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L’idéal normatif, horizon de la lutte

Chapitre 3 Une morale dans l’engagement politique armé ?

3.2 L A SOUMISSION A DES LOYAUTES SUPERIEURES OU L ’ ADHESION A UN SYSTEME DE NORMES NON CONFORME

3.2.2 L’idéal normatif, horizon de la lutte

L’horizon de la lutte dessine un idéal normatif nourrissant les motivations des acteurs rencontrés et au nom duquel ils se battent. En quels termes cet idéal normatif se décrit-il ? Succinctement dépeint, il articule des valeurs universelles (de gauche), l’instauration du socialisme réel3, une libération ou émancipation sociale4. Les acteurs donnent sens à leurs actions à partir d’un idéal normatif institué comme horizon de leur combat. Il se résume dans certains cas à un terme unique : l’humanité, dans d’autres cas à la justice5 et, bien qu’elle soit beaucoup moins présente, à la liberté6, si ce n’est lorsqu’il est question de se soustraire à la tutelle d’un État vécu comme une source d’oppression voire comme colonisateur dans les discours les plus trempés.

La référence à l’humanité est récurrente dans les propos de Gabrielle, que ce soit lorsque nous parlons avec elle ou bien lorsqu’elle est interrogée par un collègue historien (Dubuisson, 2018, entretien II). Elle avoue sans détour : « je me bats pour l’humain » et institue, ce faisant, « l’humanité comme norme éthique régulatrice de la loi juste » (Wahnich, 2006, p. 97) : « le but humain. Libérer l’humain par l’humain. C’est beau » (Gabrielle). Il s’agit, pour Gabrielle, de « détruire tout ce qui n’est pas humain pour mettre en avant ce qui est humain ». On retrouve ce discours chez certains théologiens de la libération engagés dans ETA, tels François, mais également chez d’autres militants d’ETA, tels Jovani, qui participa au commando Barcelona7.

1 Aussi bien qu’à certaines conclusions de l’école de Frankfort : « Ce n’est que dans la libération radicale des histoires de vie individuelles et des formes de vie particulières que s’affirme l’universalisme de l’égal respect pour chacun et de la solidarité avec tout ce qui porte visage humain » (Habermas, 1991, p. 109).

2 Rappelons que nous avons recueilli les discours plutôt qu’observé les pratiques.

3 La dimension sociale est particulièrement soulignée par les acteurs basques qui cherchent à se distinguer du nationalisme, ce dernier coïncidant avec une orientation politique de droite.

4 Voir Pierre, Paul, Grégoire, Frédéric, pour IK, Etan évoquant les « débats sur l’éthique de l’émancipation » au sein d’ETA, Amandine, Elliot, Ilyann, Ianis, Jaad, Jayden, Julien, Louisa, Pantxo, Rémy, Zachary et infra 3.2.2, a.2, p. 69*.

5 Ludwig déclare simplement : « Je trouvais cela beau de se battre pour un monde plus beau et donc je n’avais pas de doute ». Ilyan, incarcéré pendant 14 ans, lui fait écho : « Je lutte pour un monde meilleur ».

6 Voir Isabella et Madeleine.

7 Pour décrire sa morale, Jovani précise : « C’est un peu l’humanisme. Moi, je suis depuis toujours très guevariste. Celle [l’éthique] de Che Guevara a eu une influence sur nous. J’ai lu le manuel révolutionnaire, Le journal du Che en

Bolivie, le manuel de la guerre révolutionnaire. Et nous avons toujours pensé cela, les révolutionnaires et les

personnes qui luttent pour la liberté, nous avons un sens élevé de ce qu’est un être humain. Et nous croyons dans une société nouvelle. Juste, nous cherchons réellement la justice. Donc, évidemment, moi par exemple, je pense que je n’ai jamais cherché à nuire de façon non nécessaire à quelqu’un. Moi, je ne peux pas faire un attentat indiscriminé contre les gens. Non, ça irait contre mon éthique révolutionnaire. Je me refuserais à le faire. […] De fait, nous ne l’avons jamais fait ». Interrogé sur l’existence d’une morale ou d’une éthique dans la lutte armée, il répond : « Oui, évidemment. Oui, mais catégoriquement. En plus, je crois que nous, ETA est née au moment de

