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Variations des emblavures et des rendements cotonniers

1.2. L’évolution du coton produit au Burkina Faso et dans le Mouhoun

1.2.2. Variations des emblavures et des rendements cotonniers

Toutes ces politiques coloniales successives ont influencé l’évolution de la culture cotonnière.

Sur le long terme, la production cotonnière s’accroît d’autant plus que les superficies emblavées s’étendent en même temps que s’améliorent les rendements, même si les chiffres diffèrent selon qu’ils sont fournis par la Sofitex ou par la Direction générale de la production et des statistiques agricoles, DGPSA, qui dépend du Ministère de l’agriculture de Ouagadougou (Tabl. n°5 p46-47). Les écarts peuvent donner des productions et des superficies extrêmement variables, parfois très supérieures pour la Sofitex, comme en 1985-1986, et d’autres fois, supérieures pour la DGPSA, comme pour la campagne suivante. Cet accroissement de la production concerne le Mouhoun comme l’ensemble du Burkina Faso et la progression, à l’échelle de toutes les régions cotonnières a même atteint plus de 37 %, pour la campagne 2001-2002 (Sofitex, 2003).

-1971-1972

Source : Chiffres fournis par la Sofitex et par la DGPSA, en 2003

*, **, *** : Données non fournies par la DGPSA pour la période de 1961-1962 à 1983-1984

Tabl. n°5 : Evolution de la production cotonnière burkinabé (Hauchart, 2005)

Dans les années 1920, la politique de collectivisation de la culture du coton a entraîné une augmentation de la production cotonnière qui dépassait alors 4 000 tonnes. Les nouvelles

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directives de 1930 ont engendré une démotivation des paysans qui sortaient d’une période de culture forcée et une diminution considérable de la production qui est retombée à 142 tonnes en 1931-1932 (Schwartz, 1993). Après quelques années difficiles, la production nationale a subi une nouvelle augmentation : elle est passée de 52 tonnes de coton-graine commercialisées au cours de la campagne 1951-1952 à 404 419 tonnes en 2002-2003 (Sofitex, 2003). La production des années 1920 est de nouveau atteinte et dépassée dès la campagne de 1962-1963. L’accroissement moyen annuel de 19,9 %, pour la période de 42 ans qui débute en 1961-1962, n’est pas constant et il a même subi une variation négative entre 1969-1970 et 1973-1974 puis de 1979-1980 à 1981-1982 (Graphe n°4 p48). Cette croissance répond aux objectifs de la Sofitex qui visent chaque année une production plus ambitieuse37. Le premier facteur d’accroissement de la production est l’extension des superficies cotonnières due à un mouvement d’extension des cultures au dépens des jachères, des bas-fonds et des zones sensibles à l’érosion (Grouzis et Albergel, 1988). La superficie cultivée en coton est passée de 315 hectares en 1951-1952, à 36 000 en 1962-1963 puis à 408 343 en 2002-2003, avec les mêmes périodes de régression que celles de la production (Sofitex, 2003). Les courbes de production et d’emblavures cotonnières sont complexes avec quatre grandes tendances : une hausse régulière de 1961-1962 à 1985-1986, un pallier chaotique de stabilisation jusque 1996-1997, un pic entre 1996-1997 et 1999-2000 puis une forte hausse depuis. Toutefois, nous retenons que, depuis la campagne 1982-1983, ces deux courbes évoluent en parallèle, avec les mêmes hausses exceptionnelles, comme en 1997-1998, ou les mêmes baisses comme en 1999-2000. Le taux de croissance moyen annuel de 8,6 %, pour la période allant de 1961-1962 à 2002-2003, laisse paraître que la spectaculaire progression de la production cotonnière doit chercher d’autres explications que l’accroissement des superficies emblavées. Les courbes de production et d’emblavures (Graphe n°4 p48) font apparaître deux situations au cours de la période de référence. Une première phase qui dure jusque 1982-1983 et au cours de laquelle l’augmentation de la production est due à la progression des rendements et une seconde phase marquée par le développement conjoint des emblavures et de la quantité produite.

37 La Sofitex tablait sur une production de 500 000 tonnes pour la campagne 2002-2003 (Sofitex, 2003).

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Source : Chiffresfournis par la Sofitex (2003)

Graphe n°4 : Courbes comparatives des emblavures et de la production cotonnière au Burkina Faso, de 1961-1962 à 2002-2003 (Hauchart, 2005)

Ainsi, l’augmentation de la production résulte également d’une amélioration des rendements.

Simultanément à l’augmentation des rendements à l’hectare, l’amélioration variétale se traduit par une hausse des rendements à l’égrenage, passés de 0,35 en 1960-1961 à 0,43 en 1995-1996 (Sofitex, 2001). Cela s’explique par la régression des cultures associant coton et

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céréales, par l’adoption de nouvelles techniques de culture et par le recours à la fumure minérale et aux traitements phytosanitaires. Le rendement dépendrait à 50-60 % des traitements phytosanitaires, selon Ouedraogo (2003). Le taux d’accroissement annuel moyen des rendements est de 8,7 %, mais le rendement moyen demeure très irrégulier selon les campagnes (Graphe n°5 p50).

