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PREMIÈRE APPROCHE DE L’EROSION DANS LE MOUHOUN

3.2. Les micro-modelés et les formes temporaires de l’érosion

3.2.3. Les formes éoliennes

Le vent cesse d’avoir des conséquences désastreuses au-delà de 700 mm/an de précipitations (Mainguet, 1995). Sachant que la moyenne pluviométrique du Mouhoun est de 758,6 mm/an, l’érosion éolienne n’apparaît donc pas un phénomène majeur de l’espace étudié. Néanmoins, elle existe sur les plages de sol nu ou sur les brûlis récents, notamment en saison sèche au

cours de laquelle les vents quotidiens instantanés sont les plus forts, ceux-ci pouvant atteindre 4,8 m.s et ayant une fréquence quasi-journalière (Annexe IIa). Or, c’est le vent, en tant que vecteur de particules, qui détermine l’érosivité selon sa vitesse, sa durée, sa force de portance.

Deux phénomènes renforcent les dynamiques éoliennes. Tout d’abord, elles sont plus actives sur les sols insuffisamment protégés par un couvert herbacé ou ligneux et mal maintenus par la charpente racinaire des végétaux ce qui peut être le cas sur les parcelles de culture pendant la contre-saison ou sur les zipellés et les espaces interstitiels des formations steppiques.

Ensuite, les mécanismes sont renforcés par les activités agricoles et par le piétinement du bétail qui pulvérise la surface du sol.

Compte-tenu des vents enregistrés à la station météorologique de Dédougou, nous ne pouvons pas négliger l’action éolienne. En revanche, elle ne sera abordée que pour son rôle dans le tri et la redistribution latérale des constituants de la surface du sol. Seuls ses liens avec l’érosion pluviale seront retenus. En effet, l’érosion éolienne peut favoriser le ruissellement en augmentant l’imperméabilisation des sols par colmatage superficiel de la porosité et elle peut alimenter le splash par détachement de particules (Beaudet, 1992). De plus, toutes les particules sableuses et les produits de la remontée biologique que le vent a mobilisés puis

Fig. n°17 : Nivellement des buttes en aval d’une parcelle (Hauchart, 2005)

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Croquis en plan

Croquis en coupe Anciens billons à texture grossière

Anciens sillons comblés par des particules fines

abandonnés sont repris en charge par les premières pluies (Riou, 1990). Bien que leur intensité moyenne soit de l’ordre de 2 m.s., ce qui est assez faible, les vents peuvent devenir des agents érosifs actifs, notamment lors des épisodes pluvieux, chacun d’entre eux étant précédé par des bourrasques de vent de plus de 70 km/h (Da, 2004). Les vents tourbillonnent soulevant alors des nuages de poussières (Photo n°21, Planche n°7) qui peuvent être composés de limons, de particules argileuses, de matière organique, de sables fins ou même de résidus de récoltes, de brindilles ou de sables grossiers (Da, 2004). Toutefois, une partie de ces poussières retombe sur le sol à proximité de leur aire de départ car, d’une part, le mouvement des tourbillons de vent est circulaire et d’autre part, elles sont rabattues par les pluies violentes qui tombent peu après.

La déflation, ou balayage par le vent des débris fins qui s’exerce aux dépens d’une surface meuble, entraîne un vannage, c’est-à-dire un tri des matériaux, et une redistribution latérale des constituants de la surface du sol par sédimentation dès que la force de portance est

insuffisante ou par apposition en cas d’obstacle (Derruau, 1988). Cette sélection des particules mobilisées, semblable à celle exercée par l’agent hydrique, laisse en place les particules les plus grossières pour ne prendre en charge que les plus fines jusqu’à ce qu’elles soient piégées par le micro-relief, les blocs de cuirasse des cordons pierreux ou les obstacles végétaux tels que des arbustes, des touffes d’herbes ou des restes de récoltes (Photo n°22, Planche n°7).

La continuité et la densité du couvert végétal des savanes font que, même en saison sèche, les possibilités de prise en charge des particules par le vent sont limitées. A l’inverse, sur les parcelles de culture, les travaux préparatoires du champ comme le nettoyage et le labour qui ont lieu de début avril jusqu’au 10 juin environ, alors que la vitesse moyenne des vents est de 2,9 m.s en avril et de 3,3 m.s en mai, favorise la désagrégation du sol et engendre une mobilisation préalable des particules fines alors plus facilement arrachées. Les particules soulevées puis redéposées plus ou moins loin sont alors remobilisées par l’impact des gouttes de pluie. Ainsi, les agents hydriques et éoliens se complètent pour réorganiser la surface du sol, générer un triage des particules et donner naissance à des formes de plus en plus vastes et durables.

Planche n°7 : Quelques manifestations de l’érosion et du ruissellement (2)

Photo n°20 : Erosion sélective avec accumulation de particules fines et de limons dans les sillons (Hauchart, 2001)

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Photo n°21 : Tourbillon de poussières en saison sèche (Hauchart, 2004)

Photo n°22 : Piégeage de feuilles et de particules fines aux pieds des végétaux

(Hauchart, 2004)

~ CONCLUSION ~

L’érosion se définit comme l’agression de la surface du sol par un agent doté d’une énergie cinétique ce qui aboutit à l’appauvrissement chimique du sol, à sa réorganisation et à son ablation totale ou partielle au cours du triple processus de mobilisation, de transport et de dépôt des particules. Afin de mettre en évidence l’état de la dégradation des terres de culture du Mouhoun et de comprendre la place des systèmes de culture dans ces dynamiques, nous avons effectué trois missions de terrain au cours desquelles, dans 18 villages, près d’une centaine d’exploitants ont été questionnés, ceux-ci étant, en tant qu’usagers de la terre, les principales personnes concernées par sa dégradation. Notre approche de l’érosion dans

l’Ouest burkinabé relève donc de la multiplication d’enquêtes à l’échelle du village, de l’exploitation et de la parcelle, de mesures de terrain et de laboratoire pour quantifier et qualifier les pertes en terres, de l’utilisation de supports cartographiques pour l’évaluation des aptitudes agronomiques des sols et des soins à leur apporter ainsi que de l’observation, facilitée en saison des pluies, des traces laissées par les mécanismes érosifs et par le ruissellement. Ainsi, sous l’action de la battance et de la relation étroite entre l’érosivité des pluies et l’érodibilité des sols, les horizons pelliculaires de surface se trouvent réorganisés, avec une différenciation selon la toposéquence. Tandis que les sols des bas-fonds se couvrent d’une pellicule argileuse, l’érosion sélective affecte les sols du glacis intermédiaire. Les sols de la région collinéenne voient, quant à eux, affleurer des dalles de cuirasse et se multiplier des pavages de cailloux. La réorganisation superficielle des sols s’accompagne de l’apparition de modelés de détail dus au ruissellement et à l’érosion pluviale qui exercent une érosion sélective des particules fines. Celles-ci s’évacuent en empruntant le modelé préexistant et en creusant des incisions linéaires telles que les rigoles. Dans les parcelles, les particules fines sont d’abord exportées des billons vers les sillons puis sont canalisées dans les dérayures de labour. L’action des agents hydriques est relayée par celle du vent qui, malgré sa faible vitesse moyenne, prend en charge les particules fines détachées par le splash ou par les travaux de préparation du sol à la culture. Ainsi, dès le prime abord, les sols du Mouhoun, et notamment ceux des parcelles de culture, témoignent de la réalité des dynamiques érosives.

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Chapitre 4 :