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5.2 Caractérisation physique de la production de voisement usuel

5.2.1 Conditions d’auto-oscillation glottique

Sous quelles conditions physiques (aérodynamiques et mécaniques) peut-on simuler une auto-oscillation périodique des cordes vocales, à l’image de celle observée sur l’humain ? Cette simulation est-elle per-turbée par la présence des bandes ventriculaires, si caractérisées par une géométrie et un comportement dynamique proches de ceux observés en phonation usuelle ? Nous cherchons ici à comprendre si les bandes ventriculaires apportent une contribution physique effective à la mise en vibration glottique. Pour ce faire, nous proposons de relier les résultats mis en évidence sur l’humain, aux prédictions dynamiques du modèle M2M de cordes vocales, combiné à la description théorique de l’influence aérodynamique due aux bandes ventriculaires (section §3.3.1). Nous nous limitons dans cette section aux prédictions théoriques relatives à l’exemple sonore Audio1.wav, choisi comme référence de la phonation usuelle. Les résultats issus de cette simulation sont représentatifs des observations formulées pour les autres configurations étalons.

Dans un premier temps, nous détaillons les paramètres de la simulation numérique présentée figure 5.10, choisis dans le souci d’une cohérence avec les observations physiologiques de la littérature et de la section précédente.

Paramètres géométriques

Les grandeurs citées ci-dessous sont introduites sur les figures 3.8 et 3.14 du chapitre 3. Leurs valeurs ont été choisies grâce à l’étude bibliographique (§1.2.1). Il s’agit des valeurs moyennes répertoriées dans le tableau 1.2.

h0= 20mm Wcv = 20mm

hventricule= 16mm Lventricule= 5mm

Wbv = 20mm dbv = 5mm

L’ouverture ventriculaire hbv(t) et l’ouverture initiale glottique hcv(t = 0) sont choisies comme para-mètres d’entrée de la simulation. Tous deux sont estimés à partir des mesures réalisées sur l’humain et présentées dans la secion précédente.

L’ouverture ventriculaire hbv(t) suit les variations de l’aire ˜Abvn(t) détectée sur les images laryngées et tracée sur la figure 5.6. Bien que l’hypothèse d’une section d’aire rectangulaire dans le plan ventriculaire soit mise en défaut par les observations in-vivo, l’ouverture hbv(t) en entrée du modèle M2M est approchée par l’équation (2.10), si bien que :

hbv(t) =˜˜hbv(t) = A˜bv(t) Wbv

. (5.1)

L’équation 5.1 couplée à l’équation (2.26) conduit à : ˜

˜

hbv(t) = ˜Abvn(t) · ˜hbvref, (5.2) où ˜hbvref désigne l’ouverture ventriculaire maximale mesurée en phonation usuelle, normée dans le système métrique et rapportée dans la littérature. Conformément au tableau 1.2, nous fixons sa valeur à 9mm.

De même, l’ouverture initiale des cordes vocales est déduite des variations d’aire glottique mesurées sur la figure 5.6. L’approximation de l’équation (2.9) s’écrit :

hcv(t = 0) =˜˜hcv(t = 0) = A˜cv(t = 0) Wcv

. (5.3)

La distance ˜˜hcv(t = 0) (en mètres) n’est pas imposée aléatoirement. Elle est reliée à l’ouverture initiale des bandes ventriculaires ˜˜hbv(t = 0) via le rapport moyen α = ˜Abv(t)/maxtA˜cv(t) = 3.7, mesuré dans la section précédente. Ce rapport, combiné aux équations (2.23) et (2.26), conduit à :

˜ ˜ hcv(t = 0) = A˜cvn(t = 0) Wcv ·A˜bv(t = 0) α (5.4) = ˜hbvref · Wbv α · Wcv · Acvn(t = 0) ˜Abvn(t = 0). (5.5)

L’ouverture glottique issue de l’aire mesurée sur les images laryngées à des temps supérieurs, ˜˜hcv(t > 0), est évaluée suivant la même équation 5.5. Elle est comparée à l’ouverture glottique minimale dans la direction de l’écoulement, simulée par le modèle M2M, à savoir min(hcv1(t), hcv2(t)).

La pression P0est calculée à 4,1cm en amont du M2M des cordes vocales. La pression P2 est calculée au commencement du canal des bandes ventriculaires, dans le ventricule laryngé.

Enfin, le modèle de collision nécessite la définition d’une hauteur critique de collision, hc, fixée à 0.015mm (Ruty[162], 2007).

