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Des préférences altruistes : un dilemme entre autonomie et solidarité

Chapitre 3 Une morale dans l’engagement politique armé ?

3.4 L’ INDIVIDU ET LE COLLECTIF : CONVERGENCE ET DIVERGENCE DES UNIVERS NORMATIFS

3.4.1 Des préférences altruistes : un dilemme entre autonomie et solidarité

1 La littérature est abondante sur le sujet, voir à titre d’exemple Demant et al. (2008), Horgan (2008), Della Porta (2009).

2 La dissociation n’entre pas dans la présente perspective lorsqu’elle est le fruit d’une pression exercée par la répression. En revanche, nous envisagerons les cas de dissociation « spontanée », tel le congrès du 1er août 1982 pour AD. Militant d’ETA déporté, ayant passé des décennies en exil, Carlito, lorsqu’il est interrogé sur ce qu’il était prêt à faire ou ne pas faire au cours de son parcours militant, avoue : « J’ai eu la liberté de dire quand je voulais sortir ou rester dans la lutte. De fait, quand je suis arrivé ici [en Iparralde], j’étais fatigué de… tout, de tant d’années à l’extérieur, sans être avec ma famille, sans avoir vu ma fille […]. Je ne me suis jamais senti obligé de… Par exemple, quand je suis arrivé ici, je leur ai dit que je vais rester avec ma famille, que je ne m’engagerai plus. Tu restes toujours lié mais l’engagement n’est pas le même que quand j’étais jeune ou quand que je suis arrivé de l’expulsion. Ma famille et vivre avec la famille me manquaient. » On sait en revanche que María Dolores Katarain, dite Yoyes, a été jugée indésirable au pays basque sud et a fini par être exécutée par l’organisation le 18 septembre 1986.

L’identification à un groupe qu’elle ait pour support l’identité, les valeurs, les normes ou certains buts, a parfois été pensée comme le produit d’intérêts individuels, en particulier dans le cas de groupes structurés autour d’une identité ethnique (voir Hardin, 1997). Elle constituerait une condition pour œuvrer à des objectifs communs. L’identification au groupe est alors pensée comme le produit d’une convergence entre des intérêts individuels et des intérêts propres au collectif ou encore comme résultant du bénéfice que procure à l’individu le fait d’être inclus dans ce dernier (Hardin, 1997, p. 10). Ce type d’identification signifierait, intrinsèquement, un engagement1.

Concernant nombre d’identifications, on ne peut supposer que les individus ont délibérément entrepris de développer ou d’adopter l’identité correspondante, pour justifier de leur participation au groupe. Si cette identification ne résulte pas systématiquement d’un choix conscient, en revanche, différents choix – réalisés par l’individu – peuvent finalement le conduire à s’identifier à un collectif (Hardin, 1997, p. 48). La participation à ce dernier bénéficie souvent à ses membres. Elle est susceptible, par conséquent, de contribuer à développer une identification apparente ou réelle avec lui (Hardin, 1995, p. 48). Ces bénéfices peuvent être de type matériel (comme le fait de jouir d’un environnement sécurisant et confortable ou d’acquérir un meilleur emploi, statut ou position, si le groupe parvient à ses fins, ou encore d’un statut valorisant au sein du groupe). D’autres avantages peuvent être d’ordre moral, tels que les plaisirs de la participation à une vie collective (Hardin, 1997, p. 53-54). L’identification au groupe s’approfondit à travers les informations et les capacités que les individus acquièrent en y vivant. Ainsi la communauté peut être investie d’une fonction instrumentale par ses membres – ce qui peut les conduire à penser que ce collectif est intrinsèquement bon et que sa valeur n’est pas simplement contingente (Hardin, 1995, p. 70). L’identification à un groupe peut enfin contribuer au renforcement de l’ego (voir Herskovits, 1972).

Ces interprétations – faisant référence au bénéfice de la participation au groupe – tendent à considérer que les individus font ce qu’ils font non pas seulement à cause de la « théorie » explicative qu’ils ont élaborée pour y entrer et soutenir sa cause mais en raison du profit réel qu’ils en retirent. Leur rationalité serait alors « utilitaire », puisque le choix des moyens (i.e. les conduites adoptées) serait indexé sur des fins (les profits retirés), dans une logique empirique plutôt que théorique. Cette interprétation des raisons de la participation au groupe paraît toutefois assez peu pertinente dans les cas qui nous occupent. Hardin reconnaît cependant que l’engagement, même nationaliste ou ethnique, peut comporter des motivations idéalistes ou altruistes (Hardin, 1997, p. 49).

