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Conclusion de la première partie

III- 4-2- Vecteurs neumatiques idéels

La sémiotique modale propose une réduction de la réécriture vectorielle réelle. Cette réduction substitue aux vecteurs neumatiques réels (qui expriment des relations intervalliques mélodiques en succession temporelle) des vecteurs

326Marie-Noël, COLETTE, « Élaboration des notations musicales, IXe- XIIe siècle », in Colette, Marie-Noël, Popin, Marielle et Philippe,VENDRIX,Histoire de la notation du Moyen Âge à la Renaissance, Paris, Minerve, 2003, p. 11-89, p. 29.

327 « Dans un certain sens, les neumes diastématiques byzantins sont un système numérique, contrairement à la méthode analogique de la portée occidentale. Plutôt que d’identifier chaque hauteur à partir d’un point de référence central comme la clé, on calcule chaque intervalle par rapport au neume précédent » (Peter JEFFEREY, « La transmission orale et écrite : l’exemple du chant byzantin », Musiques. Une encyclopédie pour le XXIe siècle, dirigée par Jean-Jacques Nattiez, vol. V « L’unité de la musique », Arles, Actes Sud, 2005, p. 550-576, p. 564-565).

328Par exemple, le neume oligon se traduit par +1 degré (une seconde ascendante), tandis que l’élaphroncorrespond à -2 degrés (une tierce descendante) (Dimitri Giannelos, La musique byzantine, Paris, L’Harmattan, 1996, p. 39-57).

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neumatiques idéels qui décrivent des relations temporelles entre les structures

sous-jacentes des degrés forts du phrasé modal.

Tout comme les vecteurs harmoniques décrivent une « syntaxe tonale » se fondant sur « la signification des progressions harmoniques »330, les vecteurs neumatiques idéels ont pour fonction de modéliser la modalité formulaire dans sa structure sous-jacente.

De plus, l’analyse inhérente aux vecteurs harmoniques, dont les règles syntaxiques « sont valides à tous les niveaux de l’analyse, depuis celui de la figuration la plus superficielle jusqu’à celui de la structure fondamentale », à l’instar de l’analyse schenkérienne, « se fonde sur un processus de réduction par élimination des prolongations »331.

De même en est-il de l’analyse vectorielle modale qui s’applique à tous les niveaux des transformations grammaticales modales, la transformation générative se décrivant en termes de décomposition vectorielle, tandis que l’analyse réductionnelle est assimilée à une opération d’addition vectorielle qui dépouille les différents niveaux de la réécriture du phénotexte modal des prolongations qui leur sont inhérentes.

Cette réécriture vectorielle idéelle modale « s’appuie au préalable sur une réduction nucléaire des unités constitutives de l’énonciation musicale qui revient à substituer aux degrés de rang i de l’échelle modale (la finale étant de rang i = 1 en chiffrage arabe ou I en chiffrage romain) leurs indicateurs nucléaires respectifs IN(i) »332. Cela donne les équations suivantes :

 .  .

330MEEÙS, op. cit., 1988, p. 94.

331Ibid., p. 97-98.

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Partant de là, le vecteur neumatique idéel se définit en tant que classe d’équivalence entre bipoints sonores équipollents au titre des indicateurs nucléaires sous-jacents de leurs degrés constitutifs.

La première équipollence s’établit selon Nidaa Abou Mrad entre les bipoints de forme , avec , comme par exemple :

(I, II) ≡ (I, IV) ≡ (III, II) ≡ (III, IV).

Cette équipollence donne lieu à la classe d’équivalence

.

Ce vecteur neumatique idéel, équivalant au « vecteur sous-dominant » des vecteurs harmoniques, est de caractère suspensif, qui s’arrête sur un degré non-congruent du point de vue nucléaire avec la finale. Il est dénommé par Nidaa Abou Mrad333 « vecteur question », représenté par ou q.

La deuxième équipollence s’établit entre les bipoints de forme

1, 2 , avec et , comme par exemple :

(II, I) ≡ (IV, I) ≡ (II, III) ≡ (IV, III)

Cette équipollence donne lieu à la classe d’équivalence

Ce vecteur neumatique idéel, équivalant au « vecteur dominant » des vecteurs harmoniques, est de caractère conclusif, qui s’arrête sur un degré congruent du point de vue nucléaire avec la finale. Il est dénommé par Nidaa Abou Mrad334 « vecteur réponse », représenté par ou r.

Quant au vecteur nul, représenté par ou 0, il correspond à deux bipoints sonores équipollents constitués de degrés ayant le même indicateur nucléaire :

333 Ibid.

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La sémiotique modale opère néanmoins une distinction entre les vecteurs nuls et , et ce, par leurs différents points d’application. Ainsi le vecteur (qui correspond à une prolongation du noyau principal) est-il dénommé, vecteur-prolongation primordiale représenté par , tandis que le vecteur , qui correspond à une prolongation du noyau secondaire, est dénommé vecteur-prolongation secondaire suspensive et représenté par .

