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La culture cotonnière et son substrat local

L’ENVIRONNEMENT BIOCLIMATIQUE DU COTON

2.2. Le coton et son environnement « naturel »

2.2.2. La culture cotonnière et son substrat local

Pour offrir des conditions optimales au développement du coton, un sol doit comporter, d’une part, des particules très fines permettant la bonne alimentation des plants et ayant une capacité élevée de rétention en eau et, d’autre part, un horizon de culture profond. Par ailleurs, le substrat de la culture cotonnière doit être riche en matière organique et en éléments nutritifs, notamment l’azote, le potassium, le phosphore, le calcium, le magnésium et quelques oligo- éléments (Sément, 1986). Cependant, la faiblesse d’un sol en humus peut aisément être compensée par un apport en engrais organique mais ceci est rarement mis en pratique dans la province du Mouhoun, comme l’ont révélé nos enquêtes. De même, le manque d’éléments nutritifs est facilement corrigé par un apport en engrais comme cela se pratique dans les régions cotonnières du Burkina Faso où les paysans épandent l’engrais NPK qui leur est fourni par la Sofitex. Les engrais minéraux doivent également être apportés pour éviter l’apparition de carences consécutives aux prélèvements par les cultures. A titre d’exemple, ces pertes varient de 7 à 17 kg/ha pour l’azote, la marge de variation dépendant des rendements obtenus (Sément, 1986).

Planche n°4 : L’environnement du Mouhoun (3)

Photo n°10 : Culture sous parc associant coton et sorgho (Hauchart, 2001)

Photo n°11 : Parcelle de jachère avec au premier plan, une termitiè-re-champignon (Hauchart, 2001)

Photo n°12 : Fentes de dessica-tion sur matériau argileux en saison sèche (Hauchart, 2004)

Les classes de sol représentées dans le Mouhoun (Fig. n°8 p100) sont multiples et offrent des potentialités variables mais, sur le terrain, les populations locales connaissent mal les caractéristiques agronomiques des sols qu’elles cultivent et elles en ont une approche particulière et simplifiée. D’après les conversations que nous avons entretenues avec les paysans du Mouhoun, il apparaît qu’ils classent les sols en fonction de leurs couleurs et de leurs textures. Ils ont recours à des noms vernaculaires et à une connaissance empirique des comportements pédologiques. Ils distinguent ainsi quatre classes de sols :

- les terres noires qui sont réputées pour être de bonnes terres,

- des terres dites sablonneuses ou sableuses dont la qualité dépend des apports en engrais et fumier pour compenser l’insuffisance de la matière organique,

- les terres argileuses, plus utilisées pour faire les poteries en fin de saison des pluies que pour cultiver, et qui se trouvent le long des berges des cours d’eau,

- et enfin, les sols gravillonnaires rouges fertiles mais facilement envahis par les herbes, ce qui nuit au bon développement des cultures. Ces derniers correspondent à des sols riches en fer oxydé et résultant de l’altération d’une cuirasse dont il est possible de retrouver des fragments de différentes tailles.

Il est incontestable que la texture des sols, retenue par les autochtones comme critère de différenciation, est un paramètre intervenant à la fois dans leurs aptitudes agronomiques mais aussi dans leur comportement vis à vis du climat. Toutefois, les paysans du Burkina que nous avons rencontrés ne se servent pas de tels critères pour évaluer la qualité de leurs terres. Plus de la moitié des personnes que nous avons interrogées, en 2003, ont déclaré estimer ce que valent leurs terres de cultures d’après les rendements et d’après le bon ou mauvais développement des végétaux.

Certains ont évoqué l’ancienneté de la défriche. Ce n’est que marginalement que les paysans ont spontanément et directement mis en relation la qualité de leurs terres avec la nature des sols. Après quelques années d’exploitation, les paysans font des constats pertinents de l’état de leurs terres mais ils n’anticipent pas encore les conséquences de la mise en culture d’un sol impropre ou fragile.

Du fait de la méconnaissance des qualités agronomiques de leurs terres, notamment d’un point de vue physico-chimique, les paysans cultivent indifféremment et sans précaution le

Fig. n°8 : Cartes des sols représentés dans le Mouhoun (Hauchart, 2005)

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Carte des classes de sols

Source : BNDT

Carte des matériaux sous-jacents

coton, le sorgho ou autre sur les sols sablonneux, gravillonnaires ou noirs, à l’exception des sols argileux qui sont presque toujours réservés à la culture du riz. Pourtant, les sols représentés dans le Mouhoun n’ont pas tous les mêmes atouts et les mêmes inconvénients.

