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U NE DEONTOLOGIE PROPRE : ESQUISSE D ’ UNE MORALE INDIVIDUELLE

Chapitre 3 Une morale dans l’engagement politique armé ?

3.3 U NE DEONTOLOGIE PROPRE : ESQUISSE D ’ UNE MORALE INDIVIDUELLE

La construction de sa propre expérience présente également un volet déontologique qui n’est pas propre aux acteurs des groupes étudiés. Des enquêtes faites auprès de femmes engagées soit dans les luttes du Sentier Lumineux au Pérou soit dans les conflits armés en Irlande du Nord ont montré que les interviewées construisent leur identité et se présentent comme des êtres moraux qui n’ont rien en commun avec des criminels et refusent tout contact non nécessaire avec ceux-ci (Felices-Luna, 2008, p. 180). Ce sont précisément leurs valeurs et leurs codes normatifs qui les ont conduites à s’impliquer dans la lutte armée plutôt qu’une carence de ceux- ci, carence qui leur paraît gouverner le comportement des criminels et dont elles souhaitent qu’ils soient punis par le gouvernement ou leur organisation. Cette visée éthique est explicitement, presque spontanément, évoquée par certains des enquêtés comme A. Stella répondant à la question de la morale ou de l’éthique, dans la lutte armée : « on voulait être moraux et avoir une éthique de conduite »1.

En effet, l’engagement et l’entrée dans la lutte armée constituent, dans la majorité des cas étudiés, la réponse à la question « que dois-je faire ? » ainsi que nous le verrons en détail, dans une perspective microsociale, au cours du chapitre 5 (cf. 5.1). Cette interrogation touche l’orientation d’une pratique de vie globale. Selon la façon dont il est abordé, ce questionnement revêt une signification pragmatique, éthique ou morale. L’acteur se trouve face à des possibilités d’action alternatives. Au plan pragmatique, l’individu agissant procède à une évaluation de buts, orientée en fonction de valeurs, ainsi qu’à une évaluation de moyens à disposition, orientée en fonction d’une fin. Dans ces questions de choix rationnel, l’orientation est essentiellement empirique. En revanche, l’orientation d’une pratique de vie globale se situe à un autre plan et coïncide avec une décision axiologique (Habermas, 1991, p. 102). Elle suppose la clarification herméneutique de l’autocompréhension d’un individu2.

Dans ce qui suit, nous mettrons en évidence les linéaments de ce que les membres d’organisations armées décrivent comme leur morale – qui ne se résout pas dans l’éthique de la violence dont nous exposerons les détails ultérieurement (chap. 4). Celle-là consiste plutôt en une éthique ou une conduite de vie, en une moralité3, organisée autour de principes structurants de l’existence individuelle. Sera alors peinte l’adhésion à un style de vie morale – aussi surprenant cela puisse-t-il paraître pour des individus identifiés comme des « terroristes » –, articulé autour de principes et décrivant les contours d’une éthique, au sens wébérien d’une

conduite de vie organisée avec plus ou moins de cohérence autour de certains principes (Weber, 1996)4. Cette

1 Cette conviction est confirmée par des personnes qui ont étudié les trajectoires de certains membres de la RAF ainsi que le souligne Noémie, membre du comité de soutien des prisonniers de la première génération du groupe : « les gens de la Fraction Armée Rouge étaient des gens d’une très haute moralité et c’est pour ça qu’ils se sont engagés. Bien sûr. Vous ne pouvez pas trouver plus morale qu’Ulrike Meinhof… elle était justement rongée par la culpabilité quand elle allait aux dîners mondains tout en se disant, il faut que je participe à ces dîners parce que ça me permet d’avoir ces relations qui me donnent une audience mais c’était terrible pour elle. C’était des gens de haute moralité, beaucoup plus moraux que ces petits intellectuels radicaux qui pérorent […], ça c’est certain. Parce que eux mettent leur vie en jeu, leur liberté en jeu. C’est pas des cyniques, vraiment. C’est pas des cyniques, du tout ». Il demeure toutefois que la question est évacuée par d’autres acteurs, tels Barbara Balzerani : « je ne me considère pas coupable, d’aucun délit. […] Le bien, le mal, ça n’existe pas dans l’absolu. Tout est très relatif, par rapport au contexte, au moment où les choses adviennent » (Balzerani, 1997).