Le sens de l’éthique de Gabrielle se trouve entièrement construit autour de cette valeur ultime, quoiqu’elle porte un regard critique sur ce qu’ont impliqué les actions qu’elle a menées1. Interrogée sur l’éventualité d’une morale ou d’une éthique dans la lutte armée, Gabrielle qui a été condamnée à perpétuité, répond pourtant : « la morale, c’est porter l’humain, notre propre humanité dans les actions » (in Dubuisson, 2018, entretien II)2. La notion d’humanité est investie d’un contenu axiologique permettant à Gabrielle de considérer qu’« être humain, c’est alors accepter de se faire violence en faisant violence, être humain c’est supporter cette épreuve consentie pour sauver les droits et l’humanité de l’humanité » (Wahnich, 2006, p. 98).

L’inscription de sa trajectoire politique dans un combat pour l’humanité permet de remettre en perspective, de façon critique, les intentions auxquelles le groupe à qui appartenait Gabrielle (AD) a été assigné, notamment la défense des intérêts d’une classe, néanmoins promue dans certains des textes de l’organisation. Bien qu’ayant suivi une autre voie que Gabrielle, après le congrès du 1er août 1982, Sylvain, camarade d’AD, témoigne d’un souci identique de « réaliser

l’humanité » :

« je voulais essayer de changer le monde, réaliser l’humanité, enfin, en finir avec la barbarie […] en finir avec ce système de merde, c’est un système de mort, le capitalisme, vraiment ! C’est inhumain ».

Cette intention trouve sa substance dans les valeurs morales et révolutionnaires qui, aux yeux d’Emma Goldman par exemple, ne font qu’un : « le sens de la justice et de l’égalité, l’amour de la liberté et de l’humaine fraternité », « le sens instinctif de l’homme pour l’équité », « la dignité », « la sainteté de la vie » (in Leroy, 2014, p. 143 et sqq.). Ces dimensions résument une éthique de l’émancipation ou éthique révolutionnaire déjà présente chez Marx (voir Lew, 1987, p. 57)3. Celle-ci présente un double visage puisqu’elle pousse à la fois les opprimés à l’action mais cette éthique d’émancipation est indissolublement une éthique de ralliement au combat des opprimés de la part des intellectuels ou des membres des couches privilégiées. Dans la

la révolution cubaine et de l’indépendance de l’Algérie. C’est-à-dire que ce sont deux événements qui ont beaucoup influencé ETA. L’indépendance de l’Algérie et la révolution cubaine. Et dans ces luttes, il y a une éthique révolutionnaire. C’est-à-dire que l’usage de la lutte armée s’intègre dans une éthique révolutionnaire. On ne peut pas faire n’importe quoi » (Jovani). Voir aussi Louisa (ETA) et Pietro (BR) répondant à la question de la signification de l’engagement : « combattre, cela voulait dire rester humain, cultiver un amour qui dépasse ta propre personne, et celle des proches, un amour qui donne un sens à la vie humaine ».

1 « La pratique permet aussi à la pensée de se dévoiler. Parce que bon tu te heurtes à des contradictions humaines par rapport à toi-même. Tuer des gens c’est une grande contradiction humaine, énorme. Parce que même si ce sont des bourgeois, même s’ils ont une position importante au pouvoir, ce sont des êtres humains aussi. Ils ne sont pas que technocrates ou ingénieurs. Non, ce sont des êtres humains avec leurs sentiments, leurs faiblesses et leurs forces. Ils sont humains comme nous donc toute la contradiction du combat révolutionnaire, c’est de tuer des humains lorsque tu

le dois. Alors que eux ils n’ont pas de difficulté. L’État n’a aucun problème avec ça » (in Dubuisson, 2018, entretien

II). S. Segio, qui a passé 24 ans en prison, a également conscience de cette contradiction : « je suis aujourd’hui profondément convaincu de ce que résume le poète John Donne : “La mort de tout homme m’amoindrit parce que je fais partie de l’humanité”. C’est vrai pour tout homme, quel que soit sa profession, son idéologie, sa condition sociale ». La contradiction et les effets de dilemmes – en ce qu’il faudrait faire le mal pour pouvoir se rapprocher du bien, en l’occurrence de l’idéal politique poursuivi et visé – sont récurrents en particulier chez les militants d’organisation comme ETA qui ont fait des victimes civiles. Julien est explicite sur ce point : « y a qu’on assume des conséquences quand l’exact [sic] que tu fais, il vise pas un bénéfice à toi. Tu fais du mal mais tu cherches à faire du bien. Tu cherches un changement, tu cherches une libération, tu cherches pas à arriver à dominer idéologiquement par la terreur je sais pas qui. Ça, c’est propagande mais non, c’est pas réel, jamais » (voir aussi Madeleine, supra, p. 54*).

