet, la poétique de la Relation peut sembler promettre un monde idéal et cela par le seul travail de l'imaginaire. C’est pourtant se tromper que d'entendre la Relation comme étant la promesse d'un monde idéal. Edouard Glissant le précise lui-même, la Relation n'est pas une panacée aux misères du monde :

« Nul imaginaire n'aide réellement à prévenir la misère, à s'opposer aux oppressions, à soutenir ceux qui "supportent" dans leur corps ou dans leur esprit2. »

Du moins la Relation autorise-t-elle un monde autre, un monde dans lequel si misère il y a, elle ne sera pas la conséquence de conflits identitaires. Pour ce qui est des moyens, il est vrai que Edouard Glissant ne semble proposer rien de vraiment concret. La Relation n'est pas un programme. Tout repose sur un changement des mentalités induit par l'imaginaire, par une poétique de la Relation dont le mécanisme reste difficile à saisir. La Relation se laisse difficilement appréhender. Elle n'est pas « intellectualisable », tout juste est-il possible de la pressentir, de l'imaginer. Elle reste peut être trop abstraite pour ne pas paraître chimérique, d'autant plus que la multitude de notions qui devraient aider à son appréhension restent elles mêmes difficiles à saisir. Qu'est-ce finalement que ce lieu auquel opposer le territoire? Qu'est ce que le droit à l'opacité? Comment vivre concrètement l'expérience du multilinguisme, sentir la présence des langues du monde dans la pratique de la sienne et ce sans avoir à toutes les

1 Edouard Glissant, op. cit., 1996, p. 100. 2

connaître? Le problème avec les notions glissantiennes, c'est qu'elles se définissent surtout par ce qu'elles ne sont pas. Ainsi en est-il de l'imaginaire, pourtant primordial à la Relation : « l'imaginaire n'est pas le songe, ni l'évidé de l'illusion1 ».

Avec Edouard Glissant tout demande à être imaginé, même « l'imaginaire ». La poétique de la Relation n'est rattachable à rien de concret, elle semble dépasser l'entendement, elle relève du paradoxe :

« J'appelle Chaos-monde le choc actuel de tant de cultures qui s'embrassent, se repoussent,

disparaissent, subsistent pourtant2… »

« La créolisation n'est pas fusion, elle requiert que chaque composante persiste, alors

même qu'elle change3… »

A cela, il faut ajouter le lien complexe qui existe entre l'imaginaire et la Relation. Si l'imaginaire ouvre à la Relation, il est lui-même informé par la Relation.

Tout cela peut paraître chimérique à force d’être abscons du fait d'une abstraction et d'une propension au paradoxe trop prononcées. Pourtant la Relation conduit à une approche du réel qui, elle, est concrète, qui est résistance parce que vaccination :

« Si l'imaginaire de la totalité n'aide personne à structurer de résistance, du moins peut-on croire qu'il permettra à tous de se garantir contre tant d'errements qui sont provenus des anciennes pensées de l'idéologie4. »

Les mentalités travaillées par la Relation deviennent rebelles à un certain ordre du réel. Elles sont notamment contre :

« … les donneurs de leçon généralisante. Contre l'idéologie qui se suffit à elle-même. Contre les petits maîtres locaux. Contre l'enfermement nationaliste intolérant. Les obsédés de la puissance militaire. Les dépositaires de la conscience collective. Les porteurs de paroles5. »

Si utopie il y a, elle semble donc au final suffisamment ancrée dans le réel pour s'attaquer à le changer par le travail de l'imaginaire. En ce sens, Edouard Glissant a raison quand il revendique ce caractère utopique : la poétique de la Relation est d'une utopie qui peut s'avérer somme toute constructive, performative.

1

Edouard Glissant, op. cit., 1997, p. 22 . 2 Idem.

3 Edouard Glissant, op. cit., 1997, p. 210. Le texte d’origine n’est pas souligné. 4 Edouard Glissant, op. cit., 1990, p. 217.