Paramètres mécaniques

Le paramètre de la masse vibrante mef f= 2 · mcv est choisi en accord avec les données physiologiques et avec les études antérieures sur la modélisation physique de la vibration glottique par modèles distribués de cordes vocales (Miller & al.[134], 1988, Vilain[210], 2002, Ruty [162], 2007). La constante de raideur

du M2M, kcv, est imposée de sorte que la fréquence des oscillations simulées en sortie du modèle coïncide avec la fréquence des oscillations mesurées in-vivo, à savoir 118Hz en moyenne sur la séquence étudiée. La méthode YIN de détection de fréquence fondamentale indique un écart de 1.71% entre la mesure et la simulation pour kcv = 20 N.m−1 et kc = kcv/2. La constante d’amortissement, rcv, est fixée de sorte que le modèle puisse simuler des oscillations glottiques auto-entretenues stables, avec une fermeture totale des cordes vocales. L’ensemble des paramètres mécaniques choisis sous ces conditions est récapitulé ci-dessous :

mcv = 0.05 g kcv = 20 N.m−1

kccv = 10 N.m−1

rcv = 4 · 10−4 N.s.m−1

Paramètres thermodynamiques et aérodynamiques

La température dont dépendent l’estimation de la viscosité (µ), de la masse volumique de l’air ρ et de la célérité du son c, est fixée à 37.2. La pression atmosphérique est fixée à 101.1 kPa. La pression d’alimentation P0uniforme dans la trachée est fixée à 800Pa, relativement à Patm. Cette valeur appartient à la gamme des pressions sous-glottiques communément rencontrées dans la réalité physiologique (cf. tableau 4.2). Dans de telles conditions thermodynamiques,

ρ = 1.13 kg.m−3

µ = 1.85 × 10−5kg.m−1.s−1

c = 353.3 m.s−1

Le modèle d’écoulement choisi est décrit par l’hypothèse Hyp1bturb (cf. tableau 3.1), combinant un modèle de séparation de l’écoulement déduit du critère de Liljencrants, une expansion de jet glottique linéaire avec x, et une modélisation de la distribution de pression régie par l’équation de Bernoulli sta-tionnaire, corrigée par le terme de Poiseuille des pertes de viscosité (∆Pjet= 0). Dans ces conditions, la pression est posée uniforme dans le ventricule et P2= Ps1.

La figure 5.10 présente la simulation des ouvertures glottiques hcv1(t) et hcv2(t) par le M2M de cordes vocales, implémentée avec l’ensemble de ces paramètres géométriques, mécaniques et aérodynamiques. Elle présente également la simulation de la pression aérodynamique dans le ventricule, Ps1, évaluée dans ces conditions.

Influence des bandes ventriculaires sur la distribution de pression

Selon notre modélisation, pour des conditions proches de la parole usuelle, la présence des bandes ventriculaires en aval de la glotte n’influe pas sur la distribution de pression translaryngée. Le recouvre-ment de pression dans le ventricule, Ps1, est prédit identiquement nul et le débit d’air est le même que celui simulé en l’absence de bandes ventriculaires dans le canal d’écoulement. En effet, la configuration géométrique est telle que le jet glottique n’interagit pas avec les bandes ventriculaires dans la modélisation proposée, comme illustré sur la figure 5.10. Ces prédictions restent inchangées quelle que soit la longueur du ventricule choisie parmi les valeurs admissibles mentionnées dans l’étude bibliographique (Lventricule

varié entre 3.3mm et 7.5mm). Les deux autres modèles d’expansion du jet glottique proposés (hypothèses Hyp1blam et Hyp1bunif) conduisent aux mêmes résultats.

Influence des bandes ventriculaires sur les vibrations glottiques

En l’absence de bandes ventriculaires, le modèle à deux masses de cordes vocales oscille périodiquement à la fréquence fondamentale imposée (118Hz). La présence des bandes ventriculaires en aval du modèle n’engendre aucune altération dans la simulation des ouvertures hcv1(t) et hcv2(t), comme illustré sur la figure 5.10. En particulier, les amplitudes et la fréquence d’oscillation du M2M ne sont pas modifiées. La variation de Lventricule dans la gamme des valeurs admissibles, de même qu’une modification dans le

modèle de développement du jet glottique (Hyp1blam et Hyp1bunif), n’entraîne aucun changement dans les prédictions.

