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Le paradigme de la résistance

Chapitre 3 Une morale dans l’engagement politique armé ?

3.5 V ALEURS CONSTITUTIVES DE L ’ IDENTITE DES GROUPES ARMES

3.5.1 Le paradigme de la résistance

Sans prétendre à l’exhaustivité et au-delà des idéologies revendiquées, un modèle normatif récurrent fédère les groupes étudiés, en l’occurrence la référence à la résistance, non pas simplement dans sa dimension historique, mais aussi – et peut-être surtout – comme posture individuelle et attitude politique1. Nous avons vu, au début de ce chapitre la place que tenait l’évocation de la résistance dans la construction individuelle de soi (cf. supra 3.2). Nous envisagerons à présent le rôle de cette référence, dans les groupes, tel qu’il se reflète à partir de la parole des acteurs.

La distinction entre terrorisme et résistance peut être parfois très mince (voir Iveković, 2007, p. 148), comme de nombreux exemples historiques en attestent. Les moyens jugés aujourd’hui non conventionnels ont été largement utilisés par tous ceux qui le pouvaient hier (Bronner, 2009, p. 120) aussi bien que par les États légitimés (Jackson, 2011). Les terroristes seraient alors ceux qui n’auraient pas les moyens de s’appuyer sur une force conventionnelle et qui choisissent, pour se faire entendre ou pour se défendre, les seuls moyens dont ils disposent. Ce jeu dialectique séculaire entre « résistants » vs. « terroristes » œuvre aussi bien en Europe occidentale que dans d’autres parties du monde. Au discours du PKK qui considère ses combattants comme des « révolutionnaires » et des « résistants », l’armée turque répond en dénonçant les « terroristes » « sans foi ni loi », alors que l’État turc, « colonialiste et fasciste » conduit, du point de vue des révolutionnaires, une « sale guerre » au Kurdistan, faite de terreur et de massacres (voir Grojean, 2005). À l’autre bout du spectre politique, la référence à la résistance se voit appropriée par des groupes aux tendances idéologiques opposées. Louis Beam, membre de la mouvance d’extrême-droite américaine (Ku Klux Klan, Aryan Nations), a élaboré le concept de leaderless resistance (« résistance sans leader ») ou de « loup solitaire », notamment en exploitant, dès les années 1980, les ressources de l’Internet (voir Lebœuf, 2005, p. 628). Organisation non pyramidale, cette leaderless resistance se composerait de « cellules fantômes » (shadow cells) indépendantes, reliées par la seule idéologie, sans autre type de connexion2.

La référence à la résistance se voit investie par une pluralité de luttes s’affrontant à une autorité et à un pouvoir donnés comme légitimes. Sa mobilisation est invoquée par toutes formes d’opposition politique, de gauche comme de droite ou d’extrême droite (voir Toscano, 2016, p. 213), dans des combats politico-religieux (Burgat, 2004, p. 86 ; Hegghammer, 2006 ; Martinez, 2008), par des expériences anarcho-libertaires (voir Sarrasin et al., 2012 pour le Québec), par les travailleurs sans terre (Massicotte et Furukawa Marques, 2012), par le Mouvement Mondial des Femmes (Giraud, 2012) ainsi que par des mouvements résistance non- violente (voir Johan Galtung, 1969 ; pour la Palestine, voir Dajani, 1999 ; Blincoe et al., 2004 ; Shulman, 2007 ; Perry, 2011 ; Qumsiyeh, 2011). Ainsi la « résistance » constitue la référence paradigmatique visant à conférer une légitimité à un combat a priori déconsidéré. Rebecca, anarchiste d’origine allemande ayant œuvré en France, résume synthétiquement cette idée : « la résistance, c’est se lever contre un ennemi qui était le terrorisme et qui amène la terreur ».

La référence à la résistance se voit investie et joue un rôle constitutif dans la genèse des groupes étudiés. Tel est le cas, en premier lieu, dans les collectifs allemands. Ulrike Meinhof conclut la déclaration par laquelle elle explique la libération d’Andreas Baader, par le commando qu’elle dirigeait, le 14 mai 1970, dans la revue libertaire Agit 883 sur l’injonction à

1 L’expression de ce paradigme a été mise en évidence à partir d’un relevé systématique des occurrences de « résistan* » dans les entretiens ainsi que par une analyse de discours, visant à repérer les champs sémantiques dans lesquels survenait la thématique de la résistance.

