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Conclusion de la première partie

III- 2-1- Systèmes transmodaux

Pour Abou Mrad, les monodies appartenant à un Re « se répartissent diversement sur des sous-ensembles variablement constitués en fonction du genre, de la forme, du style et surtout du macromode, ou mode global Me,f de l’énoncé. Toujours est-il que les p sous-ensembles modaux – comme ceux de

l’octoéchos228 (p = 8) – sont transtraditionnels, c’est-à-dire que leur

225ABOU MRAD, op. cit., 2012a, p. 8.

226 Les indices du symbole u5,e,f,g expriment successivement : (1) le niveau d’articulation de la monodie, soit i = 5, (2) le répertoire traditionnel inclusif, codé par e (1 ≤ e ≤ m), (3) le macromode, indiqué par f, (4) l’identifiant particulier g de la monodie.

227 La tradition est souvent représentée par un répertoire pouvant être (1) à moment donné limité, lorsque les énoncés référés se trouvent en nombre restreint (situation actuelle de la tradition liturgique syro-maronite), ou (2) à l’opposé, expansif lorsque les énoncés sont susceptibles de se multiplier à tout moment, en conséquence de la composition ou de l’improvisation. On parlera alors d’un répertoire-modèle (Jean DURING, Le répertoire-modèle de la musique iranienne : Radif de tar et de setar de Mirza ‘Abdollah, version de Nur ‘Ali Borumand, Téhéran, Éditions Soroush, 1991),

228 Système de rangement des formules modales, originaire des monastères orthodoxes de Palestine au VIIe s. et répandu dans d’autres traditions ecclésiastiques, notamment, le plain-chant romano-franc ou grégorien naissant, selon Peter JEFFERY (« The earliest oktōēchoī: the role of Jerusalem and Palestine in the beginning of modal ordering », The Study of Medieval Chant. Paths and bridges, East and West. In Honor of Kenneth Levy, Cambridge, The Boydell Press, 2001, p. 147-210).

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caractérisation Mf s’envisage à cheval entre m répertoires traditionnels, ce qui s’écrit :

et

De même, l’affiliation composite des monodies s’écrit : et

où le niveau d’articulation est indiqué par l’indice n = 5, le répertoire traditionnel [comme celui de la chanson tripolitaine] par e(1 ≤ e ≤ m) et le macromode par f, tandis que l’indice g constitue l’identifiant particulier de la monodie, envisagé au sein de Re ».

Pour une tradition donnée, voire pour le groupe T, la modalité scalaire, ou premier point de la quadripartition modale de Tran Van Khé, « réfère à un système transmodal de hauteurs, par rapport auquel se déterminent échelles, en surface, et noyaux et profils formulaires (se ramenant à des lignes inscrites entre pôles appartenant à des noyaux), en profondeur »229, et ce, en résonance avec l’oscillation définitionnelle de la modalité entre échelle particularisée et mélodie

généralisée, observée par Harold Powers230.

Forgée par Nicolas Meeùs231 à partir de celle de modi vocum, figurant dans les traités latins du XIIe siècle (Micrologus de Guido d’Arezzo et Musica d’Hermannus Contractus), la notion de qualité systémique consiste à décrire les caractères propres aux degrés du système musical à partir de leur positionnement au sein de l’échelle transmodale232 de référence, ouvrant ainsi la

229ABOU MRAD, op. cit., 2012a, p. 9.

230 Harold, POWERS et al., « Mode », The New Grove Dictionnary of Music and Musicians, S. Sadie éd., Londres, MacMillan, 2001, vol. XVI, p. 775-860, p. 776.

231 Nicolas, MEEÙS, « Qualités systémiques et fonctions modales dans la théorie musicale latine », Revue des traditions musicales des mondes arabe et méditerranéen 1 (2007), « Musicologie générale des traditions », p. 28-35.

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voie à une contextualisation structurale des fonctions modales que remplissent les pôles ou degrés hiérarchiques à l’égard de l’énonciation monodique.

