• Aucun résultat trouvé

Avant d’être mis sur ces marchés internationaux difficiles, le coton burkinabé peut emprunter deux types de parcours. Le marché national classique est géré par la Sofitex qui se veut le distributeur d’intrants, le payeur, le peseur, le classeur15, le conditionneur, le marqueur du coton-graine dans les villages. Il existe un autre marché parallèle qui est autogéré par les groupements villageois qui se chargent de toutes les opérations (Bassolé, 1995). Mais la commercialisation relève d’une dynamique bien plus complexe car elle s’intègre à la filière coton qui procède d’une intégration verticale des différents domaines en amont et en aval de la production (Beroud, 1999). Ainsi, la filière regroupe cinq secteurs d’activités, comme le met en évidence le schéma suivant (Fig. n°1 p30).

13 Dans beaucoup de villages, une banque de céréales a été créée pour faciliter la gestion de la période de soudure.

14 Blaise Compaoré, Président du Burkina Faso, a lui-même demandé la suppression des subventions accordées aux producteurs des pays du Nord (Afsané, 2003).

15 Pour la campagne 2000-2001, il est entré en usine, pour le Mouhoun comme pour la grande région cotonnière, 99,5 % du coton en 1ère classe, 0,5 % en 2ème classe et 0,02 % en 3ème classe (Sofitex, 2001).

29

Fig. n°1 : Les cinq composantes de la filière cotonnière (Hauchart, 2005)

La filière coton

Composante scientifique : recherche

Composante financière : banques, bailleurs de fonds et Etat

Négociants

Composante économique : marché

Composante industrielle Composante agricole :

production

En amont de la production, la filière coton fait tout d’abord intervenir trois volets de la recherche portant principalement sur :

- la protection phytosanitaire contre les maladies et les rongeurs ainsi qu’une préservation de l’environnement,

- une sélection variétale qui répond aux besoins des producteurs, aux contraintes agro-climatiques et aux exigences technologiques de l’égrenage et de la filature,

- mais aussi des expérimentations agronomiques sur les semis, le fumier, la lutte contre les adventices, les assolements (Beroud, 1999).

Mise en place dans les années 1940, la recherche se développe tardivement en Afrique française, comparativement à celle menée par les Belges ou les Anglais qui en avaient éprouvé la nécessité dès les années 1920. Elle doit comporter un volet socio-économique pour s’adapter aux besoins des producteurs et aux spécificités du milieu (Deveze, 1999). Cet aspect est plutôt du ressort de la Direction régionale de l’agriculture. Le coton bénéficie d’attentions

particulières et entre dans le cadre d’un programme national de recherche sur les systèmes de productions, ou PNRSP, couvrant les grandes régions cotonnières burkinabé (Belem, 1986).

Depuis 1987, l’INERA a mis en œuvre un programme de recherche coton financé par la Banque Mondiale et par la Sofitex, sous couvert du CNRST. Le programme coton porte sur la génétique et la sélection variétale, sur l’entomologie et la protection phytosanitaire, l’agro-économie avec la sélection et l’identification des variétés commercialisées, la fertilisation par les engrais NPK16 ou la fumure organique17 et l’amélioration des systèmes de production (Schwartz, 1993).

En amont de la production, les banques nationales ont pour rôle d’accorder les crédits nécessaires aux exploitants pour l’acquisition du matériel et des intrants (Tabl. n°2 p31).

C’était le cas de la banque agricole et commerciale du Burkina Faso qui se substitue, pour cette fonction, à la Sofitex, sans malheureusement mettre en place de suivi individuel des dossiers, d’où des faillites (PDRI HKM, 1995).