Nous avons réalisé une carte (Fig. n°9 p102) des aptitudes agronomiques des sols du Mouhoun à partir des données recueillies dans la notice accompagnant la carte pédologique établie par l’ORSTOM, en 1969. Il apparaît que, déjà à cette époque, l’ORSTOM avait mis en évidence que les sols de faible valeur agronomique et d’une faible résistance aux travaux agricoles, notamment du fait de leur texture et de leur profondeur, occupaient une superficie prépondérante dans la province. Peut-être aurait-il alors fallu prendre en compte ces informations dans les programmes de mise en valeur qui ont diffusé, depuis, de nouvelles pratiques culturales et vulgarisé du matériel agricole plus perfectionné.

Pour réaliser la carte des potentialités agronomiques des sols, nous les avons regroupés en catégories selon d’une part, leur résistance aux travaux agricoles, elle-même fonction de leur structure et d’autre part, de leur valeur agricole selon leur texture et leur profondeur. Le classement est le suivant :

- catégorie 1 : sols n°14, 34, 26 et 37, - catégorie 2 : sols n°31 et 39,

- catégorie 3 : sols n°13, 23, 24, 25, 30 et 40, - et catégorie 4 : sols n°1, 4, 7, 27, 28 et 29.

La prise en compte des aptitudes agronomiques aurait dû constituer une action d’autant plus nécessaire qu’il était conseillé de ne mettre les sols en culture qu’en menant conjointement des opérations de lutte anti-érosive et qu’en appliquant des techniques culturales telles que le billonnage ou le drainage. Nous avons donc également réalisé une carte (Fig. n°10 p103) visant à préciser les soins à apporter lors de la mise en culture et pour cela, nous avons réparti les sols de notre secteur en cinq catégories :

- catégorie 1 : sols n°1, 4, 7, 13, 27, 28 et 29 - catégorie 2 : sols n°24 et 25,

- catégorie 3 : sols n°26, 31, 39 et 40, - catégorie 4 : sols n°14 et 30,

- et catégorie 5 : sols n°23, 34 et 37.

Fig. n°9 : Croquis des aptitudes agronomiques des sols du Mouhoun (Hauchart, 2005)

Source : Carte pédologique de l’ORSTOM (1969)

Fig. n°10 : Croquis des soins à apporter aux différents sols du Mouhoun (Hauchart, 2005)

Précisons les potentialités agronomiques des différents sols mis en culture. Les sols à sesquioxydes ferrugineux ont une faible capacité de stockage des minéraux. Ils sont, de ce fait, d’un niveau de fertilité généralement faible (Somé et Ouattara, 1991) mais celui-ci dépend de leurs réserves en bases (Bertrand et Gigou, 2000). Dans le cas des sols ferrugineux sableux, comme celui que nous avons vu à l’est de Safané, la faiblesse des réserves minérales résulte des pertes par lixiviation. Cependant, ce sol permet un enracinement profond des plantes et donc une meilleure utilisation de l’eau et des minéraux par les végétaux (Roose, 1977). De plus, le pH de ces sols est acide. Or, du pH dépend la valorisation par les plantes des éléments minéraux contenus dans le sol. L’assimilation du potassium, de l’azote, du phosphore, du souffre, du calcium et du magnésium est plus aisée pour les sols basiques que pour les sols acides, notamment si le pH est inférieur à 6 (Bertrand et Gigou, 2000). A l’inverse, le pH acide n’affecte pas l’absorption du fer, du cuivre ou du manganèse.