2 Doron Zimmerman soulignait à l’époque de l’analyse que ce type d’organisation était très rare (Zimmerman, 2004, p. 23) mais il a fini par se développer comme l’ont montré les années 2010.

« développer les luttes de classe, organiser le prolétariat, commencer avec la résistance armée à construire l’armée rouge ! »1. On trouve des déclarations similaires du côté du 2-Juin2.

De même, la référence à la résistance est pensée et présentée comme constitutive dans la genèse des groupes français quoiqu’on ait pu écrire (voir Sommier, 1992, p. 88). Dans un entretien accordé à Libération le 30 juin 1976, l’un de leurs fondateurs Jean-Denis Lhomme explique que les Brigades Internationales (BI) ont été créées en réaction au coup d’État chilien et ajoute : « pour nous, le pistolet est un outil de propagande au même titre que le stylo. […] Nous ne sommes pas Carlos : on ressemble plus à ces premiers résistants qui descendaient les officiers avec des fusils de chasse, à tous ceux qui ont appris la guerre en la faisant » (McAdam, 1986, p. 66). Le maoïsme français, à travers notamment la Nouvelle Résistance Populaire (NRP) et le choix de ce nom, revendique cette filiation3. De même, Action Directe considère que « poser la question de la violence révolutionnaire, c’est retrouver le souffle du but révolutionnaire, et renouer ainsi le lien entre nos résistances et nos luttes actuelles et la possible destruction du système lui-même, entre le sens du combat de chaque jour et les intérêts historiques de notre classe » (AD, 1998). L’organisation s’inscrit dans la continuité de combats historiques, estimant « agir à la mémoire des luttes et retrouver le fil rouge qui la parcourt de juin 1848 à la Commune de Paris, de la révolution de 1905 à la révolution européenne de 1917- 1923, à la révolution espagnole de 36, au Mayo 37 barcelonais, à la Longue marche chinoise et à la Révolution culturelle, à toutes les luttes de décolonisation, à Che Guevara dans les maquis cubains, congolais et boliviens ; et enfin du Mai piu senza fucile du 68 européen aux mouvement et aux offensives autonomes de 1977-78 » (AD, 1998).

D’un point de vue factuel, l’un des membres fondateurs du groupe avoue que « beaucoup de gens nous ont appuyés dans notre résistance » (Cyprien), tout de même qu’en Italie l’extrême gauche a pu compter sur les armes des résistants de la deuxième guerre mondiale4. Les parents de certains des membres d’AD, comme Nathalie Ménigon ou Jean Halfen, ou de la mouvance d’AD, comme Helyette Besse, ont connu la résistance. Tel est également le cas pour nombre de personnes engagées dans la Gauche Prolétarienne. Pour les premières générations et les fondateurs des groupes d’extrême gauche italiens existaient des liens personnels avec l’histoire de la résistance (Della Porta, 2013, p. 117). De façon comparable, les GARI étaient composés d’enfants de résistants et de républicains espagnols. Le père de Mario Inès Torres, par exemple, est un anarchiste espagnol, réfugié en France et accueilli au camp du Vernet5. Dès lors, la référence à la résistance ne sert pas seulement de ressource symbolique – comme ce fut largement le cas en Italie – mais également de ressort moral, comme le suggère Gabrielle se souvenant de la création d’AD : « pour faire Action Directe, j’avais déjà tout en tête donc c’était normal de le faire. […] Donc, je me suis vraiment mis dans l’esprit d’un résistant, face aux nazis.

