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Une violence nécessaire ?

Chapitre 4 Une éthique de la violence politique ?

4.3 L E PARADIGME DE LA CONTRE VIOLENCE 1 La contre-violence

4.3.2 Une violence nécessaire ?

a. Y a-t-il des circonstances où l’usage de la violence s’impose ?

L’interprétation du recours à la violence à partir du paradigme de la légitime défense constitue l’une des facettes des théorisations militantes visant à identifier – dans un processus d’autolégitimation – les circonstances dans lesquelles un tel usage est justifié. L’inscription dans la continuité de la résistance incarne une autre de ces facettes. Le cadrage de la situation comme requérant l’utilisation des armes peut être abordé soit à partir du point de vue des acteurs, tel que nous avons commencé à le retracer, soit selon une perspective historique, soit à partir d’une approche conceptuelle associant analytiquement politique et violence2. Cette triple perspective se conjugue toutefois, lorsque se trouve mobilisé le paradigme de « l’absence d’alternative », avéré empiriquement et présent dans les justifications des acteurs, aussi bien en Italie qu’au pays basque. Mathieu en témoigne, lorsqu’il est interrogé sur ce qui l’a conduit à entrer dans la lutte armée :

« il est arrivé un moment où mon apport dans le mouvement social et politique a trouvé ses limites, à cause de la répression. J’ai pas vu d’alternatives réelles pour avancer, faire d’autres pas vers les objectifs que tu as dans ta tête. Donc j’ai compris que la lutte armée est un moyen pour parvenir aux objectifs du mouvement de libération nationale basque, et qui persistent aujourd’hui encore comme l’indépendance et le socialisme. Et j’ai compris que la lutte armée à cette époque était nécessaire. C’est pour ça que j’ai commencé le militantisme, conditionné ou aidé par le fait que dans l’ambiance internationale, il y avait beaucoup de mouvements révolutionnaires, en France, Allemagne, au Nicaragua, en Afrique du sud, etc. Influencé un peu par ce mouvement révolutionnaire international, j’ai décidé et essayé d’apporter ma contribution à l’organisation ETA ».

Afin d’analyser ces processus de cadrage, concluant à la nécessité de la violence politique, nous avons répertorié de façon systématique, les arguments avancés par les acteurs pour justifier leur recours à des moyens illégaux voire violents et surtout la nécessité d’y avoir recours. Au moins cinq registres, que nous allons explorer en détail, se dessinent : l’échec des moyens politiques conventionnels, la perte de confiance dans le système politique ou le sentiment d’avoir été trahi par les institutions représentatives ou nationales, une représentation instrumentale et

DC en 1979 et 1980). Pour IK, évoquons seulement la « nuit bleue » du 26 mars 1981 où eurent lieu de manière simultanée six attentats à l’explosif, en avril 1981 une attaque contre une agence de travail temporaire (Printer) à Bayonne et contre l’hélicoptère du président de la Chambre syndicale des fabricants d’espadrilles à Mauléon (Soule, Pyrénées-Atlantiques) ou encore le 1er mai 1981 l’attaque de deux agences de travail intérimaire à Hendaye (Pyrénées-Atlantiques).

1 Telle est également, pour l’Italie, la vision de Guido Crainz (Paese mancato).

stratégique de la violence politique, le cadrage de l’inéluctabilité de la violence au sein d’évolutions historiques majeures et enfin celui de la légitime défense. Nous verrons ainsi que la violence politique des mouvements étudiés se comprend mieux, lorsqu’elle est resituée dans un cadre d’intensification des conflits sociaux, dans des interactions de long terme entre mouvements, contre-mouvements et États.

