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3.2 Modèle aérodynamique de l’interaction entre cordes vocales et bandes ventriculaires

3.2.1 Hypothèses

Géométrie du larynx

Une représentation géométrique d’un larynx simplifié et schématique est donnée figure 3.8 dans le système de coordonnées cartésiennes (x,y,z), avec les grandeurs caractéristiques du canal d’écoulement. Dans la suite, si ~X désigne une grandeur vectorielle de l’étude, Xx(resp. Xy, Xz) désigne la composante de ~X projetée sur l’axe x (resp. y, z). Les indices i correspondent aux positions spécifiques le long de l’axe x, comme illustré sur la figure 3.8 et t désigne le temps.

Le larynx est supposé symétrique par rapport aux axes x et z. On note respectivement W (x, t) la dimension du larynx suivant z, h(x, t) la hauteur du canal d’écoulement suivant y et A(x, t) l’aire de sa section dans le plan axial (x = const) au temps t. A la position xi et l’instant t, nous noterons Wi = W (xi, t), hi = h(xi, t), et Ai = A(xi, t). En première approximation, nous considérerons que Ai= Wi× hi.

Fig. 3.8 – Vue géométrique du larynx et grandeurs de l’étude aérodynamique (cv : cordes vocales, bv : bandes ventriculaires).

La hauteur hventriculecorrespond à celle du ventricule. La hauteur hcv(respectivement hbv) correspond à la distance minimale séparant les cordes vocales (respectivement les bandes ventriculaires). Notons à ce

propos qu’en conséquence, hcvet h1sont toujours équivalents dans notre étude, alors que hbvpeut différer de h3 quand l’ouverture des bandes ventriculaires est plus grande que la largeur du canal d’écoulement. h0

3 représente la largeur théorique du jet translaryngé dans une configuration de référence sans bande ventriculaire. Enfin, les distances Wcv = W (x1, t) et Wbv = W (x3, t) désignent les épaisseurs des cordes vocales et des bandes ventriculaires respectivement.

Approximations aérodynamiques

Les équations fondamentales régissant la dynamique d’un écoulement fluide newtonien sont basées sur une équation d’état thermodynamique, une loi de comportement rhéologique et trois principes de conservation appliqués à un volume de contrôle matériel (White[214], 1991, Schlichting & Gersten[176], 1999). Ces principes constitutifs sont détaillés ci-après sous forme locale différentielle :

– la conservation de la masse exprimée par l’équation de continuité : ∂ρ

∂t + ~▽ · (ρ~u) = dms

dt , (3.1)

où ~u = ~u(x, y, z, t) est la vitesse particulaire de l’écoulement (eulérienne d’une particule fluide), ρ la masse volumique du fluide, dms/dt le débit massique de fluide interne par unité de volume dû à une éventuelle source de matière.

– la conservation de la quantité de mouvement qui traduit la seconde loi de Newton (principe fonda-mental de la dynamique) :

∂(ρ~u)

∂t + ~▽ · (ρ~u ⊗ ~u) = − ~▽p + ~▽ · τ + ρ ~f , (3.2) où p = p(x, y, z, t) est la pression de l’écoulement (qui caractérise l’état des forces de contact pour le fluide au repos), τ le tenseur des contraintes visqueuses (nul dans l’approximation de fluide parfait) et ~f désigne la résultante des forces volumiques s’exerçant dans le fluide.

Le taux de variation temporelle de la quantité de mouvement ∂(ρ~u)/∂t est produit par le transport ρ(~u · ~▽)~u et les sources représentées par les termes − ~▽p, △τ et ρ ~f . L’élimination partielle de τ permet de reformuler l’équation 3.2 :

ρ∂~u

∂t + ρ~u · ~▽~u = − ~▽p + ~▽((λ + µ) ~▽ · ~u) + ~▽ · (µ ~▽~u) + ρ ~f , (3.3) où λ et µ sont les coefficients de viscosité de Lamé, dépendant de la température.

– la conservation de l’énergie, non prise en compte dans cette étude.