5 Idem.

Qu'en est-il des failles qui dénoncent comme une imposture la théorie de la différence civilisationnelle?

La caution scientifique dont se réclame Samuel Huntington, se révèle après analyse, bien fragile. En se sens, une étude approfondie des références que cite l'auteur pourrait s'avérer intéressante. D'une part, elle pourrait statuer sur la crédibilité de certains des auteurs cités, d'autre part, elle pourrait vérifier si les auteurs pris comme caution, entendent bien « la civilisation » dans le sens que lui donne Huntington, s'ils ne sont pas trahis.

Sans aller jusque là, la fragilité scientifique de l'écriture huntingtonienne apparaît de manière beaucoup plus évidente dans la méthodologie adoptée. Une méthodologie scientifique voudrait que les analyses précèdent les conclusions. Or le travail de Samuel Huntington consiste à faire en sorte que l'analyse s'inscrive bien dans le schéma préétabli de la différence civilisationnelle, même si cela suppose parfois des tours de force. L'interprétation qu'il donne des guerres de l'ex-Yougoslavie en est un bon exemple. Huntington démontre combien les catholiques ont choisi de soutenir les Croates, les orthodoxes les Serbes, tandis que les musulmans se mobilisaient pour les Bosniaques. Cependant, il se heurte à ce qu'il nomme dans un premier « l'anomalie américaine ». En effet le comportement américain face aux Bosniaques s'adapte difficilement à une lecture civilisationnelle. Huntington forge alors le concept de « Realpolik civilisationnelle » pour tenter de sortir de l'impasse. Le comportement américain en faveur des Bosniaques n'aurait de ce point de vue, finalement rien d'anormal. Il obéirait plutôt à une stratégie qui vise à diminuer « l'influence des pays fondamentalistes musulmans, comme l'Iran et l'Arabie Saoudite, auprès des Bosniaques précédemment laïques et tournés vers l'Europe1 ». A l'argument de la « Realpolik civilisationnelle », Huntington ajoute celui d'un calcul stratégique des Bosniaques qui ont su se donner à voir comme victimes d'un génocide, réveillant ainsi la sympathie des Occidentaux, particulièrement des Américains sensibilisés qu’ils sont à l’idéologie multiculturaliste que les Bosniaques ont tôt fait de mettre en avant.

Le fait est que les arguments avancés par Huntington, d'une certaine manière, brisent d’eux-mêmes l'idée selon laquelle il n'y a pas d'échange, d'entraide possibles entre communautés appartenant à des civilisations différentes, dans la mesure où ils

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reconnaissent que des Américains aient pu se sentir proches, voire s'identifier à des Bosniaques :

« Selon la phrase de Rebecca West, les Bosniaques devinrent pour les Américains "le petit peuple familier des Balkans, niché dans leurs cœurs comme un groupe souffrant et innocent, éternellement massacré et massacreur jamais"1. »

Du reste, le concept de « Realpolik civilisationnelle » échoue à faire oublier comme le voudrait Huntington, que les décisions prises sont déterminées par des calculs qui, avant d'êtres culturels, sont politiques. C'est ce que rappelle Marc Crepon dans cet extrait de L'Imposture du choc des civilisations :

« Huntington oublie complètement et délibérément la question de l'origine sociale et politiques des chefs de guerres serbes, la fabrication cynique d'une culture de l'ennemi (sans laquelle la guerre n'aurait pas été possible) à des fins purement politiques, c'est-à-dire en vue de la conservation du pouvoir2. »

Au final, « l'anomalie américaine » loin de conforter la théorie de la différence civilisationnelle, comme l'aurait espérer Samuel Huntington, aide à la mettre à mal, la dénonce comme étant une imposture.