En premier lieu, on observe empiriquement, au-delà même de l’enquête ici menée, que « les recours à la violence sont basés sur la conviction qu’il n’existe pas réellement d’autre moyen d’obtenir la prise en considération de ses attentes ou, plus radicalement, d’imposer ses solutions » (Braud, 1993). Les acteurs italiens, tels Federico1, ou basques tels Grégoire2, en témoignent (voir Della Porta, 1990 ; Zwerman, Steinhoff et Della Porta, 2000 ; et pour le pays basque Reinares, 2001, p. 87 et 89). Convergent dans ces témoignages les représentations passées de l’époque et le phénomène d’interprétation rétrospective3. On a parfois souligné que la représentation du système social et institutionnel comme étant bloqué pouvait tenir lieu de justification a posteriori de la révolte4, dans un contexte où l’Italie connaît des évolutions sociales majeures, se traduisant parfois dans la loi, comme en témoignent par exemple le statut des travailleurs ou le droit de vote à 18 ans (mars 1975). D’autres circonstances encore peuvent expliquer ce passage aux armes, telles le sentiment de discrimination subie par le groupe contestataire, ou la perte de confiance dans le système politique (voir Zimmermann, 1983, p. 157 et sqq.). Le mépris des institutions politiques centrales et nationales à l’égard des

1 Lorsque lui est posée la question : « jusqu’à quel point tu n’aurais pas voulu utiliser la violence ? », Federico répond : « Au niveau politique, social, la violence arrive et se justifie… lorsqu’il n’y a pas, on ne voit pas d’autres moyens, au moment où tout le champ des possibilités légales, démocratiques, précédentes, s’est évanoui, où l’on a fait tout ce qu’on pouvait faire, avec un consensus de millions de personnes… Car le parti communiste, […] il prenait les votes mais les gens voulaient aussi changer le monde […] et ils attendaient que le parti communiste les y invite. Il n’y avait pas de différence de sentiment entre les extra-parlementaires et le peuple communiste. […] Donc la violence surgit, elle se vérifie lorsque deux plaques tectoniques se heurtent, les montagnes se lèvent, et là, il y a beaucoup de violence. Cela dépend de la dimension des plaques, cela dépend de beaucoup de choses, mais

personne n’impose la violence à un monde qui n’en voudrait pas. La violence émerge des choses… ».

2 D’abord, « en étant dans ce petit mouvement politique, j’ai fait mes premiers pas dans la politique légale, et là aussi assez rapidement j’ai vu que la légalité avait ses limites. Et j’ai fait partie de ces jeunes qui ont considéré que pour se faire entendre de Paris, il fallait utiliser la voie de la violence politique. Et donc c’est comme ça que je suis entré à Iparretarrak. En voyant justement les limites de l’action légale, c’était une période où il y avait pratiquement toutes les semaines [des] manifestations à Bayonne, Biarritz, Hendaye, pour les écoles basques, pour les réfugiés, etc. Donc une période où l’expression démocratique était forte mais insuffisante. En tous cas, on avait que des sourdes oreilles, voire du mépris, voire de la violence policière face à nous. Évidemment dans ce contexte, il était assez rapide pour moi de passer la frontière de la politique légale à la politique illégale, celle d’Iparretarrak ». 3 Les propos de Marco le soulignent : « Il y a un événement qui, selon moi, est plus déterminant que tous les autres : le fameux coup d’État au Chili [contre S. Allende, le 11 septembre 1973]. Toute une génération a pu voir à la télévision ce qui se passe quand on arrive au pouvoir avec des méthodes démocratiques. Et les organisations révolutionnaires se sont mises à dire : “non, c’est inutile d’essayer de faire évoluer la société dans un sens socialiste, de tenter le chemin du communisme par la voie électorale et démocratique, parce qu’alors ils nous renverseront de la même manière”. Et puis, en plus de cela, Enrico Berlinguer développe une interprétation historique. Élu depuis peu secrétaire du Parti communiste, il commente le coup d’État au Chili de cette manière : “cela démontre que nous ne pouvons pas gouverner l’Italie, même avec 51 %”. En clair, il dévoile ce que les accords de Yalta prévoyaient – maintenant cela me semble évident, mais à l’époque je trouvais cela inacceptable – c’est-à-dire qu’il était impossible qu’un parti communiste dirige un pays de l’Europe occidentale, et du même coup arriver à connaître le détail de certaines combines, liées à l’OTAN, à Gladio, ce genre de choses liées à Alliance atlantique. Et donc, quand Berlinguer parle de cette manière, cela revient à dire : “vous avez raison. Dans ce pays un régime de démocratie libérale, traditionnelle – où chaque personne a un vote et si on gagne les élections, on va au gouvernement et on remplace ceux qui ont perdu – ne peut pas fonctionner”. C’est ça, tu vois ? Ce qui fait qu’à partir de l’année d’après, on a eu d’autres stragi (l’attentat de Brescia, contre une réunion syndicale, a eu un écho particulièrement fort à Milan, parce que nous nous trouvons à 50 km). Nous interprétions cela comme la confirmation qu’on approchait de l’instant T ».