En effet, dans le cas des organisations dites terroristes, le secret est de mise : lorsque les individus participent à leur soutien logistique, leur activité doit être ignorée de tous. Cette exigence s’impose également aux commandos qui œuvrent dans la clandestinité. Pour les uns comme pour les autres, les coûts paraissent bien supérieurs aux bénéfices, comme en témoignent les peines de prison y compris pour des personnes n’ayant participé qu’à la logistique des organisations2. Les individus en sont parfaitement conscients. Les extraits précédemment rapportés d’entretien avec Federico le montrent3.

1 « “Identification” means “commitment” » (Hardin, 1997, p. 7). 2 Le devenir d’ETA dans les années 2010 le confirme encore.

3 « Le but était la révolution. Évidemment on ne la pensait pas – c’était la spécificité des BR notamment –, on ne la pensait pas comme un acte du jour “x”, mais comme on le disait à l’époque, c’est un processus de longue durée, puisque les expériences les plus récentes de révolution, la révolution chinoise, la résistance vietnamienne, l’expérience de Cuba, les guérillas latino-américaines, etc., amenaient à dire que ce n’était plus la Révolution d’Octobre, où une société se rebelle et quelqu’un arrive à organiser une insurrection gagnant. C’est un processus de longue durée, où l’on construit la force, on perd la force, parce que bien entendu il y a une bataille continue à faire, cependant on cherche à affaiblir l’ennemi et à se renforcer. C’est ça l’idée en principe. Tout en sachant que dans ce jeu, il était bien plus probable d’y laisser sa liberté, d’y laisser sa vie plutôt que gagner ». Voir également Federico, en 3.3 p. 88, note 3* : « on sait que l’on est relativement peu nombreux… ».

Les membres d’organisation illégales et/ou terroristes s’exposent à la répression policière et judiciaire. Certains sont morts du fait de la torture1. Ils sont souvent incarcérés, avec des peines majorées du fait des législations antiterroristes2. Ils se soumettent à des grèves de la faim voire se suicident, de sorte que l’on en vient parfois à penser qu’ils agissent comme si les coûts étaient, pour eux, des bénéfices (Biggs, 2014). Sans exclure l’existence de bénéfices individuels, ceux-ci sont plutôt pensés et appréhendés, en particulier dans les groupes d’extrême gauche et de libération nationale, comme collectifs, les actions menées étant envisagées comme contribuant à un « bien collectif ou commun »3. Si l’interprétation de la participation à un groupe, proposée par Hardin, semble non pertinente dans le cas étudié, du fait notamment des risques encourus, d’autres approches en revanche, tout en privilégiant l’hypothèse de la rationalité, prennent leur distance avec le principe de l’égoïsme. Elles se détournent de la thèse selon laquelle les individus ne se soucient que de leurs ressources matérielles (l’utilité individuelle étant identifiée à l’argent ou, à tout le moins, à des bénéfices matériels). En revanche, elles assument que certains individus ont des préférences concernant autrui, i.e. des préférences pro-sociales ou altruistes (other-

regarding preferences). Celles-ci sont le fruit de la socialisation et de l’internalisation de valeurs et de

normes sociales (voir Fehr et Gintis, 2007). Ainsi la croyance d’avoir lutté pour la réalisation d’un bien commun s’affirme, y compris rétrospectivement, chez la plupart des acteurs notamment de la RAF, tel Ludwig s’expliquant sur la différence entre radicalisme et terrorisme (voir supra 3.2.1, p. 100*) et faisant du dépassement de l’égoïsme un axe central de son engagement de l’époque4.