Les rôles réservés à l'islam, et à la « civilisation chinoise » relèvent également de l'imposture. Huntington, dans Qui sommes nous ? dénonce les vérités partielles :

« Une vérité partielle ou une demi-vérité est souvent plus trompeuse qu'un pur et simple mensonge. Il est facile de révéler la véritable nature d'un mensonge en citant des exceptions qui le contredisent. […] Une vérité partielle en revanche, est plausible car elle repose sur un certain nombre de fait réels3. »

Or, il ne fait rien d'autre qu'user de vérités partielles lorsque, par exemple, il assimile islam et militarisme notamment dans « Du sang aux frontières de l’islam4 ». Après avoir affirmé que l’islam est impliqué dans bon nombre des conflits, il conclut que l’islam est guerrier par essence.

Les failles qui dénoncent l’écriture huntingtonienne comme étant une imposture sont autrement plus nombreuses. Il n’est cependant pas nécessaire de dresser une liste exhaustive pour faire état de la dangerosité de la théorie de la différence

1 Idem.

2 Marc Crépon, L'imposture du choc des civilisation, Nantes, Editions pleins feux, 2002, p. 52. 3 Samuel Huntington, op. cit., 2004, P. 47.

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civilisationnelle. Il suffit de rappeler que Huntington oublie par moments de se montrer prudent :

« Ce danger [celui de l’africanisation de l’Occident] serait cependant atténué par une importante réduction de la population africaine due au sida et aux autres épidémies1. »

« Les colons du XVIIe et du XVIIIe siècle se sont déplacés en Amérique parce que l'Amérique était une terre vierge, une tabula rasa. Hormis les tribus indiennes, que l'on pouvait exterminer ou refouler vers l'ouest, il n'existait aucune société humaine2 ? »

Par ailleurs la véritable question n'est peut-être pas de déterminer combien la théorie civilisationnelle relève de l'imposture, ni combien la poétique de la Relation peut être une utopie. La véritable question est de déterminer dans quelle mesure les mentalités peuvent être influencées par l'une ou l'autre.

Retombées

Il n'est pas facile, à supposer que cela soit possible, de déterminer l'influence que chacun des auteurs peut exercer sur le public. Quels que soient les indices pris en compte, ils resteront incomplets. Il serait ainsi vain de penser deviner dans le nombre d'exemplaires vendus, l'influence d'un auteur : lire un ouvrage ne signifie pas adhérer aux idées qu'il défend. Si Huntington est beaucoup lu, il est également beaucoup critiqué. Le critère de la classe sociale du public ne semble pas plus pertinent. Malgré sa prétention scientifique, Huntington peut sembler de lecture beaucoup plus accessible que Edouard Glissant. Les concepts glissantiens sont souvent difficiles à saisir, alors que les œuvres de Samuel Huntington, par leur simplicité s'apparentent à des ouvrages de vulgarisation. Il ne serait pourtant pas justifié d'en conclure que Edouard Glissant touche moins de personnes, ni qu'il touche en priorité une élite intellectuelle. La manière de concevoir son identité n'est pas seulement fonction du niveau d'instruction.

1 Ibidem, p. 223.

Le propos de Samuel Huntington est d'autant plus inquiétant qu'il pourrait être lu comme la confirmation de la thèse selon laquelle le VIH est utilisé comme arme biologique pour lutter contre le danger de la démographie africaine (voir note 2 page 41). Sans aller jusque là, il peut être compris comme une invitation implicite à ne rien faire pour enrayer l'épidémie en Afrique. Il est évident que de telles lectures ne pourront qu'être sources de conflits.

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Qui plus est, Edouard Glissant parle d'avantage à l'imaginaire qu'à l'intellect. Par ailleurs, Huntington est l'exemple patent qu'avoir de l'instruction n'est pas une garantie d'ouverture d'esprit sur la question identitaire. Dans le même ordre d’idée, il suffit de rappeler la contribution qui a été celle des intellectuels dans des drames tels que celui du Rwanda.