2 Elle réitère le propos dans l’entretien que nous avons avec elle, parlant de son combat : « Cette même force. C’est quelque chose qui vous entraîne, qui… vous lève, qui vous fait vous lever, et vous y allez, parce que c’est normal. C’est juste. Et dans un beau but. Le but humain. Libérer l’humain par l’humain. C’est beau ». Cette évocation se retrouvait dans Kropotkine (1922) : « La lutte pour la vérité, pour la justice, pour l’égalité, au sein du peuple – que voulez-vous de plus beau dans la vie ».

logique marxiste, il s’agit de se battre avec « ceux d’en bas » pour une humanité libérée. Ce souci de l’humanité ou de l’humain est parfois nourri par une inspiration catholique que l’on retrouve aussi bien en Italie qu’au pays basque. Le militantisme s’interprète alors dans les termes d’un « humanisme révolutionnaire »1.

Parmi ces militants d’extrême gauche ou de mouvements de libération nationale qui perçoivent leur situation comme une forme d’oppression, nombreux sont donc ceux qui sont animés par une quête et un idéal de justice, dont l’interprétation est principalement axée autour de l’égalité et du souci des plus défavorisés. Gabrielle exprime en des mots simples et imprégnés d’histoire familiale cette conviction :

« sur une main, tu as cinq doigts qui sont autant de sphères différentes constituant la société. Fermons notre main, levons le poing, réunissons le monde. Il faut à tout prix que tout le monde se réunisse. Il faut que chacun puisse se développer selon ses capacités et ses centres d’intérêts. Que ceux qui sont en difficulté soient aidés. Tu as faim, mon gars bah tu rentres à la maison et tu manges. […] Chez moi, il y avait toujours une place pour le pauvre. Si quelqu’un avait faim, il pouvait entrer et manger avec nous. C’était la culture de mes parents et de mes grands-parents. C’est leur culture, la culture de ceux qui ont peu mais qui offrent par générosité et sans calculer. Ce qui est différent des bourgeois qui eux vont te donner un truc pour te prendre tout le bras » (in Dubuisson, 2018, entretien II)2.

La conviction de s’engager pour la justice est largement partagée par les membres de PL3 ou des BR interrogés, tels Margareth ou Federico qui revendiquent s’être engagés pour la justice4. L’aspiration à un monde plus juste, qui constitue l’un des axes fondamentaux de l’idéal normatif porté par les membres des organisations armées étudiées, est corrélative d’un sens et d’un souci prononcés de la justice, d’une intolérance marquée à l’égard de l’ensemble des injustices induites par le système existant (voir infra chap. 5, 5.2.3) et renforcées par la situation de conflit dans laquelle chacun de ces groupes est engagé. La prégnance de sentiments d’injustice, fondés sur des revendications de justice distributive et renvoyant à des idées intuitives du juste, n’est pas caractéristique des groupes de lutte armée étudiés. Elle anime une large part de la population française, comme des enquêtes de terrain le mettent en évidence (voir Guibet Lafaye, 2012). Or ces sentiments qui traduisent en creux un sens de la justice spécifique, que ce soit en population générale ou dans ces groupes, ne s’épuisent pas dans l’expérience du mépris social, contrairement à ce que prédit la théorie de la reconnaissance d’Axel Honneth (2000). Leur analyse (voir Guibet Lafaye, 2019) permet de récuser les interprétations du terrorisme à partir

1 « Je viens de l’humanisme catholique, parce que ma famille est catholique. De tout petit, j’ai appris de faire les choses bonnes, pour les gens, etc. Depuis je développe cette pensée ou l’humanisme révolutionnaire. Après on étudie le marxisme, on étudie le matérialisme historique, dialectique. On devient marxiste et on développe une conscience solide pour faire la lutte, la lutte politique et militaire » (Ilyan).