Nidaa Abou Mrad233 accorde une attention particulière aux situations « où les fonctions modales principales de teneur T5 (pôle proéminent, par occurrence statistique et/ou, surtout, par accentuation intonative, dans sa double acception prosodique et musicale, comme dans le plain-chant234) et de finale F5 (ou hauteur conclusive) de l’énoncé (de niveau d’articulation n = 5) sont assumées par une seule et même hauteur, instituant ainsi, sur une monodie ou un segment de monodie, un état de densification modale s’exprimant par un modeunipolaire ou corde-mère ».

Or c’est précisément l’étude de l’unipolarité modale qui constitue le point de départ de l’analyse des répertoires liturgiques médiévaux latins, telle qu’elle est réalisée par Dom Jean Claire235, et qui fonde, toujours selon Nidaa Abou Mrad236, « une lecture transmodale axée sur trois degré monopôles, matrices supposées archaïques des modes bipolaires (et tripolaires), en vertu de la théorie de l’évolution modale – et de ses processus de descente de la finale (en relation avec la ponctuation) sur une corde d’appui inférieure et de montée de la teneur (en relation avec l’accentuation) sur une corde d’appui supérieure – permettant de transcender la diversité phénoménale des modes particularisés de l’octoéchos pour instituer une typologie d’essence générative ».

233ABOU MRAD, op. cit., 2012a, p. 9.

234 Dans le chant romano-franc « il y a identification de l’accent du langage, du ton de la musique et de la tenue de la mélodie : on emploie indifféremment les termes accentus, tonus, tenor » (Marie-Élisabeth DUCHEZ, « La notion musicale d’élément porteur de forme », La Musique et les sciences cognitives, St. McAdams et I. Deliège éd., Bruxelles, Mardaga, 1989, p. 291).

235 Jean CLAIRE, « L´Évolution modale dans les répertoires liturgiques occidentaux », Revue grégorienne 40 (1962), p. 196-211 et 229-245, et « Les Répertoires liturgiques latins avant l´octoéchos. I. L´office férial romano-franc », Études grégoriennes 15 (1975), p. 5-192. Voir également : Daniel SAULNIER, Les modes grégoriens, Paris, Tournai, Solesmes, Abbaye Saint-Pierre de Solesmes, 1997.

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Partant de témoignages historiques qui font du Levant le berceau de l’octoéchos237 et se situant dans le prolongement de l’extrapolation du concept des cordes-mères à la tradition syro-maronite, telle qu’elle est réalisée par le Père Louis Hage238, Nidaa Abou Mrad239 a mis en évidence le rôle des cordes-mères E (mid), F et G dans la catégorisation des échelles usuelles des traditions vocales du Mašriq, selon la configuration intervallique zalzalienne, norme commune du groupe T.

Notons que c’est au VIIIe siècle que Manṣūr Zalzal adapte le luth persan à table en bois pour en faire l’instrument de référence de l’époque Abbasside : le

‘ūd šabbūṭ. L’une des mutations a consisté à rajouter deux marques permettant d’indiquer les hauteurs situées à intervalles de seconde moyenne (intermédiaire entre secondes mineure et majeure, mesurant près de 150 cents) et de tierce moyenne (environ 350 c) par rapport à la corde vide et ce, afin de faciliter l’accompagnement des chants arabes comportant ces intervalles. Ces frettes sont désignées par les théoriciens ultérieurs (Al-Fārābī et al-Kātib) respectivement : « adjointe de l’index de Zalzal » ou « des Arabes » et « médius de Zalzal » ou « des Arabes ». C’est en référence à ce musicien qu’Owen WRIGHT240 appelle

Zalzalian les échelles à intervalles neutres ou moyens. Quant à Nidaa Abou

Mrad241, il définit les échelles d’ossature zalzalienne comme étant un agencement de secondes moyennes et majeures.

237 Michel, HUGLO, « Les formules d’intonations noeane noeagis en Orient et en Occident », Aspects de la musique liturgique au Moyen Âge, actes des colloques de Royaumont de 1986, 1987 et 1988, Ch. Meyer éd., Paris, Éditions Créaphis, 1991, p. 43-53. Peter JEFFERY, op. cit.