Un sondage risque de n'être pas plus satisfaisant : comment réunir un échantillon suffisamment représentatif? Surtout quelle sincérité attendre? Il faut considérer avec beaucoup de précautions les représentations que les personnes interrogées peuvent avouer avoir de l'Autre. Les réponses peuvent varier considérablement selon le contexte. Ainsi, après que Le Pen a passé le premier tour des élections présidentielles françaises de 2002, de nombreuses personnes qui, en d'autres circonstances, auraient hésité à avouer leur sympathie pour le FN, ont trouvé là, occasion de la revendiquer. A l'inverse, la conscience politique d'autres personnes s'en est trouvée aiguisée, d’où une importante mobilisation anti-FN lors du second tour. De la même manière, le 11 septembre a énormément modifié la manière de penser et de dire l'islam. Il reste néanmoins difficile de déterminer à quel point.

Les événements, le vécu de chacun influencent sans doute sa manière de se représenter l'Autre. Ils créent une prédisposition selon les interprétations qui leur sont données. De là, l'importance du travail des producteurs de discours mais aussi du public consommateur. En ce qui concerne les producteurs de discours, la théorie civilisationnelle doit une partie de son influence au traitement médiatique du 11 septembre. Marc Crepon dénonce ainsi les journalistes qui, pressés par l'urgence du commentaire, ont vu dans la théorie civilisationnelle, une prédiction des attentats :

« Ainsi, dès le 11 septembre, on peut lire dans Le Monde, sous la plume de Dominique Dhombres, un article intitulé "La prédiction de Samuel Huntington : le début d’une grande guerre", qui s’empressait de faire le rapprochement entre les analyses catastrophistes du professeur de l’université de Harvard et les attentats du 11 septembre1. »

Par manque de rigueur analytique, les médias peuvent permettre à des théories aussi dangereuses que celle de Huntington de paraître crédibles. Cela ne doit pas pour autant déresponsabiliser le public. En dernier recours, la représentation de l'Autre qu'il finit par adopter, dépend également de sa capacité à développer un esprit critique dans sa propre

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analyse des évènements, dans la critique des interprétations qui en sont données, dans sa lecture d'auteurs tels que Samuel Huntington d'une part, et Edouard Glissant de l'autre.

L'écriture huntingtonienne est la preuve que la catégorie de l'Autre résiste encore dans sa dimension qui donne à lire le couple « Je / Autre » en termes exclusifs. Pourtant cette dimension a été malmenée notamment par les appels répétés au métissage, à la reconnaissance de l'identité multiple. S'il est difficile de déterminer avec exactitude l'influence que la théorie de la différence civilisationnelle peut avoir sur le public, néanmoins, il peut être permis de penser qu'elle peut rendre inquiet. Bien que l'écriture huntingtonienne sache paraître mesurée, elle constitue un réel recul sur le tracé de la catégorie de l'Autre. Il n'est certes plus question d'inégalité des races, ni même du moins de manière explicite, d'inégalité culturelle. Mais, et le chapitre sur le nativisme blanc aura du mal à le démentir, il persiste un lien même ténu entre différence culturelle et différence raciale ; un lien que certains lecteurs ne manqueront pas de relever. C'est là qu'apparaît la dangerosité de l'écriture huntingtonienne dans ce qu'elle peut avoir de dissimulée. La théorie civilisationnelle résiste d'autant mieux à la contestation qu'elle soigne son apparence. Elle parvient ainsi à tromper certains médias qui voient là une grille de lecture pertinente. Les conséquences ne seront pas moindres si une telle grille devait parvenir à s'imposer.

A l'opposé de la théorie de la différence civilisationnelle, la poétique de la Relation appelle à un dépassement des différences. En cela, elle va plus loin que les diverses théories du métissage, de la multiappartenance identitaire qui sont appels à l’acceptation des différences. La poétique de la Relation rêve la caducité du concept de l'Etre, partant de la catégorie de l'Autre. Elle espère un avenir qui saura régler une fois pour toute la question identitaire. Elle peut néanmoins paraître utopique, trop éloignée des réalités du monde. C'est oublier que la poétique de la Relation est également le moyen d'une approche différente du monde.

DEUXIEME CHAPITRE :