Afin de comprendre comment l’intérêt individuel peut se fondre dans un intérêt appréhendé et présenté comme collectif ou commun, il est nécessaire de se tourner vers la notion de préférences altruistes5. La théorie économique classique s’est construite autour du modèle de

1 Tels Joseba Arregi Izagirre, Esteban Muruetagoiena Scola ou Gurutze Iantzi Igerategi pour le versant basque. 2 Voir pour la France, en particulier la loi du 22 juillet 1992 portant réforme des dispositions du code pénal, relatives à la répression des crimes et délits contre la nation, l’État et la paix publique. Cette loi insère les actes de terrorisme dans le nouveau code pénal, pour en faire des infractions spécifiques et plus sévèrement sanctionnées. De même, la loi du 16 décembre 1992 relative à l’entrée en vigueur du nouveau code pénal maintient et précise la procédure dérogatoire applicable aux actes de terrorisme. Pour l’Espagne, voir le décret loi 10/1975 puis les évolutions législatives de 1981, 1984, 1988, 1995, 2000, 2003, et pour l’Italie, les lois Reale de 1975, la loi Cossiga de 1980 et la loi sur les repentis de 1982.

3 Il n’est pas à exclure toutefois que des actions sont menées au strict bénéfice de l’organisation elle-même, pour sa consolidation ou dans un rapport de rivalité avec d’autres organisations illégales dans des dynamiques d’entraînement réciproque (voir Sommier, 2008 ; Della Porta, 2013). Pour survivre et s’imposer dans le jeu des organisations existantes, dans un contexte où celles-ci sont nombreuses, un groupe actif est conduit à s’affirmer par les actions qu’il entreprend (voir Della Porta, 2013, p. 147).

4 « J’ai été radicalisé, j’ai mené un combat armé […] pour un monde meilleur et plus juste… ». L’articulation entre l’égoïsme et son dépassement est structurelle dans l’appréhension du monde de Ludwig. Il soulignait antérieurement dans l’entretien : « lorsque je me suis engagé dans la RAF, le mot ‘égoïsme’ avait une connotation négative… » (voir supra 3.3.1, p. 84, note 3*). Un discours comparable se trouve chez des Brigadistes tels Federico, incarcéré plus de 23 ans, lorsqu’il est interrogé sur de possibles doutes au cours de sa vie de lutte (voir supra 3.2.2, p. 60, note 1*).

5 Cette notion s’exprime spontanément dans les discours de nombre d’anciens terroristes, tels Rana impliquée dans le Mouvement du 2 juin et explicitant ce qui constituait, à l’époque, la morale ou l’éthique dans son organisation et dans la lutte : « nous nous sommes sentis du bon côté, du côté des personnes privées de droits, du côté des Palestiniens, de tous ceux qui livraient un combat. C’était notre côté et nous nous sommes ensuite sentis responsables. Nous n’étions pas seulement responsables des hommes en Allemagne mais aussi de tous ces hommes partout dans le monde qui livraient un combat. Cela nous a parfois apporté des difficultés… ce qui est bon pour certaines personnes ne l’est pas forcément pour toutes ». Aña, qui faisait partie des autonomes de l’époque, lui fait écho : « Je crois néanmoins que ça correspond plus à un besoin de faire plus pour se rapprocher de la liberté, de la justice. Déjà quand j’étais enfant on m’avait enseigné ce qui était injuste et donc, ce processus, c’était plus la recherche d’un sens pour une société où les hommes seraient tous égaux. Ce n’était pas dans ma tête mais je dirais plutôt que ça a toujours été dans mon cœur, ça a été mon moteur jusqu’à aujourd’hui. Bien sûr que ça a concerné

l’individu rationnel, privilégiant la poursuite d’intérêts égoïstes et essentiellement motivé par des préférences autocentrées (voir Edgeworth, 1881). La rationalité substantielle n’admet comme motivations individuelles que celles issues de l’axiomatique de l’intérêt. En limitant les motivations à des objectifs individualistes, elle s’interdit de penser la particularité de l’altruisme et du désintéressement (voir Batifoulier et al., 1992)1. Pourtant on parle, y compris en économie, de préférences altruistes, lorsque la fonction d’utilité d’un individu intègre l’utilité d’Autrui2. La théorie économique privilégie deux conceptions de l’altruisme, c’est-à-dire deux types de relations à autrui, la compassion et l’engagement (voir Edgeworth, 1881 ; Collard, 1975 ; Sen, 1976)3. Dans ces cas, les individus présentent des préférences altruistes et ont des buts qui dépassent l’objectif de maximisation de l’utilité. Ils nourrissent des valeurs morales ou des choix socialement valorisants (voir Hirschman, 1984). Certaines interprétations tendent à réintégrer ce type de préférences dans l’utilité individuelle : l’altruisme devient alors une source de satisfaction pour l’individu, que ce soit directement ou indirectement. Il l’est directement, lorsqu’il est considéré comme un argument supplémentaire de l’utilité individuelle. Il l’est indirectement, quand il permet aux individus de parfaire leur réputation. L’altruisme et tout agir désintéressé – tel les dons, la promotion de valeurs collectives – ne se justifient alors que dans la perspective d’un bénéfice ultérieur perdant ainsi toute spécificité. Toutefois et quand bien même ces comportements relevant de l’altruisme ne seraient pas gratuits, il serait réducteur d’en faire des phénomènes exclusivement intéressés.