Nous avons cherché à expliquer les fluctuations des rendements par la quantité de pluies (cf.

infra 2.1.). Ainsi, il apparaît que dans 55,6 % des cas, quand la pluviométrie excède la moyenne, les récoltes sont mauvaises, à l’exemple des années 1991, 1994 et 1998. Par ailleurs, dans 58,3 % des cas, quand la pluviométrie est inférieure à la moyenne, les rendements sont malgré tout excédentaires, en témoignent les chiffres de 1983, 1984 ou encore 1985.

Source : Chiffres fournis par la Sofitex (2003)

Graphe n°5 : Variabilité inter-annuelle du rendement cotonnier entre 1979-1980 et 2002-2003 par rapport à un rendement moyen de 984,29 kg/ha (Hauchart, 2005)

C’est au cours de la campagne 1982-1983, que pour la première fois, le rendement moyen de 1000 kg/ha est atteint. Jusque cette date, la superficie emblavée était très supérieure au tonnage récolté mais à partir de cette campagne, le tonnage à l’hectare, sur moyen terme, restera toujours approximativement de 1000 kg/ha. Les courbes de production et de superficies suivront, dès lors, la même évolution. Le rendement moyen d’une tonne par hectare est le signe que les techniques de culture et la gestion des intrants le permettent.

D’autres paramètres, comme les attaques parasitaires ou la variabilité climatique annuelle et l’irrégularité quotidienne des pluies, influencent également le volume des récoltes. Une pluie utile trop tardive décale le calendrier cultural et diffère les semis. Or, à partir du mois de juillet, les récoltes diminuent de 10 % par semaine de retard. Ce schéma vaut également lorsque les premières pluies ne sont pas suivies dans le temps, obligeant les paysans à ressemer plus tard en saison, trop tard parfois. Pour expliquer plus en détail, la non-coïncidence entre rendement et pluviométrie, il convient de déterminer plusieurs cas. Lorsque la pluviométrie excédentaire engendre de mauvais rendements, ce qui se produit dans 50 % des cas, cela peut être dû à des pluies inutiles car tombées trop tôt en saison, comme cela est arrivé en 1991, avec 180,1 mm de pluies en mai, ou en 1998 avec 137,6 mm, en mai également. Cela peut aussi être dû à une saison des pluies trop longue. En effet, un mois d’octobre excessivement arrosé ne permet pas le séchage du coton qui pourrit dans les capsules, d’où la perte d’une partie des récoltes. Ce phénomène a eu lieu en 1994, avec 124,2 mm de pluies en octobre, soit trois fois plus que la moyenne mensuelle. Par ailleurs, une pluviométrie déficitaire génère des rendements supérieurs à la moyenne lorsque les pluies se concentrent sur les mois de juillet, août voire septembre, c’est-à-dire au moment où le cotonnier a des besoins accrus en eau.

Sur le court terme, et particulièrement depuis le développement massif du coton dans l’Ouest du pays, la production cotonnière du Mouhoun suit sensiblement la même évolution que la production nationale, selon les chiffres fournis par la DGPSA. Les données indiquées en rouge dans le tableau suivant (Tabl. n°6 p52) indiquent que, rapportée à la surface, la

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production provinciale s’est révélée meilleure que la production nationale, c’est-à-dire que la part de la production du Mouhoun excède la part de la superficie emblavée en coton. Les chiffres en bleu indiquent des résultats provinciaux inférieurs aux résultats nationaux. De même, les rendements cotonniers du Mouhoun sont indiqués en rouge lorsqu’ils ont été supérieurs à ceux du Burkina Faso, pour la même campagne, d’après les chiffres de la DGPSA. Ils sont notés en bleu dans le cas contraire, ce qui permet d’observer que les rendements de notre zone d’étude ne sont inférieurs à ceux du pays que dans 35,29 % des cas.

Cela concerne les campagnes 1991-1992 à 1994-1995, 1996-1997 et 1998-1999 et le rendement du Mouhoun n’est alors que légèrement inférieur à celui du Burkina Faso, le taux n’excédant jamais 12,79 %, valeur atteinte en 1991-1992.

