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3.3 Modèle des auto-oscillations glottiques en interaction avec les bandes ventriculaires

4.1.2 Mesures in-vitro sur des maquettes de l’appareil phonatoire

Shadle & al. [182], 1991 ont intégré une maquette de bandes ventriculaires rigides statiques en aval d’une maquette rigide de cordes vocales capable d’oscillations, à l’échelle 1 :1. Une des cordes vocales est figée, l’autre est connectée à un vibreur mécanique et permet de simuler une modulation périodique, forcée et contrôlable de l’écoulement d’air. Les bandes ventriculaires ont un profil arrondi ; les cordes vocales forment un conduit parallèle et un espace glottique rectangulaire, à l’image d’un modèle à une masse théorique. Ce dispositif a été conçu principalement pour permettre une visualisation qualitative de l’écoulement d’air en interaction avec ces structures, par injection de fumée dans le conduit sous-glottique. Cette manipulation s’est réalisée avec et sans bande ventriculaire en aval de la glotte, dans une condition d’écoulement statique sans vibration de cordes vocales. Shadle & al. [182], 1991 ont ainsi observé que les bandes ventriculaires impliquaient un redressement du jet glottique, dévié par effet Coanda en leur absence. Ce résultat s’est confirmé pour des configurations glottiques décentrées.

Pelorson & al. [149], 1995 ont validé leurs estimations théoriques au moyen d’une expérimentation in-vitro réalisée sur une maquette statique du larynx à l’échelle 3 :1. Une injection de C02 a permis une visualisation d’écoulement par technique Schlieren (Pelorson & al.[147], 1994). Un système de capteurs a permis de mesurer la distribution de pression en plusieurs points du dispositif. Pelorson & al.[149], 1995 ont visualisé le réattachement du jet glottique sur les bandes ventriculaires, et mesuré un recouvrement de pression significatif atténuant la chute de pression transglottique, comme observé par Miller & al.

[134], 1988. Cependant, ces effets ont été observés après un laps de temps prolongé et dans des conditions d’écoulement stationnaire. Les auteurs émettent à ce titre une réserve sur la pertinence de ces effets pendant la phonation.

Gauffin & al. [63], 1983 ont développé un banc expérimental comprenant une maquette statique de cordes vocales couplée à une maquette de bandes ventriculaires amovibles. Gauffin & al. [63], 1983 me-surent également un recouvrement de pression, plus important pour un profil convergent de cordes vocales que pour un profil divergent : la résistance de l’écoulement est plus élevée pour un canal glottique

di-vergent.

Fig. 4.2 – Visualisation d’écoulement sur une maquette rigide statique du larynx combinant une maquette de cordes vocales et une maquette de bandes ventriculaires, en différents points du canal du dispositif et pour différentes configurations géométriques et aérodynamiques. D’après Kucinschi & al. [108], 2006.

Kucinschi & al. [108], 2006 ont décrit les perturbations générées sur l’écoulement laryngé par deux ouvertures ventriculaires au moyen d’injection de fumée dans une maquette rigide statique du larynx à l’échelle 7.5 :1. La maquette de cordes vocales utilisée présente un profil symétrique divergent de 10, un diamètre glottique minimal de 0.4mm (à échelle réelle), une longueur de 12mm (à échelle réelle) (Scherer & al.[174], 2001, Shinwari & al.[183], 2003). Les bandes ventriculaires sont situées à 6.04mm de la fin du canal glottique (à échelle réelle). Elles forment un angle divergent de 60. Les ouvertures hbv considérées valent 1.02mm et 6.75mm à échelle réelle. Le débit d’air volumique Φ est varié paramétriquement entre 22 et 667 cm3/s (à échelle réélle).

Configuration de référence sans bande ventriculaire

La visualisation d’écoulement obtenue pour la configuration de référence est illustrée sur la figure 4.2 pour deux valeurs de débit Φ (22.2 et 108.8cm3/s, soit une chute de pression translaryngée mesurée de 0.23 et 3.77cmH20 respectivement). Pour Φ = 22.2cm3/s, le jet glottique est dévié par effet Coanda et laminaire. Le jet peut s’incurver alternativement d’un côté ou de l’autre des parois des cordes vocales en réponse à une perturbation en aval, manifestant une bistabilité dans son orientation. La déviation du jet augmente pour un débit plus élevé, et transite vers un comportement instationnaire après la séparation glottique, caractérisé par des instabilités de Kelvin-Helmoltz (Goldstein[67], 1976) conduisant à une dis-sipation turbulente (cf. figure 4.2).

