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6.2 Impact d’une constriction ventriculaire sur l’écoulement d’air translaryngé

6.2.2 Variations de la structure du jet ventriculaire

Bien que l’écoulement observé entre les maquettes de cordes vocales et de bandes ventriculaires ait été analysé de manière plus approfondie, l’exploration in-vitro a aussi permis de caractériser quelques propriétés de l’écoulement développé en aval de la constriction ventriculaire.

Condition d’écoulement (quasi-)stationnaire : CV & BV rigides

Dans des conditions d’écoulement glottique stationnaires, nos mesures montrent que le jet ventriculaire peut évoluer symétriquement par rapport à la direction axiale, ou bien s’incurver vers l’une ou l’autre des parois rigides de la maquette de bandes ventriculaires. Cette propriété s’est vérifiée à différents débits Φ, différentes pressions d’alimentation P0, et différentes géométries de la constriction ventriculaire. Nos mesures démontrent non seulement une asymétrie de l’écoulement au col de la maquette de bandes ventriculaires, mais également la fluctuation de cette asymétrie dans le temps. Elles concordent avec les études antérieures réalisées sur la déviation du jet par effet Canda (Pelorson & al.[149], 1995, Kucinschi & al.[108], 2006) et sur la bistabilité du jet supra-glottique en termes de directivité, déjà observée pour des configurations géométriques hbv/hcv étroites (Kucinschi & al.[108], 2006).

Fig. 6.17 – Visualisation d’écoulement par injection de fumée à travers la maquette du larynx cou-plant CV et BV statiques pour deux ouvertures ventriculaires différentes. Lventricule = 31mm, hcv = 3,25mm±0,05mm, Φ = 5,48L.min−1. (a) hbv = 2,15mm±0,05mm, i.e. hbv/hcv = 0,66 (b) hbv = 6,20mm±0,05mm, i.e. hbv/hcv = 1,91.

A titre illustratif, la figure 6.17 compare l’influence de l’ouverture ventriculaire hbv sur le jet d’air en aval du larynx, pour une même géométrie de cordes vocales et de ventricule (Lventricule = 31mm). Le rapport hbv/hcv est fixé paramétriquement à 0,66 (a), puis à 1,91 (b). Le flux d’air est généré par un compresseur à débit contrôlé, maintenu constant à 5,48L.min−1. Les photographies sont acquises en régime établi de l’écoulement. Dans les deux cas, l’écoulement évolue symétriquement en aval des bandes ventriculaires, dans la direction de l’axe médian, malgré une interaction a priori différente avec les parois de la maquette. En effet, on observe qualitativement que le jet évolue de manière quasi-uniforme en sortie du dispositif dans le cas(a), alors que son expansion dans la direction transversale y est beaucoup plus rapide dans le cas(b). Une configuration intermédiaire, telle que hbv/hcv = 0,92 et Lventricule = 51mm, montre que le jet ventriculaire peut également être incurvé par effet Coanda, comme illustré sur la figure 6.8.

L’étude qualitative des fluctuations de la symétrie du jet ventriculaire a été complétée par l’analyse des mesures de pression aérodynamique, réalisées in-vitro en parallèle de la visualisation d’écoulement, sur les mêmes dispositifs. La figure 6.18 présente un exemple typique des pressions d’écoulement acquises sur la maquette statique du larynx. Les paramètres utilisés ici sont Lventricule= 31, 5mm et hbv/hcv = 1, 8. Dans cette illustration, la pression d’alimentation en amont de l’installation, P0, est variée de 0Pa à un

seuil maximal, P0max, stabilisé en régime permanent à environ 100Pa. La mesure est répétée quatre fois dans les mêmes conditions expérimentales. La pression mesurée dans le ventricule, P2, et les pressions obtenues de part et d’autre du col des bandes ventriculaires, P3 et P

3, sont normalisées par la valeur moyenne du seuil P0max, et sont représentées en fonction du temps. Les variations des pressions P3 et P 3

reflètent l’instabilité aérodynamique observée au col de la maquette des bandes ventriculaires, dans des conditions d’écoulement glottique stationnaires (comme indiquent les valeurs stationnaires de P0 et P2). Les variations mesurées pour les rapports P3/P0max et P

3/P0max illustrent l’asymétrie de l’écoulement, et aussi les fluctuations dynamiques de cette asymétrie. Ces observations restent valables pour d’autres valeurs de P0max (200Pa/300Pa/400Pa), comme illustré dans l’annexeB sur les figures B.1, B.2 et B.3. Elles se maintiennent également pour d’autres configurations de la maquette, comme le montrent les figures B.5, B.6 et B.7 de l’annexeB, à une pression d’alimentation P0= 400P a imposée et un rapport hbv/hcv varié paramétriquement entre 0,66 et 1,83.