2 Alors que le pragmatique, c’est-à-dire l’organisation de l’action armée ou violente, le recrutement dans les groupes armés, a été le plus étudié, a contrario l’existentiel, associé à l’axiologique plutôt qu’au psychologique, a été négligé dans les études sur le terrorisme. C’est à cette carence que nous souhaitons pallier.

3 Nous avons précédemment cité Gabrielle : « sur une main, tu as cinq doigts qui sont autant de sphères différentes constituant la société » (voir supra 3.2.2). Voir aussi supra Ziggy exprimant son idéal de société (3.2.1, p. 33, note 2*).

4 Dans le cas de la délinquance, des normes et valeurs ont déjà été mises en évidence. Ainsi Albert Cohen considère que trois propriétés déterminent les attitudes relevant de la sous-culture délinquante : 1. la versatilité des objets de

dimension morale se distingue spécifiquement des principes structurants des organisations (voir infra 3.5) ainsi que de leur fonctionnement. Notre ambition sera de mettre en évidence des valeurs qui ne sont pas celles, bien connues et largement relayées par la littérature déjà produite sur ces groupes, dont l’une des illustrations serait le refus de l’autorité, dans une interprétation réductrice de l’anarchisme par exemple.

Nous verrons, comme nous l’avons précédemment suggéré (cf. 3.2) que ces valeurs ne sont pas à strictement parler constitutives d’une sous-culture de groupes délinquants mais coïncident avec des valeurs socialement partagées. On désigne par les sous-cultures délinquantes les systèmes normatifs et culturels qui sous-tendent l’activité délinquante, autour desquels la criminalité est organisée et auxquels les acteurs sont socialisés durant leur parcours. La théorie de l’association différentielle (Sutherland et Cressey, 1966) offre l’une des présentations les plus classiques de cette thèse. Elle suggère que le comportement criminel est appris dans un processus de socialisation au sein d’un groupe restreint de personnes, consistant aussi bien en un apprentissage technique qu’en un apprentissage de normes et de dispositions hostiles aux normes légales. L’association différentielle revient alors à opter pour des interprétations hostiles au respect de la loi, à assimiler une culture déviante sans que ce processus relève d’une quelconque pathologie personnelle puisque les mécanismes de socialisation sont les mêmes que dans le cas de modèles favorables à la loi.

Si, en marge de cette théorie, il s’avère possible de montrer, a contrario, que les valeurs auxquelles les « terroristes » adhèrent convergent avec celles que promeuvent les sociétés dans lesquelles ils évoluent, qu’est-ce qui, dès lors, fait le départ entre ces attitudes morales et celles du reste de la société ? S’agit-il exclusivement du recours à certains moyens d’actions ? Est-ce un passage à la limite dans l’adhésion à ces valeurs, tel le fait d’y adhérer inconditionnellement (Bronner, 2009) ? L’élucidation que nous proposons ici ne s’appuie évidemment pas sur une observation participante des conduites de vie de chacune des personnes rencontrées, durant la période au cours de laquelle elles étaient recherchées pour des faits de terrorisme. Elle ne bénéficie que des récits rétrospectifs des acteurs, parmi lesquels nous avons procédé au relevé et à l’analyse systématiques, non seulement des réponses à la question « Pensez-vous qu’il puisse y avoir une morale ou une éthique, lorsque l’on s’engage dans la lutte armée et qu’on est prêt à tuer ? Comment la décririez-vous ? », mais également de la façon dont les individus qualifiaient, d’un point de vue moral, l’engagement politique qu’ils avaient revendiqué et les actions qu’ils ont menées en accord avec celui-ci.