2 Rappelons que Gabrielle envisage son combat comme ayant un « but humain » (voir supra p. 58, note 5*). 3 « Au fond, ma conviction profonde était que ce que nous faisions était juste, que nous étions du bon côté de l’histoire, que nous faisions partie d’un mouvement réel capable de transformer l’ordre actuel des choses, pour paraphraser Marx » (S. Segio). Anna Soldati, ayant appartenu à la même organisation quoiqu’avec un parcours fort différent, lui fait écho : « On s’engage dans ce qui nous paraît juste à ce moment-là ».

4 Interrogé sur de possibles doutes concernant son engagement et eu égard à une vie qui aurait pu être « facile », Federico répond : « Ça je le savais à tout moment… J’avais un emploi, j’étais enseignant, je faisais du sport, je pouvais faire plein de choses même très rentables, […] j’ai fait les championnats du monde. Ce n’est pas que je n’avais pas de moyens pour réaliser une vie. Pour combattre l’injustice, on peut renoncer à tout ça… On pense, je ne peux pas vivre en pensant que ceux-là nous tirent dessus lorsqu’ils le veulent, pour s’amuser… Et ce n’était pas de l’idéologie, c’était une chose qui se passait, régulièrement. Car des massacres, il y en avait eu plus qu’un, des fusillades de la police sur les manifestants bien plus qu’une… Plusieurs recours aux fascistes pour mettre hors jeu des avant-gardes de lutte connues, etc., y compris moi… Après quoi j’ai pris le premier pistolet. Lorsqu’ils m’attendaient devant chez moi, j’ai vu qu’ils avaient les pistolets. “Demi-tour” [dietrofront], j’ai dit, demain soir je me rentre à la maison et on raisonne autrement ».

de la frustration relative1. En effet, ces sentiments répondent bien plutôt à des attentes normatives (en termes de justice sociale), parfois ignorées par la littérature sociologique (voir Dubet, 2006 ; Baudelot et Gollac, 2003 ; Parodi, 2010)2, et font émerger un référentiel axiologique redéfinissant l’ordre du juste et de l’injuste, à un niveau macrosocial.

Si, dans les enquêtes en population générale, il apparaît que ce référentiel s’ordonne autour de trois exigences ou principes fondamentaux : la non réduction, pour des raisons arbitraires, des opportunités de choix individuel et de la liberté réelle, l’exigence de ne pas subir les conséquences de dotations ou de conditions qui ne dépendent pas de soi, la non « perméabilité » des sphères de la justice (voir Guibet Lafaye, 2012), en revanche dans les groupes étudiés, s’expriment plus souvent des sentiments relatifs au refus de la domination sociale – aussi bien macrosociale qu’ethnique –, de l’oppression, des sentiments d’inacceptabilité nourris par la situation des individus les plus défavorisés, souvent appréhendée à partir du prisme des rapports de classes. Or ces sentiments d’injustice expriment à chaque fois un écart entre un idéal normatif de justice, d’égalité et de liberté, d’une part, et la réalité sociale, d’autre part.

D’autres valeurs principielles s’affirment du côté basque, telles la lutte contre l’oppression et le fascisme qui porte les individus vers une guerre de libération à connotation non nationaliste. La conviction d’être engagé dans une lutte contre le fascisme anime également une large part des acteurs italiens d’extrême gauche. Cette conviction est d’autant plus ancrée que le passé mussolinien est proche. Plusieurs des acteurs rencontrés ont été en contact avec les résistants de la seconde guerre mondiale, dont certains leur ont fourni des armes. Le sentiment de prendre part à une guerre ou à une lutte de libération anime les militants basques au nord comme au sud. Ceux-ci sont attachés à la « valeur » du pays basque libre, qu’il faut se garder d’interpréter en termes nationalistes car il s’agit, en particulier, pour les membres d’IK mais aussi pour d’anciens militants d’ETA, comme Etan ou Julien, d’envisager un pays basque, où chacun puisse trouver sa place et vivre, comme le suggère Paul :

« Moi je suis socialiste… et indépendantiste, enfin je suis pour l’autodétermination des peuples. Tous les peuples ont droit à s’autodéterminer.