Une posture moyenne consiste à intégrer, dans la détermination des motivations subjectives, un système de valeurs et de croyances qui autorise la prise en considération de valeurs différentes de l’utilitarisme, sans pour autant exclure l’intérêt individuel pour les avantages matériels (voir Sen, 1976 ; Simon, 1983). L’altruisme se comprend alors, non pas au sens du désintéressement absolu, gratuit et sans retour, mais au sens d’un « égoïsme éclairé » (Simon, 1983) qui trouve sa place entre le don purement gratuit et l’échange purement intéressé. On parle alors d’engagement, lorsqu’une personne choisit une action dont elle escompte qu’elle lui apportera un degré de bien-être personnel inférieur à celui que lui procurerait une autre action qu’elle pourrait également mener (voir Sen, 1976, p. 98). Si l’on tient compte de l’incertitude concernant le bien-être escompté, l’engagement se conçoit alors comme le choix d’une action, produisant un degré de bien-être escompté inférieur à celui qu’offrirait une autre action possible4.

Dans certains cas que nous étudions, l’individu renonce à maximiser son bien-être personnel, non par souci impartial d’autrui en général, mais par engagement vis-à-vis d’un groupe

d’autres personnes, mais avant il y en avait eu beaucoup d’autres ». Les effets de la socialisation primaire ainsi que l’intériorisation de certaines normes et valeurs sociales sont manifestes dans ce discours.

1 « En autorisant le respect de valeurs altruistes, désintéressées, ou collectives, on élargit la conception même de l’individu qui n’agit plus dans un univers désincarné, dépourvu de lien social, mais s’intègre au contraire dans une société où le collectif ne peut être réduit à la somme des éléments qui le composent, où des normes sociales guident également les comportements, en plus de valeurs plus individualistes » (Béjean et al., 1999, p. 21). Or la sociologie ne manque pas de montrer que les normes sociales sont structurantes des comportements individuels.

2 J. Harsanyi propose de distinguer deux types de préférences, au sein des préférences individuelles, en l’occurrence des préférences éthiques, exprimant ce que l’individu préfère – ou préférerait – en fonction des seules considérations sociales ou impersonnelles, d’une part, et des préférences subjectives, d’autre part, exprimant ce que l’individu préfère en réalité, que ce soit en fonction de ses intérêts personnels ou de tout autre critère. Les préférences éthiques expriment « ce que la personne préfère seulement dans ces moments éventuellement rares où elle s’efforce d’adopter une attitude spécialement impartiale et impersonnelle » (Harsanyi, 1955, p. 315).

3 A. Sen distingue ainsi ces deux attitudes : « vous faites preuve de compassion lorsque le souci d’autrui influe directement sur votre propre bien-être. Si l’existence de la torture vous rend malade, c’est un cas de compassion ; si vous ne vous estimez pas personnellement atteint, mais si vous pensez que c’est un acte condamnable et si vous êtes prêt à faire quelque chose pour l’empêcher, c’est un cas d’engagement » (Sen, 1976, p. 97).

4 À la différence de la compassion, l’engagement peut se penser comme établissant « un rapport entre le choix et les degrés de bien-être escomptés » (Sen, 1976, p. 98).

particulier1. Une dissociation s’introduit alors entre choix et bien-être personnels, de sorte que l’engagement, considéré comme l’un des ingrédients du choix, dissout le lien fondamental entre le comportement vis-à-vis du choix et le bien-être accompli, que l’on trouve au fondement des modèles traditionnels de l’économie2. L’analyse de l’engagement exige de reconsidérer l’identification de la rationalité à une simple évaluation conséquentialiste des actions conduites et motivées par l’unique intérêt personnel puisque l’engagement, comme composante possible du comportement individuel, récuse que l’individu poursuive systématiquement son intérêt personnel dans chacun de ses actes.