Parmi les acteurs – notamment ceux qui en Italie ne se sont ni repentis ni dissociés – certains placent leur combat sous le signe du choix moral. Federico enseignait le sport et disputait des championnats. Il envisage aujourd’hui son engagement comme un « choix moral » :

« cela [l’usage des armes à feu] ne peut se faire que pour une raison éthique, morale. Il ne peut pas y avoir d’autres raisons. Si on saisit l’injustice, c’est là le fondement. Si on ne la saisit pas, d’accord on reste comme ça, et on accepte. Ce n’est pas de la violence pour faire de l’argent […] ce ne pouvait qu’être un choix moral, oui »1.

Cette disposition anime également certains ex-militants d’ETA tels Julien et Ilyann2. Plusieurs des acteurs rencontrés, impliqués dans des conflits intenses avec l’État et qui

délit, l’infraction étant recherchée pour elle-même plus que pour une fin matérielle spécifique ; 2. la valorisation d’un hédonisme immédiat dans la mesure où l’activité délinquante ne s’inscrit pas dans une perspective d’accumulation d’avoirs ou d’ascension sociale et 3. l’autonomie du groupe car la participation à une bande de jeunes confère à chacun de ses membres un sentiment d’appartenance qui peut intégralement annuler celui qu’ils doivent à d’autres institutions sociales, telles la famille, l’école, la police ou la justice (voir Cohen, 1955, p. 26). 1 Voir aussi S. Segio.

2 Répondant à la question de référence sur la morale, Ilyann se place sur une position comparable à celle de Federico : « Oui, dans certaines manières, on peut dire c’est pour l’éthique qu’on prend les armes parce qu’on ne peut pas accepter une occupation, l’oppression, la disparition de notre culture, et notre manière d’être par les armes. Donc

supportent aujourd’hui encore, en dépit des années passant, le poids de leur engagement, considèrent que c’est précisément parce que l’on a une éthique, c’est-à-dire des dispositions morales que l’on entre plus avant dans le combat – contre l’oppression et l’humiliation – et que l’on prend les armes (tels Ilyann et Federico, précédemment cités)1.

On pourrait considérer que les acteurs procèdent à un renversement de la morale visant à justifier leurs actions. Cette conclusion émanerait d’une présupposition confondant légitimité et légalité2 et suggérant qu’une action politique n’est morale que pour autant qu’elle emprunte les chemins prescrits, conformément à une double équation : le politique doit être moral, d’une part, et l’idée qu’il n’y a de légitime que le légal, d’autre part. À cette posture, les acteurs rencontrés opposent le fait que c’est précisément au nom d’un ordre moral supérieur, individuellement porté mais trouvant des résonances collectives, qu’ils ont été poussés à faire de la politique autrement et à opter pour l’illégalité. C’est en particulier à l’occasion de situations provoquant indignation et sentiments d’injustice que se dévoilent ces dispositions morales (voir infra chap. 5, 5.2.3). Certaines expériences qui, le plus souvent, ne sont pas vécues en première personne car elles remontent fréquemment à l’enfance des acteurs, suscitent un sentiment d’injustice provoquant un recadrage interprétatif des contextes de vie, des contextes historiques, un changement de regard sur le monde, comme le suggère Federico, précédemment cité.

Si les acteurs ont été membres d’organisations dites terroristes, il faut se souvenir que les actions menées par ces groupes ne se résument pas à celles qui ont le plus marqué la mémoire collective et qui ont été rappelées dans leur description initiale (enlèvements, assassinats, mutilations ; voir introduction). On comprendra alors que le choix moral, affirmé par ces acteurs, et les dispositions qui l’accompagnent s’illustrent dans des configurations où l’intérêt individuel pourrait prendre le pas sur le collectif et sur l’objectif de la lutte ou de l’engagement. Dans un contexte où l’on dispose d’armes et se meut dans l’illégalité, la barrière du permis et du défendu est susceptible de devenir mouvante voire opaque. Cette conscience s’exprime dans la réponse de Federico, interrogé sur ce qu’il n’était pas prêt à faire, alors qu’il était membre actif des BR :

