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2-4- Mélodies traditionnelles libyennes d’ossature zalzalienne

Conclusion de la première partie

III- 2-4- Mélodies traditionnelles libyennes d’ossature zalzalienne

L’ossature zalzalienne263 est une combinaison successive d’un nombre

d’intervalles de secondes moyennes (n) et majeures (M). Il existe deux sous-catégories de cette échelle : régulière et alternative264.

Les aspects réguliers

- L’aspect Rāst en tétracorde, composé par les intervalles de secondes M n n, vaut le zalzalien de Do.

- L’aspect Dūkāh en tétracorde, composé par les intervalles de secondes n n M, vaut le zalzalien de Ré.

- L’aspect Rāst en pentacorde est composé par les intervalles de secondes M n n M.

- L’aspect Ḥusaynī en pentacorde est composé par les intervalles de secondes n n M M.

263 Une catégorie qui répond parfaitement à la définition « genre » emprunté aux Grecques, (le terme genre renoué par Rodolphe D’Erlanger au Congrès de Musique Arabe au Caire 1932). Owen WRIGHT (1978 : 82) donne le nom « Zalzalian » [zalzalien] (dérivé de Manṣūr Zalzal VIII) pour caractériser la catégorie des échelles à intervalles neutres. Dans son texte, « Echelles mélodiques et identité culturelle en Orient arabe », (2005) Abou Mrad, propose de désigner par « genre zalzalien » pour les trois types d’ossature simple (tri, tétra ou pentacorde) contenant des intervalles de seconde neutre et de seconde majeure.

264 Par une citation, Abou Mrad désigne, la première catégorie, « l’échelle zalzalienne octacordale régulière est celle des pardāt ou abrāj des traités arabes récents et s’enracine dans les configurations abbassides dites de la corde vide et de l’index dans le parcours du médius de Zalzal, devenue Muṭlaq puis Mustaqīm (régulière). », la deux catégorie, « l’échelle alternative s’enracine dans la configuration abbasside dite du médius de Zalzal dans son propre parcours, ou du mujannab. ». (cf. ABOU MRAD, op. cit., 2008, p. 105)

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- L’aspect Sīkāhšāmī en pentacorde, composé par les intervalles de secondes n M M n, vaut le zalzalien de Midb.

- L’aspect Najdī en tétracorde, composé par les intervalles de secondes M M n, vaut le zalzalien de Fa.

Les aspects alternatifs

- L’aspect ‘Irāq en tétracorde, composé par les intervalles de secondes n M n, vaut le zalzalien de Sibd.

- L’aspect Sīkāh en tricorde est composé par les intervalles de secondes n M.

Une première lecture de cette catégorisation donne à penser qu’il concerne le fond primitif et le noyau national du système mélodique de la musique arabe de l’époque moderne. De son côté, d’Erlanger265 explique que « le chanteur arabe, le bédouin, cherche ses moyens d’expression dans le seul mouvement mélodique de sa voix. Ce mouvement est généralement limité au parcours d’une quarte ou d’une quinte ; les degrés extrêmes de ces deux intervalles constituent pour lui des points de repère sur lesquels il effectue des arrêts plus ou moins marqués. Le degré aigu de la quarte ou de la quinte est pris parfois comme point de départ pour un nouveau parcours et sert alors de finale pour cette partie du chant … ». Il donne des exemples des thèmes mélodiques, du chant tunisien d’origine arabe qui remonte au XIe siècle266, résultant de cette succession mélodique.

265 Rodolphe, D’ERLANGER, La musique arabe, Tome 5, Essai de codification des règles usuelles de la musique arabe moderne, Echelle générale des sons, Système modal, Les Geuthner, Paris, 1949, p. 58-59.

266 Ces thèmes du chant des tribus arabes nommées hilaliennes venues du Ḥijāz (à l’Ouest de péninsule arabe) avaient occupé le Sud-Tunisien dans la seconde moitié du XIe siècle. L’un de ces thèmes est connu en Tunisie sous le nome de Ṣālḥī. (ibid., p. 58-59). De la même période, au milieu du XIe siècle, la Libye est concernée par l’invasion des tribus hilaliennes. (Auzias, DOMINIQUE et Jean-Paul, LABOURDETTE, Libye, 2008, p. 222).

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Dans son article encyclopédique sur les échelles mélodiques, Abou Mrad267 indique que « les modes dérivés des trois configurations associées au médius de Zalzal (par combinaison de segments scalaires et transposition) constituent la base d’une part majoritaire de la production réalisées au sien des traditions musicales vivantes de l’Orient arabe. Rappelons que cette remarque

est valable avant tout pour les traditions populaires du Liban, de Syrie, D’Égypte, d’Iraq et la Péninsule arabique, où les mélodies sont basées sur des

échelles à intervalles neutres ».