Fig. 6.18 – Pressions expérimentales normalisées P2/P0max (ligne en pointillés), P3/P0max (ligne solide), P

3/P0max (ligne en traits) acquises sur la maquette du larynx rigide statique, en fonction du temps. Quatre répétitions de la mesure avec Lventricule = 31, 5mm, hcv = 3, 25mm, hbv = 5, 95mm, i.e. hbv/hcv = 1, 8, et P0max = 109P a. Dans le cas de la première et la troisième répétition, notons le changement d’asymétrie de l’écoulement au niveau de la constriction des bandes ventriculaires à t = 1.71s et t = 4, 67s respectivement. Les petites flèches indiquent des séquences temporelles pour lesquelles P3/P0max et P

3/P0max sont proches.

La déviation du jet ventriculaire est également observée sur le dispositif statique dans des conditions d’écoulement instationnaires, comme illustré sur la figure 6.19. Nos observations soutiennent qu’une légère instationnarité dans l’écoulement retarde l’établissement de l’effet Coanda, conformément aux travaux de Pelorson & al.[147], 1994, Hirschberg & al.[85], 1996, Hofmans[86], 1998 et Hofmans & al. [87], 2003. La

figure 6.19 présente l’évolution des pressions expérimentales mesurées pour une ouverture ventriculaire plus petite (hbv/hcv= 0, 9) lors d’une augmentation continue de la pression P0, de 0Pa à seuil stationnaire de 296Pa. Pour P0 en-deçà d’environ 273 Pa (zone grisée sur la figure 6.19), les rapports P3/P0max

et P

3/P0max sont identiques à la précision de mesure près (±5P a), suggérant ainsi la symétrie du jet ventriculaire pendant le transitoire, avant que l’effet Coanda ne s’établisse.

Condition d’écoulement instationnaires : CV oscillantes & BV rigides

L’étude du comportement du jet en aval de la maquette dynamique du larynx a été laissée de côté dans le cadre de ce travail. Néanmoins, l’analyse des mesures PIV réalisées pour la géométrie CV − BV2

a montré une forte déviation du jet par effet Coanda, et l’adhérence à une des parois de la maquette de bandes ventriculaires, comme illustré sur la figure 6.11. Les cartes de vitesses acquises aux positions 1 et 2 de la nappe laser, au niveau de la maquette du ventricule et en aval de celle des bandes ventriculaires respectivement (cf. figure 4.15), ont été combinées pour illustrer simultanément le comportement en régime établi de l’écoulement mesuré en amont et en aval des bandes ventriculaires. Les mesures dans ces deux régions n’ont pas été acquises de façon synchrone, mais ont été regroupées a posteriori sous l’hypothèse de la stabilité des oscillations de la maquette de cordes vocales.

Fig. 6.19 – Pressions expérimentales normalisées P2/P0max (ligne en pointillé), P3/P0max (ligne solide), P

3/P0max (ligne en traits) acquises sur la maquette du larynx rigide statique, en fonction du temps. Lventricule= 31, 5mm, hcv= 3, 25mm, hbv= 3, 10mm, i.e. hbv/hcv = 0, 9, et P0max= 296P a.

En définitive, nous avons montré dans cette section que la maquette de bandes ventriculaires rigides, placée en aval d’une des maquettes de cordes vocales, altère la structure de l’écoulement. Sous certaines conditions géométriques et aérodynamiques, selon la maquette de cordes vocales considérée, elle peut induire une déviation des jets glottique et ventriculaire vers les parois du conduit vocal ; ou au contraire, un redressement des jets vers l’axe médian ; un battement du jet glottique ; ou au contraire, une stabilisation

de son oscillation ; la diminution du taux de turbulence moyen dans l’écoulement central, et un retard dans la dégénérescence du jet par dissipation turbulente.