1 Voir la brochure publiée par Black-star éditions, Grignoble (sic), Décembre 2008, http://infokiosques.net/. 2 « Mouvement du 2 Juin, c’est un concept politique. Il désigne la concrétisation de la résistance politique quotidienne issue de la révolte de la jeunesse des années 1960. C’est-à-dire, le Mouvement du 2 Juin est incarné par tous ceux qui ont essayé et essaient encore d’opposer une résistance et des alternatives à la terreur capitaliste quotidienne. En font partie les squatters et les jeunes qui autogèrent leurs maisons de jeunes, les comités-prison et les groupes femmes, les boutiques d’enfants et les journaux alternatifs, ceux qui organisent des grèves de loyer et les avortements à l’étranger, aussi bien que les comités internationalistes de solidarité avec les peuples du Vietnam, de l’Iran, de la Palestine, de l’Angola, du Sahara ou d’ailleurs » (interview avec Ronald Fritzsch, Gerald Klöpper, Ralf Reinders et Fritz Teufel, « Mouvement du 2 Juin. Les irréductibles de Berlin », 21 octobre 2016, par Bewegung 2. Juni, https://www.lavoiedujaguar.net/_Bewegung-2-Juni_).

3 La NRP constitue la branche militaire de la Gauche prolétarienne. Ce besoin d’enracinement historique, dont témoigne le choix du nom de ces groupes, a également été mis en valeur par D. Tartakowsky à propos du « mythe originel de la Commune de Paris » pour les manifestations ouvrières violentes de 1920 à 1988 (Tartakowsky, 1991, p. 310). Le maoïsme français a eu une influence notable sur les premières Brigades Rouges.

4 Sur la continuité entre la lutte armée et la tradition de la résistance antifasciste, voir Balestrini et Moroni, 1988, p. 400 et sqq.

Ça, c’était très important. Parce que eux ils y ont été, bon surtout les jeunes, surtout le monde… Les jeunes juifs, c’est eux qui ont été les plus… les plus forts »1. Gabrielle considère prolonger le refus de la soumission qui animait déjà ses parents, son grand-père :

« nos parents et nos grands-parents ne voulaient pas l’être [soumis au pouvoir], ils ont été écrasés. Nous, on les relève, voilà, relevons nos ancêtres. Ceux qui ont souffert sans mot dire. Et il y en a qui ont bougé, qui ont fait des grèves, qui se sont battus, glorifions-les, merci à eux d’avoir vécu, ils nous ont

montré la voie » (nous soulignons)2.

De la même façon, le Mouvement du 2 Juin définit sa lutte comme un fragment d’une résistance plus globale (voir B2J, Die Entführung aus unserer Sicht, 1975, p. 2). Pour tous ces acteurs, l’héritage militant est fondamental dans leurs motivations pour continuer la lutte révolutionnaire. Pour certains, l’existence d’une tradition familiale fortement ancrée a facilité le passage à la lutte armée et a contribué à le présenter comme une évolution normale (voir le discours de Vincent). Tel a d’autant plus été le cas que les acteurs ont grandi dans des environnements où le conflit des classes se présentait comme une réalité et dans lesquels les jeunes générations étaient en mesure d’être éduquées et influencées par de plus anciens parents qui ont pu participer à la résistance. Ces milieux sont propices à nourrir la mémoire de la résistance.

Le refus d’abandonner le combat, dont on verra qu’il confère un rôle fonctionnel à la solidarité (infra 3.5, p. 126*) et contribue à la poursuite de la prise d’armes, s’est donc fait dans l’esprit d’acteurs comme Gabrielle, au nom du passé de résistants de leurs parents3. Les narratifs et récits de vie, au même titre que les valeurs revendiquées et les croyances, s’approprient les ressources symboliques présentes dans l’environnement social et historique. Les actions de propagande armée menées par les GARI et consistant principalement en sabotages (sabotage de lignes de chemin de fer, de lignes à haute tension) sont envisagées4 dans l’esprit de la résistance et non pour leur efficacité intrinsèque, en termes de dommages commis contre l’ennemi. S’inscrire dans ce passé historique glorieux produit, chez les acteurs, des dispositions morales – et politiques – valorisant le fait d’agir, de « résister » indépendamment des succès

1 Maurice des GARI s’inscrit dans une disposition comparable : « comme les nazis traitaient les résistants de terroristes. Nous, on se sentait comme des résistants face à l’oppression de l’État particulièrement français. Il y avait aussi les États-Unis, partout, partout où l’État soi-disant démocratique ». Tout comme Natalia, autre camarade des GARI, reconnaît : « il y avait aussi un côté très agréable de jouer aux gendarmes et aux voleurs […], de jouer dans la ligne des résistants antifranquistes, à la suite des résistants antifranquistes ».