« rien de manière instrumentale. Je n’ai jamais été prêt à faire n’importe quoi

pour une raison différente de celle qu’on avait affirmée. Il peut y avoir des milliers

d’exemples dans un monde d’ombres… C’est-à-dire qu’il est évident qu’un groupe clandestin peut être destinataire d’offres d’aides économiques “en échange de”. De ces choses-là, grâce à Dieu, on n’a jamais dû s’en occuper. Nous avons toujours immédiatement été clairs avec tout le monde : non merci, on fait tout seuls. Certes, si quelqu’un voulait vraiment nous aider, on est disponible à prendre les aides [il rit], mais si cela nous oblige à donner quelque chose en retour, non… Le seul accord qu’on trouve dans les rapports, qui est écrit dans l’histoire, avec toutes les preuves et les témoignages, c’est l’accord avec les Palestiniens, un échange où ils donnaient les armes et nous les gardions lorsqu’ils en avaient besoin. C’est tout. Sans aucune contrepartie. On n’a rien fait pour

c’est précisément pour l’éthique, une des raisons, une manière d’expliquer qu’on prend les armes ». L’un des leaders politiques d’IK lui fait écho, lorsque la même question lui est posée : « heureusement qu’on l’a [i.e. une morale]. Il vaut mieux l’avoir avant de s’engager et pendant l’engagement parce que si on l’a pas, là ça dérive vers le fanatisme. Heureusement, heureusement ! C’est un point fondamental, si on n’a pas une éthique et une morale, une éthique sociale, et une morale sociale et politique. Si vous repérez les gens comme ça, il faut les écarter de suite. Il faut leur dire : “bon ben, non tu fais pas l’affaire.” C’est arrivé » (Alexis).

1 A. Franceschini, ex-brigadiste, leur fait écho : « il y a l’éthique, certainement. Au contraire, je dirais que si l’on arrive à utiliser les armes, c’est qu’il y a une éthique très forte. Car cela justifie le fait, c’est-à-dire que s’il n’y a pas d’éthique très forte, s’il n’y a pas de valeurs que l’on tient pour absolument valides, que l’on ne peut pas différer, etc… Si elles ne sont pas là, difficilement on se met à opérer, sauf si l’on est un maniaque ou un cas clinique. Disons-le ainsi, moi, en fait, je me suis séparé de la lutte armée […], quand mon éthique entrait en conflit manifeste avec l’éthique des camarades dehors ».

eux, ni l’inverse. Faire des choses pour les intérêts d’autrui, ça jamais »1.

Une déontologie comparable est présente dans les propos de membres d’organisations comme ETA. Julien souligne à notre attention la singularité des conditions imposées par la clandestinité et par le fait d’être militant d’une organisation armée : « tu amènes ta vie… aux situations limites. […] Les situations sont extrêmes. Tu passes des situations de stress, de solitude, d’isolement, de tout ». Dès lors s’affirme la conscience que, précisément, parce que l’on s’est mis en marge des lois communes, du droit positif, il est impératif d’avoir une ligne de conduite qui guidera l’agir individuel2 et distinguera le militant politique du criminel de droit commun – quand bien même un regard extérieur peut considérer que, d’un point de vue formel, les actes (vol, assassinat, dégradation de biens) sont identiques. Une partie de la réponse de Julien à la question de l’éthique, dans la lutte armée, permet de le saisir3.

L’interprétation de l’éthique personnelle comme façonnant l’action politique, y compris armée, et comme réquisit de ce type d’engagement n’est pas un hapax. On la retrouve dans des groupes comme IK également4. L’enquête permet de recueillir des représentations où sont exposés et explicités des choix de vie, où l’existence (la vie pratique) est en complet accord avec les convictions idéologiques, ce choix comportant ou enfermant une dimension sacrificielle (voir infra 3.3.1). Nous reviendrons en détail sur l’exigence d’adéquation entre ses convictions politiques, l’idéal façonnant la trajectoire idéologique (voir chap. 5, 5.1), d’une part, et sa propre existence ou son agir, d’autre part. Cette exigence est présente dans bien des groupes de libération nationale ou révolutionnaires, comme la RAF, dont William rappelle la ligne de conduite mais surtout la genèse au fil des années dans les groupes allemands d’extrême gauche,