Fig. 5.10 – (en haut) Illustration schématique du modèle M2M de cordes vocales et de l’interaction entre le jet glottique et les bandes ventriculaires, dans la configuration étalon (pas à l’échelle). (en bas) Simulations numériques de hcv1(t), hcv2(t) et Ps1(t) en fonction du temps, par le modèle M2M avec recouvrement de pression sous l’hypothèse Hyp.1bturb, dans la configuration étalon. Les paramètres d’entrée de la simulation sont représentés en trait plein : P0 = 800Pa, hbv(t) = ˜˜hbv(t) et hcv(t = 0) = ˜˜hcv(t = 0). L’ouverture glottique˜˜hcv(t > 0) est confrontée aux grandeurs simulées. Ces prédictions sont inchangées en l’absence de bandes ventriculaires en aval du M2M de cordes vocales.

La figure 5.10 permet de confronter l’ouverture glottique issue de l’aire détectée sur les images laryn-gées, ˜˜hcv(t), à l’ouverture glottique simulée par le modèle M2M, hcv2(t) = mint(hcv1(t), hcv2(t)). Notons ˜

˜

γ le rapport des ouvertures ventriculaire et glottique issues des mesures sur l’humain, et ˜γ˜M 2M le rapport de l’ouverture ventriculaire mesurée sur l’ouverture glottique simulée par le modèle M2M. Nous obtenons :

˜ ˜ γ = maxt ˜ ˜ hbv(t) maxt˜˜h cv(t) = 3.82 etγM 2M˜˜ =maxt ˜ ˜ hbv(t) maxthcv2 = 2.74. (5.6)

La simulation du comportement des cordes vocales conduit ainsi à une diminution de 28% du rapport ˜˜γ. Néanmoins, le rapport déduit des prédictions théoriques reste dans la gamme des rapports mesurés sur l’humain en phonation usuelle (cf. tableau 5.1).

La figure 5.10 met en évidence un décalage de phase et d’amplitude entre les prédictions de l’ouverture glottique, hcv2(t) = mint(hcv1(t), hcv2(t)), et sa mesure déduite des observations physiologiques,˜˜hcv(t). La distance εm(t) représente l’écart entre le maximum d’amplitude glottique mesuré à t, et le maximum d’amplitude glottique simulé le précédant, tel qu’illustré sur la figure 5.10. L’erreur relative associée à cet écart, ǫ(t) = |εm(t)|/maxt˜˜h

cv(t), varie entre 2% et 48% sur les cinq cycles glottiques simulés (valeur moyenne 29%).

Afin de quantifier le déphasage entre la prédiction théorique et la mesure de l’ouverture glottique, la figure 5.11 compare le signal DEGG normalisé avec le signal dhcv2(t)/dt, dérivée par rapport au temps de l’ouverture glottique simulée par le M2M. La méthode de détection de pics (§ 2.3.2) permet de repérer sur ces signaux les instants de fermeture glottique réels (GCI mesurés), et les instants de fermeture glottique simulés (GCI simulés). Le délai entre ces instants respectifs, φGCI, varie entre 3.6ms et 4.5ms (valeur moyenne 4.1ms), entraînant un déphasage moyen de π entre les ouvertures glottiques simulées et mesurées.

Fig. 5.11 – Comparaison entre la dérivée de l’ouverture glottique dhcv2(t)/dt simulée par le modèle M2M et le signal DEGGn.maxt(dhcv2(t)/dt). Définition du déphasage φGCI mesuré et simulé entre deux ins-tants de fermeture glottique. Les mesures sont en m.s−1 en ordonnées.

Ces écarts en amplitude et en phase dépendent des paramètres du M2M imposés, notamment du choix de la pression d’alimentation P0et du paramètre géométrique ˜hbvref. Ils découlent également de la succession d’approximations effectuées dans la modélisation, en particulier dans le modèle de collision, mais aussi dans le modèle aérodynamique, qui néglige les phénomènes instationnaires dans l’écoulement et la dissipation d’énergie par turbulence dans le développement du jet glottique.

En conclusion de cette partie, le travail théorique a permis de montrer que les bandes ventriculaires, placées dans des conditions proches de la phonation usuelle, n’engendrent aucune perturbation aérody-namique dans le larynx telle que supposée dans notre modélisation. Dans cette configuration étalon, les

prédictions théoriques montrent que la présence et le comportement des bandes ventriculaires n’altèrent pas le mouvement vibratoire du modèle à deux masses des cordes vocales. En conséquence, ces résultats soutiennent l’hypothèse d’une interaction aérodynamique négligeable entre les cordes vocales et les bandes ventriculaires en phonation usuelle.