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Les facteurs explicatifs des mouvements de particules

LES SYSTEMES D’EROSION DU MOUHOUN

4.1. Les phénomènes durables perceptibles à l’échelle des parcelles

4.1.3. Les facteurs explicatifs des mouvements de particules

L’érosivité traduisant l’agressivité du climat dépend des paramètres suivants et peut être réduite par le couvert végétal dans une marge de variation qui va de 1 à 1000, par la pente dans un rapport de 1 à 50, par le type de sol dans une proportion de 1 à 20, et enfin, par les techniques de cultures qui peuvent diviser son intensité par 10 (Bertrand et Gigou, 2000). La variation due au type de sol s’explique, d’une part, par la teneur en matière organique dont nous venons de montrer qu’elle est à la fois une conséquence et un paramètre influant des mécanismes érosifs et d’autre part, par le taux d’argiles, la capacité de stockage en eau des vertisols étant supérieure à celle des sols ferrugineux tropicaux, par centimètres de sol (Roose et al., 2000). La pente, quant à elle, intervient par son degré, son profil et sa longueur. Grâce aux mesures que nous avons effectuées sur parcelles en 2003 (Tabl. n°13 p161-162) et aux

12 Les dosages du NPKFU sont moins défavorables pour les prélèvements en azote puisqu’ils en permettent la couverture à 55 % mais le sont un peu plus pour le potassium avec seulement 48,7 %.

13 Nous montrerons ultérieurement que pour des raisons financières, les exploitants apportent rarement les doses conseillées.

analyses des prélèvements, nous avons tenté de préciser l’influence de chacun des paramètres dans l’intensité des mécanismes érosifs et dans la forme qu’ils prennent.

Superficie Profil d’amont en aval Pente moyenne Observations

Parcelle n°1 4650 m² Pente nulle Pente nulle Culture de sorgho sous parc la--bourée et billonnée

Sol noir sans marque d’érosion ni de ruissellement

Parcelle n°2 31510 m² Pente régulière 0,6 % sur 30 m Culture de niébé billonnée Sol noir avec traces de dépôts fins et argileux dans les sillons Parcelle n°3 4800 m² Pente concave avec :

- 35 m à 1,93 %

5,6 % sur 60 m Culture de sorgho sous parc en aplat

Sol rouge gravillonnaire avec épandage de résidus de cultu-re, branchages et cordons

Parcelle n°5 2490 m² Pente concave avec : - 19 m à 5,8 % Parcelle n°6 12065 m² Pente convexo-concave

avec :

- 20 m à 1,8 % - 20 m à 2,1 % - 87 m plats

0,6 % sur 127 m Culture de coton billonnée Sol rouge gravillonnaire avec redistribution de fines dans les sillons et en aval

Parcelle n°7 6800 m² Pente régulière 1,9 % sur 85 m Culture de sorgho en aplat Sol sablonneux avec traces de ruissellement aréolaire Parcelle n°8 3900 m² Pente concave avec :

- 32 m à 0,6 % - 26 m plats

0,3 % sur 58 m Culture de mil billonnée Sol gravillonnaire avec érosion sélective

Parcelle n°9 8000 m² Pente convexe avec : - 40 m plats

- 40 m à 1,6 %

0,8 % sur 80 m Culture de coton billonnée Sol argileux

Parcelle n°10 900 m² Pente convexe avec : - 12 m à 2,5 % - 18 m à 4,6 %

3,8 % sur 30 m Culture de sorgho billonnée Sol argileux avec nombreuses traces de ruissellement Parcelle n°11 Pente convexe avec : 0,4 % sur 110 m Culture de sorgho sous parc

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- 82 m plats - 28 m à 1,7 %

billonnée

Sol gravillonnaire avec érosion sélective

Parcelle n°12 1490 m² Pente concave avec : - 13 m à 4,6 % - 18 m à 4,4 %

4,5 % sur 31 m Culture de sorgho sous parc billonnée

Sol gravillonnaire rouge Parcelle n°13 240 m² Pente convexo-concave

avec :

- 28 m à 3,6 % - 14 m à 8,6 % - 8 m à 11,2 % - 10 m à 9 %

6,7 % sur 60 m Culture de sorgho sous parc Sol gravillonnaire rouge

Parcelle n°14 3050 m² Pente régulière 5,7 % sur 15 m Culture de sorgho sous parc Sol gravillonnaire rouge avec

20,5 % sur 10 m Culture de sorgho sous parc Sol gravillonnaire rouge avec ravines en aval

