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L’aspect de la surface du sol

PREMIÈRE APPROCHE DE L’EROSION DANS LE MOUHOUN

3.2. Les micro-modelés et les formes temporaires de l’érosion

3.2.1. L’aspect de la surface du sol

L’identité des états de surface d’un sol résulte de la relation complexe entre des facteurs chimiques, physiques et biologiques. De fait, elle évolue avec la modification de ces différents paramètres, perturbation pouvant être générée par les mécanismes érosifs. L’érosion génère une perturbation des horizons pédologiques. Ainsi, quelques heures après un épisode pluvieux, nous avons fait le constat de cette réorganisation de surface grâce à l’aspect alvéolé du micro-modelé pédologique qui rend compte de la mobilisation des particules et de l’agressivité des gouttes de pluie. D’après nos observations, ces formes de détail apparaissent surtout sur les sols sableux nus. Elles résultent de la battance qui se définit comme une dégradation structurale des horizons superficiels sous l’action de la pluie (Da, 2004). Ce phénomène s’explique par le fait que l’absence de cohérence augmente la vulnérabilité des sols sableux ou sablonneux vis à vis de l’érosivité des précipitations. Dans le cas d’une averse, l’érosivité est déterminée par l’énergie cinétique des gouttes d’eau et donc par l’intensité des précipitations, exprimée en quantité par unité de temps (Bertrand et Gigou,

2000). La mobilisation des matériaux peut se faire par humectation ce qui produit un éclatement des agrégats, une dispersion des particules voire une fissuration selon le taux d’argiles. La désagrégation totale par éclatement résulte de la succion capillaire lors d’une humectation brutale et n’intervient, de ce fait, que pendant la phase d’imbibition préalable au ruissellement (Mietton, 1998). Dans le cas des surfaces sableuses que nous avons observées, la prise en charge des particules est essentiellement due à l’impact des gouttes de pluie sur la surface du sol (Photo n°16, Planche n°6). Les divers mécanismes de mobilisation des particules qui désagrégent le sol ont une acuité d’autant plus accrue que le sol est insuffisamment protégé en début de saison des pluies.

La battance entraîne un rejaillissement des gouttelettes et des particules inférieures à 0,5 mm (Mietton, 1998) qui subissent ensuite une migration élémentaire verticale et latérale et qui se trouvent ainsi exportées plus ou moins loin vers l’aval du terrain où elles se déposent dans les micro-reliefs dépressionnaires. A terme, les modifications superficielles issues de la battance aboutissent à la formation d’une mince pellicule superficielle, continue et consistante, dite de battance dont l’apparition peut être retardée par l’activité de la mésofaune (Roose et al., 2000). Mais l’exportation de particules et la réorganisation superficielle varient selon différents paramètres, comme l’énergie cinétique des gouttes de pluie, l’apparition d’une lame d’eau ruisselée, la texture du sol, et notamment, en fonction de la pente et du taux de couverture végétale. Nous attachant dans ce chapitre à mettre en valeur les formes de détail qui témoignent de l’érosion, nous reviendrons ultérieurement (cf. infra 4.1.) sur le rôle de la pente dans le transport des matériaux et sur les conséquences du splash qui engendrent une réorganisation texturale des sols.

Le fait que les sols nus soient davantage affectés est la conséquence directe de l’absence de écrans pouvant absorber une partie de l’énergie cinétique des gouttes. En effet, nous avons constaté que sur les zipellés indurés, partiellement recouverts par des fragments de cuirasse et des cailloux, les traces de splash étaient plus discrètes. Par ailleurs, la présence d’un couvert végétal a les mêmes effets protecteurs car son taux élevé de recouvrement lui permet d’intercepter les gouttes de pluie et de réduire leur érosivité. La meilleure protection est offerte par une végétation herbacée qui couvre le sol de façon continue. La plupart des formations végétales spontanées représentées dans les provinces occidentales du Burkina Faso apporte cette protection, au moins en saison des pluies, y compris la jachère, mais à l’exception de la brousse tigrée dans laquelle subsistent des plages de sol nu exposé au splash.

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La jachère, surtout dans les cas où elle est améliorée et semée en Andropogon gayanus, permet une modification de la structure pédologique qui, toutefois, n’est qu’une amélioration de courte durée. En effet, « après défriche d’une jachère de six ans, le premier labour, en détruisant les pores, réduit l’infiltrabilité à 234 mm/h et, en fin de la première culture, le taux d’infiltration est réduit à 97 mm/h ; 58 mm/h après trois ans » (Serpantié et Ouattara, 2001).