238 Louis, HAGE, « La modalité du chant syro-maronite », Études grégoriennes XXVII(1999), p. 143-163.

239ABOU MRAD, op. cit., 2009, p. 37-74.

240Owen, WRIGHT, The modal system of Arab and Persian music 1250-1300, London, Oxford University Press, 1978, p. 82.

241 Nidaa, ABOU MRAD, « Échelles mélodiques et identité culturelle en Orient arabe », Musiques. Une encyclopédie pour le xxie siècle, vol. III, Musiques et cultures, sous la direction de Jean-Jacques Nattiez, Arles, Actes Sud, 2005a, p. 756-795.

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Ainsi une très grande majorité de mélodies analysées par cet auteur « s’inscrit-elle dans le pentacordematricielzalzalien C, D, E (mid), F et G,qui consiste en un partage symétrique (par rapport à E) à la fois de la quinte C-G — en deux tierces moyennes/neutres/zalzaliennes (autour de 350 cents, à un comma près)— et de la tierce mineure ou trihémiton D-F —en deux spondiasmes ou secondes moyennes/neutres/zalzaliennesn (autour de 150 c)—, ce qui laisse deux secondes majeures M (autour de 200 c) résiduelles en périphérie, entre C et

D et entre F et G, tout en considérant les quartes symétriques C-F et D-G

(système 1) »242.

Système 1 : division de la quinte juste en un pentacordematricielzalzalien, d’après Nidaa Abou Mrad (2012a)

L’intégration de la recension des hauteurs employées dans les monodies dont les modes sont dérivés de la corde-mère E permet à cet auteur243 « d’établir l’échelle simple zalzalienneζ (système 2), agencement de secondes moyennes (neutres ou zalzaliennes) n et majeures M, cette famille modale étant compatible avec des finales macromodales F5 = C ou E et des teneurs macromodales T5 = E, G ou B, séparées par des tierces moyennes. L’ensemble de ces pôles transmodaux(C, E, G, B), axé sur la corde-mère E, est dénommé noyau par tierces zalzaliennes ou noyau z ».

242ABOU MRAD, op. cit., 2012a, p. 10-11.

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Système 2 : système transmodalζzalzalien, à corde-mère E

Toujours est-il que la corde-mère F constitue selon le même auteur244

l’axe de nombreuses mélodies du Levant. Cependant, son encadrement en relation avec la corde-appui inférieure peut varier entre les degrés D et F, tandis que la teneur peut être assujettie au processus d’ascension décrit par Claire et donner lieu à trois teneurs concurrentes : F, A et C. Il reste que le processus de descente de la finale de F en D permet de décrire les échelles modales de type

Bayyātī.

L’intégration de la recension des hauteurs employées dans les monodies dont les modes sont dérivés à partir de la corde-mère F permet, toujours selon Nidaa Abou Mrad245, « d’établir la configuration transmodale mixte zalzalienne et diatonique ζδ » (système 4).

Système 3 : système transmodalζδzalzalien-diatonique, à corde-mère F

Ce système correspond, dans sa partie inférieure, « au pentacorde

matriciel zalzalien, tandis que le tétracorde supérieur est un agencement

diatonique de secondes majeures M et mineures m, sachant que dans d’autres traditions du Mašriq246[notamment les traditions musicales citadines d’Égypte] la seconde mineure est resserrée, devenant seconde minimemm (autour de 70 c),

244ABOU MRAD, op. cit., 2012a, p. 12.

245Ibid., p. 13.

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ce qui entraîne l’élargissement de la seconde majeure qui la surplombe, qualifiée ainsi de seconde maxime MM (autour de 240 c) »247.

Sans faire état des détails de la démonstration faite par cet auteur, cette approche débouche sur un troisième système scalaire transmodal (système 4qui est

chromatique synton (selon les dénominations de l’antiquité grecque) de

secondes moyennes n, maximes MM et mineures m248.

Système 4 : système transmodalχchromatique, à corde-mère G