4 Ventura (1984), par exemple, défend la thèse d’un choix idéologique de la violence et relativise voire conteste les explications contextuelles socio-politiques.

revendications au pays basque – dont le permanent rejet d’un département basque par les autorités françaises est un exemple – intervient de façon récurrente dans le souvenir des acteurs, ayant pris les armes comme de ceux qui les ont soutenus. Parmi ces revendications, on compte, du côté nord, l’officialisation de la langue basque, l’accession du pays basque nord au statut d’autonomie ou encore l’arrêt des poursuites contre les personnes recherchées.

L’absence de reconnaissance et la clôture du dialogue politique ont conduit certains à se détourner des outils politiques classiques de lutte, comme le reconnaît Grégoire : « Quand on voyait la réaction de Paris à ce temps-là : c’était silence radio, le mépris et la répression contre ceux qui manifestaient paisiblement dans la rue. Donc voilà, il y avait une fin de non recevoir qui était évidente, évidente. En tous cas, tous les éléments d’expression démocratique ne suffisaient pas à obtenir le minimum du minimum à ce temps-là ». Cette clôture est à son paroxysme dans le cas de la dictature franquiste où la répression contre toute revendication d’autonomie et les discriminations à l’encontre des Basques sont légion. Les circonstances de la prise du pouvoir par Franco, en particulier, nourrissent un argument légitimant le recours à des moyens comparables1. Tel est également le cas de la brutalité du régime (voir Reinares, 2001, p. 89). La conversion d’une violence jugée illégitime, perçue comme brutale, voire illégale – dans des configurations de coups d’État par exemple –, en un pouvoir ultérieurement légitimé intervient comme un argument majeur de récusation de la légitimité politique instituée ainsi que de la violence légitime de l’État qui s’y associe2. De même, la répression confère un substrat empirique crédible à l’argument de l’inversion de l’origine de la violence. Ainsi durant la période franquiste, existait un sentiment largement partagé concernant l’inéluctabilité du recours à la violence, pour autant que le régime, qui était à l’origine de toutes les répressions, était lui-même violent. Ce faisant, ETA acquit une crédibilité remarquable en tant que collectif apparemment le plus efficace, y compris dans un contexte de très forte répression. Comme le suggèrent d’autres campagnes d’enquêtes, le choix d’entrer dans une organisation clandestine, usant de moyens illégaux, paraissait alors normal. Fernando Reinares rapporte en ces termes le témoignage d’un militant : « Pour entrer dans ETA ? Non, d’une certaine façon, je ne me suis pas posé la question. C’est-à-dire que c’était la seule façon de faire de la politique que d’attaquer le régime violement parce qu’il n’y avait pas d’autre façon de faire de la politique » (Reinares, 2001, p. 87).

La perte de confiance dans le système politique ou le sentiment d’avoir été trahi, par les institutions représentatives, ont frappé les esprits en Italie, au pays basque comme dans la France mitterrandienne. Ils traversent les discours. Le cadrage de la « transition démocratique » espagnole dans les termes d’une « apparente » transition, que l’on trouve aujourd’hui encore de façon récurrente dans les discours d’anciens membres d’ETA et qui s’appuie sur une absence de renouvellement du personnel politique, administratif, judiciaire dans les institutions de l’État, traduit l’effacement des espoirs d’indépendance et la perte de confiance dans ces institutions. Julien propose ainsi une mise en perspective de la dictature franquiste avec la période postfranquiste3. Un même regard se retrouve en Italie dans le discours de S. Segio, fondateur de PL dont nous reproduisons ici l’extrait intégralement du fait de sa valeur informative :

1 « On parle d’un État gouverné par un putschiste qui a renversé la légalité en ce moment. Donc pourquoi pas poser la confrontation dans les mêmes termes ? » (Julien).