Configuration avec bandes ventriculaires

constric-tions ventriculaires étudiées et les deux valeurs de débit Φ. Pour Φ = 22.2cm3/s, la présence d’une constriction ventriculaire étroite (hbv/hcv = 2.55) stabilise, accélère et redresse le jet glottique dans le ventricule, conformément aux observations de Shadle & al.[182], 1991 et Pelorson & al. [149], 1995. A la sortie des bandes ventriculaires, le jet est laminaire, bidimensionnel et bistable (cf. figure 4.2). Bien qu’il reste moins dévié qu’en absence de bandes ventriculaires, l’incurvation du jet par effet Coanda augmente avec le débit. Pour Φ = 108.8cm3/s, le jet dans le ventricule développe des instabilités turbulentes de Kelvin-Helmoltz, à des distances de la glotte plus éloignées que dans la configuration de référence néan-moins. Aussi, quelque soit le débit, en présence de la constriction ventriculaire étroite, le jet glottique garde un comportement laminaire sur une plus longue distance après la séparation de l’écoulement aux cordes vocales. Le comportement de l’écoulement pour la constriction ventriculaire la plus large (hbv/hcv

= 16.9) est semblable à la configuration sans bande ventriculaire dans le dispositif, avec un effet Coanda moins marqué malgré tout.

Grâce à un système de capteurs de pression, Kucinschi & al.[108], 2006 mesurent également une chute de pression translaryngée (entre la trachée et la fin des bandes ventriculaires) plus basse aux faibles valeurs de débit volumique pour l’ouverture ventriculaire la plus étroite (pour Φ = 22.2cm3/s (respectivement 108.8cm3/s) soit Re = 238 (respectivement Re = 1170), la chute de pression totale mesurée vaut alors 0.21cmH20 (respectivement 3.77cmH20)). La chute de pression aux faibles valeurs de Φ est alors diminuée par rapport à la configuration de référence. Lorsque le débit augmente néanmois, les chutes de pression translaryngées mesurées sont plus grandes en présence de bandes ventriculaires qu’en leur absence, et ce, pour les deux géométries considérées.

Fig. 4.3 – Illustration schématique et photographie de la maquette du larynx utilisée dans Triep & al.

[202], 2005 (de gauche à droite). α = 45; β = 80; γ = 35; (hcv)max= 8mm; hbv/(hcv)max= 2.25; h0 = 60mm; Lventricule/h0= 0.40. D’après Brücker & al.[27], 2004 et Triep & al. [202], 2005.

Brücker & al. [27], 2004 et Triep & al.[202], 2005 ont proposé une analyse détaillée de la dynamique des structures tourbillonnaires instationnaires se développant en aval de la glotte lors d’une phonation à environ 120Hz. Pour ce faire, ils ont élaboré un dispositif in-vitro alimenté par un circuit d’eau sous pres-sion, comprenant une maquette dynamique à l’échelle 3 :1 des cordes vocales, combinée à une maquette de bandes ventriculaires rigide statique. La maquette de cordes vocales est composée de deux cylindres rotatifs (cames) recouverts d’une membrane tendue en silicone, capables de reproduire mécaniquement les profils glottiques dessinés pendant un cycle d’oscillation des cordes vocales. La figure 4.3 illustre la maquette du larynx alignant les maquettes de cordes vocales et de bandes ventriculaires et précise ses dimensions. Une caractérisation de l’écoulement par Vélocimétrie par Image de Particules (PIV, Particle Image Velocimetry) réalisées au moyen d’une caméra ultra-rapide ont permis de quantifier l’évolution spatio-temporelle du jet glottique et d’étudier son interaction avec les bandes ventriculaires. Brücker & al.[27], 2004 et Triep & al.[202], 2005 montrent ainsi que l’effet Coanda peut se produire en conditions instationnaires et suggèrent son importance pour l’oscillation des bandes ventriculaires. En dépit de la sy-métrie du dispositif, le jet émergeant des bandes ventriculaires s’attache aléatoirement à une ou aux deux bandes ventriculaires d’un cycle à l’autre, exhibant ainsi un comportement bistable également observé par Kucinschi & al.[108], 2006 en condition d’écoulement stationnaire. L’analyse comparée d’une mesure

avec et sans bande ventriculaire pour une même phase du cycle glottique montre un léger retard dans la formation du jet induit par la présence des bandes ventriculaires. L’espace minimal entre les bandes ventriculaires constitue la zone de plus grandes fluctuations au centre du jet. L’expansion radiale du jet est davantage prononcée en leur absence.

Fig. 4.4 – Photographie de la maquette du larynx rigide statique 7.5 :1 utilisée par Agarwal [2], 2004, avec les deux valeurs extrêmes choisies pour l’ouverture ventriculaire hbv. hcv = 3.2mm. Les bandes ventriculaires sont éloignées de 6mm des cordes vocales. D’après Agarwal[2], 2004.