Quoi qu’il en soit, la succession mélodique de l’ossature zalzalienne simple de tétracorde ou de pentacorde permet de décrire un nombre important de séquences musicales traditionnelles en Libye.

Parmi ces séquences, il est possible d’étudier le répertoire de la musette

magrūna, dont les mélodies ne dépassent pas six notes268. L’étendue de cet instrument est en effet l’une des caractéristiques du chant populaire à Mourzouk située dans la région de Fezzan au sud de pays, la plupart de ses habitants étant d’origine africaine. Al-Sïbā’ī indique que plusieurs habitants de Mourzouk et spécialement les artistes ont joué un rôle très important dans la diffusion du chant populaire à toute la côte nord libyenne à cause de leur déplacement dans ces zones en quête de moyens de subsistance, en particulier après la perte de l’importance commerciale de la ville de Mourzouk.

D’ailleurs, la chanson mourzoukienne (al-uġniyah al-morzkawiyah) a fait l’objet d’analyses approfondies par Bašīr E-Sayed269. Cet auteur affirme que l’étendue de la magrūna est de six sons qui peuvent donner deux cellules

267ABOU MRAD, op. cit., 2005, p. 756-795.

268« Les magrouna sont des musettes dont jouent habituellement les nègres … Ces instruments ne seraient pas désagréables à entendre ; ils deviennent toutefois monotones par leur même étendue : cinq à six notes, et dans la même tonalité. Ne pouvant s’assimiler à aucun instrument, ils sont à classer parmi les isolés », d’après LAFFAGE, op. cit., 1906, p. 60 – 62.

269 Bašīr, E-SAYED, « Al-uġniyah al-morzkāwiyah wa madā tatyrahā fi al-ġinā’ al-libye al-mo‘āser » [La chanson mourzoukienne et son impact sur le chant contemporain], mémoire de master, Université de Tunis, 2005, p. 72-75.

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modales assises l’une sur le premier degré et l’autre sur le deuxième de l’échelle. En appliquant la typologie susdécrite, il est possible d’analyser ces mélodies dans les termes suivants :

- tétracorde Rāst (zalzalien de Do) sur Fa : M n n ;

- tétracordeBayyātîou Dūkāh (zalzalien de Ré) sur Sol : n n M.

Système 5 : échelle modale des séquences magrūna

Par conséquent, nous constatons que la plupart des chansons accompagnées par cet instrument ne dépasse pas une quarte ou une quinte. Autrement dit, le chanteur cherche ses moyens d’expression dans le seul mouvement mélodique de sa voix généralement limité à ce parcours d’une quarte ou d’une quinte. Ces intervalles constituent pour lui des points de repère sur lesquels il effectue des arrêts plus ou moins marqués. Nous donnons ici des exemples caractéristiques du chant populaire de Mourzouk, d’après les transcriptions effectuées par E-Sayed.

L’exemple 1 est connu dans le répertoire du chant populaire usité dans les mariages mourzoukiens : « Mā nansāk yā ğālî ». L’auteur a transcrit ce chant d’après l’interprétation d’un groupe de femmes et d’hommes, accompagné par la

magrūna et la tabdeba270. Cette chanson est composée sur une ossature simple qui présente l’ossature zalzalienne régulière, d’aspect Rāst/F, soit : F – 2e M – G – 2e n – Adb – 2e n – Bb.

Exemple 1 : Transcription de la chanson magrūna « Mā nansāk yā ğālī »

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Quant à l’exemple 2, il correspond à la chanson « Ṣallā l-l-lāho ‘alā

n-nabī », interprétée par un soliste et un chœur, accompagnés par la magrūna, la tabdeba et le tār. Cet exemple repose sur la même ossature zalzalienne régulière

d’aspect Rāst, cette fois-ci pentacordal, soit : F – 2e M – G – 2e n – Adb – 2e n – Bb – 2e M – C.

Exemple 2 : Transcription de la chanson magrūna « Ṣallā l-l-lāho ‘alā n-nabī »

De ce fait, le chant de cette zone dans le sud du pays a un timbre particulier qu’il doit aussi aux accents dialectaux et phonologiques qui lui sont propres. Le chanteur transforme les vers à sa manière et garde presque toujours une pondération de ligne qui constitue toute la beauté de cette musique primitive. Le but que nous nous étions fixé ici, était de constater que certaines chansons tripolitaines, qui sont composées sur cinq ou six notes, remontent à leurs origines de la musique populaire.