2 Comme Julien, S. Segio souligne que « l’histoire des révolutions a toujours démontré que quand la violence illégitime gagne et devient pouvoir légitime, elle n’abolit aucune violence, mais elle se substitue à celle qu’elle a combattue, en utilisant les mêmes institutions violentes, la prison, la police, l’armée… ».

3 Il est interrogé sur la possibilité – qu’il récuse – de parvenir aux objectifs d’ETA sans lutte armée : « non. Il y a pas de solution, il y a pas d’évolution possible sans une lutte conséquente. Je crois que ça c’est la première leçon à tirer. Après, la façon de se confronter, les outils amenés dans cette confrontation… à l’époque, on voyait pas autrement. C’était la théorie du moment. Il fallait se confronter. En plus, c’était beaucoup plus clair. C’était une dictature au départ. Tu as pas beaucoup de moyens. Il y a pas de moyens légaux pour changer la donne. Après tu vois, nous, on a dénoncé depuis 78, la transition que même avec cette apparence démocratique, à l’État espagnol,

« Quand la République italienne est née, le ver était déjà dans le fruit : les structures de l’État démocratique, la police, la magistrature en particulier étaient marquées par une grande continuité avec celles du fascisme, à tel point que, durant les années 60 et ensuite encore, 62 des 64 préfets de première classe avaient été formés sous le fascisme, de même que la totalité des 241 sous-préfets, les 135 préfets de police et leurs 139 adjoints. […] L’absence de démocratisation des forces de police et des appareils de sécurité, et leur imprégnation par une culture autoritaire qui a pour référence le fascisme, est l’une des conséquences prévisibles de l’amnistie promulguée par Palmiro Togliatti, chef du Parti communiste et premier ministre de la Justice de l’histoire de la République. Cette décision, prise en 1946, et une série d’autres de la même teneur ensuite, on fait qu’il n’y a pas eu d’épuration, mais bien une réelle impunité et, de la part des structures portantes de l’État, une absence d’attachement à l’idéal de la démocratie et à la République. Le fait est que, après la Libération, les procès pour cause de collaboration ont touché 43 000 personnes, dont 23 000 ont été amnistiées avant la fin de leur procès et 14 000 libérées en fin de procès. Il y a donc eu seulement 5 928 personnes condamnées par voie définitive, dont 334 par contumace ; la peine capitale a été infligée à 259 accusés, exécutés dans seulement 91 cas. In fine, 5 328 fascistes ont bénéficié de l’amnistie, de la grâce ou de remise de peine. Sept ans après la défaite du fascisme, à la fin de l’année 1952, il n’y avait plus que 266 condamnés dans les prisons. Au contraire, ceux qui avaient combattu dans la Résistance et qui, dans bien des cas, avaient été intégrés aux effectifs de police, ont été rapidement éloignés, et il n’est pas rare qu’ils aient été à leur tour emprisonnés et persécutés. Le contexte de Guerre froide, qui découlait des équilibres géopolitiques décidés à Yalta par les grandes puissances vainqueurs de la seconde guerre mondiale, a permis que les hommes qui ont soutenu le fascisme puissent continuer à avoir un rôle et à détenir le pouvoir au sein des structures de l’État, dans une perspective anticommuniste ».