Parcelle n°16 Pente concave avec : - 7 m à 17,4 % - 7 m à 16,4 %

16,9 % sur 14 m Culture de sorgho sous parc Sol gravillonnaire rouge

20,1 % sur 15 m Culture de sorgho sous parc Sol gravillonnaire rouge avec cordons pierreux

Parcelle n°18 6750 m² Pente non mesurée Pente non mesurée

0,7 % sur 100 m Culture de sorgho en aplat Sol argilo-sableux avec glaça--ge et traces de ruissellement avec épandage discontinu de gravillons

Parcelle n°20 Butte avec versants réguliers 22 % sur 25 m Jachère arborée

Sol gravillonnaire rouge Source : Mesures et observations effectuées sur le terrain en 2003

Tabl. n°13 : Données de terrain relatives aux parcelles observées en 2003 (Hauchart, 2005)

La variabilité de l’érosion atteint son maximum en fonction du couvert végétal. Intervenant non seulement par sa nature mais aussi par son taux de recouvrement, celui-ci joue par sa faculté d’interception des eaux de pluie qui est plus élevée avec une litière ou des plantes rampantes qu’avec la canopée de plantes dressées (Roose et al., 2000). Ainsi, la présence d’un tapis graminéen est déterminante pour limiter les effets du splash, notamment sur les points bas des versants où l’action des nappes d’eau non turbulentes mais avec des mouvements de fond est majorée par la conjonction de leur vitesse et de leur épaisseur (Riou, 1990). Les observations et les prélèvements que nous avons effectués sur la parcelle n°20 (cf. supra Tabl.

n°13 p161-162) occupée par une jachère arborée prouvent que, même avec des pentes fortes, de l’ordre de 22 %, la nature et la couleur des sols restent identiques sur l’ensemble du profil, l’érosion sélective s’exerçant difficilement. La redistribution des particules transportées prime sur leur exportation, notamment pour les éléments grossiers qui excèdent 50 % autant en amont qu’en aval ou pour les argiles et les limons qui ne sont pas exportés.

Le transport des matériaux qui assure la redistribution verticale et latérale des constituants du sol est effectué par les vecteurs éoliens ou hydriques dont le travail dépend de la vitesse de l’écoulement, de sa puissance, de la compétence définie par la taille maximale des éléments mis en mouvement et de la quantité de matériau transporté. Ce travail peut être facilité par la gravité, d’où l’intérêt de prendre en compte les variations de pente dans notre analyse. Nous avons vu précédemment que les ennoiements généralisés supposent une faible pente tandis que les écoulements se concentrent pour disséquer la surface du sol dès que la pente s’accroît.

Cette dernière a donc un rôle décisif car avec « une pente de seulement 0,7 %, le ruissellement peut atteindre 70 % du volume total d’une pluie » (Some et Ouattara, 1991). Or, à plusieurs reprises, nous avons mesuré des pentes excédant 3%, atteignant même 22 %, et étant cultivées en sorgho, comme l’illustrent les parcelles n°15 et n°17 (cf. supra Tabl. n°13 p161-162). Les observations de terrain mettent en évidence que les traces de ruissellement et d’érosion sélective apparaissent sur une pente de 0,3 % dans le cas d’un profil concave, d’une longueur minimum de 60 mètres, d’un billonnage parallèle à la pente et d’un sol rouge gravillonnaire.

L’érosion chimique est, elle aussi, dépendante de la pente car plus celle-ci est forte, plus l’eau circule vite, sans avoir le temps de s’enrichir (Demangeot, 1990). En revanche, lorsque la pente est faible ou que le couvert végétal est dense, l’eau circule lentement et exerce une

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action sélective sur les éléments nutritifs et les colloïdes minéraux et organiques qu’elle va exporter (Roose, 1977).

