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L’histoire tourmentée de la culture cotonnière burkinabé

1.2. L’évolution du coton produit au Burkina Faso et dans le Mouhoun

1.2.1. L’histoire tourmentée de la culture cotonnière burkinabé

Avant d’aborder les étapes du développement de la culture cotonnière au Burkina Faso, il nous faut rappeler qu’en tant que territoire, la Haute-Volta a traversé des soubresauts et que ses frontières ont évolué à plusieurs reprises, de même que le découpage administratif national. Jusqu’à l’établissement du protectorat français en 1897, le pays était divisé en empires indépendants. Ces unités sont alors rattachées à la colonie du Haut-Sénégal et du Niger. En 1919, elles sont regroupées successivement pour former la colonie de Haute-Volta qui disparaît de nouveau en 1932, démantelée entre la Côte-d’Ivoire, le Soudan et le Niger.

Elle est définitivement recomposée en 1947 et devient une république en 1958 (Schwartz, 1993). L’Indépendance de 1960 divise le pays en collectivités rurales. La réorganisation administrative qui dure de 1983 à 1987 donne naissance à 30 provinces (Annexe Ia) et à 300 départements. Aujourd’hui, le découpage administratif national repose sur un partage en provinces, puis en départements subdivisés eux-mêmes en sous-préfectures puis en arrondissements, en cantons et en communes. En 1996, une révision du découpage provincial dans le cadre d’un programme de décentralisation du pouvoir et de communalisation, la province et la commune étant depuis les deux collectivités locales de base a fait passer le nombre de provinces de 30 à 45 (Annexe Ib).

Déjà à l’époque pré-coloniale, le coton était cultivé dans cette région du monde mais comme culture secondaire et avec peu de soins33. Il était alors toujours associé à une culture vivrière

3330 Schwartz (1993) précise que le cotonnier pérenne, alors cultivé en culture pluriannuelle dans les champs de brousse, donnait des rendements de 50 kg/ha.

comme le maïs ou le sorgho et toujours planté sous abri d’un couvert végétal arboré composé d’Acacia albida (Schwartz, 1993). Mais la véritable percée du coton en Afrique francophone sahélienne date du début du XXème siècle. Chaque pays produisant du coton fut alors doté d’une société nationale gérée par une société publique française (Chalmin, 2003). Les premiers colonisateurs de la Haute-Volta se sont mépris sur le potentiel du pays. Ayant pensé que la forte densité de peuplement allait stimuler l’intensification culturale, ils avaient mis en œuvre des programmes de développement dans le centre du Burkina Faso, c’est-à-dire dans la région de tradition Mossi (Tersiguel, 1995). Le principe de la colonisation reposait sur le fait que chaque territoire devait participer à son développement et en assurer le financement (Marchal, 1982). Par conséquent, les débuts de la colonisation étaient exigeants pour les populations locales qui devaient s’acquitter d’un impôt de plus en plus lourd et qui devaient répondre à la demande française de main d’œuvre, notamment au cours de la première Guerre Mondiale, ce qui les privait d’une partie de la force de travail nécessaire pour les activités agricoles vivrières.

En 1921, peu de temps après la création de la colonie autonome de Haute-Volta, l’administration coloniale instaura un programme général de mise en valeur des colonies, orienté vers une spécialisation dans les oléagineux, le bois et le coton. « Il suffisait simplement d’inciter les paysans à pratiquer cette culture non plus de façon extensive comme ils ont coutume de le faire mais de façon intensive » (Schwartz, 1993). De 1924 à 1929, la culture du coton fut rendue obligatoire dans le cadre d’un champ collectif villageois dont la superficie devait être proportionnelle, dès 1926, à l’effectif démographique. Il était établi qu’il fallait accorder 4 hectares de coton pour 100 habitants. L’étendue des terres à ensemencer était fixée et sévèrement contrôlée par les chefs de village qui agissaient pour le compte des administrateurs coloniaux. L’adoption de cette culture de rente se justifiait par les besoins domestiques et par la possibilité qu’elle offrait d’échanger et de commercer (Schwartz, 1993).

La responsabilité de ce développement incombait au gouverneur Hesling, en poste de 1919 à 1927. Celui-ci considérait34, en effet, que le pays avait la capacité de produire et d’exporter des milliers de tonnes de coton (Marchal, 1982). Pour cela, le gouverneur demanda que soit intensifiée, par n’importe quel moyen, la culture du coton afin d’augmenter la marge exportable. Cette obligation était mal vécue par les paysans burkinabé qui subissaient le contrôle des administrateurs coloniaux et des chefs locaux (Schwartz, 1993).

34 « La culture du coton pratiquée par les indigènes pour leurs besoins domestiques depuis un temps reculé était-elle susceptible d’être transformée en culture industriétait-elle ? C’est la question que je me suis posée et que j’ai résolue par l’affirmative. » (propos du gouverneur Hesling, cités par Schwartz, 1993).

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Dès 1930, le Ministre des colonies imposa que les champs collectifs soient remplacés par des cultures individuelles et familiales. Cette mesure faisait suite au déficit pluviométrique qui sévissait en Haute-Volta et qui mettait en péril, non seulement, les cultures cotonnières mais aussi, les cultures vivrières (Marchal, 1982). Cet échec du développement auto-centré mettait fin du même coup à la Haute-Volta, démantelée en 1932. La culture du coton restait pratiquée mais elle l’était en culture traditionnelle et ne dégageait pas d’excédents exportables, la production étant transformée et utilisée dans le pays (Schwartz, 1993). Après la reconstitution de la Haute-Volta comme territoire autonome en 1947, l’agriculture redevint le moteur du développement. Dans ce secteur, les efforts portèrent notamment sur la vulgarisation de la culture attelée et dès 1957, sur la lutte contre l’érosion. Il y eut un regain d’intérêts pour le coton que l’usage des charrues devait rendre plus aisé à cultiver (Marchal, 1982).