Le système d’équations aux dérivées partielles non linéaires 3.1, 3.2 est connu sous le nom de Navier-Stokes et sa résolution est généralement fort complexe. Cependant, certaines approximations appuyées par des données in-vivo permettent de simplifier sa résolution et de décrire l’écoulement dans le larynx. Les valeurs typiques des paramètres géométriques et aérodynamiques caractéristiques de l’écoulement dans la réalité physiologique sont reportées dans le tableau 4.2. L’ordre de grandeur de ces quantités per-mettent de définir un ensemble de nombres adimensionnels donnant l’importance relative des différents termes des équations de Navier-Stokes.

Termes sources

Dans notre étude, le volume matériel ne comporte ni sources ni puits. Sa déformation éventuelle par un mouvement de parois, assimilable au mouvement d’un piston qui permettrait de faire varier son volume

intérieur, est négligée car le larynx n’est pas ici considéré comme un tube collabable. Dans ces conditions, le débit massique dms/dt dans l’équation 3.1 est nul.

Par ailleurs, les forces extérieures de volume ~f en présence se limitent aux forces gravitationnelles, de densité massique notée g. Le nombre de Froude F r = u2

1/gL rend compte de l’importance des forces d’inertie par rapport aux forces de gravité. D’après le tableau 4.2, F r = ◦(10). Il est donc raisonnable à l’échelle du larynx de négliger les effets de la pesanteur sur l’écoulement. En conséquence, les équations 3.1 et 3.3 s’écrivent :

∂ρ

∂t + ~▽ · (ρ~u) = 0 (3.4)

ρ∂~u

∂t + ρ~u · ~▽~u = − ~▽p + ~▽((λ + µ) ~▽ · ~u) + ~▽ · (µ ~▽~u) (3.5) Incompressibilité

Un fluide est dit incompressible si son volume et par conséquent la masse volumique ρ de chaque particule reste constante au cours du mouvement : ∂ρ/∂t = 0. Le carré du nombre de Mach, Ma = u1/c, avec c la célérité du son, est un indicateur de la compressibilité d’un écoulement fluide. A l’échelle du larynx, on a typiquement : Ma = ◦(10−1). L’écoulement translaryngé peut être considéré comme localement incompressible car la région étudiée est de faibles dimensions par rapport aux longueurs d’onde acoustiques et la propagation acoustique peut être négligée sur l’étendue de cette région (Vilain [210], 2002). Cette hypothèse se justifie grâce au nombre de Helmholtz, He = dcv/λ, où λ est la longueur d’onde typique des fluctuations acoustiques dans le conduit vocal (environ 3m). He caractérise l’importance des fluctuations acoustiques sur la longueur du conduit vocal et peut être négligé. Si l’on néglige par ailleurs l’effet de la température sur la dynamique de l’écoulement (en particulier sur la viscosité, à savoir µ et λ constants), le système 3.5 devient :

~ ▽ · ~u = 0 (3.6) ∂~u ∂t + ~u · ~▽~u = − 1 ρ▽p + ν △ ~u~ (3.7)

avec ν la viscosité cinématique de l’air. Ecoulement plan et unidimensionnel

Le tableau 1.2 montre que la largeur du canal glottique suivant z est constante et beaucoup plus grande que sa dimension transverse selon y, hcv. On peut alors considérer l’écoulement constant sur la largeur z, à savoir bi-dimensionnel plan : ~u(ux, uy, 0, t). Cette approximation couplée à l’équation de continuité pour un fluide localement incompressible ∂ux/∂x + ∂uy/∂y = 0 donne : | ∂(ux)/∂x |∼| ∂(uy)/∂y |, soit uy/ux∼ hcv/dcv = ◦(10−1). Sous ces hypothèses, l’écoulement peut-être supposé quasi-parallèle, et dé-pendant exclusivement de x : ~u(ux(x, t), 0, 0, t). Dans la suite, Pi= p(xi, 0, 0, t) désigne la pression totale prédite en xi, relativement à la pression athmosphérique ambiante.