Les sols hydromorphes, quant à eux, possèdent souvent, en profondeur, des cuirasses ou des carapaces qui bloquent la percolation de l’eau et créent, en saison des pluies, des horizons engorgés et asphyxiants, nuisibles pour les végétaux. En saison sèche, c’est la dessiccation des horizons superficiels qui devient un facteur limitant (Bertrand et Gigou, 2000). Pourtant, les sols hydromorphes sont considérés comme de bons sols pour la culture de décrue ou pour la riziculture, particulièrement parce que ces sols tourbeux possèdent un taux de matière organique toujours supérieur à 2 % et pouvant même être compris entre 5 et 8 %, comme c’est le cas pour le sol n°31. Ces sols peuvent indifféremment être mis en culture avec du coton ou des céréales, à condition d’être binés avant semis, puis d’être billonnés et drainés. Ils ont un potentiel agricole élevé mais mal aisé à valoriser car les outils aratoires utilisés localement sont peu adaptés à la lourdeur de ces sols. Par ailleurs, le drainage demande des soins qui sont difficiles à satisfaire dans le Mouhoun, par manque de temps et de main d’œuvre. Ces manques sont à la fois le fait que la saison agricole est courte et déterminée par la pluie, mais ils sont également dus au fait que les travaux culturaux comme le sarclage sont très prenants.

D’après les entretiens que nous avons eus en 2001 et 2003, les producteurs interviennent en priorité sur le désherbage ou le traitement à l’aide d’insecticides lors d’attaques parasitaires ou de maladies des cultures.

Les sols à pédoclimat contrasté, comme les sols vertiques ou les sols bruns eutrophes, sont des sols argileux qui ont une grande richesse minérale. Il est, cependant, mal aisé de valoriser ce potentiel chimique car ce sont des sols lourds et donc difficiles à travailler, surtout en

culture manuelle. De plus, les vertisols ont un fort taux de sodium échangeable, 10 à 20 %, néfaste pour les cultures (Duchaufour, 1991). Leur comportement physique est également défavorable car il varie avec l’alternance saisonnière pour engendrer, en saison sèche, des fentes de dessiccation et de rétractation des argiles et, en saison des pluies, une asphyxie du profil. Lorsqu’ils sont développés sur matériaux caillouteux, ils peuvent, toutefois, avoir un intérêt agronomique car leur complexe est saturé en éléments échangeables tels que du calcium ou du magnésium. Par ailleurs, les potentialités de ces sols peuvent être améliorées par un travail profond et par des actions de lutte anti-érosive. La culture du coton, du sorgho et du mil y sont alors envisageables. Les sols bruns eutrophes hydromorphes sur matériaux issus de roches basiques, comme ceux observés dans le finage de Mamou, ont une meilleure valeur agronomique grâce à leur richesse minérale néanmoins il faut améliorer leur drainage.

Ils ont une forte teneur en argile gonflante et de ce fait, ils peuvent évoluer vers des sols vertiques dès lors qu’ils sont en situation topographique de bas-fond (Da, 2004).

La profondeur et la texture des lithosols sur cuirasse ferrugineuse8 ou des sols régiques sur grès ou sur matériaux gravillonnaires9 en font des sols ayant un faible intérêt agronomique. Il est même recommandé de ne pas les cultiver car ils sont peu résistants aux travaux agricoles.

Comme les lithosols sont issus du démantèlement des cuirasses ferrugineuses, ce sont des sols de 10 cm d’épaisseur, à peine ébauchés et peu évolués.

En revanche, les principaux points communs de tous les sols du périmètre sont, d’une part, la dominance de colloïdes à capacité d’échange réduite et, d’autre part, leur faiblesse en matière organique. La teneur en matière organique, qui dépend de la vitesse de minéralisation et de la quantité des apports organiques se trouve réduite sous les climats tropicaux du fait de la température élevée qui accélère sa minéralisation et appauvrit le sol en humus. Or, la matière organique représente une grande capacité de stockage des éléments qui, sans elle, se trouvent lixiviés hors du profil. Elle a ensuite pour rôle de libérer les éléments adsorbés et de fournir aux végétaux le phosphore assimilable et les autres éléments nutritifs dont ils ont besoin (Bertrand et Gigou, 2000). Un déficit en matière organique constitue donc un handicap qui ne doit pas être négligé. En outre, les potentialités agronomiques des sols dépendent également de leur vulnérabilité vis à vis des agressions extérieures.

8 Les lithosols sur cuirasse ferrugineuse correspondent, sur la carte pédologique de l’ORSTOM, au sol n°1 (Annexe III).

9 Les sols régiques sur grès ou sur matériaux gravillonnaires correspondent, sur la carte pédologique de l’ORSTOM, aux sols n° 4 et 7 (Annexe III).