Après l’Indépendance de la Haute-Volta, le coton est resté l’orientation majeure pour le développement du pays. Le Burkina Faso, rencontrant des difficultés économiques, reçut des aides extérieures, représentées sur place par la CFDT ou par le bureau pour le développement de la production agricole ou BDPA. Le pays, divisé en organismes régionaux de développement, avait pour objectif principal de produire du coton et de l’arachide. Mais, à la fin des années 1960, un nouveau cycle de sécheresse obligea à recentrer la priorité sur les productions vivrières (Marchal, 1982).

De 1971 à 1976, le projet coton ouest Volta, ou PCOV, co-financé par la Banque Mondiale et par l’Etat burkinabé, stimula l’émergence d’une aire privilégiée de culture cotonnière (Schwartz, 1993). L’Ouest voltaïque s’est alors transformé sous l’action gouvernementale impulsant un développement qui devait répandre la culture de rente tout en respectant les structures traditionnelles locales (Hartog, 1985). Dans les faits, l’introduction des cultures commerciales par la colonisation a provoqué une rupture des systèmes traditionnels avec pour conséquences une réduction de la jachère, un défrichement abusif et la mise en culture de terres impropres (Charrière, 1984). Cette zone de culture assurait l’essentiel de la production nationale cotonnière et lors de la campagne 1988-1989, 7 des 30 anciennes provinces produisaient à elles seules 172 652 tonnes de coton graine, soit 95% du coton commercialisé, sur 20 % du territoire. Ces sept provinces (Fig. n°3 p45), à savoir le Mouhoun, le Houet, le Kénédougou et partiellement la Kossi, le Sourou, la Bougouriba et la Comoé (PDRI HKM, 1995) constituaient dès lors la région cotonnière (Belem, 1986). Le développement du coton

répondait aux objectifs clairement définis par le gouvernement, dès 1980. Ceux-ci visaient à asseoir le développement économique sur le développement agricole et étaient fondés sur l’idée que l’augmentation de la production et de la productivité cotonnière devaient engendrer de nouvelles activités et une hausse des emplois en amont et en aval (Marchal, 1982).

Avant de se développer dans l’Ouest du pays, le coton était cultivé sur la région centrale, c’est-à-dire au nord de Ouagadougou, sur le « plateau central », mais l’accroissement démographique et la dégradation des terres de culture ont conduit les Mossi, et avec eux le coton, à migrer vers les provinces de l’Ouest (Guigma, 2003). Les provinces occidentales, dont fait partie le Mouhoun, avaient comme atout, pour le développement de la culture cotonnière, une faible densité de population et un taux d’occupation du sol assez réduit (Marchal, 1982). A cette époque, la densité de population variait de 10 à 30 hab./km², le coefficient d’intensité culturale de 13 à 29 % et le taux d’équipement agricole était de 50 % (Belem, 1985). Toutefois, Marchal (1982) fait le constat que, si le coton est cultivé dans beaucoup de provinces du Burkina Faso, il n’y a que dans l’Ouest que les productions soient suffisantes pour alimenter la commercialisation35. En outre, ces régions possédaient les caractéristiques climatiques répondant aux exigences du cotonnier. Dans les pays anciennement colonisés où il a été développé, le coton pourrait être cultivé comme une plante pérenne. Pourtant, les producteurs le cultivent annuellement pour éviter le développement des maladies ou des ravageurs et pour assurer de meilleurs rendements par une optimisation des amendements et des traitements phytosanitaires. Le cotonnier s’adapte bien aux conditions climatiques sahélo-soudaniennes ou soudano-guinéennes (Sément, 1986), vaste zone climatique à laquelle appartient le Burkina Faso (cf. infra 2.1. Fig. n°4 p62). La levée et le stade végétatif requièrent humidité36 et chaleur, tandis que le développement des capsules et leur ouverture nécessitent une saison sèche. Le semis du cotonnier doit être effectué lorsque la moitié de l’évapotranspiration est inférieure au total des précipitations décadaires pour que les réserves en eau soient suffisantes (Hartog, 1985). Cette situation est généralement atteinte

35 C’est alors l’élevage, par les exportations, qui procure au pays sa principale source de devises (Marchal, 1982).

36 Sément (1986) note que 400 à 500 mm d’eau suffisent pour alimenter le cycle du cotonnier mais que, dans la réalité, « on ne peut cultiver le coton sans irrigation que dans les zones où la pluviométrie annuelle moyenne est égale ou supérieure à 700 mm », ce qui est le cas du Mouhoun.

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Fig. n°3 : Répartition par province de la production cotonnière au Burkina Faso pour la campagne 1988-1989 (Hauchart, 2005)

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0 50 100 km

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entre le 15 mai et le 15 juin. Ensuite, les besoins en eau du cotonnier varient selon le stade de son développement. La consommation en eau du cotonnier est maximale entre le début de la floraison et l’ouverture des premières capsules, ce qui correspond à 60-70 jours après le semis (Hartog, 1985) et dans le Mouhoun, à la mi-août, d’après nos observations. Nous aborderons ultérieurement avec plus de détails les caractéristiques climatiques du Mouhoun et nous mettrons en évidence les conséquences possibles de la variabilité du climat sur la culture du coton et ses rendements (cf. infra 2.1.).