Ceci indique que l’amélioration de la circulation de l’eau obtenue grâce à la jachère n’est pas stable et qu’elle disparaît dès la remise en culture. De fait, la perception des manifestations de l’érosion hydrique s’est révélée pour nous nettement plus fréquente sur les parcelles de culture que dans les brousses.

En Afrique tropicale, les eaux météoriques sont les principaux agents de l’érosion et ce, d’autant plus que les averses y sont intenses, dotées d’une forte énergie cinétique et que les sols dénudés par les processus de dégradation mécanique ou par les activités humaines y occupent de vastes superficies (Mietton, 1986). Comme nous l’avons exposé précédemment (cf. supra 2.1), la province du Mouhoun illustre cette situation puisqu’elle est affectée par des pluies violentes et irrégulières qui s’abattent sur des sols fragiles souvent insuffisamment protégés par le couvert végétal. Toutefois, nous ne pouvons préciser l’érosivité des pluies locales car nous n’avons pas pu obtenir les données climatologiques relatives à l’intensité des précipitations, celles-ci n’étant pas relevées à la station météorologique de Dédougou. Nous savons cependant que les traces de splash attestent d’une intensité des pluies qui doit être supérieure à 25 mm/h, cette intensité constituant le seuil au-delà duquel les grains de sable et les fragments d’agrégats sont arrachés (Neboit, 1991).

Tandis que les sols sableux sont le siège d’un micro-modelé alvéolé dû au splash, les sols sablo-argileux se couvrent, quant à eux, d’une pellicule argileuse verdâtre superficielle de quelques millimètres d’épaisseur et qui se décolle aisément (Photo n°17, Planche n°6), comme nous avons pu l’observer sur le glacis intermédiaire après un épisode pluvieux. Cette pellicule résulte, elle aussi, d’un processus de réorganisation superficielle qui aboutit à l’obturation des pores et qui limite le potentiel d’infiltration pour les averses suivantes (Roose, 1977). Par ailleurs, dans le cas des sols argileux de type vertiques ou hydromorphes caractéristiques des bas-fonds, la surface du sol forme, après le retrait des eaux de pluie et selon nos observations, une croûte de dessiccation. Celle-ci est le résultat d’une prise en masse des quelques centimètres superficiels sous l’effet de l’évaporation qui s’accompagne parfois d’une ascension capillaire des substances contenues dans l’eau du sol (Casenave et

Valentin, 1989). La croûte se renforce en saison sèche, d’autant que l’évaporation est exacerbée par les vents. Elle donne naissance à un horizon superficiel induré et imperméable.

Lorsqu’elles se reforment entre les premières averses alors que le semis est déjà effectué, ces indurations de surface sont nuisibles à la germination des cultures, limitent l’infiltration et favorisent le ruissellement. Or, ce phénomène arrive fréquemment en domaine sahélo-soudanien, à l’image du Mouhoun, où la discontinuité des averses en début et fin d’hivernage multiplie les alternances d’humectation et de dessication. En revanche, les fentes de retrait que nous avons pu observer le long du fleuve et de ses affluents peuvent être un atout car elles permettent une meilleure infiltration des premières pluies de la saison qui interviennent vers avril ou mai. Parfois larges de plusieurs centimètres (cf. supra 2.2. Photo n°12, Planche n°4) et profondes de quelques dizaines de centimètres, les fentes permettent un stockage temporaire de l’eau qui a ainsi la possibilité d’imbiber progressivement le sol. C’est pour cette raison que les exploitants peuvent mettre ces terres du lit majeur ou des bas-fonds en culture même s’ils n’y produisent que du riz, ou encore trop rarement des cultures maraîchères.

La différenciation des micro-modelés superficiels ou de la réorganisation de surface selon les types de sol (Fig. n°16 p139) et la variabilité des dynamiques pédologiques en réaction aux agressions hydriques illustrent la notion d’érodibilité. Neboit (1991) précise, en effet, que celle-ci dépend des caractéristiques du sol, à savoir de sa stabilité structurale6, de sa texture, de sa densité, de sa porosité et de sa perméabilité. Elle dépend également de la teneur en matière organique car celle-ci réduit la mouillabilité des agrégats et limite leur risque d’éclatement lors de la phase d’humectation. L’érodibilité est inversement proportionnelle au taux d’argiles et de limons ou de sables fins, source de cohésion (Mietton, 1998).