Décollement tourbillonnaire

L’importance d’une composante de vitesse transversale uy peut ainsi être négligée dans l’écoulement moyen quasi-parallèle. Néanmoins, son influence n’est plus négligeable au voisinage immédiat des parois, en raison de la viscosité de l’air. Le nombre de Reynolds Re évalue l’influence relative des forces iner-tielles et des forces visqueuses présentes dans le fluide. Défini avec l’ouverture glottique comme grandeur caractéristique, il s’écrit : Re = u1· hcv/ν.

D’après la gamme de nombres de Reynolds rencontrés, l’écoulement dans le larynx est contrôlé par la friction découlant de la viscosité, et peut être considéré comme laminaire (Vilain[210], 2002). Son com-portement aérodynamique est divisé en deux régions distinctes : un écoulement principal (dit extérieur)

où le fluide est supposé unidimensionnel, stationnaire et parfait, à savoir où la dissipation visqueuse et le transfert de chaleur sont négligeables devant les forces convectives ; un écoulement pariétal où le fluide est bidimensionnel stationnaire et visqueux, la couche limite (Cousteix[39], 1988, Schlichting & Gersten

[176], 1999).

Considérons dans un premier temps la région principale. Le système d’équations 3.7 simplifiées dans l’approximation d’un écoulement non dissipatif (Re ≫ 1) conduisent aux équations d’Euler. On indiquera à ce titre les grandeurs aérodynamiques dans cette région par un e. Dans leur formulation stationnaire, elles s’écrivent : ∂uex ∂x = 0 (3.8) dpe dx = − ρuex duex dx (3.9) ∂pe ∂y = 0 (3.10)

Dans la région pariétale visqueuse, la modélisation d’un écoulement en fluide parfait induit un com-portement non réaliste puisque la condition de non-glissement (vitesse nulle à la paroi) n’y serait pas respectée. Les couches limites développent leur propre échelle de longueur, l’épaisseur de couche limite δ1, nettement plus petite que la longueur caractéristique de l’écoulement global, L. Les approximations de couche mince (δ1≪ L) impliquent uy≪ ux, ux

xux

y et ∂p

∂y ≈ 0. Avec l’égalité des termes visqueux et convectifs, elles permettent d’obtenir le système d’équations communément appelées équations de Prandtl (Navier-Stokes Réduit) : ∂ux ∂x + ∂uy ∂y = 0 (3.11) ux ∂ux ∂x + uy ∂ux ∂y = − 1 ρ dpe dx + ν2ux2y (3.12) ∂p ∂y = 0 (3.13)

Si dans la partie convergente d’une constriction, les couches limites restent très minces (de l’ordre de quelques microns) et peuvent être négligées, la courbure de la partie divergente peut imposer un gradient de vitesse ∂uxe

∂x non nul à l’extérieur de la couche limite. En utilisant la condition d’incompressibilité, nous pouvons obtenir la composante de vitesse transversale uy en fonction du gradient de vitesse longitudinal dans la région pariétale :

uy(x, y, z, t) = − Z y 0 ∂ux ∂x dy (3.14) Si ∂ux

∂x est positif (le fluide accélère le long de la paroi), l’équation 3.14 nous indique que la composante transversale de vitesse sera négative. Pour satisfaire la condition d’incompressibilité, le fluide est ramené vers la paroi. L’accélération de l’écoulement hors de la couche limite contribue donc à amincir la couche limite. En revanche, s’il y a décélération de l’écoulement hors de la couche limite, l’équation 3.14 nous montre que uyest positif, le fluide est emporté de la paroi vers l’écoulement extérieur. Cet effet se rajoute à l’épaississement de la couche limite provoqué par la diffusion de la quantité de mouvement due à la viscosité.