1 Si ces propos font singulièrement écho à la représentation qu’Alexandra a des BR, il convient de ne pas oublier l’importance numérique du groupe supposant une variété de pratiques. On pourrait par ailleurs interroger les récits rétrospectifs de personnes qui se sont dissociées de la lutte passée, affirmant aujourd’hui, à l’occasion d’un documentaire, qu’« il n’y avait pas d’espace pour les doutes, pour les réflexions, pour les interrogations éthiques, pour savoir si nous avions ou non le droit de donner la mort à un être humain » (Faranda, 1997). D’autres femmes le suggèrent aussi : « aujourd’hui on en arrive à prendre de la distance par rapport au discours “la fin justifie les moyens”, mais à l’époque, ce genre de réflexion n’existait pas, réflexion guerre-paix, ami-ennemi… » (Balzerani, 1997).

2 « Donc tu dois avoir une éthique assez marquée. Tu as besoin d’y avoir un cadre très défini sinon ça pourrait partir en couille parce que les situations sont extrêmes » (Julien). Voir Thierry également pour le pays basque nord (citation suivante).

3 Nous renvoyons ici en 3.5, p. 125* où Julien évoque l’altruisme et la nécessité d’un cadre éthique et normatif dans l’action illégale et clandestine.

4 Thierry, répondant à la même question, est affirmatif : « Ah oui. Je dirais même plus : on a intérêt d’avoir une morale et une éthique, parce que quand on “joue” entre guillemets, qu’on utilise ce genre d’outils politiques, on a intérêt d’avoir une morale et une éthique pour pas faire n’importe quoi, pour pas dériver, et pas perdre la tête. Oui, là, il faut avoir des principes. Un principe, comme j’ai dit tout à l’heure : la vie humaine, les civils, les objectifs clairs. Et bien définir l’ennemi, qui on touche, qui on touche pas. Je dis souvent : même quand je suis parti en cavale, là j’étais hors la loi, carrément. J’avais des faux papiers, j’étais vraiment hors de la société. Mais là, les lois, les seules lois que je m’imposais ou les principes, c’est les miennes, de ma conscience. Les lois françaises, les lois de l’État, la répression, je m’en foutais. Ça me touchait plus. J’étais prêt à affronter… Là, c’était moi, et c’était beaucoup plus difficile. Parce que quand vous dites : “ça t’as pas le droit de faire”, c’est différent de se dire : “et ça, j’ai pas le droit de faire”. Vous voyez la différence. C’est complément différent. Oui, il y avait une morale, une éthique, il y avait tout ça ». Laure, participant de la même organisation et interrogée de façon indépendante, prône un discours comparable sur la question de l’éthique : « La morale et l’éthique, oui, bien sûr. C’est immoral selon… mais selon mon point de vue, c’est pas immoral. C’est pas légal mais c’est pas immoral. Après, l’éthique que j’avais, c’était les limites que je m’imposais, j’avais quand même une certaine éthique dans mon… Sur les biens matériels, ça va ! Ça se refait ». Comme Thierry précédemment (voir 3.2, p. 62, note 1*), Laure institue une opposition entre le moral et le légal.

soulignant qu’à l’époque « nous avons dit que nous devions continuer d’essayer d’instaurer une nouvelle unité de pensée et de réalité de la vie »1.

Sans évoquer la détermination du phronimos aristotélicien, on trouve dans l’Éthique à

Nicomaque, au début du livre sur la vertu, l’idée selon laquelle « le fait d’agir conformément à la droite règle est une chose communément admise et qui doit être pris pour base » (Éthique à Nicomaque,

II, 2, 1103 b 33). Cette droite règle tend en l’occurrence à être celle que les acteurs se sont fixés au nom de leur idéal révolutionnaire et à laquelle ils s’astreignent, dans une logique de nécessaire conformité à l’idéal, structurant aussi bien leur vie que leur agir.

3.3.1 L’altruisme révolutionnaire

« Accepter de mettre en pratique la violence, accepter de sacrifier la vie des autres, outre la sienne propre, est la contradiction majeure que tous les révolutionnaires depuis des siècles ont dû affronter » (S. Segio)2.