Agarwal [2], 2004 a apporté une large contribution à l’étude in-vitro des bandes ventriculaires en phonation. Son travail visait une meilleure compréhension de l’influence de la constriction ventriculaire sur la résistance de l’écoulement translaryngé pendant un cycle glottique, au moyen d’une expérimentation menée sur une maquette statique du larynx à l’échelle 7.5 :1 (cf. figure 4.4) (Shinwari & al. [183], 2003, Scherer & al.[174], 2001). Huit paires de bandes ventriculaires ont été conçues d’après l’exploration in-vivo menée en parallèle (Agarwal & al.[3], 2003, Agarwal[2], 2004). Une illustration des bandes ventriculaires élaborées est donnée figure 4.4.

Agarwal [2], 2004 définit la chute de pression translaryngée comme la différence de pression mesurée entre un capteur situé 8mm en amont des cordes vocales (C1) et un capteur situé 230mm en aval (C3). La chute de pression transglottique correspond à la différence de pression mesurée entre C1et un capteur situé dans le ventricule, 7mm en aval de la maquette de cordes vocales (C2). Pour chaque configura-tion géométrique, la résistance à l’écoulement a été calculée comme le rapport de la chute de pression translaryngée par le débit correspondant. A titre de référence, la résistance à l’écoulement a été initiale-ment évaluée sans bande ventriculaire dans le montage expériinitiale-mental, puis comparée à la mesure avec les bandes ventriculaires. Aucune prise de pression n’a été réalisée sur les bandes ventriculaires. Des capteurs de pression disposés dans le canal glottique ont permis la mesure de profils de pression intra-glottique pour trois configurations laryngées.

Dans un premier temps, à Lventricule fixé (distance cordes vocales / bandes ventriculaires fixée à 6mm), hbv/hcv est paramétriquement varié. 5 géométries glottiques (angles et diamètres variables) ont été considérées pour 5 à 7 valeurs de hbv. Dans un second temps, pour 7 valeurs de hbv/hcv fixées, Lventricule est paramétriquement varié, multiplié par un facteur 0.5, 1 et 2 par rapport à sa valeur attendue en phonation normale. Pour chaque géométrie, les débits d’air à travers la maquette ont été ajustés pour établir 7 chutes de pression constantes, variées entre 1 et 25cmH20.

De ce protocole expérimental, Agarwal & al. [3], 2003 et Agarwal[2], 2004 suggèrent que :

– La résistance de l’écoulement translaryngé est inchangée par la présence des bandes ventriculaires si hbv ≥ 8 · hcv.

– La résistance de l’écoulement translaryngé augmente du fait de la présence des bandes ventriculaires si hbv ≤ hcv.

– Pour des ouvertures ventriculaires intermédiaires, i.e. telles que hcv < hbv < 8 · hcv, la résistance de l’écoulement translaryngé diminue, et ce, jusqu’à 25%. Autrement dit, le débit d’air est accéléré du fait de la présence des bandes ventriculaires. Le taux de diminution dans la résistance translaryngée

dépend fortement du diamètre et de l’angle glottiques, et de la pression sous-glottique dans une moindre mesure.

– Pour les quelques conditions expérimentales testées, Lventriculen’affecte pas la résistance de l’écou-lement de manière significative.

– Les distributions de pression obtenues pour différentes géométries laryngées montrent que la chute de pression translgottique garde sa forme générale. Les pressions négatives intraglottiques diminuent pour hbv/hcv= 1.9.

En résumé, les études mentionnées ci-dessus dans l’exploration in-vitro de l’influence aérodynamique des bandes ventriculaires en phonation ont mesuré un impact significatif de leur présence et leur position sur la résistance de l’air translaryngé. Le débit d’air dans le larynx peut se trouver accéléré, retardé ou inaffecté suivant la configuration géométrique considérée, et spécifiquement suivant le ratio des ouvertures glottique et ventriculaire, hbv/hcv (Agarwal & al.[3], 2003, Agarwal[2], 2004, Kucinschi & al.[108], 2006, Finnegan & Alipour [54], 2009). L’influence de Lventricule reste peu explorée. Un tel phénomène a été mis en évidence sur des plates-formes expérimentales mais aucune description théorique en parallèle n’a permis de comprendre la physique sous-jacente. Ces mesures ont ainsi été menées à titre exploratoire et non dans l’idée d’une validation de modèles physiques. D’autre part, les maquettes du larynx utilisées à ce jour autour de la question des bandes ventriculaires comprennent des maquettes de cordes vocales rigides, statiques (Gauffin & al. [63], 1983, Pelorson & al. [149], 1995, Agarwal & al. [3], 2003, Agarwal

[2], 2004, Kucinschi & al.[108], 2006) ou en oscillations forcées (Shadle & al.[182], 1991, Triep & al.[202], 2005), et la plupart des mesures effectuées ont été analysées d’un point de vue (quasi-)stationnaire.