La composante de vitesse uy étant très petite, la pression à l’intérieur de la couche limite est très peu différente de la pression externe dont le gradient est exprimé par l’équation 3.7. Ainsi, la décélération de l’écoulement externe conduit à l’existence d’un gradient de pression adverse, qui s’oppose à l’écoulement dans la couche limite. Si ce gradient de pression est suffisamment fort, il peut renverser l’écoulement et provoquer le décollement de la couche limite. L’énergie cinétique du fluide n’est plus suffisante pour vaincre la dissipation visqueuse et surmonter l’accroissement de pression à l’intérieur du fluide. Il y a alors séparation de l’écoulement de la paroi et formation d’un jet libre. Le critère pour la séparation ou le décollement de la couche est donné par :

où τ0(x) = ρν∂ux

∂y|y=0, désigne la contrainte pariétale de cisaillement (cf. figure 3.9).

Fig. 3.9 – Représentation schématique du profil de vitesse d’un écoulement décollé. τ0désigne la contrainte pariétale de cisaillement.

La ligne de courant qui se sépare de la paroi forme une couche de cisaillement entre le jet libre et une zone d’eau morte à la paroi. Le comportement du jet au-delà du point de séparation est extrêmement complexe car l’écoulement devient rapidement instable. L’apparition de la turbulence augmente les phé-nomènes de mélange entre le jet et l’air au repos ce qui se traduit par une forte dissipation de l’énergie cinétique du jet et un minimum de récupération de pression. Le décollement est ainsi généralement lié à un épaississement très important de la couche limite et également à l’apparition d’instabilités. On parle de décollement tourbillonnaire. Un tel phénomène est observé en aval des cordes vocales et des bandes ventriculaires.

Quasi-stationnarité

Le nombre de Strouhal évalue l’influence relative de l’accélération convective avec l’accélération ins-tationnaire du fluide. Il s’écrit : Sr =| ∂~∂tu

~

u· ~▽~u |∼ f0·d

u1 , avec f0 la fréquence d’oscillation des cordes vocales. On trouve typiquement : Sr = ◦(10−2). L’approximation quasi-stationnaire du modèle considère les di-mensions de la glotte faibles par rapport aux longueurs d’onde acoustiques aux fréquences rencontrées en phonation, et la vitesse de l’écoulement prépondérante devant celle du mouvement glottique.

En résumé, la distribution de pression à travers le larynx est considérée dans l’approximation d’un écoulement laminaire, unidimensionnel, incompressible, quasi-stationnaire, se séparant en xs1 et xs3. La description aérodynamique est divisée en trois sous-systèmes couplés :

– la chute de pression à la glotte : △Pcv= P0− Ps1,

– le jet d’air plan confiné dans le ventricule, caractérisé par une dissipation d’énergie cinétique : △Pjet= Ps1− P2,

– la chute de pression aux bandes ventriculaires : △Pbv= P2− Ps3.

La pression Ps3 est négligée, sous l’hypothèse d’une complète dissipation par turbulence en aval des bandes ventriculaires. La chute de pression totale △Ptotrégissant la dynamique de l’écoulement d’air de

x0à xs3 est donc estimée par :

∆Ptot= ∆Pcv+ ∆Pjet+ ∆Pbv = P0 (3.16) L’équation 3.16 illustre que la présence d’une constriction dans le canal d’écoulement peut générer une chute de pression additionnelle, △Pjet+ △Pbv= Ps1. Les différences △Pjetet △Pbv sont communément négligées en cas d’absence de constriction en aval des cordes vocales (Ruty & al.[164], 2007). Cette chute de pression additionnelle peut néanmoins devenir significative, altérer le débit volumique, Φ, et générer un recouvremment de pression au sein du ventricule. Les théories détaillées dans la suite visent à prédire ce recouvrement de pression à partir de P0 et h1, afin d’estimer consécutivement As1, As3, A2, Φ, Ps1, P2, P3 et P

3 (cf. figure 3.8). Elles combinent un modèle de séparation d’écoulement pour les prédictions de As1 et As3, un modèle de développement de jet géométrique pour la prédiction de A2, et un modèle aérodynamique pour les prédictions de Φ, Ps1, P2, P3et P