Ainsi deux types de formulation modale sont-ils représentés par l’addition :

Tandis que la première équation correspond à la structure fondamentale :



, la seconde décrit la structure inverse (de celle-ci)  :  .

Et réciproquement, l’écriture vectorielle permet de représenter toute transformation générative ou déploiement compositionnel en termes de décomposition vectorielle.

Ainsi en est-il de la transformation du noyau principal en structure originelle/fondamentale () au niveau de l’arrière-plan :

Hormis ce déploiement primordial, Nidaa Abou Mrad situe toutes les transformations (exprimables par des décompositions) vectorielles au plan moyen : « à l’arrière de celui-ci, l’élaboration des structures sous-jacentes (vectorielles idéelles) des phrases, tandis que la décomposition de ces structures syntaxiques en structures cellulaires sous-jacentes s’inscrit à l’avant du même

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plan. Il reste que pour chaque type d’élaboration, l’adjonction récursive d’une prolongation ou – généralement à branchement gauche par rapport à un vecteur ou à branchement droit par rapport à un vecteur , donnant lieu à de nouvelles décompositions arborescentes de type  ou  – constitue la procédure principale du déploiement compositionnel […]. Tandis que ces dérivations relèvent d’une forme musicale de récursivité syntaxique (par branchement, enchâssement ou emboîtement), l’autre procédure principale est celle d’une n-réitération (à caractère strophique) d’une formule vectorielle »335.

Nidaa Abou Mrad précise cependant « que les formules modales ne rassemblent pas forcément la totalité de la succession additive des vecteurs et qu’il est des unités antécédentes de l’articulation du phrasé (phrases et formules cellulaires) qui ne s’arrêtent pas aux noyaux de départ des unités conséquentes. Cela implique que certains vecteurs fassent office de vecteurs-liens ou d’enchaînement entre formules successives ».

Quant à l’ultime transformation vectorielle, elle se traduit par une succession temporelle terminale d’indicateurs nucléaires. Cette structure sous-jacente donne prise au procès de finalisation transformationnelle – propre aux réarrangements morphophonologiques336, rythmiques et stylistiques de surface – inhérent aux compétences compositionnelles et/ou improvisatives du « sage expert musicien »337 et qui ouvre la voie à une élaboration détaillée du

phénotexte musical ou phrasé d’avant-plan. Ces transformations terminales sont

de trois types : (1) le remplacement des indicateurs sous-jacents par des notes focales réelles au sein du phrasé ; (2) structuration rythmique du flux de ces

335 Ibid.

336« Les règles syntagmatiques sont désormais entendues générer non plus des phrases, mais des indicateurs syntagmatiques abstraits (« indicateurs sous-jacents »), que des règles transformationnelles convertiront en de nouvelles structures abstraites (« indicateurs syntagmatiques dérivés »), donnant les suites terminales (les phrases), modulo les réarrangements morphophonologiques » (Anca-Marina,VELICU, « La grammaire générative-transformationnelle : concepts-clés et devenir du modèle », Dialogos, 12/2005, p. 41-64,

http://www.romanice.ase.ro/dialogos/12/07_Velicu_La-grammaire.pdf., p. 46).

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notes focales ; (3) l’application, le cas échéant, de procédures stylistiques de remplissage (neumes/mélismes) des intervalles temporels entre notes focales successives.

En s’inscrivant à rebours du procès grammatical génératif modal, la sémanalyse modale propose une réduction mélodique, consistant en une triple réécriture analytique successive du phénotexte modal. La première réécriture est dite phonématique modale qui substitue leurs notes focales/saillantes aux cellules formulaires réelles que met en exergue la segmentation préalable d’un énoncé musical assujetti à une transcription phonétique modale. La deuxième est dite indicative nucléaire qui substitue à ces notes focales réelles leurs indicateurs nucléaires sous-jacents. La troisième est dite indicative vectorielle qui substitue aux indicateurs nucléaires successifs des vecteurs neumatiques idéels dont la sommation arborescente décrit en sens inverse le déploiement compositionnel organique qui se fait par prolongations successives à partir du noyau modal originel.

« Dans ce type de réécriture, les notes focales consécutives doivent être systématiquement reliées par des vecteurs successifs, dont l’addition (résultante) ramène aux strates postérieures du plan moyen. Cependant, tout vecteur qui s’inscrit dans une ponctuation – qui relie la finale d’une formule (ou d’une phrase) antécédente à l’initiale d’une formule (ou d’une phrase) conséquente – a le statut de vecteur-liaison. Le symbole de celui-ci est mis entre parenthèses, étant donné qu’il ne participe pas à la réduction d’une formule (ou d’une phrase) réelle, mais seulement à la liaison de ponctuation entre formules (ou phrases) consécutives »338.

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