2 Certains membres d’AD, comme Jérémie, le racontent sous le mode de la plaisanterie : « le passage aux armes, ça m’avait bercé culturellement toute mon enfance. Ma grand-mère, par exemple, quand j’étais petit m’apprenait à marcher du côté gauche quand je descendais, parce que si l’ennemi arrivait, on devait tirer comme ça, s’exposer de ce côté. […] À 6-7 ans déjà ma grand-mère m’apprenait… en se disant qu’un jour peut-être je serai gibier ». En ce sens, la résurgence de la violence ouvrière à la fin des années 60 pourrait s’interpréter comme une forme de résistance à la domination. Elle s’inscrit, dans ce témoignage au moins, comme se plaçant dans la continuité de l’héritage de la résistance. On retrouve cette mémoire familiale dans d’autres récits de vie, tels celui d’Alberto Franceschini, qui prit part aux manifestations de juillet 1960 contre les meurtres perpétrés par la police. Il a alors 13 ans et perçoit là une confirmation de la justesse des discours de son grand-père sur la résistance (voir Franceschini, in Fasanella et Franceschini, 2005).

3 « J’ai continué dans l’optique de lutter pour que mes parents ne soient pas morts pour rien. Ce qu’ils auraient pu faire en luttant et bah moi je l’ai fait triplement. Ce n’est pas seule que je l’ai fait, c’est moi et mes parents qui luttions. Mes parents et tous ceux autour de moi, tous ceux de ma classe sociale ». La résistance et la lutte représentent à la fois une ressource morale et symbolique comme le vérifie cette déclaration : « moi personnellement le côté idéologique, je n’en avais pas besoin, j’avais ça en moi. Chaque fibre de mon corps est imprégnée

de l’histoire de mes ancêtres. Connus et inconnus. Pas besoin de les avoir connus, ce ne sont pas forcément des gens de

ma famille. Mes ancêtres sont tous ceux qui se sont battus. Ce sont tous ceux qui m’ont fait vivre et qui m’ont dit bats-toi » (Gabrielle ; nous soulignons).

auxquels le combat peut conduire. Le discours de Damien, interrogé sur les raisons des risques pris, lors des actions menées il y a 40 ans, est, sur ce point, explicite :

« C’est comme tous les histoires de résistance : comme disait Coubertin, l’important, c’est de participer… Non, c’est pas de gagner, c’est y être ».

« C’est pas perdre ou gagner, c’est agir. Voilà, l’important, c’est de faire les choses, c’est de lutter, c’est pas tellement de penser qu’on va gagner. L’important, c’est surtout de lutter, parce que c’est insupportable tout simplement. Il y a des trucs qui sont insupportables. Et quand c’est insupportable, on les supporte plus. […] Les résistants de toutes les guerres, de la dernière guerre. Quand ils se sont mis à résister, à se faire attraper au début, ils savaient très très bien ce qu’ils risquaient, beaucoup plus que nous, ça c’est clair, ils se posaient pas la question

de savoir si eux, au moins, allaient voir la fin. Mais ils y allaient en disant il faut le faire, il y a pas le choix. Ben c’est pareil. Moi, je considère que c’est pareil alors

qu’il y a des circonstances qui sont peut-être beaucoup plus radicales quand t’es envahi par les Nazis. Donc ça paraît beaucoup plus évident mais c’est toujours une grande minorité à qui ça paraît évident parce que la grande majorité, elle ferme sa gueule et elle collabore. Et à la fin, elle dit : “j’avais pas compris”. […]

La question se pose pas : c’est une lutte, et puis c’est une lutte qui a toujours existé sous des formes différentes et qui continuera. Ça, ils pourront pas l’enlever à moins de lobotomiser les gens, je vois pas. Et c’est toujours une minorité qui fait ça. Sinon, on n’aurait jamais rien fait »1.