Cette lecture n’est pas simplement idéologique puisque certains auteurs et historiens ont souligné la persistance des mêmes élites politiques durant la période franquiste et postfranquiste (voir Jaime-Jiménez et Reinares, 1998, p. 173). L’absence de purge après la mort de Franco et durant cette transition a été considérée comme le signe d’une continuité avec le régime franquiste1. Le pacte de Moncloa évoquait une réforme de la police et pourtant presque toute la structure et le personnel policier franquistes se sont maintenus durant la dite transition démocratique espagnole (Jaime-Jiménez et Reinares, 1998, p. 176). À titre d’exemples, Amnesty

International dénonçait en 1980 une absence de respect des droits et une augmentation des

mauvais traitements, y compris de la torture, avec des méthodes très similaires à celles qui étaient décrites dans le rapport de 1975 (voir Clark, 1984, p. 262)2. Au cours de la transition démocratique et de sa consolidation, la persistance de la répression et de la présence militaire au pays basque ont été perçues comme une attaque, une agression à l’encontre de la communauté. Durant cette période, le pays basque demeurait la région la plus militarisée d’Espagne. Dans les années 1980, 17 % des troupes espagnoles étaient concentrées dans un territoire recouvrant seulement 3,5 % de la surface du pays (voir Della Porta, 2013, p. 54). Du

on pouvait pas y arriver à aucun changement sans confrontation. Nous, on a abandonné la lutte armée […] mais on n’a pas abandonné la confrontation. La confrontation, elle est là. Et… en ce moment – moi, je vais pas chercher à me justifier dans le truc ; c’est la question qui me fait répondre comme ça. Mais les Catalans, en ce moment, ils nous donnent raison – pas eux mais la réponse de l’État espagnol nous donne raison comme quoi c’est pas la lutte

armée qui empêche une solution démocratique. Mais c’est le manque de volonté du pouvoir espagnol – pas des Espagnols

mais du pouvoir espagnol – qui empêche de pouvoir arriver sans confrontation, par la volonté, à un accord. Je crois que c’est pas d’il y a 50 ans, c’est pas de 30 ans […] qu’il y a des éléments pour dire que dans le cas de l’État espagnol, sans une confrontation, on peut arriver à quelque chose ».

1 On retrouve dans les travaux de Jaime-Jiménez et Reinares les mêmes arguments que parmi les militants que nous avons rencontrés. L’un résume assez bien la situation : « Franco meurt et tout continue comme avant… » (Jaime-Jiménez et Reinares, 1998, p. 123)

côté basque, la représentation négative de la violence de la police comme « la même que depuis toujours » (Reinares, 2001, p. 146) a poussé bien des Basques à adhérer, de façon affective et empathique, aux actions menées par ETA. Le souvenir personnel ou la mémoire indirecte de la répression sont souvent cités parmi les raisons de se révolter1.

Ce cadrage de la situation permet ainsi d’aborder et de présenter la violence comme une légitime défense de la communauté2. La conscience du péril subit par la communauté conduit M. Weber (1922a) a considéré qu’une communauté territoriale permanente – c’est-à-dire, dans sa perspective, une organisation politique – peut, dans certaines conditions historiques, culturelles, économiques, utiliser de façon légitime la violence. On vérifie à l’occasion des entretiens menés, comme ce put être le cas avec la violence politique de l’extrême gauche et des groupes de libération nationale – quand bien même elle a pu être jugée, à terme, inefficace –, l’existence d’un rapport entre cette violence et des conflits sociaux légitimes, dont les formes ont toutefois fini par se radicaliser3.

La sensation de trahison comme sentiment de clôture des opportunités politiques, et notamment du dialogue politique, conforte la conviction que la confrontation, éventuellement armée, est inévitable4. Cette perception de la clôture des opportunités politiques n’induit toutefois pas un usage désespéré de la violence politique, dont l’objectif serait de détruire le système, faute de pouvoir y trouver une place. En ce sens, la référence à la légitime défense et le cadrage interprétatif de la violence politique comme réponse à la violence d’État ne reflètent pas simplement une idéologie mais la réalité d’un contexte. Or la prise en compte du contexte, pour analyser les phénomènes de « terrorisme », demande d’être attentif à son ancrage historico-temporel, d’envisager la vie du groupe antérieurement à l’usage de moyens violents, mais également la place de la violence au sein d’un éventail plus large de pratiques, tout de même que l’évolution des stratégies violentes ainsi que leur hybridation avec des moyens non