En revanche, chaque fois que la production cotonnière du Mouhoun a donné de meilleurs résultats que la production burkinabé, son rendement était très supérieur à celui du pays avec un excédent d’au moins 27,64 %, comme cela a été le cas pour la campagne 2000-2001. Au cours de la campagne 1995-1996, il a presque atteint le double avec 1440 kg/ha dans le Source : Chiffres fournis par la DGPSA (2003)

*, **, ***, **** : Données non fournies par la DGPSA pour la période de 1985-86 à 1987-1988 ***** : Données non fournies par la DGPSA pour la période de 1985-86 à 1987-1988

Tabl. n°6 : Production cotonnière du Mouhoun (Hauchart, 2005)

Mouhoun et seulement 753 kg/ha pour l’ensemble des régions cotonnières du Burkina Faso ce qui représente une supériorité de 91,23 % à l’échelle provinciale. Par ailleurs, dans notre zone d’étude, la part des superficies et de la production varie considérablement selon les campagnes. Elle passe ainsi de 5,4 % de la superficie et de la production, au cours de la campagne 2001-2002, à plus de 30 % pour la campagne 1995-1996.

D’après nos enquêtes et d’après les chiffres que nous ont fournis la DGPSA, nous avons observé que dans le Mouhoun, les emblavures de coton représentent une plus grande part des terres cultivées au sein d’une exploitation que dans l’ensemble du Burkina Faso. Pour ce constat, nous avons rapporté la part des emblavures à celles des emblavures en céréales telles que le maïs, le sorgho et le mil (Graphe n°6 p53).

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Source : Chiffres fournis par la DGPSA (2003)

Graphe n°6 : Part des emblavures cotonnières par rapport aux terres cultivables dans les exploitations du Mouhoun (Hauchart, 2005)

Dans le Mouhoun, les superficies cotonnières ont augmenté de la même façon que celles des céréales de telle sorte que nous ne pouvons pas conclure que le coton se développe au détriment des céréales. Il en est de même à l’échelle nationale. Toutefois, la part du coton sur l’ensemble des terres cultivées en coton ainsi qu’en céréales est très variable d’une année sur l’autre dans le Mouhoun38, ce qui est moins vrai pour l’ensemble du pays. Ces fluctuations s’expliquent par la réactivité des exploitants qui diminuent ou augmentent leurs emblavures pour une campagne en fonction des bénéfices retirés de la campagne précédente. Nous développerons cet aspect lorsque nous aborderons la motivation des producteurs de coton (cf.

infra 1.2.3.).

D’après les données que nous avons recueillies dans les campagnes en 2001, 71,4 % des exploitants produisaient du coton et celui-ci représentait 47,2 % de leurs terres exploitées.

D’après les enquêtes (Annexe Va et Vb), ils étaient 75 % à se consacrer au coton, en 2003. La superficie moyenne accordée au coton était de 2,7 hectares sur l’ensemble des producteurs et de 3,6 en excluant les non-producteurs de coton, ce qui représente 44,0 % des terres exploitées, par les producteurs de coton uniquement. Dans le détail de l’évolution des superficies emblavées en coton dans le Mouhoun pour la campagne 2003-2004, il y a trois situations distinctes. La première concerne les 23,4 % d’exploitants qui ont gardé la même superficie que les années précédentes, cette superficie pouvant être nulle. La taille moyenne de leur exploitation est de 6,2 hectares et ils en consacrent 2,8 au coton. Le deuxième cas est celui des 38,3 % d’agriculteurs qui ont augmenté leurs emblavures. Sur leurs 8,3 hectares de terres exploitées, 3,8 sont plantés en coton. Enfin, 38,3 % les ont réduites, parfois jusqu’à les faire disparaître. Ce sont ceux qui ont les plus petites exploitations, 6,1 hectares, et les plus petites surfaces en coton, 1,5 hectares.

38 D’après les chiffres fournis par la Sofitex, la part du coton passe de 10,61 % en 1993-1994 à 36,09 en 1997-1998.

La réduction de la production et des superficies cotonnières résulte en partie d’une volonté politique de différencier les exploitants selon leurs résultats agricoles, grâce aux accords ou aux refus des prêts bancaires. Des mesures d’assainissement écartent ainsi de la production les paysans en situation d’impayés. C’est pourquoi ce sont les plus petits producteurs cotonniers qui réduisent ou suppriment leurs parcelles de coton. A titre d’exemple, 35 % des UPF produisant dans le Mouhoun ont dû cesser de cultiver le coton entre les campagnes 1999-2000 et 2000-2001 et au cours de la campagne 2001-2002, le taux d’endettement était encore de 47,6 % ce qui représentait un crédit à récupérer de 1 052 869 454 FCFA (Sofitex, 2001).

L’exclusion d’une partie des producteurs résulte d’une diminution de l’octroi d’intrants. La distinction se fait entre :

- les groupements des producteurs de coton (GPC), solvables qui n’ont pas d’impayés, - les GPC repêchés qui sont en impayés mais qui ont pu éponger au moins 15 % du

passif en numéraire avant de bénéficier des intrants,

- et les GPC suspendus qui sont en impayés mais qui ont éventuellement pu semer des graines achetées sur le marché parallèle.

A l’échelle du Mouhoun, il n’y a donc pas de diminution de la production et des superficies cotonnières, contrairement à ce que laisse percevoir la majorité en nombre des exploitants enquêtés, mais une redistribution de la production et des emblavures au profit des grandes exploitations.