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Variations du comportement d’exploration en fonction de l’état métabolique, de l’état

Chapitre III : Interactions olfacto-alimentaires et problématique de la thèse

Partie 4 : Discussion

2. Variations du comportement d’exploration en fonction de l’état métabolique, de l’état

Au début de l’introduction de cette thèse, j’ai insisté sur la définition que l’on pouvait donner d’une odeur alimentaire, odeur apprise dans un contexte où elle est associée de façon répétée à une nourriture palatable. Nous avons décidé d’associer une odeur d’arôme d’amande du commerce à une pâte légèrement sucrée dont nous avons donné une quantité minimale (environ 0.5g par souris) par jour afin de ne pas perturber leur balance énergétique. Les résultats obtenus précédemment à l’IMNC par Mounir Bendahmane chez le rat (nourri et à jeun) et nos propres données chez la souris indiquent qu’après plusieurs présentations, les animaux associent clairement l’odeur d’amande avec de la nourriture. Dans nos résultats, nous avons trouvé une nette augmentation de l’exploration de la pâte

odorisée par rapport à une pâte non odorisée chez les souris obèses ob/ob et DIO nourries, indiquant qu’il n’y a pas de phénomène de satiété sensorielle chez ces animaux, qui explorent même après un repas (figures 3.4 et 3.5). Ces temps d’exploration sont également supérieurs à ceux des souris témoins de chaque type de souris obèse. Nos résultats concordent avec ce qui a été décrit dans la littérature, notamment chez les ob/ob, qui trouvent plus rapidement de la nourriture odorisée cachée, nourriture à laquelle elles ont été habituées pendant plusieurs jours, par rapport à des souris témoins utilisées dans les mêmes conditions d’habitation et de test (Getchell et al., 2006b).

Toutefois, à jeun (17 heures), nous avons observé des différences comportementales importantes selon le groupe considéré : si les DIO exploraient l’odeur d’amande significativement plus longtemps à l’état nourri, ce n’était en revanche pas le cas chez les ob/ob qui restaient immobiles dans la cage test. Les témoins augmentaient également leur temps d’exploration de l’odeur d’amande à jeun, sans toutefois atteindre un degré significatif chez les témoins DIO, malgré une forte tendance. Si les résultats obtenus lors de nos expériences dans l’actimètre confirment une mobilité significativement diminuées chez les animaux obèses (DIO et ob/ob), il m’est difficile d’expliquer l’absence de mobilité spécifique des ob/ob à jeun en comportement spontané, à part peut-être en évoquant un manque de motivation encore plus sévère que celle que nous avons constatée clairement dans la tâche de discrimination olfactive si elle était effectuée avec une récompense hydrique seule, sans l’apport d’une récompense palatable sucré (figure 3.28). A jeun, la littérature indique un comportement des rongeurs, même des modèles obèses, anticipant la prise alimentaire et induisant la recherche de nourriture, ce que nous avons observé chez les DIO, mais pas chez les ob/ob. De façon intéressante, chez le rat, un antagoniste de la leptine induit la diminution de l’activité locomotrice volontaire dans une roue d’exercice (Matheny et al., 2009). Ces données indiquent que la leptine peut impacter la mobilité générale des animaux et pourrait expliquer en partie nos observations sur l’activité d’exploration spontanée des ob/ob à jeun.

Il convient de préciser toutefois que lors de notre tâche comportementale opérante Go/NoGo, nous n’avons pas relevé de différence de mobilité particulière entre animaux ob/ob et témoins : d’une part, les expériences ont été réalisées chez des animaux ayant un accès ad libitum à la nourriture mais restreints en eau, et d’autre part, il semblerait qu’une tâche de comportement opérant ne soit pas affectée par ce manque de mobilité. Il semble que les animaux obèses engagés dans une tâche d’apprentissage avec récompense ne soient pas affectés par les problèmes moteurs que nous avons constatés dans leur exploration spontanée. Chez le rat obèse Zucker fa/fa, chez lequel le récepteur ob- R à la leptine est déficient, une tâche aversive d’odeur conditionnée montre que les animaux obèses perçoivent plus aisément les odeurs à la fois par rapport à des animaux témoins et lorsqu’ils sont à jeun, sans qu’un impact sur la mobilité soit signalé (Aimé et al., 2014). De façon intéressante, une autre étude sur le rat obèse Zucker montre que des animaux obèses de 4 mois nourris ad libitum

augmentent significativement leur activité d’échantillonnage et de recherche de nourriture dans une tâche de « nose-poke » (dans laquelle les animaux utilisent des indices olfactifs pour détecter la source odorante) face à des animaux témoins, mais uniquement lorsqu’ils ont été familiarisés avec l’odeur auparavant, dans ce cas du bacon, aliment très énergétique. En revanche, des animaux de 12 mois nourris as lib ou restreints, augmentent leur activité d’échantillonnage pour une odeur neutre ou familière. Il existe par ailleurs chez ces animaux une corrélation entre prise alimentaire, prise de poids, et augmentation de l’activité d’échantillonnage. Il s’agit à ma connaissance de la seule étude montrant une augmentation de l’activité liée à la recherche de nourriture chez des modèles obèses, en réponse à une odeur neutre. Ces données suggèrent par ailleurs que la leptine ait un rôle différent selon l’âge des animaux, ici 4 et 12 mois, mais aussi selon leur régime alimentaire (Thanos et al., 2013). Ces données sont accord avec ce que nous avons observé au cours des tâches d’exploration pour l’odeur d’orange neutre puisque par rapport à des souris témoins, des souris obèses jeunes (DIO et ob/ob) n’explorent pas plus cette odeur, qu’elles ont rencontré plusieurs fois avant le jour test mais sans qu’elle ne soit associée à la nourriture (figures 3.6 et 3.7). On comprend ici toute l’importance de l’apprentissage de l’association entre odeur et nourriture palatable dans la mémorisation et la valence d’une odeur qui devient de fait alimentaire, surtout dans le contexte d’un organisme obèse, dont la balance énergétique est déréglée et pousse l’individu à exprimer un comportement hyperphagique et de fait, rechercher constamment de la nourriture. Dans ce cadre, nous pensons que les données que nous avons obtenues ne sont pas spécifiques de l’arôme d’amande en tant qu’odeur alimentaire : n’importe quelle odeur, pourvue qu’elle ne soit pas aversive naturellement, peut devenir une odeur alimentaire si elle est associée de façon répétée à une nourriture palatable, et avoir une valence très forte pour les souris ob/ob.