Les conséquences de la pente sur l’exportation de particules doivent être nuancées car son rôle est étroitement lié à la nature des sols, à leur texture et à leur taux de matière organique initiaux. Néanmoins, la pente intervient dans l’évolution des paysages par sa forme, sa longueur et son inclinaison. Nous avons déjà évoqué la variabilité des modelés et des écoulements en fonction de la valeur pente. Il en résulte que sur une pente faible, comprise entre 0,2 et 5 % (Da, 2004), comme c’est le cas sur les glacis, les écoulements sont aréolaires et les réorganisations pelliculaires de surface se forment par compaction du sol et comblement des micro-reliefs. Les pertes totales en terres augmentent de façon exponentielle avec l’inclinaison, ce qui n’est pas le cas du ruissellement, davantage fonction de l’infiltrabilité du sol (Roose, 1985). De fait, les sols qui sont essentiellement situés en aval des parcelles et dont la texture est sableuse, sablo-limoneuse ou sablo-argileuse sont plus sensibles au ruissellement. Par ailleurs, le profil de la pente détermine les types d’écoulements et les mécanismes érosifs. Ainsi, la dégradation des terres est maximale en haut de pente. De plus, le ruissellement diminue des modelés convexes jusqu’aux modelés concaves en passant par les formes planes (Coulibaly, 1993). Les transports solides sont, de fait, plus élevés sur pentes convexes que sur pentes concaves où ils aboutissent à un colluvionnement. La longueur de pente a, quant à elle, des conséquences variables selon la rugosité, l’état de surface du sol et son degré d’imbibition (Roose, 1985). Ainsi, lorsque le sol est saturé, le ruissellement s’accumule tout au long de la pente, prenant de la vitesse et de la puissance. Les conséquences sont d’autant plus graves que les écoulements sont concentrés dans des rigoles ou des ravines lesquelles se creusent davantage.

Si les pertes en terres sont déterminées par le couvert végétal ou par la pente, elles le sont également par la nature des sols. Wishmeier a défini le facteur de leur résistance à l’érosion, celui-ci augmentant avec l’érodibilité des sols. Il apparaît que ce facteur est minimal pour les sols gravillonnaires de surface, avec une valeur de 1 à 3/100, qu’il augmente pour les vertisols, étant de 10/100, et qu’il est maximal pour les sols ferrugineux cultivés depuis deux ans avec une valeur comprise entre 20 et 30/100 (Roose, 1985). D’après Roose, les sols tropicaux semblent davantage dégradés par l’agressivité des pluies que par une fragilité exceptionnelle des sols. Par ailleurs, le ruissellement des précipitations sur les impluviums est une ressource en eau pour les terres situées en aval mais il constitue également une menace

pour certains types de sols, comme les sols sablonneux ou sableux fins, très vulnérables à l’érosion pluviale sélective (Lamachère et Serpantié, 1991) tandis que les sols comportant un taux d’argiles supérieur à 15 % ont une bonne stabilité structurale, selon les analyses réalisées autour de Bondoukuy par les équipes de l’IRD (Ouattara et al., 1997). Préalablement, nous avons observé et quantifié les mouvements de particules fines qui sont tout d’abord exportées dans les sillons au détriment des billons (cf. supra 3.2.2., Tabl. n°10 p141) puis évacuées vers l’aval de la parcelle (cf. supra 4.1.2., Tabl. n°11 p154). Les sols situés en aval de la pente se trouvent, de fait, enrichis non seulement en particules limoneuses et argileuses mais également en minéraux et en substances colloïdales dissoutes par l’eau au cours de sa circulation tandis que les sols de haut de pente sont appauvris. L’ensemble de la parcelle peut alors évoluer jusqu’à donner naissance à de vastes plages de sols érodées couvertes par des croûtes d’érosion ce qui limite l’infiltration en faveur du ruissellement, d’un ravinement et d’un décapage (Ambouta et al., 2000). A ce niveau, les pratiques culturales mises en œuvre revêtent un rôle fondamental. Elles peuvent, en effet, favoriser ou non l’évolution de la dégradation physico-chimique en facilitant le ruissellement concentré entre les lignes de culture parallèles à la pente, en appauvrissant le sol et en l’acidifiant par des prélèvements excessifs ou encore en désagrégeant le sol. Avant même la mise en culture, « le ruissellement introduit un risque différé d’accélération de la dynamique érosive parce qu’il rompt le cycle dans lequel se trouve engagée la matière organique, gage de la bonne tenue des sols » (Neboit, 1991). Notre étude vise à démontrer les conséquences des techniques agricoles mises en œuvre dans une région subhumide sèche de production cotonnière. C’est pourquoi nous développerons ultérieurement (cf. infra 4ème partie) l’impact de la mise en valeur et de la culture intensive et mécanisée sur les mécanismes de dégradation environnementale, ceci après avoir précisé quelles sont les pratiques agricoles localement appliquées (cf. infra 3ème partie). D’ores et déjà, nous pouvons cependant préciser que sur pente faible, les pertes en terres varient de 0,02 à 0,4 t/ha/an pour les savanes arbustives, de 1 à 6,5 t/ha/an en culture manuelle à la daba et de 2,5 à 10 t/ha/an en culture attelée (Neboit, 1991).