Campagne agricole

Herbicide au litre 4178 4178 4007 5374 5325 5114

Insecticide au litre 6360 4047 4047 4071 4356 4356 4538

Pesticide au litre 1390 1700 1778 1660 1642 1513 1368 1930

Tabl. n°2 : Coûts en FCFA des intrants à crédit d’après la Sofitex (2001)18

Les intrants et les équipements agricoles sont importés à 90 % par le secteur public19 et à 10 % par le secteur privé, c’est-à-dire par des commerçants ou par des organisations non gouvernementales. La distribution des intrants se fait le plus souvent par l’entremise des organismes paysans mais sans contrôle des prix, car ceux-ci sont fixés par la Sofitex (Jansen et al., 1997). Par ailleurs, le prix des intrants et du matériel varie d’environ 10 % selon le

16 Il existe différents types d’engrais NPK : NPK (15.20.15) épandu à raison de 150 kg/ha, NPKFU (22.14.13.4,5.0,75) dans des proportions de 200 kg/ha (Sofitex, 2001).

17 Le programme expérimente l’emploi de la fumure organique réalisée à partir de tourteaux de coton décomposés.

18 La dévaluation est intervenue après la campagne agricole de 1993-1994 mais en cours de campagne commerciale. Les prix sont indiqués en FCFA.

19 La Sofitex pour le coton et la Dima pour les céréales

31

mode de paiement, comme le prouvent les prix suivants (Tabl. n°3 p32), appliqués au cours

Insecticides en concentré émulsionnable (EC) au kg

Pulvérisateur à insecticide pour une application à très bas volume (TBV) Pulvérisateur Handy pour herbicide

Tabl. n°3 : Prix des intrants et du matériel (Sofitex, 2003)

La composante agricole est au cœur de la filière. C’est de cette étape que dépendent la survie de nombreux paysans et, pour une part, le dynamisme de l’économie burkinabé. Au Ministère de l’agriculture à Ouagadougou, le coton est évoqué en terme « d’or blanc ». La composante agricole regroupe toutes les activités productives, du nettoyage du champ à la récolte des capsules de coton. Les étapes de la mise en culture ainsi que les opérations agricoles seront développées ultérieurement (cf. infra 7.2.).

En aval de la production, interviennent la commercialisation et la valorisation du coton-graine. Déjà entre 1919 et 1932, l’administration coloniale avait mis en place quatorze installations d’égrenage et de pressage pour satisfaire les besoins de la production cotonnière (Schwartz, 1993). Après l’Indépendance de la Haute-Volta, les unités d’égrenage et de transformation de la fibre cotonnière, appartenant à la Voltex, Société voltaïque du textile, se sont multipliées. En 2004, pendant qu’elle était en activité, nous avons visité l’usine d’égrenage-pressage de Dédougou, la seule usine de notre zone d’étude dont la capacité est de 250 tonnes de coton traitées par jour (Zetyenga, 2004). Ce qui s’y passe n’est pas tout à fait conforme au modèle théorique suivant20 (Fig. n°2 p33) mais cela permet d’affiner la compréhension du fonctionnement de la filière cotonnière et du devenir du coton produit dans

20 Par exemple, d’après Zetyenga (2004), il y a 42 % de fibre, 53 % de graines et 5 % de déchets.

les villages du Mouhoun. Par ailleurs, l’usine représente un pôle économique dans notre zone d’étude car elle offre des emplois21 à 375 personnes dont 122 permanents (Zetyenga, 2004).

Fig. n°2 : Les traitements industriels du coton-graine (Hauchart, 2005)

Composante industrielle de la filière coton

Dans la plupart des cas, des camions appartenant soit à la Sofitex, soit à des entrepreneurs privés collectent le coton dans les villages. Il arrive cependant que des gros producteurs fassent des chargements directs22. La logique de ramassage consiste à débuter la collecte par les villages les plus éloignés. Jusqu’à son ramassage, le coton est donc stocké dans les