La construction du sens – susceptible de nourrir le spectre des motivations individuelles et collectives – exploite les traditions culturelles (voir le cas du pays basque et les gudari), des valeurs légitimantes, telles la liberté, l’égalité, la justice, l’émancipation, des idéologies passées de tous ordres, des héros historiques ou des figures honnies mais également la mémoire passée ou présente des mouvements sociaux, les représentations de la scène économique, politique et culturelle (voir Smelser, 2007, p. 58). Au plan micro individuel, l’engagement se nourrit d’une référence récurrente à la résistance, laquelle donne sens et corps à l’activité collective, y compris dans des circonstances où le rapport de forces est asymétrique et les chances de succès infimes, en particulier dans le cas français, mais également dans le contexte italien et basque2. Cette identification intervient dans le récit de soi et la légitimation individuelle aussi bien que comme une référence récurrente de la part de membres d’IK, tels Patxi3 ou Paul4. Elle est récurrente

1 Voir aussi Vincent ; Frédéric. D’autres enquêtés déclarent : « we were the elite of a minority. A minority in the minority » (Concutelli, in Ardica, 2008, p. 46-47 ; voir aussi p. 61, p. 77).

2 Alexandra commente en ces termes les suites du massacre de la Piazza Fontana : « nous pensions que cette tentative, de la part de l’État, consistait à bloquer ces processus, ces luttes qui se développaient à l’intérieur de la société, et de les réprimer, justement, en mettant en œuvre ce tournant autoritaire. À ce moment-là a commencé un processus cumulatif, dans le sens où nous avons commencé à penser que, dans le cas où il y aurait eu effectivement un virage autoritaire, il nous aurait fallu résister. Et résister, cela signifiait rassembler des armes pour lutter contre cela. Bien sûr, cette évolution a été également encouragée, dans bien des endroits, avec l’aide d’anciens résistants qui nourrissaient les mêmes craintes et qui, donc, ont mis à disposition ce qu’ils avaient ». Sur la transmission des armes des groupes d’anciens résistants à la gauche extra-parlementaire, voir Franceschini et al., 1988 ; Matard-Bonucci, 2010.

3 « On nous appelle terroristes, mais pour nous c’est pas le mot qui convient. Pour nous, on est des résistants. Vous demandez aux femmes, aux gosses, ils vont nous traiter d’héros. Nous, on n’a jamais ciblé des gens ».

4 « Je me reconnais pas du tout comme terroriste. Du temps de l’occupation allemande, les résistants français étaient taxés, qualifiés de terroristes. On pourrait faire un parallèle. Mais nous, non du tout. Peut-être certains actions d’ETA, on pourrait dire qu’elles ont semé la terreur, mais jamais volontairement. Il y a jamais eu d’action indiscriminée comme quand tu rentres dans un cinéma… pour moi, c’est la folie ». Voir aussi Thierry évoquant le sens de son engagement : « ça avait la signification que j’allais aller au bout de là où on peut aller dans la défense de mon idéal. Mon idéal, c’était un pays basque indépendant, un pays basque qui était reconnu dans le concert des nations. Et à partir de là, voilà, je veux défendre et je veux me battre pour ce pays. Je pense que c’est la question que se posent tous les résistants qui défendent un pays, un territoire, à travers les temps, à travers les âges. Je pense. Même si l’ennemi, même si l’affrontement est différent, et à un degré différent. On va pas comparer la lutte armée qu’a menée nous avec ce qu’ont mené les Irlandais ou même ETA. C’est à un degré différent donc le

pour autant qu’elle permet à ces acteurs de se distinguer de terroristes1. Le combat mené par IK est ainsi pensé et redéfini comme une « lutte de résistance » (Laure) et une lutte de libération. Contrairement à ce qui a eu lieu en Italie, les acteurs d’IK se sentent d’autant plus justifiés de convoquer la référence à la résistance – pour autant qu’elle se distingue du terrorisme –, dans la mesure où les actions de l’organisation n’ont provoqué que des dégâts matériels2.

Dans le cas particulier du pays basque, et plus spécifiquement du pays basque nord (Iparralde), la lutte armée est envisagée comme s’inscrivant dans un mouvement de résistance plus large, animant l’ensemble du pays, et qui agglomérait les luttes pour la promotion d’écoles basques, la reconnaissance de la spécificité culturelle, le combat contre la spéculation immobilière et une économie exclusivement fondée sur le tourisme3. Du côté sud, un parallèle – dont les protagonistes ont conscience qu’il peut choquer – s’établit entre ETA et la résistance