Il est peut-être pas reconnu par l’ONU mais le peuple basque existe. Culturellement, personne ne nie qu’il y a un pays basque avec sa langue, avec sa culture, etc. Alors pour certains, ça fait partie… c’est une région de la France et une région de l’État espagnol mais pour nous et, je pense, pour beaucoup de gens… j’espère qu’un jour l’ONU par exemple – parce que c’est eux qui gèrent ça – va nous reconnaître comme un peuple à décoloniser ou qui a droit à s’autodéterminer. S’autodéterminer, c’est tout simplement… je suis pas pour de nouvelles frontières, etc. mais je suis pour qu’on se gère, qu’on nous reconnaisse comme peuple… Je vous fais une parenthèse : quand je vois un Black qui parle basque, qui est basque, je lui revendique autant de droits que moi, c’est plus une communauté de destins. On n’est pas des racistes, moi j’adore voir un Black ou un Asiatique qui parle basque… Il y a des gosses qui ont été adoptés. Moi je veux que ma culture soit ouverte. La langue et la culture vont de pair, habillent, font ce territoire. J’espère qu’on va être assez attrayant, que notre culture va être assez attrayante, que nous on va être assez sympas, assez ouverts pour donner envie à la personne qui arrive ici, parce qu’il y a tellement de brassages maintenant humains, pour qu’il se reconnaisse, qu’il ait envie, lui aussi, d’être basque. Et plus il y aura de gens d’autres couleurs et plus ça sera bon signe. Parce que nationalisme, c’est pas ça. Nationalisme, pour beaucoup de gens, c’est Le Pen, c’est le Front National, avec cette vision : “on est chez nous ; on reste chez nous. Non à l’étranger et tout ça”. Et moi, c’est pas du tout ma façon de voir, ou

1 Voir Tocqueville, 1835 ; Gurr, 1970, p. 12-13 ; Davies, 1962, 1973.

2 Les sentiments d’injustice ont été explorés, par la sociologie notamment, au sein d’univers particuliers tels que la sphère du travail (Dubet, 2006), le travail salarié (Baudelot et Gollac, 2003 ; Thireau et Hua, 2001), l’entreprise (Monin et al., 2005 ; Aebischer et al., 2005 ; Le Flanchec, 2006 ; Nadisic et Steiner, 2010), plus généralement, le monde professionnel (Trotzier, 2006), la santé (Emane, 2008), l’école (Lentillon-Kaestner, 2008 ; Mabilon-Bonfils, 2007) ou comme émanant de groupes sociaux spécifiquement identifiés (Cortéséro, 2010 ; Parodi, 2010).

d’envisager l’avenir pour ce pays. C’est un endroit en plus de passage, où il y a énormément de brassages. Donc il faut que ces gens-là, il faut qu’ils restent ici. C’est ensemble qu’on doit construire ce pays du moment qu’il reconnaisse qu’il arrive dans un pays qui a ses particularités, et qu’il a envie de connaître cette langue, notre langue, qu’il a envie de connaître cette culture, et que lui-même il devienne acteur de ce combat d’émancipation. Ce qu’on doit déterminer c’est ça : c’est de reconstruire ce pays, nous prendre en charge, nous doter d’outils de plus en plus d’autogestion et pas que de reconnaissance territoriale, etc. C’est aussi changer la société, la rendre plus juste, plus équitable, plus écolo, plus verte, plus durable, voilà. C’est tout ça. Il y a tellement de combats… Combattre aussi le machisme, l’homophobie, c’est… rendre cette société meilleure même au pays basque. […] Donc au-delà de la libération nationale, c’est la libération sociale. Et au niveau social, il y a énormément de boulot à faire. Et moi, j’ai pas envie de rendre ce pays indépendant, si c’est pour avoir toujours les mêmes rapports de dominés et de soumission, enfin économique ou le patriarcat ou une société homophobe et tout ça »1.

On trouve une détermination analogue dans les propos de Julien, acteur au pays basque sud. En 82-83-84,

« on avait tout un schéma de travail, on rêvait de faire une démocratie