21 Le salaire moyen d’un employé est de 40 000 FCFA pour 114 heures de travail mensuel (Zetyenga, 2004).

22 Cela suppose, en effet, qu’ils puissent remplir un camion à eux-seuls (Zetyenga, 2004).

33

villages, par catégorie23, celle-ci ayant été déterminée par le conditionneur qui utilise pour cela une grille de référence. De ce fait, l’approvisionnement se fait à flux tendus, sans attente ni stockage. Arrivés à l’usine, les camions sont pesés pleins puis repesés vides. Dès la fin de la campagne, la Sofitex connaît la quantité produite par chaque village. Le coton-graine est déversé dans une aire de déchargement où il subit une aspiration qui permet, par gravité, le tri des déchets comme la terre, les cailloux, les feuilles ou les capsules qui ne sont pas mûres. Le coton se déplace ensuite par transmission ventilée au cours de laquelle il est légèrement humidifié pour permettre l’égrenage. Les graines sont immédiatement évacuées tandis que la fibre est ensuite nettoyée par un deuxième passage ventilé, puis comprimée, pressée et emballée. Chaque balle qui sort de l’usine de Dédougou pèse un poids moyen de 230 kg.

Référencée, elle s’accompagne d’un échantillon envoyé pour un traitement de la qualité au laboratoire d’analyse de la Sofitex de Bobo-Dioulasso. Des transporteurs privés ou des camions de la Sofitex évacuent ensuite les balles vers Lomé ou vers Accra.

Trois destinées pour les graines de coton qui peuvent, quant à elles, être vendues en petite quantité à des éleveurs qui les donnent en complément alimentaire au bétail, être gardées comme semences pour la campagne suivante et elles sont alors envoyées à l’usine de Bobo-Dioulasso pour l’enrobage, ou encore être vendues aux huileries, au prix de 50 000 FCFA TTC la tonne. Dédougou compte trois huileries. Nous en avons visité une (Planche n°1) dont la capacité de traitement se maintient aux environs de cinq tonnes par jour. La conformité avec le modèle théorique n’y existe pas. A titre d’exemple, le pressage s’effectue sans décorticage des amandes. D’après un technicien de l’usine, une tonne de graines donne en moyenne 120 litres d’huile brute soit 96 litres après « raffinement », c’est-à-dire traitement à la soude caustique. L’huilerie produit deux types de déchets : les tourteaux vendus au poids pour l’alimentation du bétail et la pâte noire récupérée au moment du raffinement destinée à la fabrication de savon. Produit noble vendu en fût24, l’huile sert à l’alimentation.

Dans le Mouhoun, la Sofitex encadre la plupart des composantes de la filière coton qui bénéficient de l’existence de structures décentralisées comme la Direction régionale de l’agriculture ou l’antenne de la Sofitex à Dédougou. De toutes les filières agricoles du Burkina Faso, elle bénéficie d’un encadrement optimal et fait partie des six filières porteuses.

Dans le cadre d’une politique agricole globale, l’Etat prend des dispositions pour assurer une

23 1er, 2ème ou 3ème choix selon la couleur de la fibre et la quantité de déchets comme des feuilles… (Zetyenga, 2004).

24 Un fût de 200 litres coûte 95 000 FCFA.

production durable et définit un plan d’action, comme il en existe pour les autres filières, avec des partenaires et des thèmes de référence. La Sofitex doit respecter ce cadre établi par le gouvernement. C’est également l’Etat qui prend l’initiative de réformer le cadre institutionnel de la production cotonnière (Guigma, 2003). En 2003, Fok déplore le faible niveau de développement de l’industrie textile dans les pays comme le Burkina Faso car, selon lui, « la création de valeur ajoutée locale en est ainsi réduite alors que ces pays restent démesurément dépendants du marché mondial ».

35

Planche n°1 : L’huilerie de Dédougou (Hauchart, 2004)

Photo n°1 : Graines de coton et morceau de tourteau

Photo n°2 :

Pressage des graines à l’huilerie de Dédougou

Photo n°3 : Ecoulement de l’huile après pressage

Sortie de l’huile