D’un point de vue méthodologique, on se trouve alors conduit à faire un pas de côté à l’égard de l’individualisme méthodologique pur. En acceptant que l’individu puisse être influencé dans ses décisions par des valeurs altruistes, collectives, par des conventions ou par des normes sociales, on se situe à distance aussi bien de l’individualisme méthodologique pur que du holisme (Brochier, 1994). La méthodologie relève alors d’un individualisme méthodologique complexe, à mi-chemin de l’individualisme méthodologique de la théorie néo-classique – pour laquelle les seuls acteurs sont des personnes3 – et de la conception holiste selon laquelle le comportement des individus n’est intelligible que réinséré dans le groupe social auquel ils appartiennent4. Elle permet, non seulement de dépasser le clivage individualisme versus holisme, mais s’avère surtout utile pour saisir une réalité « complexe », au sens de Morin (1991 ; 2005) ou de Delorme (1998). L’intégration de l’utilité d’autrui et de valeurs pro-sociales, dans les préférences individuelles, peut être le fruit de processus de socialisation, primaire et secondaire, et traduire l’intériorisation de certaines normes et de valeurs sociales (voir les propos d’Aña rapportés en note, p. 101*).

Lorsque l’on quitte le plan strictement microsocial et que l’on considère que les organisations illégales se caractérisent avant tout par la radicalité des croyances et la force de la solidarité, on peut envisager un autre modèle explicatif5. Ronald Wintrobe (2006) propose d’exploiter un schéma simple où l’utilité individuelle est modélisée à partir des deux facteurs que sont l’autonomie et la solidarité (ou l’adaptation au groupe social auquel l’individu appartient) mais où l’utilité d’autrui fait défaut6. Dans cette modélisation, l’agent « échange », « troque » de l’autonomie contre de la solidarité et adapte ses préférences à celles du groupe. Ainsi plus il s’adapte au groupe – et, dans une certaine mesure, plus il renonce à son autonomie7 –, plus

1 L’engagement se rapporte parfois à un sens de l’obligation qui dépasse ses conséquences. Il arrive qu’on accepte que des actes particuliers n’entraînent aucun gain personnel mais soient justifiés par le respect de certaines règles de comportement (voir Sen, 1976, p. 114).

2 En effet, la théorie économique de l’utilité associe à chaque agent un unique classement de ses préférences, supposé refléter, à la fois, ses intérêts, représenter son bien-être, résumer son opinion sur ce qu’il convient de faire. 3 Voir Revue Économique, 1989, p. 143.

4 Cette position a fait l’objet de critique notamment en économie (voir Defalvard, 1992).

5 Ces organisations de mouvements sociaux ayant une fonction identificatoire et pouvant être définies comme des « associations de personnes exprimant des revendications idéalistes et morales concernant la façon dont la personne humaine et la vie en groupe devraient être organisées, ces revendications étant, au moment où elles sont formulées, marginales ou exclues des revendications sociales dominantes » (Lofland, 1996, p. 2-3).

6 Certains auteurs soulignent plutôt d’autres types de processus, susceptibles d’expliquer la cohésion des collectifs, tels par exemple la « loi de polarisation du groupe ». Celle-ci suggère que les délibérations au sein des groupes les conduisent, ainsi que les individus qui y participent, à des positions plus extrêmes que celles qu’ils adopteraient individuellement. Sunstein (2003) estime que cela est d’autant plus probable que les informations dont dispose l’organisation sont limitées, et que les individus désirent être bien perçus de leurs pairs. Cette loi repose sur des études de psychologie sociale ainsi que sur des exemples relatifs à notre champ d’étude. Ce processus doit toutefois être distingué du phénomène de « conformité », c’est-à-dire que le groupe ne converge pas à la médiane des jugements du groupe, mais devient plus extrême. Néanmoins le processus n’est pas sans lien avec la solidarité ni avec le « multiplicateur de la solidarité » décrit par Wintrobe (2006).

7 Le renoncement à l’autonomie s’illustre, à plusieurs égards dans ETA, où des recrues veulent s’impliquer davantage dans l’action militante mais où l’organisation leur prescrit leurs rôles et définit strictement le périmètre de leurs actions (voir Nicolas, François).

grande est, en retour, la solidarité dont il peut jouir. Les propos, déjà évoqués, de Julien le